La colline des secrets [Nozomi - Yoru - Akemi]

Un échec.
C'était ainsi qu'avait été considérée leur mission. Le terme n'avait peut-être pas été employé tel quel, mais ça n'en restait pas moins la conclusion à laquelle la Chambre des 46 semblait être arrivée. Fidèles à eux-mêmes, ceux-ci s'étaient montrés impérieux et bornés, sourds au moindre argument qui pourrait être opposé à leur jugement précipité. Autant dire qu'il y avait de quoi être frustré.
Sora, lui, l'était et ne s'en cachait pas. S'il avait ravalé sa colère le temps que l'audience se termine, il lui avait ensuite fallu la passer. Des heures durant, il s'était enfermé dans la salle d'entraînement de sa Division, et c'était une chance que celles-ci aient été conçues aussi solides qu'elles l'étaient. Même après cela, il était toutefois loin de se sentir apaisé - pour la bonne et simple raison que rien n'était encore terminé.
Échouer aurait déjà été frustrant en soi, oui, si c'était tout ce qu'il s'était passé. Au lieu de cela, ils semblaient surtout avoir mis le doigt sur quelque chose de bien plus important - de bien plus grave - qu'ils ne l'avaient d'abord imaginé.

Isolés le temps de livrer leurs témoignages, la Troisième Siège Shugoshin et lui n'avaient eu l'occasion de discuter ni entre eux ni avec les membres de l'autre équipe, au-delà du peu qu'ils avaient pu échanger sur le moment - et c'était déjà suffisant pour se poser des questions.
Si tout le monde en était sorti indemne, le fait-même qu'elles aient pu être mises en danger suggérait que, quel que soit le fin mot de l'histoire, le responsable - le vrai responsable - n'avait pas peur de s'en prendre à des Capitaines et Vice-Capitaines du Gotei 13. Cela ne saurait être toléré.

Ce pourquoi il avait pris la peine de leur donner rendez-vous - par voie de papillons de l'enfer, qu'il s'était lui-même assuré de lâcher à portée de ne lâcher qu'à portée de leurs destinataires pour s'assurer qu'ils ne soient pas interceptés. Mieux valait ne faire confiance à personne dans l'immédiat.
À minuit, sur la colline du Sōkyoku - ce qui revêtait peut-être une certaine ironie au vu des doutes qui pesaient sur eux ; combien de temps encore avant qu'ils ne soient accusés ? Et lorsque ce serait le cas, quel sort les attendrait ?
S'il avait d'abord pensé ne se concerter qu'avec la Capitaine Tomoe en premier lieu, il en était finalement arrivé à la conclusion qu'ils ne seraient sans doute pas trop de quatre pour mesurer toute l'ampleur du traquenard dans lequel ils s'étaient fourrés. Si les regards étaient d'autant plus braqués sur eux qu'ils portaient le Haori, ils étaient tous concernés.

Auteur de ces invitations, Sora fut naturellement le premier arrivé, non sans s'être assuré de ne pas être filé. Bien sûr, rien ne leur interdisait de se réunir, mais il n'était pas sans se douter que ce serait vu d'un mauvais œil si cela venait à s'apprendre ; autant ne pas rendre leur situation plus compliquée qu'elle ne l'était déjà. Quant à savoir qui viendrait - y en aurait-il un seul, ou préféreraient-ils laisser tout cela derrière eux ? -, cela restait encore à déterminer...

L’heure du rendez-vous approche et la Shugoshin ne s’est toujours pas décidée véritablement sur ce qu’elle allait faire. Y aller ou pas. Telle était la question. La frustration était palpable et elle n’était certainement pas la seule à la ressentir. Elle ne doutait pas le Capitaine Igarashi, principal touché par cette sombre affaire devait l’être au plus haut point. Pour elle, il s’agit là de sentiments complexes, presque confus. La jeune femme a toujours respecté les règles et accompli son devoir du mieux possible. Alors être à la limite de se voir accuser de complicité de meurtre sur un noble qui plus est, lui est intolérable. L’accusation n’est pas directe évidemment, sinon elle ne serait pas là en liberté, mais elle plane au dessus de sa tête telle une épée de Damoclès. Dans le monde auquel elle appartient, la réputation est très importante, d’autant plus qu’elle ne voudrait pas causer du tort à son protégé, Ogasawara Kōga.

