can't run away (yuta)

2019.

Tu t’étais dit qu’une fois sortie de chez toi, qu’une fois à l’Académie, tu pourrais finalement avoir droit à une vie sociale un peu plus épanouie que ce que tu as connu jusqu’ici. Or, au travers l’urgence qui a suivi les drames survenus quelques mois plus tôt, l’ambiance n’est peut-être pas celle que tu avais espéré, à l'Académie. Au Seireitei, même, plus largement. Chez toi, aussi. Les mois sont passés, la vie a repris son cours, mais il y a encore cette atmosphère lourde, de morts. De tous ceux qui sont morts. Ceux qui portaient ton nom. Certains espoirs de ta famille. Ton grand-frère.

Eux.
Mais pas toi.

Trop jeune pour être victime de ce qui a secoué le Seireitei. Le monde. Trop vieille pour ne pas avoir à supporter les conséquences de tout ça. Trop irresponsable pour vraiment t’y attarder… Après tout, la seule chose te préoccupant à l’heure actuelle, c’est cette solitude évidente, écrasante, qui accompagne le désert qu’est ta vie sociale.

Un soupir tandis que tu rentres dans la salle, ce grand dojo au sein duquel vous alliez vous entraîner, parmi tous ces visages que tu peux reconnaître sans pour autant vraiment les connaître.

Ais des bonnes fréquentations. C’est ce que te répétais toujours ta mère, forcée alors de côtoyer de ces nobles qui n’avaient rien de très intéressants. Fais attention à ceux dans tes classes. À ces mauvaises influences. À ces Shinigamis plus… Problématiques. Ceux qui peuvent perturber les rangs serrés de votre société déjà ébranlée. Pour te protéger, qu’elle insiste, toi incapable de prendre des décisions pour toi-même. Trop jeune. Trop naïve. Trop facilement influençable, qu’elle ne dit pas mais pense très fort.

Déjà que tu n’es pas exactement celle qu’ils auraient voulu que tu sois.
Qu’est-ce qu’ils diraient, si tu fréquentes les mauvaises personnes ?

Tu n’aimes pas ce cours. Tu n’aimes aucun des cours de combats, pour être exacte. Tu es une piètre escrimeuse et tes compétences en combat au corps à corps ne sont pas plus développées. Une silhouette fine, presque fragile, qui porte sur ses épaules le lourd poids de fiers et forts combattants.

Tu ne peux pas t’empêcher de dire qu’il y a eu erreur. Que tu ne le sais pas, mais que t’es adoptée. C’est la seule chose qui te semble logique. Qui fait sens.

Attentive, comme tu l’es toujours, élève parfaite lorsque ça concerne la théorie, vous en arrivez cependant trop rapidement à ton goût à la partie pratique. Des binômes sont formés de façon assez aléatoire, sans se soucier des forces de tous et chacun, avec comme argument que vous n’allez pas toujours vous mesurer à exactement aussi fort que vous. Que c’est même fortement improbable.

C’est donc face à un jeune homme à la chevelure rougeoyante que tu te retrouves. Yuta. Tu connais son nom, même sans jamais lui avoir vraiment parlé. T’as une bonne mémoire pour ce genre de trucs. - Ça te va si on commence doucement ? D’une petite voix incertaine, tandis que tu te tiens devant lui.

Grande, certes, mais pas très large. Pas très imposante. Tes courbes noyées sous un kimono ample. Ta longue chevelure pâle attachée en queue de cheval derrière ta tête.

Avec cette expression, sur ton visage.
Celle qui dit que tu voudrais être n’importe où, plutôt qu’ici.

À vrai dire, tu n’aimes pas trop le combat, et ce, sous toutes ses formes. Après quant à savoir si c’est que t’es de nature pacifique ou si c’est parce ton égo est un peu froissé compte tenu de ton absence de talent… Ça c’est une toute autre histoire. Mais il est facile de déterminer ce qu’il en retourne réellement. Il n’y a qu’a voir tes cours concernant l’apprentissage du Kidō. Un talent naturel, évident, pour ces sorts pouvant s’avérer destructeurs.

Tu n’es juste pas très douée de tes poings.
Ni même avec arme en main.

Et tu n’aimes pas admettre ne pas être douée à quelque chose. Parce que ça veut dire ne pas réussir. Ça veut dire que tu n’es pas assez bien. Que tu ne seras peut-être pas en état de suivre les traces de tes prédécesseurs. Pas que tu as envie de lui suivre, ces traces.

