(no) King of Mine

Bon, donc en gros, c’était là que les choses sérieuses allaient commencer. Enfin, plus ou moins. Il n’était pas encore question de partir en mission. Mais j’avais passé le test, vu que je crois que c’en était un, et j’étais donc maintenant membre de leur organisation là, l’Ultime quelque chose. Note à moi-même, noter le nom quelque part.
Et en vrai, je n’étais pas encore certaine de tout ce que cela impliquait. A me penser seule, j’avais au final beaucoup trop déconnecté de mon véritable monde. Qu’est-ce qui se passait vraiment ? Comment les choses ont évoluées ? Y a d’autres Quincy ? D’autres de mon époque ?
Vraiment, il allait falloir me remettre à la page…

La jeune femme avançait dans les couloirs de l’Arcānum, une carte dessinée à la main. Un simple coup d’oeil permettait de voir qu’elle n’était pas à l’aise. Comme une jeune enfant un premier jour d’école. Il fallait dire que c’était plus ou moins le cas.
Elle venait à peine d’être véritablement acceptée au sein de l’Ultima Necat, de recevoir son rang. On lui avait alors indiqué d’aller se présenter à son supérieur, Orias, le King of Coins. Le titre l’avait forcément faite un peu tiquer. Elle s’était cependant gardé tout commentaire sur le coup. Elle avait juste demandé où le trouver.
D’où le plan. Son interlocuteur avait d’abord tenté de lui expliquer. Devant l’air visiblement perdue qu’elle avait affiché, il s’était alors contenté de griffonner sur une feuille de papier.

Et, au prix de quelque de détours, la voilà devant la porte tant recherchée.
Pas tant la porte elle-même que ce qu’il se trouvait derrière. Ou devait se trouver. Un doute commença à l’habiter. Elle revérifia son plan. Les couleurs à côté. Et toujours l’absence de certitude. La première impression était souvent la plus importante. Et il était hors de question quelqu’un comme elle ne se loupe à ce sujet.
Ce fut à ce moment là qu’elle se rendit compte qu’être restée aussi longtemps éloignée de sa véritable nature la stressait un peu. Nul doute que cela reviendrait vite. En attendant, sa confiance habituelle n’était pas réellement présente. Prenant le temps de souffler, elle demanda ensuite confirmation à quelqu’un traversant le couloir où elle se trouvait, puis revint se placer devant la porte.
Puis, sans même prendre le temps de frapper, sans même prendre le temps de s’assurer que quelqu’un soit présent, elle ouvrit la porte de ce qui devait normalement être le bureau recherché.

>> Mikami Rinwa, Seven of Coins, nouvelle recrue sous vos ordres !

Ouais, bon… Premier loupé, je sais. Bien sûr qu’ils savent mon vrai nom, et on m’a bien dit que ce serait lui qui serait utilisé. Mais ça fait plusieurs années que je ne l’ai pas utilisé. Normal de se tromper non ?

- Alexa ? Je l’ai rangé où le dossier de… heu… Lizbeth ?
- Je ne connais pas de Lizbeth.
- Mais si, allez, l’autre là, la nouvelle !

Silence. Alexa n’était pas programmée pour faire autre chose qu’entamer des actions concrètes à des demandes claires. S’il demandait qu’elle lui fasse apporter un verre, tout la mécanique et la robotique se mettrait en place pour… demander à un Agent disponible de lui apporter de l’eau ? Bon, en vrai il en sait rien. Juste que quand il demande, Alexa fait. Et que pour quelqu’un qui n’a strictement aucune idée de comment on utilise un ordinateur ou de ce qu’il faut faire concrètement devant un écran, c’était quand même vachement pratique. Enfin, ça l’était moins lorsque l’on oubliait le nom de la personne dont il se devait de parcourir le dossier. Il l’avait eu entre les mains pourtant, il en était persuadé, mais alors qu’Alexa, justement elle, lui avait rappelé son rendez-vous… impossible de remettre la main dessus !

C’est qu’il était un peu dissipé dernièrement. Enfin, plus que d’habitude. Avec Recca, ils avaient emménagé ensemble, sur un bateau. Recca appelait ça un « Yôte ». C’est vrai qu’appeler ça un bateau ou un navire, ç’aurait été trop compliqué, autant inventer de nouveaux mots simples autant à prononcer qu’à écrire, ça fonctionnerait très bien. Orias se creuse alors la tête. Ses yeux se perdent un instant sur l’un des grands écrans placés aux murs, incrustés de manière à ce que l’on pense à des fenêtres. Ils diffusaient des images en temps réel enregistrées en surface, comme s’il y était, que cette pièce se trouvait à quelques dizaines de mètres au-dessus du sol plutôt que dessous. Le plus prodigieux écran prenait presque tout le plafond, carte du ciel fidèle et haute-définition afin qu’il puisse y voir ses précieuses étoiles. Enfin, ça c’est surtout pour placer le décor du coup.