En parlant de ce dernier, elle a longtemps hésité avant de déterminer si elle devait lui en parler ou pas. Toute cette affaire étant dangereuse, elle était tiraillée entre la crainte qu’il prenne des risque s’il en savait trop et le fait qu’un homme averti en vaut deux. Mieux vaut les remords que les regrets parait-il, mais avant de faire un choix, elle décide de n’en faire aucun. Cette soirée lui apportera peut-être les réponses dont elle a besoin.

Akemi se rend alors sur la colline, point de rendez-vous d’après le papillon des enfers qu’elle a reçu. Elle veille scrupuleusement à ne pas être suivie et prend toutes les précautions nécessaires pour ne pas être repérée. En silence, elle entre dans le champ de vision du Capitaine, premier arrivé. Au moins, elle peut se rassurer. Ce n’est pas un nouveau traquenard. Qui sait de quoi sont capables les hommes qui enlèvent les hauts dignitaires du Seireitei ?

« Bonsoir Capitaine. »

Pas de prisonniers, un Capitaine sous enquête suite à la mort d'un notable, Nozomi et elle-même interrogées à propos de celle d'un autre Shinigami. Bref, de la merde : la soirée de l'autre fois aura pris une tournure que le mot "défavorable" ne suffit même plus à décrire.

Il n'aura fallu que quelques jours de pseudo-répit avant que la Nécromancienne ne reçoive un papillon, vraisemblablement de la part de Sora. Une invitation. Minuit, sur la colline du Sōkyoku, plus dramatique tu meurs. C'est pas la porte à côté, et d'habitude, à cette heure-ci, elle est pas loin de pioncer, sinon c'est pas terrible pour la peau. Elle a presque plus de crème pour les cernes, ça risque pas d'aider. Et puis se réunir comme ça, en voleurs, en pleine nuit? S'ils sont surveillés - comme ils devraient certainement l'être -, ce rassemblement ne les rendra que plus suspects aux yeux de leur hiérarchie. En un mot comme en cent : pas question de participer. Les autres feront comme ils veulent, mais elle, pas question de prendre le risque de se fourrer dans les ennuis.

Enfin, ça, c'est ce qu'elle aurait décidé si elle n'avait pas fait montre à la fois d'une irrésistible curiosité et d'une rancœur farouche envers quiconque a eu l'audace de tenter de les piéger : quitte à être accusée d'avoir fait exploser quelqu'un, autant vraiment le faire subir au responsable de cette mascarade. Du coup, la voilà à l'heure dite, au lieu dit, planquée dans un coin pour s'assurer que les autres seront là - pas question de faire un tête-à-tête avec le ninja en chef si elle peut l'éviter. Heureusement, Akemi arrive avant elle, lui permettant de débarquer sur ses talons.


- Salut la compagnie. C'est la merde, hein?

En cet instant, seul son Zanpakutō était de nature à démontrer sa nature de Shinigami. Pas de haori, ni même de Shihakushō. Si la Capitaine était mise à l’épreuve, la noble était déjà en partie plus libre.
Pourtant, tout en revenait à eux. Pour qui la connaissait, Tomoe Nozomi avait toujour eu une relation quelque peu particulière avec la noblesse, dont elle était pourtant maintenant une de ses représentantes. Ce qui lui avait permis d’encore plus confirmer le genre d’idées qu’elle avait pu se faire.
Les événements de cette fameuse nuit, et les réflexions qui avaient suivi, n’avaient eu pour conséquence que de la convaincre d’une chose. Cette même noblesse avait de grande chance d’être tout autant victime que responsable de cette histoire. Elle aimerait pouvoir faire part de ses doutes. Creuser la piste Kamiyama.
On lui avait bien fait comprendre qu’elle avait totalement les poings liés à ce sujet.

Elle n’était probablement pas la seule à cogiter de la sorte, sinon jamais le Capitaine Igarashi n’aurait donné ce rendez-vous. Sur l’instant, elle s’était demandée pourquoi il n’était pas venu directement la voir. Il n’aurait après tout rien eu d’étonnant à ce qu’il souhaite faire le point auprès de son homologue.
Sauf si l’on prenait en compte que tout portait à croire que d’autres seraient conviés à cette petite réunion. Auquel cas les choses se présentaient très différemment. Les personnes impliqués dans une opération au résultat décevant, pour ne pas dire autre chose, qui se retrouvaient en pleine nuit dans un lieu secret ?
Pas du tout suspect.