Mais c’est ce qui est attendu de toi.

Tu l’observes, celui qui te fait face. Plus large d’épaules que toi, sans grande surprise. Plus grand, aussi. Décontracté. Mains dans les poches. Tu lui demandes d’aller doucement. À entendre que tu ne veux pas être ici mais que, quitte à y être forcée, tu n’as pas vraiment envie d’avoir mal. Il accepte et tu étires donc un petit sourire se voulant assez sincère. - Merci.

Puis le professeur termine de donner ses instructions et tu te mets en position. Et il ne fait aucun doute que tu n’es pas très crédible, même avec ta garde levée. Tu prends alors quelques instants pour considérer tes options, t’attarder sur l’homme se trouvant devant toi, puis tu passes à l’assaut. Et les coups sont pathétiques. Prévisibles. Lents. Faibles. Et t’essais, hein. T’essais. Parce que l’erreur n’est pas acceptable et que ce n’est pas parce que tu n’aimes pas la matière que tu ne peux pas être cette parfaite petite élève attentive visant l’excellence.

Mais bon, l’excellence t’en es loin.

T’en es loin, avec cette façon dont ton corps bouge de façon trop rigide. Trop mécanique. Aucune fluidité dans tes gestes. Tu es trop réfléchie. Trop théorique. Il n’y a aucune expérience, dans les coups que tu portes. Qu’un vague apprentissage auprès de ceux morts trop tôt.

Tu peux peut-être te targuer d’avoir tout étudié.
Mais la réalité c’est que tu n’y connais rien.

Évidemment que tu ne le touches pas. Parce que tu es lente, maladroite, trop rigide et qu’il lui suffit de lire un peu dans tes gestes pour esquiver sans trop de difficulté. Et là où toi tu y mets quand même un peu du tien, et ce, quand bien même ça n’est pas trop apparent, lui se tient encore là, avec cette nonchalance qui ne t’a pas échappé, ses mains enfoncées dans ses poches, à attendre que tu fasses plus que de lui faire perdre son temps.

Il y met toutefois rapidement fin, à ce semblant de combat, avec sa main qu’il étire devant lui pour poser sur ton front. Tu essaies tout de même de continuer ta route vers l’avant, bras levé pour dégager le sien, mais pas besoin qu’il retire sa main et que toi, tu manques de tomber vers l’avant. Bras sur le côté, tu les agites le temps de retrouver ton équilibre avant de porter sur lui un regard presque insulté, n’ayant pas spécialement apprécié la facilité avec laquelle il a failli t’envoyer au sol ainsi que la pique qui a suivi.

- Tu crois que c’est pour quoi que je suis à l’Académie ? Pour apprendre, donc. Car ils ont tenté, les autres, tes aînés, de t’apprendre. De t’entraîner. Mais ils n’ont pas pu le faire bien longtemps. Pas assez longtemps pour que tu puisses vraiment apprendre. Ils sont disparus, morts, comme beaucoup d’autres Shinigamis, te laissant alors seule avec le poids de ta famille sur tes frêles épaules.

Un poids que tu ne veux pas porter.
Des responsabilités imposés d’une vie n’étant pas la tienne.

Tu lui adresses cependant un regard surpris lorsqu’il s’adresse à toi par ton nom. Et t’es encore plus surprise lorsqu’il te parle des Kidō, laissant presque entendre qu’il t’a accordé au moins assez d’attention pour avoir remarqué, et retenu, ce genre de détails. - Ou-oui. Un peu prise de court. - C’est exactement ça. Au plus grand dam des fiers combattants de ta famille. - Ce qui, de mémoire, n’est pas exactement ton cas. Étudiant turbulent. Problématique. Fort, certes, puissant, mais pas exactement un bon élève.

Comme quoi toi aussi tu as porté attention.

Tu ne réponds rien, si ce n’est que ce rouge un peu honteux qui vient colorer tes joues. Tu as eu des cours privés, tentative de ta famille de te former à l’art du combat. Tu as appris à manipuler le sabre tout comme ils ont tenté de t’apprendre à te battre sans, au cas où. Le problème ? L’apprentissage était difficile et, au final, ils sont tous morts avant d’avoir pu parfaire ton enseignement, te laissant donc seule avec un poids que tu n’étais absolument pas prête à porter.

