Balade au clair de lune

Après l'incartade de la Cinquième Division, le Sanbantai Fukutaicho avait remis son médaillon à son bras et se baladait dans les rues en regardant autour de lui. Tout était si calme. Il était maintenant proche de la Huitième Division. Une escouade de nuit passa et le salua. Il fit de même et continuait ensuite son chemin. Tout était normal et il baillait. Peu à peu, il avait vu les quartiers renaître de leurs cendres, des nouveaux bâtiments avaient pris place sans qu'on s'en rende vraiment compte.

Les derniers jours avaient été intéressants. Tout d'abord sa rencontre avec Naoki Fukutaichō, cette femme semblait droite mais il savait qu'elle avait ses propres plans. Il en était persuadé. C'était pas contre le Gotei XIII mais contre un ennemi de son passé. Il n'avait pas réussi à en savoir vraiment plus, quelques indices ici et là. Puis, la vie avait continué sans prise de tête. Soudain, il entendit du grabuge qui venait d'une auberge de la Neuvième, qui était proche des quartiers de la Huitième.

Il était de nuit. C'était son rôle de surveiller que tout se passe bien. Il s'approcha lentement en baillant, pourquoi ca gueulait comme ca ? Des hurlements de plus en plus fleuris se rajoutèrent à ce merdier ! Après un long soupir, il regrettait l'auberge de la Cinquième. Il avait été tranquille là bas et avait discuté avec quelques gars sur place. Là, fallait faire la police. La soirée perdait de son charme.

Brutalement, un pan de mur explosa. Ecarquillant les yeux, la poussière ambiante lui permettait juste de voir une ombre gigantesque derrière les poussières et les débris. C'était aussi la source des hurlements, au moins ca évitait de trop chercher.

- Bon, je peux savoir ce que c'est que ce bordel ?

La question était posée simplement, avec un ton assez fort pour être entendu.

Ils étaient là juste pour picoler tranquille. Mais évidemment, comme chaque fois qu'ils allaient quelque part, on leur cherchait des noises. Pourquoi ? Simplement à cause de leur réputation. Eux, les shinigamis de la Onzième division, eux les brutes épaisses, eux qu'on ne considérait être que de la chair à canon. Cette fois encore, contrairement aux apparences, ils n'avaient rien fais d'autre que de réagir.

Certains s'étaient approchés d'eux. Leur avaient demandés de partir. Et évidemment, les esprits s'étaient échauffés. Insultes, petites pousses. Le propriétaire avait essayé de calmer les esprits et cela avait presque fonctionné. Presque. Car l'un des lascars, sous l'emprise de l'alcool, avait alors dégainé son Zanpakutō. Menaçant un des gars de la Onzième. Sur la table d'à côté, un homme qui était resté étrangement silencieux avait alors vu rouge. Il s'était redressé. Imposant d'emblée le silence dans la pièce. Il faut dire qu'un colosse de deux mètres vingt qui se levait, le regard noir, faisant craquer ses phalanges, ça imposait d'emblée le respect.

- Les insultes, pas de blems. Qu'on s'pousse un peu, c'est l'jeu. Limite si y'a bagarre, j'vous laisse gérer. Par contre...

Il s'approcha de l'homme qui avait dégainé. Ce dernier, devant l'ombre immense, se reculait précipitamment vers le mur jusqu'à s'y retrouver piégé. Les yeux écarquillés. Il pointait son arme vers le géant mais sans la même conviction. Les shinigamis de la Onzième entouraient leur siège siège. Eux aussi s'étaient tut.

- J'accepterai pas que tu sortes ton arme pour menacer un d'mes gars. Là, ça me fout en rogne tu vois. Et du coup, ça m'oblige à intervenir. Sauf qu'il y a une chose que tu dois capter. T'as pas envie que j'intervienne...

La suite ? Il se précipita d'un bond sur lui et le percuta d'un énorme coup d'épaules. Des cris fusèrent de partout. L'impact fit lâcher son arme au shinigami. Mais le mur derrière lui craqua et vola en éclat alors qu'il était précipité dehors. La bagarre allait dégénérée. Lorsqu'un cri amena le silence presque immédiatement. Shinjiro redressa seulement le regard pour voir une autre personne, inconnue et étrangère à l'histoire, se tenir face à eux. Il entendit un murmure derrière lui. Il l'ignora et franchit les gravats pour aller se poster face au nouvel arrivant. Il était en colère. On l'avait dérangé. On avait emmerdé ses gars. Et on l'avait menacé.

Ce n'était pas le moment de le faire chier.

- J'sais pas qui t'es et pourquoi tu veux savoir. Mais ce bordel, ce sont ces débiles qui l'ont cherchés. En agressant mes gars alors qu'ils passaient une soirée tranquille. J'veux bien qu'on vienne nous taper dessus quand on fait les cons. Mais là, c'est mort. On menace pas mes gars sans prendre une dérouillée. Du coup, moi aussi j'ai une question. Ca pose un problème ?

Un homme s'approcha de Shinjiro, lui posant une main sur l'épaule. Ce qui était amusant car l'homme en question était beaucoup plus petit.

- Euh, Shinjiro ? C'est le Vice Capitaine Hinotori.

Il avait envie de répondre "et alors, qu'est-ce que ça peut m'foutre" mais il adressa un simple signe de tête à son ami qui se reculait. Il savait que dans ces moments, il était préférable de le laisser s'apaiser seul.

- Donc, je disais. Ils ont cherchés. Je suis intervenu. Voilà l'affaire. Pour info, j'suis Kiryû Shinjiro, sixième siège de la Onzième. J'suis responsable de ces gars ce soir.