Pourtant, après un instant de réflexion, elle se décida à se présenter.
Curieuse de voir ce qu’ils allaient bien pouvoir dire. Curieuse de la position de chacun. Elle doutait pourtant fortement que grand-chose ne ressorte de cette réunion. A part de possibles ennuis bien entendu.
Elle fut la dernière arrivée. De peu. Elle n’eut pas la chance de louper les salutations de le nécromancienne. Volonté de détendre l’atmosphère ou véritable prise à la légère de la situation ? Vu son passif, il ne serait pas étonnant que cela soit, au mieux, la deuxième option.
Tant bien que mal, la Capitaine préféra ne pas relever, saluant brièvement l’assemblée avant de s’adresser particulièrement à l’investigateur de cette assemblée.

>> Comme l’idée de retrouvailles entre amis ne paraît que peu crédible, je suppose que vous avez une idée bien précise en tête pour nous convoquer de la sorte Capitaine Igarashi.

Une par une, elles finirent par arriver. Trop lentement à son goût, mais sans doute pouvaient-ils s'estimer heureux qu'elles soient venues. S'ils s'y étaient tous brûlé les ailes à divers degrés, il était après tout celui qui ressortait le plus mal loti de cette audience, et de loin.
Quelle que soit l'explication qu'il aurait à y donner, tout portait à croire qu'un noble - et non des moindres, qui plus est, tout estropié qu'il soit - était mort de sa main ; le Seireitei choyant son sang bleu comme il le faisait, il y avait fort à parier que ça n'allait pas en rester là, à moins qu'ils parviennent à faire jaillir la vérité.
De ce fait, il ne serait pas surprenant que le seul fait d'être vues en sa compagnie - maintenant que plus aucun « devoir » ne les y forçait - alourdisse les doutes pesant sur elles également.

▬ Je vous remercie d'être venues, commença-t-il donc après que la Capitaine du Kyūbantai - dernière arrivée - se soit également manifestée.

Dans ces circonstances, ça semblait être la moindre des choses.
Et quels que soient ses sentiments personnels à l'égard de Yane, force était de constater qu'elle avait assez bien résumé la situation : c'était la merde, pour chacun d'entre eux. Qu'il soit le plus à plaindre ne voulait pas dire qu'elles s'en étaient bien tirées.

▬ Si vous avez pris la peine de venir jusqu'ici, Capitaine Tomoe, je ne doute pas que ce soit parce que vous avez déjà deviné quelle est mon idée et pesé le pour et le contre avant de vous décider. Il regarda autour de lui, les observant l'une après l'autre. Et qu'il en va de même pour chacune d'entre vous.

D'autant plus pour la Commandante-en-Second du Kidōshū, d'une certaine manière, celle-ci jouant là avec le risque d'un retour en prison - dans des conditions peut-être pires encore que celles de sa première incarcération.
Faisant quelques pas, il réduisit l'espace entre eux, de sorte à pouvoir diminuer le volume de sa voix et avec lui le risque d'être entendus. Si personne ne venait normalement rôder dans les parages à cette heure tardive, il était là encore préférable de n'omettre aucune précaution à leur portée.

▬ Tous autant que nous sommes, nous avons été roulés.

Le confesser à voix haute le crispa quelque peu, sans qu'il puisse s'en cacher. En tant que maître des services de renseignement, savoir faisait partie de ses prérogatives. L'aveu d'échec allait au-delà de sa seule vigilance personnelle : c'était aussi la réputation de l'Onmitsukidō - et de la Deuxième Division avec celui-ci - qui était en jeu. Il était évidemment impossible pour lui de ne pas en faire une affaire personnelle. Il reprit :

▬ Et je pense qu'aucun d'entre nous n'apprécie d'être pris pour le dindon de la farce. Corrigez-moi si je me trompe, mais aucun d'entre nous ne sait ce qui s'est vraiment passé - et nous en avons tous payé le prix. Et si aucune sanction n'avait été requise contre eux - contre aucun d'entre eux, étonnamment -, cela pouvait encore venir. Et que vous vouliez ou non savoir pourquoi, je pense aussi que personne n'aime être accusé à tort.