Alors tu ne lui dis rien.
Tout pour ne pas faire face à ta propre incompétence.

C’est plus facile de parler de Kidō, une fois la surprise passée. Plus facile de sourire et de lui rappeler ce qui lui fait défaut à lui, plutôt que de t’intéresser à tes faiblesses. Parce que c’est difficile, que d’admettre ne pas être douée. Ne pas être assez bien. Parce que tu dois être parfaite. Tu n’as pas le droit à l’erreur.

- On a toujours besoin de Kidō et c’est une erreur de le sous-estimer ! On pourrait presque te croire passionnée. La vérité ? C’est juste que t’y excelles. Alors tu t’y raccroches. Y donnes tout.

C’est une excuse.
Juste pour justifier tes propres faiblesses.

Tu as au moins la présence d’esprit de reculer. Un peu. Pas assez, pouvant sentir son doigt toucher ton front alors que, si tu as eu le réflexe de te pencher vers l’arrière, son geste fut largement plus rapide que le tien. - Aïe. Tu fronces des sourcils, un peu agacée, un peu embêtée aussi. - C’était traître, ça. Me faire parler puis attaquer quand je suis plus concentrée.

Encore une excuse. Un peu de mauvaise foi. Tu l’accuses par égo, main levée se posant sur ton propre front endolori. - Puis c’est même pas si important que ça. Que tu marmonnes. - Le Kidō permet aussi de se protéger…

Aurais-tu seulement été assez rapide ?
Heureusement que ce n’est pas la question.

Bien sûr. Une moue, sur tes traits, les joues légèrement gonflées. Embêtée, pour ne pas dire vexée, tandis qu’il y a encore ce rouge gêné, un peu honteux, pour venir enflammer ton visage. Car tu sais qu’il a raison : en situation réelle, ils ne joueront pas selon les règles. Parce que des règles, il n’y en a pas. Pas de rythme à suivre. Pas de coups portés plus légèrement, plus lentement. Pas d’entraînement.

Qu’un danger omniprésent.
Un danger qui pourrait frapper dans ton dos.

Alors tu soupires avant de secouer légèrement la tête, détournant le regard sur le côté dans une tentative de cacher ta haine ainsi que ton égo un peu piqué. - C’était pas un vrai combat. Tu n’étais pas prête. Comme si une excuse suffirait. Comme si c’était suffisant pour justifier ton manque de vigilance.

Comme si, préparée, le résultat n’aurait pas été le même.

Tu défends ensuite le Kidō. Façon comme une autre de te défendre toi-même. De défendre tes propres compétences, en sachant que sans ça, tu n’as pas grand chose de plus. De défendre tes convictions aussi. Parce qu’ils les ont longtemps critiquées. Qu’ils critiquent encore aujourd’hui. Parce qu’ils ne comprennent pas la voie que tu as choisie et ne veulent même pas la comprendre. Tu as tort. Aussi simple que ça. Sans effort de leur côté pour ouvrir un peu plus leur horizon. Tu leur fais honte. Des mots durs. Qui pèsent lourds, dans ton esprit.

Il te propose un affrontement. Ton Kidō contre ses poings. Et si tu as envie de lui dire que tu ne sais pas encore faire tout ça, que tu as encore beaucoup à apprendre…

Ton orgueil, lui, te dit de te taire.

- D’accord. Tentant d’afficher un sourire un peu plus confiant. - Va pour après les cours. Alors que tu sais que tu n’es pas à la hauteur. Que tu ne maîtrises pas encore beaucoup de sorts. Sans doute pas les bons. Que tu n’as aucune façon de lui tenir tête.

- Mais pas trop tard, je suis pas supposée pouvoir rester après les cours.
Les joies d’une vie trop contrôlée.

Il y a de la moquerie, dans sa voix. Comment le lui reprocher ? Toi-même tu t’en moquerais sûrement, de toutes ces règles, si ce n’était pas qu’elles t’étouffent au quotidien, que t’en es prisonnière, de ce grand château. Et tu n’as d’autres choix que d’y obéir, à ces règles. Ou, tout du moins, tu considères ne pas en avoir le choix, si tu veux calmer les critiques et commentaires à ton égard. Calmer ce que tu peux.