En sommes, si y'a un soucis, c'est avec lui qu'il fallait voir. Et laisser ses potes tranquille. Il assumait. Comme toujours. Et le fait d'être face à un Lieutenant ne changeait pas grand chose à ce qui se passait ce soir. Il espérait juste que le type comprenne la situation.

Les yeux ambrés du Fukutaichō allèrent du grand gus aux cheveux argentés au mec à terre en train de gémir de douleurs. Il s'approcha alors et prit l'avant-bras de ce dernier afin de vérifier qu'il allait pas mourir ici. L'envie de faire un rapport n'était pas dans ses intentions et faire de la paperasse inutile encore moins. Il se releva et se tourna vers la cause de ce mur détruit.

Il leva la main en signe d'apaisement.

Ensuite, dans un silence, il observa les environs. Les membres de la Onzième étaient prêts à en découdre manifestement. Mais, la personne que le Vice Capitaine recherchait était en arrière plan. Se mettant en mouvement, il s'approcha du tenancier qui était devenu livide comme un linge. Il avait perdu un quart de sa boutique après tout, c'était compréhensible. Mamoru lui fit signe d'approcher et lui chuchota quelque chose à l'oreille. Le tenancier écarquilla les yeux de surprise et fit des hochements de la tête, ravi par ce qu'il venait d'entendre.

Mamoru se tourna enfin vers la cause de ce foutras.

- Désolé de l'attente et du calme... Shinjiro-san. Je n'ai aucune envie de vous poser des problèmes, si et seulement si ce type s'est mal comporté. Mais... qu'allez vous faire pour dédommager ce mur au tenancier de l'auberge ? Il posa un silence comme il en avait l'habitude et reprit en pointant du doigt, le type en train de beugler de douleurs. Pouvez vous me dire ce qu'il a fait pour mériter de traverser ce mur séant ?

Ce fut le moment où la victime - ou coupable ? - tenta de s'exprimer. Il gueulait que c'était la faute de la Onzième, qu'ils l'avaient agressé et qu'il était normal qu'il se défende. Mamoru l'entendit un instant et se tourna vers Shinjiro-san avec un air qui voulait dire "Il a raison ?". Pour l'instant, il n'avait qu'un point de vue et les propos alcoolisés de la "victime" rendaient son discours incohérents sur quelques points.

Le Vice Capitaine n'était pas de la Neuvième et il constatait qu'il n'y avait pas mort d'homme. Il tourna la tête vers les autres membres de la Onzième qui restaient en retrait derrière le grand gaillard.

- Un d'entre vous a insulté cet homme ? Et s'adressant à Shinjiro-san sans le regarder, toujours fixant les gars de la Onzième. J'ai besoin d'avoir tous les éléments, comprenez vous ! C'est surtout pour le dédommagement.

La colère passait tranquillement alors que le Vice capitaine prenait connaissance de la situation. S'il ne perçut rien de l'échange entre lui et le tenancier, le colosse remarqua que ce dernier paraissait plus tranquille. Quoi qu'il en soit, il attendait les bras croisés d'en apprendre un peu plus sur la suite des opérations. Ses gars restaient derrière lui. Ils connaissaient leur consigne : si le colosse parlait, ils se taisaient. Pas sans raison. Seulement il était préférable d'éviter une cacophonie.

Alors que la victime prenait la parole, l'Argenté prit sur lui pour ne pas s'avancer et lui foutre un coup de latte dans la tronche, histoire de terminer le travail. D'autant qu'il disait quand même pas mal de merde. Très certainement pour se couvrir. Shinjiro ne comprenait pas ce genre de réaction. Quand on merdait, on faisait en sorte d'assumer non ? Pourquoi masquer une partie des faits ? Il poussa simplement un soupir lorsque l'homme s'adressa à lui.

- Déjà premier point. Sur le papier, c'est lui qui a pété le mur. J'l'ai un peu poussé, c'est vrai. Mais son dos a rencontré le mur et bim, ça a donné ça. J'vois pas pourquoi j'paierai pour un autre. Puis bon, pas très solide non plus hein. On pourrait presque dire qu'il était déjà pas mal fissuré j'pense.

Défense litigieuse s'il en était. Mais en réalité, il le pensait. Si le mur avait été plus solide, le mec l'aurait pas traversé. Et s'il était tombé n'importe où ailleurs, il n'y aurait pas eu de gros dommages. Alors pourquoi il aurait à payer pour un autre ?

- Deuxième point. Ce mec est un putain de gros menteur. Ok, les esprits se sont un peu échauffés, j'vais pas dire le contraire. Mais tout serait resté correct s'il avait pas dégainé son sabre. J'le dis comme j'le pense : ça aurait très bien pu très mal finir. Pire que ça. T'as vu ça où toi que pour une engueulade, tu dégaines ton Zanpakutō ?

Si l'on se référait aux règles de Shinjiro, normalement cela aurait du finir dans un bain de sang. Il avait limité la casse - humaine, pas matériel - en agissant de la sorte. Même lui savait qu'il était préférable de ne pas dégainer son sabre en dehors de cas très spécifique. De fait, si on ajoutait l'ensemble de ces éléments, le Kiryū estimait être dans son droit. Il jeta un regard en arrière et fit signe de tête à l'un de ses gars qui avança.

- Moi, Hinotori-Fukutaisho ! Il m'a poussé à plusieurs reprises et quand j'en ai eu marre, je lui ai conseillé d'aller visiter une porcherie pour voir si sa mère se sentait mieux. Il a pas apprécié. Et ensuite, c'est comme le sixième siège a dit.

Les termes exactes avaient été "va donc chercher ta grosse daronne la truie ailleurs". Mais Aoi parlait bien lorsqu'il s'agissait de s'adresser aux autorités. D'ailleurs beaucoup se moquait de lui en général à cause de ça. Pas là, pas face à l'autorité. Il était sur les deux extrêmes d'une même ligne : soit il parlait très bien, soit il devenait aussi vulgaire qu'un charretier.