En particulier les deux membres de la noblesse, supposait-il.
Même si ces remontrances n'étaient - contre toute attente - suivie d'aucune condamnation, les savoir considérées responsables d'une telle bavure ne manquerait pas d'entacher leur image de marque et leur place dans la haute société. Il était peut-être Capitaine, mais elles avaient plus à perdre que lui. Et qu'importe sa position quant aux familles nobles, c'était une ficelle qu'il n'avait aucun scrupule à tirer.

▬ Je vous rassure, je ne vous demande pas de poursuivre l'enquête illégalement. Après ce fiasco, il n'était guère surprenant qu'on leur ait demandé de ne plus s'en approcher, faisant peu de cas de la frustration qu'ils pouvaient en tirer. Insister contre l'avis de leur hiérarchie ne réussirait là encore qu'à compliquer leur situation - s'ils se faisaient repérer. Mais dans notre intérêt à tous, la moindre des choses me semble être de mettre en commun le peu d'informations que nous sommes parvenus à récolter..

Ne serait-ce que pour comprendre pleinement la position dans laquelle ils étaient - mesurer tout le poids du chapeau qu'on leur faisait porter.
Qu'ils le veuillent ou non, leurs sorts étaient étroitement liés à cause des assignations qui les avaient rassemblés sur cette mission. À eux de s'en accommoder.
Son regard se tourna vers les membres de l'autre équipe, plus particulièrement la Capitaine Tomoe. Au-delà du fait qu'il donnait davantage de poids à son opinion, c'était aussi la seule qu'il n'avait pu entendre à aucun moment au cours des opérations, son équipière s'étant chargée des communications.

▬ Nous n'avons même pas eu l'occasion d'échanger sur nos situations respectives au-delà des quelques messages lapidaires qui ont pu être transmis dans le feu de l'action. Alors voilà ma question : que s'est-il passé ?

Sans surprise, la raison de cette réunion nocturne fut bien rapidement révélée. L’arrière-goût tenace qui restait de cette mission ne devait pas plus plaire à ses équipiers qu’à elle-même. Une volonté de découvrir la vérité devait également les habiter. Quoi de plus normal ? Son homologue de la Deuxième Division l’avait bien résumé.
Ils avaient été roulés. Du moins, au yeux de la noble, pas eux spécifiquement. Cela pouvait faire mal de l’admettre, mais ils ne devaient être que plus ou moins des dommages collatéraux. Pour que les véritables coupables s’arrangent pour que les personnes présentes ce soir là soit leurs cibles, il aurait fallu remonter bien plus haut qu’elle ne voulait l’admettre.
Ainsi, elle préférait ne pas y penser. Elle préférait se reposer sur l’autre théorie qui avait germée dans son esprit.

Et qu’elle n’allait pas révéler aux autres présents pour l’heure. Pouvait-elle réellement leur faire confiance ? Une noble qu’elle ne connaissait pas réellement, une criminelle et un Capitaine trempant par nature même dans les histoires sombres de la Soul Society. Il y avait meilleure assemblée pour accorder autant sa confiance.
Bien entendu, si l’un d’eux cachait des choses, le simple fait d’être venue représentait déjà un danger. Danger qu’elle assumerait cependant car peut-être cela lui permettrait d’avoir des réponses. Si bien que, pour l’heure, elle allait jouer le jeu.
La question posée par le Capitaine Igarashi semblait lui-être particulièrement destinée ? Et bien elle allait y répondre.

>> Nous sommes tombées face à un groupe individus. Ayant assumée que vous m’auriez prévenue si vous aviez déployé des hommes, j’ai préféré les considérer comme une menace et suis donc directement passée à l’assaut.

Son ton était relativement neutre. Il s’agissait après tout d’un simple rappel exact des faits. C’était la pensée qu’elle avait eu à ce moment et, si c’était à refaire, elle n’hésiterait pas un instant à réitérer. Peut-être même encore plus en sachant la suite en vérité.

>> Cela ne présentait nul risque après tout, étant plus que capable de neutraliser une cible sans lui infliger de blessures si je me trompais. S’ensuivit une discussion, où, pour résumer, ils retournèrent l’accusation en se présentant comme sous les ordre des Kamiyama, et insistant bien sur l’inefficacité du Gotei.

Dicussion de sourd qui avait eu lieux d’ailleurs. Leur but n’ayant de toute évidence jamais été d’être coopératifs, se faire passer pour des victimes devait être bien plus simple. Le tout en menaçant de plainte officielle, bien entendu.
Certes, vu leur situation en cet instant, cela devait avoir dépassé le stade de menace. Appuyant ses conclusions d’ailleurs.