Finissant les cours, tu te diriges vers la sortie, en te demandant si c’est là que tu dois l’attendre. La question ne se pose toutefois pas bien longtemps, lui-même déjà appuyé contre un mur, sans doute à attendre que tu sortes à ton tour de l’Académie. Tu suis son signe de tête et lui emboîte le pas, esquissant un léger sourire à son commentaire. - L’idée c’est que je sois encore en état de rentrer, tu sais. Et tu dis ça sans être totalement sérieuse. Juste un peu. Assez pour démontrer ta nervosité, face à celui dont les capacités physiques sont largement supérieures aux siennes.

Assez pour laisser entendre un léger doute.
Ton Kidō serait-il assez fort ?

- Un peu. Continuant de le suivre sans pour autant oser le regarder. - C’est compliqué. La noblesse, ça l’est toujours. - Et c’est pire depuis que… Depuis que beaucoup d’autres portant le nom Ōshiro sont morts. Depuis qu’ils ont connu le même sort que beaucoup d’autres shinigamis.

Depuis que le poids de ta famille repose sur tes frêles épaules.
Le poids des attentes.

Tu secoues doucement de la tête, pas intéressée de t’attarder sur ce sujet, ayant plus intéressant à faire de toute façon. Comme de te retrouver dans ce grand terrain dégagé, restant sur ta position tandis que lui prend ses distances. Tu lui fais face, l’écoutes pendant qu’il parle, semblant réfléchir un peu. - Hm… Déjà, juste pour qu’on soit d’accord, pas de trop grosses blessures ? Tu n’as pas envie d’avoir à expliquer à ta mère pourquoi est-ce que tu es dans un sale état, surtout si tu as du retard sur ton retour. - Et ensuite, pour la victoire… Si l’un reste au sol pour plus de dix secondes, il perd ? Ça te semble être une option pas trop mal, surtout que tu te dis qu’il n’y a pas que par la force brute qu’il est possible d’immobiliser quelqu’un au sol.

Une fois les règles acceptées, tu te mets donc en position, observant rapidement les alentours, sans rien trouver de quoi potentiellement te cacher. Tant pis. C’est donc en commençant par camoufler ton énergie spirituelle, puis en levant ce qui ressemble à un voile autour de toi pour que ta silhouette soit plus difficile à repérer que tu lances les hostilités. Tu ne frappes peut-être pas fort et tu manques peut-être cruellement de vitesse de réaction, cependant…

Tu sais te défendre. Et attaquer discrètement.
- Hadō #4. Byakurai. À peine murmuré.

Il y a quelque chose d’agaçant, chez lui. Cette désinvolture. Cette insouciance. Et c’est peut-être aussi ce que tu trouves charmant, chez lui. Cette inconsidération pour les conséquences. Cette façon qu’il a de s’exprimer, de laisser sous-entendre qu’il pourrait tout faire ce dont il a envie.

Pas que tu le trouves charmant.
Ça n’a rien de charmant, ce petit sourire défiant.

Passant rapidement outre le sujet des règles auxquelles tu es soumise de par ton sang et ce nom qui pèse de plus en plus lourd sur tes épaules, qui écrase ta poitrine et t’empêche de respirer, tu abordes celles de votre affrontement à venir. Sa force physique contre ton Kidō. C’est ce qu’il a suggéré et tu n’as pas refusé, quand bien même est-ce que ça aurait été la chose intelligente à faire. Quelque chose à lui prouver ? Peut-être bien. Mais à te prouver, surtout. L’envie de peut-être l’emporter. D’y voir la force, dans ton art. D’avoir des arguments pour convaincre ceux qui n’y croient pas.

Qui ne croient pas en toi.

Le premier rayon d’énergie file vers sa cible avant qu’il ne l’esquive avec aisance. Les sourcils légèrement froncés, tu le vois qui fond vers toi, plus rapidement encore que ce que tu aurais cru. Tes lèvres s’entrouvrent, un début de mot s’en échappe, mais pas le temps de finir ton incantation qu’il est sur toi. Tu te prépares alors au pire, au coup qui t’enverrait valser au sol, et pourtant… Et pourtant c’est un rire que tu fais entendre. Une exclamation de surprise. - Att-... Le mot se bloque dans ta gorge tandis qu’il poursuit l’assaut, ses mains remontant vers tes côtes.