- Bon, j'me suis peut-être laissé un peu emporté, j'dois l'avouer. Quand il a sorti son sabre, j'ai vu rouge. Mais on a pas foutu la merde. Je comprends pas pourquoi lui et ses p'tits potes ont voulu faire chier comme ça. Ce que j'peux proposer à la limite, c'est une participation pour réparer le mur. Mes gars peuvent aider. Et on peut financer une partie. Mais pas question qu'on soit les seuls. Du coup, t'en penses quoi ?

Il ne lui manquait pas de respect et défendait les droits de ses hommes. Le deal lui paraissait correct. Mais ici, c'était au Lieutenant de trancher visiblement.

Le Sanbantai Fukutaichō se tourna vers le mur qui était accusé, un sourire visible au visage. Il écouta avec soin les dires des gars de la Onzième et surtout de leur chef. Shinjiro ne manquait pas d'aplomb visiblement, il donna en deux trois points la cause de tout ce merdier. Soupirant un instant, Mamoru prit la parole.

- Pour les frais, oubliez. Je viens d'informer le tenancier que je prenais tout à ma charge, quand on a les moyens, c'est pour aider les autres. Puis oui, les murs.... perfides sont les murs !

Il ria de bon coeur devant cette situation rocambolesque et se tourna vers la cause du bordel. Celui qui avait sorti son arme était fautif, il le savait, Mamoru le savait et les gars de la Onzième le savaient. Il valait mieux mettre tout cela sous le tapis plutôt que voir la Neuvième vienne ici faire sa loi.

- Quand à vous, excusez vous et barrez vous. Sortir son Zanpakutō devant un autre membre du Gotei XIII est illégal. J'ai encore des amis à la Seconde Division, ce serait dommage qu'il fasse une descente.

D'un ton enjoué, il était devenu froid, limite glacial. Il n'aimait pas qu'on manque de respect aux lois de façon effrontée. Par les dieux, de la discrétion quoi... Après avoir entendu de plates excuses, Mamoru le laissa décamper avec ses compagnons et se tourna de nouveau vers Shinjiro. Son visage se radoucit alors à ce moment là.

- Vous aviez le droit de vous défendre, pas de souci là dessus. Puis bon... Quelle idée de venir faire chier les gars de la Onzième, faut avoir un grain. Tenancier, maintenant que vous avez une salle à la belle étoile ! Vendez nous votre meilleur Saké, c'est pour moi ! Revenant vers l'officier de la Onzième avec un clin d'oeil. Marre de marcher depuis le début de la nuit.

Posant ses fesses sur le sol, il était content de se poser un peu. Il allait boire un coup et c'était aussi un moyen de se changer les idées. De mémoire, il n'y avait toujours pas de Capitaine de la Onzième et il interpella le grand gaillard sur ce sujet.

- Vu ton talent pour défoncer des murs, t'as pas tenté de prendre en main la Onzième ? C'est la force qui prime chez vous, sauf si ca a changé depuis ? Possible après tout, jamais vraiment regardé ce qu'il se passait dans les autres Divisions. Regardant les hommes autour de lui. En tout cas, tu protèges bien tes gars et tu es loyal. Une chose que je respecte... Même si la question de la loyauté est toujours subjective...

Il termina sa dernière avec une sorte de fatalisme. D'un coup, une appréhension traversait son esprit, il avait utilisé "Subjective". Il ne fallait pas qu'ils prennent ça dans le mauvais sens. Haussant finalement les épaules, c'était pas bien grave après tout.

Alors celle là, il ne s'y était clairement pas attendu. Que le Lieutenant se propose de régler la casse, ce n'était pas commun. Un moment, Shinjiro restait silencieux, comme pour se demander s'il n'avait pas rêvé. Mais il comprit que ce n'était pas le cas. Alors qu'il chassait les autres de la place, après avoir demandé et obtenu des excuses, il s'intéressa de nouveau au colosse pour lui faire une proposition surprenante.

Un énorme sourire apparut sur le visage de Shinjiro. Alors là, le bonhomme marquait des points. Et pas seulement parce qu'il proposait de payer. Mais sa gestion de la crise avait été assez phénoménale, ne se mettant pas la Onzième à dos et cherchant à comprendre ce qu'il y avait eu réellement. Il était toujours bon de souligner lorsqu'un shinigami faisait preuve de retenue. Surtout lorsque la division des Combattants était en cause.

- Alors ça, ça fait plaisir à entendre. Et j'suis d'accord. J'ai pas bien compris le principe de venir nous emmerder alors qu'on était calme. Mais bon, des suicidaires, y'en a toujours hein. Merci en tout cas, j'apprécue le geste.

Les mecs derrière beuglèrent des remerciements à tout va, se foutant de grandes tapes dans le dos. Un chant s'élevait même déjà. Un chant joyeux, apparemment connu de beaucoup, qui reprirent en chœur. Shinjiro s'installa face au Vice Capitaine. Il eut un sourire alors que ce dernier parlait de la capitainerie. S'il savait... Il est vrai que la force primait au sein de la division. Mais même lui se devait d'être patient. On ne précipitait pas les choses à ce sujet, pas sans prendre un risque conséquent. Des crevards qui se pensaient suffisamment fort pour diriger la Onzième, y'en avait quelques uns. Mais de là à franchir le cap ?

- Encore un poil trop tôt si tu veux mon avis. J'ai jamais caché mon ambition. Un jour, j'serai à la tête de la Onzième. C'est pas négociable. Mais j'suis sorti de ma quatrième année d'école y'a quelques semaines à peine. Sixième siège, c'est franchement pas mal en sortant d'là.