>> Puis ils se sont enfuis, non pas sans que l’homme qui s’était retrouvé à terre n’explose. Et, aussi étrange que cela puisse être vu mon accompagnatrice, je peux affirmer que ce n’était nullement de notre fait.

Forcément, cela devait être une explosion alors qu’elle était accompagnée d’une ancienne prisonnière dont de tels spectacles étaient reconnus comme sa marque de fabrique. Cela n’avait pas non plus dû jouer en leur faveur d’ailleurs.

>> Je pense que c’est un bon résumé de notre côté. A moins que la Commandante en Second Yane ait quelque chose à rajouter, je pense que c’est à votre tour de nous faire part de votre côté.

L’équipe est réunie au grand complet et l’on est en droit de se demander si c’est une bonne chose qu’après tout ce qui a pu se passer, les avertissements et la potentielle surveillance mise en place pour eux. Complice, mais possiblement moins en tort, moins impliqué que les autres, cela n’a pas empêché la jeune Shinigami d’être promue Vice-Capitaine. Comme quoi, la justice ne frappe pas sans preuve. Innocente tant qu’elle n’a pas été prouvée coupable, c’est bien ce que l’on dit n’est ce pas ?

Pourtant, ils ont tous pris le risque de venir ici, non pas pour transgresser les règles, ni pour enquêter alors qu’on le leur a interdit, mais pour tenter de comprendre. Les jours se sont écoulés, et chacun a certainement pu prendre un peu de recul face aux événements. Chacun doit avoir sa propre vision des choses. Outre les faits, il y a l’intuition, le ressenti et les déductions qui peuvent s’ajouter. Rien que Sora et Akemi par exemple, doivent avoir des idées un peu divergentes. Alors que s’est-il réellement passé ?

La Capitaine Tomoe raconte la première ce à quoi la Shugoshin et son coéquipier de mission n’ont pas pu assister. Des grandes lignes qui déjà font émerger des questions dans l’esprit de la Fukutaicho. Certaines seront sans réponse, d’autres peut-être peuvent trouver des éclaircissements.

« Ils avaient l’air au courant de notre mission. Mais alors pourquoi chercher à nous mettre des bâtons dans les roues plutôt que de chercher à s’entre-aider ? Et pourquoi avoir fait exploser l’un des leurs ? Pour éviter que vous l’interrogiez davantage et qu’il ne parle ? »

Les pièces de ce côté du puzzle ont encore du mal à s’imbriquer. Quant à ce qui a pu se passer de son côté à elle…

« Nous sommes tombés dans un piège, la lumière a complètement disparu autour de nous, signe évident d’un maléfice. Il y avait un homme, se tenant de dos, son rire moqueur laissait supposer qu’il était à l’origine de cela. Le Capitaine a donc attaqué, et l’homme est mort sur le coup, il s’agissait de Shimura Ashido. Puis Kuzu Ryû nous est tombé dessus. Avec des manières laissant à désirer... »

Quand bien même il aurait eu ses raisons, elle n’appréciait pas d’avoir eu un couteau sous la gorge alors qu’elle était en mission officielle. L’incident avait du mal à passer malgré qu’elle ne soit pas vraiment rancunière.

Sans rien dire, Yoru écoute la discussion, laissant à la Capitaine Tomoe le soin d'exposer les faits.

Puis c'est au tour d'Akemi de détailler ce qui a eu lieu de leur côté, en parallèle. Plus ou moins ce qu'elle a elle-même entendu à propos des faits, donc. Plus quelques détails - le rire de l'homme désormais mort, par exemple... De quoi rester songeuse face aux événements. Et puis, il y a ce Kuzu Ryû. Comme par hasard, un type de la Deuxième. Si on fait le lien, l'implication de l'Onmitsukidō commence à être particulièrement grande.

Pour l'heure, la Nécromancienne tente d'apporter quelques éclaircissements supplémentaires aux interrogations d'Akemi.


- Ils étaient carrément au courant, oui. L'un d'eux nous a dit de leur laisser le champ libre et d'aller vous aider. Je m'en souviens très bien, j'ai tiqué sur le moment parce qu'on n'avait jamais parlé de vous jusqu'ici.