Tu te débats, tentes de reculer. - Arrêtes ça ! Entre deux éclats de rire, le rouge revenant décorer tes joues. Parce qu’il est proche. Trop proche. Avec ses mains sur toi. Et s’il ne s’agit que d’une façon de te mettre hors combat, trop hilare pour pouvoir incanter… Il a tout de même ses mains sur toi. Et toi ? Tu es terriblement timide. Sans doute même un peu trop. Alors tu tentes encore de t’en soustraire, de reculer…

- Bakudō #1. Sai. Tu parviens à finir l’incantation, main levée vers lui, forçant ses bras à se rejoindre dans son dos pour qu’ils y soient immobilisés. - C’est pas du jeu ! Encore une fois. - Tu triches ! Comme plus tôt, tandis que tu calmes ton rire et essuies tes larmes ayant perlés aux coins de tes yeux.

- Tch. Tu vas voir. Et dans un geste parfaitement mature, tu appuies sur ses épaules pour le repousser en arrière, espérant que l’immobilité de ses bras suffisent à ce qu’il ne puisse pas tenter de conserver son équilibre.

N’est-ce pas le jeu auquel il a décidé de jouer ?

Tu finis l’incantation que ses bras sont coincés dans son dos, te permettant de reculer d’un pas ou deux. Et de t’insurger, aussi, face à la stratégie qu’il a adopté. Il triche, tout simplement, c’est ce que tu lui dis tandis qu’il se moque du sort utilisé, n’ayant aucun mal à se défaire de ton emprise. Tch. C’est agaçant.

C’est agaçant parce qu’il a raison.
Et aussi parce que tu ne maîtrises pas vraiment plus.

- Kidō de maternelle alors que tu sais même pas faire… Le tout marmonné tout bas, un peu piquée dans ton égo, avant que rapidement, trop rapidement, il se retrouve de nouveau à ta hauteur. - Non merci. À sa question à laquelle il ne s’attendait sans doute pas à une réponse de ta part. Ou, plutôt, à laquelle il connaissait déjà ta réponse. Tu préfères qu’il évite d’abîmer ton visage. Qu’il évite d’abîmer quoi que ce soit, même, maintenant que tu y penses. Ce n’est pas parce que tu sais tolérer la douleur que tu l’apprécies. Moins tu as mal et mieux tu te portes, généralement.

Sans que tu n’ais trop le temps de comprendre ce qu’il se passe, tu te retrouves sur le sol, les poignets écrasés de chaque côté de ta tête, lui te surplombant et t’empêchant ainsi de te relever de son corps. Et il y a donc ce rouge qui s’intensifie, sur tes joues. Ton visage qui s’enflamme peu à peu de cette proximité qui te gêne. - Bakudō… Il a peut-être coincé tes mains mais, cette fois-ci, tu peux encore incanter avec facilité. - #45. Hakufuku. Avant que les secondes ne soient écoulées.

Dès lors que le dernier mot s’échappe de tes lèvres, il va voir apparaître des pétales sombres qui vont tomber tout autour de vous deux. Qui vont l’intéresser. L’obséder peut-être. Lui faire perdre de vue son objectif. Peut-être même que sa vision va se brouiller. Du moins, voilà l’idée. Qu’il se perde dans cette vision tandis que tu le repousses, que tu tentes de le dégager de sur toi pour ainsi te lever à ton tour.

Et qui sait, peut-être qu’il mettra plus de dix secondes à se sortir de l’illusion.

C’est si évident que ça ? Sans doute, oui. Parce que tu es gênée, un peu mal à l’aise, aussi, de cette proximité avec lui. Lui qui te surplombe, t’écrase de son poids, ses mains dans les tiennes qui te maintiennent au sol. Tu ne peux faire autre chose que rougir, face à tant d’audace de celui que tu ne connais pas vraiment, que quelques paroles (moqueries) échangées qui, si elles devraient t’agacer… Te plaisent aussi ? Tu n’as pas l’habitude de tant de désinvolture. De tant de familiarité. Et ça te plaît.

Tu essaies donc de te défaire de son emprise et, malheureusement, tu ne pourras pas le faire par la force. Tu articules alors quelques mots, une incantation qui permet à de belles pétales de cerisier de tomber tout autour de vous. Tu le vois, qui est captivé par le spectacle, par l’illusion, sa prise se faisant moins ferme et tu te dis que c’est ton moment. Que tu dois en profiter pour le repousser et ainsi te relever.

Alors tu te débats un peu.
Tentes de le repousser sur le côté.