Ils n'étaient pas si fréquents ceux qui y parvenaient. En d'autre circonstance, sans doute aurait-il été considéré comme un génie. Mais quand on le connaissait, on savait que ce n'était pas le cas. Il possédait des dispositions naturelles pour le combat et avait prouvé pouvoir gérer. Sa place n'était pas usurpée. Mais il patientait pour le graal ultime.

- La loyauté, c'est la loyauté. Et à la Onzième, on respecte avant tout la force, là dessus t'as pas tort. Si j'suis pas là pour mes gars quand ils ont besoin de moi, j'ferai comment lorsque moi, j'en aurai besoin ? Surtout si un jour, j'veux porter le fameux titre de Kenpachi.

Ouais, se faire respecter et prouver à tous qu'il en avait les épaules. Quant à défendre ses gars, c'était le plus naturel en réalité.

- Mais toi, ça s'passe comment chez vous ? J'dois dire que j'connais pas des masses les autres divisions tu vois. J'ai bien des potes éparpillés un peu partout hein. Dixième, Seconde, Cinquième. Mais ça veut pas dire que j'me souviens chaque fois des spés de chacun. Pas trop dur de porter ce grade ?

Mamoru servait le saké en écoutant l'homme qui lui faisait face. Il était un bon bougre, un homme du peuple qui dessinait sa place au soleil. Une lueur de respect était présente dans le regard du Shinigami. La plupart des membres de cette Division venait du Rukongai, du moins la grande majorité. Ils devaient leur place à leurs compétences et non pas à quelques amitiés bien placées.

- La loyauté est subjective. Selon moi, on est loyal envers son rêve, envers ce que l'on croit. C'est une chose que les gens oublient bien souvent. Un mec meurt, c'est la vie mais un Rêve... ça non, il doit graver l'histoire de ton empreinte.

Le Sanbantai Fukutaicho était sérieux alors qu'il regardait Shinjiro. Il s'exprimait rarement sur ses opinions, on était dans un théâtre où les convenances et l'étiquette devaient être respectées en toute circonstance. Une nouvelle lampée de saké humidifia ses lèvres avec plaisir.

Puis, vint la question de sa Division. Il en avait croisé quelques unes au cours de sa vie. Actuellement, il était dans une division qui connaissait un renouveau intellectuel et c'était au mieux. En plus, son Capitaine était quelqu'un qui cherchait une forme de nouvelle compréhension du monde. C'était un trait d'esprit qui lui convenait depuis lors.

- Je suis de la Troisième... sous l'autorité de Nagatsuki Taichō. C'est un homme bien et sage, un rêveur lui aussi à sa manière. Pour ça qu'on s'entend bien. Notre boulot est de chopper les Hollows au-dessus de la moyenne, de les étudier et si on peut pas, on les butte. Portant un silence. J'ai eu quelques grades avant. Crois moi, ce serait pas plus lourd que ton Siège actuel. Disons qu'il faut savoir écouter ses hommes et veiller sur eux. Mais ça, tu sais déjà faire !

Un certain amusement traversait son visage. Shinjiro y arrivera et son tempérament indiquait quelque chose d'intéressant pour le jeune Vice Capitaine. Pourrait il être son bras armé dans le futur ? Il gardait pour lui ce genre de pensée, trop vite, trop tôt. Deux gars de la Onzième commencèrent à se chamailler pour une bouteille, cela n'avait pas durer longtemps. Il ne put s'empêcher de rire, il se sentait bien.

Il leva juste son coupelle au ciel, comme une salutation envers une âme oubliée.

Il comprenait cette notion de rêve qui devait survivre. S'il n'avait jusque là pas vu les choses sous cet angle, il devait admettre qu'il s'y retrouvait quand même. Quant à cette notion de subjectivité, c'était encore autre chose. Mais s'il ne partageait pas complètement le point de vue, au moins pouvait-il admettre qu'il y avait du vrai. Depuis sa période du Rukongai, Shinjiro avait évolué sur ce sujet, estimant que son avis n'était pas forcément le meilleur à chaque fois.

Le saké était bon, la soirée tout autant, et le colosse appréciait la compagnie du Vice Capitaine. La Troisième division qui se chargeaient des Hollow dangereux. Voilà qui lui rappelait la discussion qu'il avait eu avec Mizuki. Il eut même un sourire. Il comprenait qu'on puisse apprécier d'appartenir à ce genre d'armée, surtout si l'on pouvait tester sa force face à l'inconnu. Mais ici, les motivations de son vis à vis différaient des siennes.

Il retenait néanmoins le nom du capitaine. Après tout, s'il en connaissait certain, il avait la curieuse habitude d'oublier tant qu'il ne les rencontrait pas. Un homme comme lui se basait sur la mémoire visuelle et sur ses ressentis, pas sur ce qu'on lui disait ou sur ce qu'il lisait.

- Etudier les Hollows hein ? Voilà un truc que j'pourrais pas faire moi. Comme quoi, chacun sa spécialité hein. J'me suis toujours demandé... Qu'est-ce qu'on peut apprendre d'eux en vrai ? Bouarf ! Laisse-tomber. J'suppose que la question est trop large. Mais du coup, ça fait que vous travaillez avec la Douzième division nan ?

Après tout, la section scientifique n'était-elle pas celle à mettre en avant lorsqu'il s'agissait d'étudier les autres ? Un peu comme si la Onzième division partait en combat et que la Dixième apparaissait elle aussi en soutien. Ils étaient liés non ?

- Tu sais quoi, j'vais trinquer ! A nos hommes. A nos rêves ! Et à ceux qui ne sont plus là pour vivre les leurs !