Elle avait même d'ailleurs failli leur faire la remarque, mais avait préféré simuler une communication vers un QG imaginaire alors qu'elle joignait en réalité le Capitaine Igarashi, histoire de garder l'information pour elle et d'éviter d'éveiller la méfiance de ces inconnus plus que nécessaire. Enfin, vu la façon dont la Capitaine Tomoe avait décidé de les presser comme des citrons, et ce après leur entrée en matière musclée, il n'y avait pas grand-chose à sauver de ce côté.


- Pour ce qui est de l'explosion, j'avais le type en question sous Bakudō. J'avais prévu de l'isoler du reste pour l'emmener personnellement à la Quatrième et lui tirer les vers du nez, histoire de comparer son discours à celui de ses potes, mais il a gonflé comme un ballon et j'ai à peine eu le temps de m'écarter. Vous avez bien vu ce que la Capitaine vous a dit : vu mes antécédents, ce serait si crédible de me voir faire un truc comme ça que je me demande si la méthode d'exécution a été choisie au hasard. En plus, c'est très mal me connaître. Je ferais jamais exploser quelqu'un de l'intérieur, c'est dégueulasse. Je préfère faire exploser l'extérieur, avec la personne toujours au milieu.


La précision est superflue, mais elle a le mérite d'être honnête : ce ne sont effectivement pas ses méthodes. C'est quand même vachement moins satisfaisant si la déflagration est atténuée parce qu'elle démarre à l'intérieur d'un corps.

Se tournant vers le Capitaine Igarashi, elle ajoute ce qui lui trotte dans la tête depuis quelque temps.


- Pour être honnête, Capitaine, le premier truc que je me suis dit, c'est "tiens, on dirait une équipe de ninjas de chez la Deuxième". Ils avaient les pyjamas, l'agilité, les techniques de discrétion. S'ils se sont pas présentés comme tels, ils en avaient certainement les compétences. Entre ça et l'intervention vachement bien timée de votre subordonné quand il est venu vous arrêter... enfin, vous pensez qu'il pourrait y avoir un truc louche qui se trame dans votre Division?


A priori, interroger ledit Kuzu Ryû pourrait être un début.

Sora ne dit mot, écoutant le témoignage des différentes invitées à cette réunion tout ce qu'il y a de plus officieuse. S'il avait choisi de convier tout le monde sans distinction, des incohérences entre les versions faisait aussi partie des choses qu'il savait devoir repérer.
Oh, il ne fallait pas forcément y voir de malveillance : lui-même se doutait que la Troisième Siège Shugoshin, restée en retrait, n'avait pas dû voir les mêmes choses que lui qui était allé au corps-à-corps - et inversement. Même si oui, en effet, il n'était pas non plus à exclure que l'un d'entre eux - ou plutôt l'une d'entre elles ; au moins pouvait-il se fier à son propre avis - puisse être plus impliquée qu'elle ne le prétendait.
Eux trois étaient présents lors de l'enlèvement, mais était-ce vraiment une coïncidence ou est-ce que l'une des deux autres avait quelque chose à y voir ? Et avait-on vraiment besoin de leur adjoindre les services de la Commandante en Second du Kidōshū - notoirement connue pour son naturel tape-à-l'oeil - pour une enquête ? S'il n'en était pas encore à former des suspicions envers n'importe laquelle d'entre elles, c'était selon lui une piste à ne pas négliger.
D'autant plus quand même certains de ses hommes - l'avaient-ils jamais été ? - commençaient à montrer des signes de dissension.

▬ Je n'ai envoyé personne, en effet. finit-il par répondre après que tout le monde se fut exprimé. Et même si cela avait été le cas, je ne les aurais pas envoyé vers vous. Les quartiers nobles sont grands, il aurait été préférable de leur en faire couvrir une partie qui n'était pas déjà quadrillée.

D'autant qu'elles auraient pu mal prendre qu'il se permette une telle manœuvre sans même les en alerter. Et s'il ne s'en serait pas pour autant privé s'il l'estimait nécessaire, il tenait tout de même à garder de bonnes relations avec la Capitaine de la Neuvième Division ; leurs attributions respectives l'exigeaient. Au vu de ses propres compétences, la sympathie du Kidōshū, il pouvait s'en passer, mais avoir la Justice contre soi n'était jamais une bonne idée. Il en savait quelque chose.

▬ Mais comme la Troisième Siège Shugoshin l'a indiqué, nous sommes nous-mêmes tombés sur un de mes « subordonnés »... Qui s'est manifesté au moment exact où il aurait pu nous prendre « la main dans le sac » si nous étions responsables de ce dont on nous accuse.