Son regard vague ne le reste pas, et soudainement il a une illumination. Son corps se redresse, porté par l’allégresse d’une mémoire remplissant à nouveau parfaitement son travail. Se rappeler d’un nom oublié, cela faisait tout de même partie des meilleures sensations qui existaient.

- Alexa ! Ca y est, j’ai compris d’où vient le problème ! Elle s’appelle pas comme ça ! Indique-moi où se trouve le dossier de Sibylle s’il-te-plaît !
- Je ne connais pas de Sibylle !
- Raaaaah !!

Rah, comme rageur. Si près du but. Sa mine est déconfite alors qu’il laisse s’abattre de dépit ses deux poings sur le bureau. Moment parfait pour qu’une porte s’ouvre. Et lui de se reprendre, comédien, se parant de son plus beau sourire.

- Salut et félicité, chère Minois ! Hum, attendez, non, c’était pas ça non plus pourtant. Voyez-vous, mon système connaît, comment dire, une petite avarie… et m’indiquait que vous vous appeliez Sybille Lizbeth. Bon, on est d’accord, c’est ridicule, c’est pas ça du tout – enfin, c’est pas trop éloigné non plus, hein ? – mais par contre là ça n’a plus rien à voir du coup. Est-ce qu’il se plante vraiment à ce point-là ?

La variante du « je demande pour un copain ». Fallait bien la tenter !

Sybille Lizbeth ? D’où ça sort ça ? Ils avaient mal noté mon nom ? Où peut-être qu’il s’attendait à voir quelqu’un d’autre. Lui-même n’avait pas l’air sûr.
Ouais, à y réfléchir, l’erreur venait forcément de lui ! Avant même que je décide de les rejoindre, ils connaissaient mon vrai nom ! Ou alors il avait du mal à lire. C’était une autre possibilité. Me semblant pour le coup assez probable. Mince… Sur qui j’étais encore tombée moi ?

La jeune Quincy millénaire toussa afin de se racler la gorge, s’avançant alors de quelques pas. Après une telle entrée, elle tenta de reprendre un peu de sérieux, se tenant bien droite. Le contraire de ce que l’attitude de l’homme face à elle laissait présager, et peut-être était-ce pour cette raison qu’elle adopta une telle approche.
Peut-être aurait-il une meilleure appréciation de sa personne si elle démontrait tout le sérieux dont-elle capable ? A condition que cela ne tienne. Ce qui n’était pas choses gagnée d’avance.

>> Alors, comment dire… C’est compliqué, mais pas tant que ça. Je m’appelle Sibylea Liesith – pas Sybille machin – mais aussi Mikami Rinwa.

Voilà, il lui suffisait de prendre la parole pour mettre fin à ce sérieux. Même sa posture fut d’un coup plus décontractée.
Elle attrapa alors l’une de ses mèches, l’enroulant autour de son doigt. Et son visage, radieux à son arrivée avant de prendre un air caricaturalement sérieux, afficha alors une expression plus embêtée, comme si elle avait fait quelque chose de mal et venait d’être prise sur le fait.

>> Mon vrai nom c’est Sibylea. Et c’est ainsi que je voulais me présenter à vous. Mais quand je me suis réveillée, seule et sans mes camarades, je me suis retrouvée à utiliser le nom de Rinwa pour me cacher. Donc, comme je l’ai utilisé pendant six ans, baaaah… Disons que c’est dur de reprendre l’habitude…

Une certaine peine dans sa voix, bien réelle. Quand le réflexe nous fait utiliser un autre nom que celui dont on est si fière dans un contexte où il est possible de l’employer, il y a de quoi ne pas apprécier. Elle se devait de travailler ce point, elle en était bien consciente. Elle le souhaitait.
Ce point passé, elle se racla de nouveau la gorge, plus afin de reprendre contenance qu’autre chose. Comme un rappel de son passé, elle se tint de nouveau droite, ses pieds se resserrant en un bruit sec. Une posture presque militaire, contrastant avec le franc sourire presque enfantin qu’elle affichait désormais.

>> Reprenons ! Sibylea Liesith, G – The Gift ! Je vous ai rejoins afin de retrouver mes frères et sœurs et les guider ! J’ai été affectée au rang de Seven of Coins !

Bon, là je crois que j’avais tout bon. Peut-être même était-ce un poil trop complet. Vaut mieux trop que pas assez non ? On va dire que oui.