Il levait son saké. Les hommes derrière entendirent les propos du colosse et firent de même. D'une voix, tous répétèrent la phrase du colosse, ce qui eut pour effet de lui donner la chair de poule. Il était fier.

- A nos hommes. A nos rêves ! Et à ceux qui ne sont plus là pour vivre les leurs !

La discussion était douce. Levant son verre, il trinqua avec eux avec le même allant. Il observait ces gars qui avaient un esprit particulier pour le noble qu'il était. Non pas qu'ils les trouvaient inférieurs, au contraire, il ne comprenait pas qu'on le pense ainsi. Le droit de jouir équitablement de la vie était permise chez les humains, pas facilement accessible, mais ils pouvaient...

Ici. Non. La loi était immuable et les regards n'avaient pas vraiment changé. Les Ryokas, Aizen, les tarés qui revenaient d'entre les morts... Tout cela aurait dû changer les choses mais non. Après le toast, un léger soupire traversa ses lèvres sans que son interlocuteur n'imagine les questions qu'il se posait, encore et encore.

- Pour les Hollows, faisons simple. Tu imagines un Shinigami sans son Zanpakutō ? Non, personne ne peut l'imaginer car les deux sont liés par le destin, la vie, enfin tu vois... Bah... Dans nos mondes, les Hollows sont pour les Shinigamis, ce que sont les Zanpakutō pour nous. L'un va pas sans l'autre et pour cela qu'on veille, nous, Shinigami de la Troisième Division, sur la connaissance de cet équilibre. J'espère avoir été clair. Il se reprit un peu de saké. Pour finir, baaaaah, si on ne les étudie pas, on ne peut pas savoir ce qu'ils veulent et comment ils évoluent réellement. On sait des choses mais pas assez... Bref voilà.

Mamoru espérait avoir fait assez concis pour se faire comprendre. Shinjiro avait raison de dire que c'était un sujet tellement large que cela prendrait des heures à expliquer, et, c'était pas dit que le Sanbantai Fukutaichō ait tout compris de son côté. Il avait rejoint sa Division dans un but précis et étudiait depuis près de quatre ans et il n'en avait pas fait le tour. Ses intérêts n'avaient pas abouties aussi, très clairement.

- Tiens, je me demandais, tu penses que la société est juste ?

L'alcool usait un peu son contrôle habituel. Il était curieux de savoir la vision de Shinjiro sur ce point. Cela tombait comme ça, comme un cheveu sur la soupe mais Mamoru était curieux de la pensée d'un gars du Rukongai.

Tu parles d'une explication à la con. Mais puisqu'il rinçait, autant ne pas le braquer. Ainsi hochait-il la tête alors qu'il l'écoutait. Cette notion d'équilibre, ça le dépassait clairement. Quant au fait de pouvoir voir un Shinigami sans son Zanpakutō, bah ça arrivait quand même hein. Les Magiciens n'en avaient pas besoin par exemple. N'étaient-ils pas shinigami quand même ? Et lui ? Sur le papier, il pouvait presque se passer de son propre sabre. Bien sûr il était lié à la lame mais même sans elle, il n'était pas à poil non plus.

- M'ouais, je comprends. Mais bon, des shini sans Zanpakutō, y'en a. C'pas la norme, on est d'accord, mais y'en a.

Saloperie de magiciens. Saloperie de fainéants. Mais il comprenait que ce soit un point important pour eux. Après tout, la connaissance était une chose nécessaire pour permettre de mieux cerner les choses. Sans doute même qu'il était important de découvrir comment les Hollow réagissaient pour mieux les annihiler. Ce domaine leur appartenait à eux. Lui, dans l'histoire, il n'était qu'une arme. Comme chaque membre de la Onzième. En cela, ils avaient une conscience parfaite de leur propre utilité et l'assumaient.

Par contre aucune info sur la Douzième. Peut-être qu'ils étaient vraiment en concurrence du coup et qu'il préférait ignorer le sujet. Le colosse prit la décision de ne pas rebondir sur ce point, qui n'était finalement qu'anecdotique. La question suivante par contre le surprit. Certes, ils picolaient mais quand même. La question était trop particulière.

- Hein ?

Il reposa son verre. Puis prit le temps de lui adresser un petit clin d'oeil. Pas besoin de réfléchir, sa réponse était déjà toute trouvée. Daestra le lui avait enseigné durant toutes ces années, à sa manière.

- Bien sûr que non. Si la société était juste, les Nobles ne passeraient pas leur temps à chier sur ceux du Rukongai. Si la société était juste, y'aurait pas tant d'emmerdes. On a pas les mêmes droits. Et on nous regarde pas de la même manière. C'est comme ça. Tu te poses vraiment la question, sérieusement ? La Justice n'existe pas en ce monde. On peut se cacher derrière de grandes paroles, ça sera toujours pareil.

Shinjiro se souvenait de certaines rumeurs. N'était-ce pas les pauvres qu'on ciblait systématiquement lorsqu'il y avait un problème ?

- C'est comme si j'te demandais... Penses-tu que nous ne sommes pas que des pions sacrifiables ?

Réponse évidente.

- Des gens le croient...

La réponse fusa lors de la fin de la question de Shinjiro. Ce n'était pas le cas de l'aîné des Hinotori mais il connaissait par coeur la pensée de ses pairs, sur les habitants du Rukongai. C'était tellement une évidence, que même les gars de la Onzième le sentaient dans leurs tripes.

- Je pense comme toi. C'est étrange qu'autant de gens pensent pareil et que...

Il amena sa coupelle à ses lèvres afin de se charger le gosier. La Seconde Division détestait ce genre de discours, pas d'un Shinjiro, mais d'un Haut Noble oui. Dans ce sens là, il ne préférait pas en rajouter mais il avait dit, assez clairement, qu'il allait dans le sens du Sixième Siège de la Onzième Division.