Sa mâchoire se crispa, mais il reprit sans tarder.

▬ Curieusement, j'ai peine à croire que ce soit une coïncidence. Comme vous le savez, l'Onmitsukidō est à l'origine un organisme indépendant du Gotei 13. Cela fait 150 ans désormais qu'il a été officiellement « lié » à la Deuxième Division, un état de faits que je m'efforce de consolider...

Son regard se durcit.

▬ ...Mais il n'en reste pas moins qu'à l'origine, l'Onmitsukidō peut également être sollicité directement par la Chambre des 46. Parfois même sans en alerter leur Commandant, comme je viens de l'apprendre moi-même...

Dire que cette découverte n'était pas pour le ravir aurait été un euphémisme, et cela se voyait sur ses traits malgré ses efforts pour garder un air impassible. Tout habitué soit-il désormais à jouer cette petite comédie, à bien paraître, l'irritation palpable qu'il ressentait en se remémorant tous les détails de cette mascarade n'en était pas moins suffisante pour fissurer son masque de civilité.

▬ Bref. Je préfère donc en effet partir du principe que je ne peux pas me fier à mes hommes, hormis ceux que j'ai personnellement recruté. Inutile de dire que ça ne fait pas beaucoup étant donné la courte durée de mon mandat.

Sora était peut-être le plus ancien des nouveaux Capitaines, mais n'était malgré tout en poste que depuis une poignée d'années - une bagatelle dans la vie d'un Shinigami. Même s'il avait activement œuvré à regarnir les rangs de l'Onmitsukidō et à accélérer son assimilation « totale » à la Deuxième Division, ceux dont il avait lui-même géré l'enrôlement étaient très loin d'être une majorité.
Bien sûr, le cas de Kuzu Ryū était encore plus particulier au vu de la section des services secrets à laquelle il appartenait, mais leur expliquer reviendrait à révéler une partie des secrets de leur organisation ; il n'était pas encore résolu à aller jusqu'à de telles extrémités.

▬ J'imagine qu'ils étaient camouflés, mais y a-t-il des détails dont vous pouvez vous rappeler à leur sujet ? Une couleur de cheveux, une façon de parler ? La moindre particularité pourrait aider à les identifier.

Leur erreur avait été d'établir le contact - d'attirer l'attention sur eux.
Si être correctement préparé réduisait en effet les risques de se faire remarquer, avoir pris le temps d'échanger avec la Capitaine Tomoe et son acolyte avait potentiellement laissé à celles-ci l'occasion de les observer. Certes, c'était en pleine nuit et cela compliquait encore la tâche, mais cela ne voulait pas dire qu'elles n'avaient rien relevé.
Et s'il ne pourrait pas agir ouvertement contre eux, même s'ils arrivaient à les retrouver - du moins pas tant qu'il serait dans cette situation -, au moins saurait-il un peu plus précisément de qui il devait se méfier.

▬ De notre côté, je suis persuadé que la personne que j'ai attaqué a trouvé le moyen... D'échanger sa place avec Shimura Ashido, dit-il en mimant l'interversion avec les doigts, ou du moins de le faire passer pour ce qu'il n'était pas. Il n'était pas un Shinigami, et s'il arrive que les membres de certaines familles nobles apprennent le Kidō sans passer par l'académie, le pouvoir que nous avons vu à l'œuvre ne ressemblait à rien de connu. Je m'y connais assez pour pouvoir l'affirmer.

D'autant qu'outre ses compétences propres - allant sans doute au-delà de ce que l'on pourrait attendre de la part d'un spécialiste des missions furtives -, il était assez bien renseigné sur ce le Kidō pouvait et ne pouvait pas faire, outre ce qui avait été délibérément occulté. Et encore.

▬ L'on pourrait croire que l'idée que le Commandant des Services Secrets aurait été jusqu'à déployer son Bankai pour assassiner un simple civil en plein milieu d'un quartier peuplé serait assez absurde pour que l'on s'interroge sur la véracité de cette version, mais peut-être suis-je un peu trop optimiste. fit-il en haussant les épaules, avec tout le sarcasme que les circonstances exigeaient. Son regard s'orienta vers le Seijōtōkyorin, depuis lequel opéraient les membres dudit conseil. Je ne dis pas que c'est entièrement leur faute, mais il se passe quelque chose de louche du côté de la Chambre, si vous voulez mon avis.