Et ça suffit à lui rappeler ce qu’il se passe, pour qu’il serre un peu plus tes mains, les ramenant contre le sol tandis que tu peux voir son énergie balayer l’illusion. Tch. Il ne maîtrise peut-être pas les kidos, mais il sait s’en défaire. Ou alors était-ce toi qui as manqué de conviction ? Ton sort un peu trop faible ? Ça n’est pas à exclure, après tout, tu ne le maîtrises pas encore très bien, celui-là. - Qu-quoi ?! À l’entente de ses mots, une exclamation paniquée tandis qu’il se rapproche de toi. Que son visage se rapproche du tien. Et pourtant, malgré le rouge sur tes joues, malgré la panique dans ta voix, tu ne bouges pas. Ne cherches même pas à te défiler.

Peut-être parce que tu n’es pas vraiment contre ?
Qu’il te plaît ?

Des questions qui n’ont jamais vraiment effleuré ton esprit avant aujourd’hui. Ce n’est pas comme si tu t’y étais intéressée, aux autres. Aux garçons, plus spécifiquement. Tu n’en as jamais vraiment eu l’occasion, et on ne t’a jamais vraiment donné le droit de le faire. Mais lui ? Tu ne saurais pas dire. Il a ce petit quelque chose. Un charme naturel ? Sans doute. Tu as envie d’en savoir plus. D’en apprendre plus. De lui parler. Qu’il se rapproche un peu plus ?

Ce n’est pas ce qu’il fait. Tandis que tu t’es perdue dans tes pensées quelques secondes de trop, lui a continué de compter et c’est alors que tu peux sentir son souffle sur ta peau qu’il annonce sa victoire. Et tu en serais presque déçue. Tu aurais dû suggérer quinze secondes. Ou vingt. Ou…

- Tch. Claquement de langue agacé, tant vis-à-vis de sa victoire que vis-à-vis de toi et ton propre comportement. De tout ce qui s’est emmêlé dans ta tête, les quelques secondes où il a été si proche. Trop proche. Il se relève et tu attrapes sa main tendue, le regard un peu fuyant et le visage toujours aussi coloré. - Félicitations… Que tu marmonnes, secouant finalement la tête avant de ramener tes prunelles azurées vers lui. - On se refera ça. Le combat. Pas la prise au sol. Quoique… - Quand je me serai un peu plus entraînée. Tu dis ça avec un peu plus de conviction. - Je suis convaincue que le Kidō peut égaliser ta force. Le Kidō, peut-être.

Toi ?
Rien n’est moins sûr.

Tu as envie de l’accuser. De lui dire que c’est de sa faute. Que s’il avait pas été si près, s’il n’avait pas fait exprès, tu n’aurais pas été aussi déconcentrée. Mais pour ça, ce serait d’admettre qu’il t’a mise dans tous tes états, et ce, avec seulement son visage si proche du tien. Et ça… Ça, tu n’as pas envie de le dire. Ni même de te l’admettre à toi-même. Alors tu ne peux qu’hocher timidement de la tête.

Tu as compris la leçon.

- C’est jouer sur les mots. Vitesse, force, dans tous les cas tu parlais de ses capacités physiques qui surpassent de loin les tiennes. Et qui surpassent aussi toutes tes autres capacités, comme l’a démontré ce petit affrontement. Personne n’a été blessé, heureusement, sauf peut-être ton égo, et c’est suffisant pour que tu te dises que la route est encore longue avant de pouvoir atteindre le niveau que tu aimerais bien avoir. Celui qui te permettrait d’avoir le respect de ta famille, et ce, même sans suivre cette route qu’ils avaient tout tracée pour toi. De pouvoir être toi-même et tout de même les rendre fiers.

- Oh ! C’est le Bakudō quarante-cinq quand même ! La mine un peu vexée, même si au final tu as compris ce qu’il veut te dire. Vous aviez des styles complètement différents et il ne te servait à rien d’adopter le sien, ni lui de prendre du tien. Il suffisait de voir ce qui vous correspondait à tous les deux et de miser sur ça. Les Kidō, donc, dans ton cas.

À nouveau, tu rougis, à ce surnom qui se veut très certainement moqueur. Princesse. - À la prochaine. Un vague signe de la main, avant d’à ton tour quitter ce terrain qui vous a brièvement servi de terrain d’entraînement. Il faut que tu fasses vite, désormais, pour rentrer.

En espérant que nul n’ait remarqué ton absence prolongée.