C'était à ce moment là qu'une autre évidence lui sauta aux yeux. Pourquoi les gens pensaient tous ca et ne faisaient rien ? La peur du lendemain, la peur de la censure et des disparitions, la peur de cette "justice" aveugle... Bien des peurs pouvaient conduire à "accepter" la situation. C'était pourquoi personne ne pouvait ou ne voulait réformer le système. C'était en pratique impossible de le réformer de l'intérieur.

Puis, il revint sur le premier sujet de discussion. Il y avait un détail qui avait échappé à Shinjiro, visiblement.

- Pour revenir aux Hollows vite fait... J'aurai dû parler de lumière et d'ombre. La lumière et l'ombre sont les faces d'une même pièce, Les Hollows sont donc nos ombres et peut-on exister sans eux ? Large sujet je sais, je voulais juste préciser ma pensée.

Les Hollows étaient ils la clé de ses recherches ? Il aimerait avoir une réponse.

Etrange, non. Shinjiro avait un avis bien arrêté sur les raisons qui poussaient aujourd'hui encore certaines personnalités à juger aussi sévèrement ceux qui n'appartenaient pas à leur monde. La logique était même tellement évidente qu'il ne comprenait pas les doutes de Mamoru. Les Puissants veulent rester au dessus des autres car ils craignent de perdre le peu de pouvoir dont ils disposent.

Kamui avait tenu des propos comme cela par le passé. Estimant que la justice ne serait jamais égalitaire. D'ailleurs il avait même mis en parallèle la carrure du colosse à l'époque. Il se souvenait de sa remarque. Que la nature avait été généreuse avec lui mais que beaucoup jugeait comme injuste de ne pas posséder sa force physique. Finalement, la justice n'était qu'une question de point de vue. Et de frontière. Mais il n'en parlerait pas ici. Après tout, il passait pour un idiot bien souvent, ce n'était pas maintenant qu'il changerait les mentalités avec ses réflexions.

Mamoru revint alors sur son sujet des Hollow. Sa vision des ombres, de la lumière, du fait que les Shinigamis ne pouvaient potentiellement pas vivre sans eux Autant de chose qui échappait au colosse. Essentiellement parce qu'il n'éprouvait aucun intérêt à réfléchir sur ce sujet. Il comprenait d'ailleurs même pas qu'on puisse s'y intéresser.

- J'sais pas. Tu sais, j'ai une vision un peu extrême du rôle qui doit être le nôtre. J'dis pas que j'ai raison, attention. Mais disons que j'me facilite la vie comme ça. Pour moi, on est que des soldats. Hollow, Quincy, Fullbringer, Arrancar... Finalement j'me tamponne de leur nom. Si on me dit que ce sont des ennemis, j'irai les combattre. J'me fous de savoir si cela est contraire aux lois de j'sais pas qui.

Il n'était pas là pour réfléchir à ce sujet. Mais pour dégainer son sabre et frapper. Le reste ne comptait pas.

- J'vais te dire une chose. J'sais pas ce qui t'as motivé à vouloir devenir Vice capitaine. Peut-être même que ça m'intéresserait d'entendre ton histoire. Mais d'mon côté, c'est pour prouver que j'suis le meilleur que je veux devenir Capitaine. Le Kenpachi est sans doute le titre le plus emblématique de tout le Gotei. A mes yeux en tout cas. Il est l'un de seuls à représenter vraiment quelque chose. Tu crois pas ?

Question ouverte aussi.

Posant sa coupelle, Mamoru dodelina de la tête à la question du Shinigami. Un Kenpachi ? Le titre le plus représentatif ? Bien évidemment, il connaissait les légendes sur les capitaines de cette Division. C'était la seule où la loi du plus fort avait son mot à dire. Ce n'était même pas discutable en fait. Le Sanbantai Fukutaicho ne savait pas quoi répondre sur le coup.

Revenant en arrière, il avait quand même décidé de répondre sur le point de Shinjiro.

- Hm. Suivant ta logique, si on te dit de fumer un type, tu le fais. Mais, prenons une hypothèse, si tu tues un mec à la demande d'un traître.... Tu serais dans un beau merdier après. Aizen nous a appris à réfléchir aux ordres, non pas pour désobéir, mais pour penser par nous même. Toujours risqué de suivre un ordre sans poser de questions !

Posant sa coupelle de saké, son visage devint plus sombre.

- Tu peux même tuer un ami, à la suite d'un ordre. Puis, découvrir que les raisons de cet ordre étaient mauvaises... C'est une chose que je ne souhaite à personne.

Soupirant brièvement, il se reprit et fit signe au tavernier de sortir d'autres bouteilles. Il avait posé les graines dans l'esprit de Shinjiro, enfin il espérait que cela marche mais avec ce genre de gaillards instinctifs... C'était difficile de voir le futur après tout. Il prit alors un peu de saké avant de continuer.

- Kenpachi ? C'est un grand titre oui. La Force prime pour l'obtenir et c'est la seule Division connaissant cette règle. Si tu es fort - qu'importe ton expertise - tu mérites ta place. Cela représente en effet quelque chose dans ce monde où tout est décidé à la naissance, ou, dans ton dos. Ma foi mon gars, tu as des éclairs de génie parfois ! Allez, on boit pour ton futur titre de Kenpachi ! KANPAI !

Il n'y avait jamais réfléchi car il était toujours été loin de cette Division. Mais, son fonctionnement pour le moins barbare était un symbole de méritocratie qui était à méditer. Les prunelles de l'Hinotori brillaient; Il allait devoir découvrir cette Division de l'intérieur.