Le cas Aizen était sans doute encore assez récent pour qu'il n'ait pas à développer sa pensée. Si l'on pouvait douter que le scénario soit exactement le même, c'avait été la preuve de la facilité avec laquelle la Chambre pouvait être manipulée. Tout « sages » qu'ils soient censés être, ses représentants restaient humains, avec tout ce que cela implique de défauts - et de fragilité.

>> Ce sont là de graves accusations.

Ce fut avec une voix extrêmement calme que Nozomi repris la parole. Elle avait été la première à s’exprimer, et depuis avait observé le parfait silence, écoutant avec attention les différents récits. Que ce soient ceux des événements auxquels elle n’avait pu assister comme de ceux qu’elle avait personnellement vécus. Il était toujours bon de s’assurer de la concordance entre les perceptions de chacun, même si elle aurait été grandement surprise que Yoru se mette à défier de son propre récapitulatif. Cela aurait été attirer une attention bien inutile.
L’autre récit se révéla plus intéressant, mais bien difficile de véritablement en conclure plus de concret. Un pouvoir inconnu utilisé par un noble disparu ? Cela n’avait pas de sens, mais elle ne possédait hélas pas d’explication plus concrète. La seule certitude était le fait qu’elle s’imaginait mal le Capitaine Igarashi monter un tel complot.
Ce qui ne pouvait donc signifier qu’une chose.

>> Aussi peu que cela me plaise, la réaction de la Chambre n’est pas insensée. En considérant que la Chambre était au courant de notre mission, est-il si impensable qu’elle envoie un homme sur lequel elle a autorité observer ? Et intervenir en cas d’agitation en plein quartier noble ? Nous n’avons après tout pas respecté la consigne de discrétion, moi la première.

Contrairement au principal concerné, la présence de Kuzu Ryû n’étonnait guère la Capitaine de la Justice. Elle même aurait certainement agit de la sorte. Et elle connaissait suffisamment le milieu noble pour savoir que nombre d’entre eux aimaient tout savoir, il était donc logique de considérer qu’il en soit ainsi pour ceux disposant du plus de pouvoir.

>> De même, suite à cette agitation, leurs décisions ne sont pas si surprenantes. Ils n’ont pas fait en sorte que nous soyons mis à l’arrêt. Ou en tous cas n’ont pas réussis. Mais enquêter plus sur la situation… Et bien je dois dire que j’aurais fait de même.

Elle y avait réfléchis. Elle n’aimait pas être mise en doute. Et sa conclusion fut celle qu’elle venait de partager. Elle aurait fait de même.
Ainsi, les accusations étaient en effet graves, et pas véritablement justifiées à ses yeux. Et pourtant…

>> Mais je suis d’accord que quelque chose se passe, et il est possible que la Chambre soit tout autant victime que nous. Vu leur obscurité et leurs visages masqués, je n’ai pu voir de signes distinctifs chez les hommes auxquels nous avons fait face. Cependant, j’ai pu noter une certaine animosité envers le Gotei, comme voulant nous accuser, agitant la menace de plaintes.

Un Capitaine accusé du meurtre d’un noble disparu. Une autre mêlée à un contact hostile avec un groupe de prétendus serviteurs d’une maison noble, avec un mort à l’issue ?
Et, en conclusions de cela, le retrait de l’affaire des mains du Conseil Militaire. S’il y avait une chose qu’elle ne pouvait nier, c’était le fait que quelque chose n’était pas clair au sein de cette histoire.

>> Je ne saurais dire son origine, mais il me semble qu’il y ait en effet quelque chose qui se trame en secret. A priori je pourrais supposer qu’il y ait une tentative de saper le pouvoir du Gotei, les événements ne le mettant guère en avant. Mais je ne peux l’affirmer. Je ne peux même pas affirmer que les Kamiyama soient biens liés à cela. N’ayant nulle confiance envers des hommes capables d’exécuter l’un des leurs pour éviter qu’on ne l’interroge, le nom peut très bien avoir été cité afin de créer une fausse piste.

Bien sûr, elle ne pouvait s’empêcher de penser qu’ils avaient bien un lien avec cette histoire. Mais hélas, elle n’avait rien pour affirmer qu’il ne s’agissait pas d’une autre manœuvre.