Obéir à un traître ? Il eut un sourire. Si cela arrivait, alors l'ensemble du Gotei serait dans une sacrée merde. Car cela signifierait simplement que les plus hauts fonctionnaires, dont le Sotaichō, n'étaient plus dignes de confiance. Pour sa part, cette partie ne l'intéressait que peu. Il gardait réellement le principe qu'il y avait ceux qui réfléchissaient - Mamoru semblait en faire partie - et ceux qui cognaient. Lui appartenait sans le moindre doute possible à la seconde.

- Tu vois, c'est là où j'vais être différent de toi. Toi tu poses la question du bien, du mal. D'une possible trahison. Moi, j'pose juste le principe d'obéissance au Commandant des Armées. Je laisse la réflexion à ceux qui sont doués dedans. Si j'ai mes ordres, alors go.

Il y avait évidemment cette notion d'amitié qui pouvait faire basculer sa conscience. Mais en tout état de cause, le colosse préférait ne pas se projeter tant qu'il ne serait pas face à la décision en question. Après tout, la trahison pouvait aussi venir des amis non ? Et dans ce cas là, que faire ? Lui savait. Sa force de caractère et ses valeurs primaient sur tout. Même la famille ne pesait pas grand chose dans la balance. Il n'était pas pour autant aveuglé par l'obéissance. Seulement elle avait une part importante dans sa propre personnalité.

- Comme je t'ai dit, j'ai pas forcément raison d'agir ainsi. Mais j'fais confiance en mon instinct. Tu vois, il est le seul qui me lâchera jamais. Un ami, quel qu'il soit, peut toujours te foutre un coup de couteau dans l'dos. Si j'me posais autant de question que toi, j'en finirais jamais d'avoir peur de tout. Et la peur, elle fait pas partie de ma vie.

Il ne jugeait pas pour autant le Vice Capitaine. Après tout, ce dernier avait sans doute vu plus de chose que lui. En l'état il préférait simplement se faire confiance.

Il leva aussi son verre et salua son vis à vis. Trinquer à son futur titre, voilà qui lui donnait du baume au coeur. Un rêve qu'il allait chercher lui même. Et si pour cela, il devait évincer la concurrence, alors il agirait ainsi. On ne déviait pas un colosse de sa route.

- J'l'ai toujours dit. J'suis un génie incompris. Mais dis-moi. Ca fait quoi réellement d'être à un grade aussi élevé ? J'te parle pas des responsabilités, j'm'en cogne de ça. J'veux dire, est-ce que ça a changé le regard des gars de ta division sur toi ? Et toi ? ca t'a fait évolué là dedans ?

Il tapotait son crâne.

Fixant le Sixième Siège de la Onzième Division, Mamoru réfléchissait aux premières paroles qu'il émettait. Dans un sens, c'était le devoir des Shinigamis d'obéir sans réfléchir, ils étaient des soldats. Plus que cela, ils étaient le bras armé d'un plan prévu depuis toujours par le Reiō. Fermant les yeux un instant, il prit le temps de la réflexion avant de répondre.

- Tu dis obéir à ton instinct, ptet que je devrais le faire plus souvent. Mais bon...

Une forme de mélancolie traversa son visage. En effet, il avait tendance à réfléchir le monde, à critiquer son fonctionnement. Le conseil des Sages par exemple, ils avaient des nobles et des roturiers en leur sein mais... Mais, ces derniers n'avaient jamais fait vraiment évoluer les choses. Le pouvoir n'avait pas réellement changé de mains, les nobles continuaient de décider et le peuple suivait.

Shinjiro ne se posait pas autant de questions, il prenait la vie comme elle venait. C'était quelque chose que le Sanbantai Fukutaichō respectait. Le fait de pouvoir aller de l'avant sans se mettre des charges inutiles sur les épaules, la vraie vie était peut-être celle-ci. Perdu dans ses pensées, il écouta le toast à son futur triste avec un grand sourire. Il leva sa coupelle et cria à sa réussite. Il répondit juste après.

- Ahah ! Je ne sais pas. Ce que les gens pensent de moi, je m'en cogne. Je suis ce que je suis, malgré mes origines. J'aurai pu devenir chef de famille et assurer la vie des terres de ma famille, sans prise de tête. Mais, au fond de moi, y'a toujours eu cette envie de faire exploser des choses afin de permettre à de nouvelles choses de naître. Mon Zanpakutō est encore plus violent que moi là-dessus ahah ! Il posa un silence. Être Vice Capitaine, c'est... Bah pas grand chose en fait, c'est le Capitaine qui décide de tout. J'ai un grade plus élevé que le tien mais au final, on te regarde pareil, juste un peu mieux... Un jour, je deviendrai ptet Capitaine, quand je serais sûr d'aller au bout de mes idéaux. Mais bon, la flemme...

C'était son pire défaut, il naviguait entre ambition démesurée et flemme totale. La raison était qu'il aimait bien vivre et sans se prendre la tête. A ce moment là, il se rendit compte que c'était son instinct à lui. Il n'avait jamais vraiment fait attention à ça avant de parler avec Shinjiro. Il lui tapota alors le bras droit, il était trop grand pour l'épaule de toute façon.

- Ma foi oui, t'es un génie mon gars. Tu vois des choses que les autres voient pas... Le pire, c'est sans te rendre compte...

Mamoru explosa de rire, libéré pour une fois de son masque habituel. Il ne s'était pas attendu à ce que quelques échanges avec la Onzième Division l'amènent à se rendre compte de ses propres conneries.

Il n'était pas là pour dire à un vice Capitaine ce qu'il avait à faire. Si lui était un instinctif, il savait que cette façon de faire ne convenait pas à tout le monde. Et tant mieux. Qui aurait aimé avoir trop de type comme Shinjiro dans une armée ? Sans doute personne. S'il agissait ainsi, c'était aussi pour combler des lacunes. Au moins Mamoru pouvait se fier à son intelligence, à sa logique. Ce n'était pas le cas du colosse.

Il l'écoutait parler de lui, comprenant qu'il y avait comme un goût d'inachevé dans ses propos. Il eut néanmoins un sourire sincère lorsqu'il entendit que son Zanpakutō était violent. Au moins cette notion, ça lui parlait carrément. Kaimetsu étant un peu de ce genre aussi. Quant au fait de vouloir rebâtir sur des ruines, il n'avait pas d'avis tranché. Lui, il agissait en s'adaptant à ce qu'il y avait. S'il fallait détruire, go. Sinon bah que faire ?

Il ne savait pas réellement quoi penser de cette histoire d'ailleurs. Pour le reste, il s'amusait de cette flemme que l'homme mettait en avant. Les places de Capitaine étaient rares. Seuls quelques élus pouvaient y prétendre. Le vice Capitaine avait certainement la force pour cela mais à le voir réagir ainsi, il comprenait que ce n'était pas une priorité. Pas une envie réelle en tout cas.

Alors qu'il lui tapotait le bras, se mettant à rire, Shinjiro lui mit une petite tape amicale sur l'épaule. Il l'aimait bien, ce bougre. Déjà parce qu'il s'était montré sympa au départ de cette affaire. Mais surtout parce qu'il semblait se découvrir encore aujourd'hui, alors qu'il était sans doute bien plus vieux et expérimenté que le colosse.

- Ah ça, j'te l'fais pas dire. Même moi j'me surprends parfois. Mais la vérité, c'est qu'un second regard ça aide toujours à mieux comprendre ce qui se passe.

La soirée passait et à la vérité, il était sans doute temps pour lui de reconduire ses gars à la maison.

- Tu sais quoi, viens m'voir quand tu veux. J'ferai pareil un d'ces quatre, histoire de voir la gueule de la troisième division. J'vais ramener cette bande d'alcoolique à la Onzième, histoire qu'ils se reposent un peu. J'te remercie, mon pote. C'était vraiment bien de discuter avec toi !

Il le pensait. Shinjiro était brute de décoffrage, il ne mentait pas. Il lui tendit une main, comme pour le saluer.

Mamoru opina à la remarque du Sixième Siège de la Onzième Division. il savait reconnaître la force, la qualité et les défauts du gars. Mais, être honnête n'était pas donné à tout le monde et le Sanbantai Fukutaichō ne faisait pas du tout parti des élus. Cette connaissance de soi-même était sa force à lui, cela appelait à une certaine humilité quand on était face à plus fort que soit.

Faisant une petite révérence courtoise aux autres membres de la Onzième Division, il se tourna vers leur chef avec un sourire sincère. Tout n'était pas toujours affaire de plan harmonieusement élaboré, non, obéir à son instinct était tout aussi primordial. Il fallait un équilibre. Cette assertion fit bouillir son Zanpakutō. Les gars de la Onzième purent sentir toute la chaleur qui se dégageait de sa lame, pourtant endormie.

Tapotant son tsuka avec légèreté, il sentit qu'il aimait bien aussi le tempérament de Shinjiro. L'humidité ambiante diminuait et il n'aurait fallu qu'un mot pour que les deux serres de feu naissant de sa lame. Ses yeux se fermèrent un instant afin de calmer son excitation.

- Ton tempérament lui plait, il ne m'avait pas montré cela depuis un moment. C'est une preuve qu'elle te considère comme un frère d'arme Shinjiro, ainsi que tes gars de la Onzième. Suis l'eau et elle le feu ahah... enfin pas si simple mais ca donne le ton. Bref, c'était un plaisir !

Il serra sa main avec force, c'était un moyen de démontrer son respect. Puis, il se tourna afin de reprendre sa garde.

- Enfin les mecs, me foutez pas plus de bordel ce soir ! Veux pas me taper un rapport moi !

Un sourire pouvait s'entendre dans ses mots, Mamoru était déjà en route.

- Fin -

Ce brusque changement de température intrigua le colosse qui observait le Lieutenant avec attention. Un instant, sa propre aura prit de l'ampleur, comme si Kaimetsu réagissait à un défi invisible. Il laissait retomber la pression spirituelle sans poser de question. Mais l'instinct du colosse lui criait de se méfier. Ce qui le fit sourire évidemment. Si Kaimetsu avait réagi, c'est qu'il y avait un défi plus qu'acceptable en face. D'ailleurs les propos de Mamoru n'étaient pas pour lui déplaire.

- J'vois ça. J'suis flatté.

L'eau et le feu, preuve d'une dualité particulière. Il connaissait les relations parfois compliquées qui existaient entre un Zanpakutō et son porteur. Lui-même possédait une relation très particulière, basée sur la force et l'ambition. Il savait d'ailleurs que s'il changeait de route, Kaimetsu l'abandonnerait. Qu'il ne lui prêterait plus sa force. Une alliance pas si courante mais qui faisait d'eux de redoutables alliés lorsqu'ils s'associaient. D'où la curiosité qui l'habitait désormais concernant la relation entre Mamoru et son propre Zanpakutō.

Quoi qu'il en soit, la main fut serrée. Alors qu'il repartait non sans avoir adressé une mise en garde amicale, Shinjiro lui adressa un signe de main pour le rassurer. Avant de se tourner vers ses propres gars, tout sourire.

- Aoi, Kakyo, rassemblée les autres. On va bouger. Demain, grosse journée. On a assez profité.

Les deux hommes s'activaient déjà. La soirée était terminée. Mais le colosse avait désormais une raison de se rendre auprès de la Troisième division.

Il en salivait d'avance.