Bien sûr, Artemio n'avait pas
vraiment l'intention de la dévorer.
Pas ici, pas devant tout le monde. C'aurait été un cruel manque de civisme de sa part. Si cette compétition n'avait rien à envier à un combat de gladiateur, la mise à mort ne faisait en aucun cas partie des règles.
Après tout, le but était de renforcer l'Acuerdo, de le doter de « défenseurs » capables d'en faire respecter les quelques règles ; s'ils commençaient à s'entretuer avant même leur prise de fonction, cela réduisait quelque peu l'intérêt qu'on pourrait y trouver... Du moins du point de vue de ceux qui avaient orchestré cette cérémonie macabre.
Pour sa part, il n'aurait vu aucun inconvénient à ajouter un peu de piment à cette finale, ne serait-ce que pour pallier au départ des moins téméraires. Il était même prêt à parier que le public aurait applaudi en voyant la tête de l'un d'entre eux rouler dans le sable, quel que soit celui qui en sortirait vainqueur.
Il n'était jamais difficile de vendre une débauche de violence toujours plus excessive à des spectateurs qui ne demandaient pas mieux - qui rêveraient de pouvoir en faire autant. De laisser parler leurs plus noirs instincts.
Ce serait pour une prochaine fois.
Mais il devait admettre que cette confrontation le distrayait plus qu'il n'aurait pu le croire, surtout à présent qu'elle semblait enfin se décider à le prendre au sérieux.
À la bonne heure ; faire déjà partie des Lames ne la dispensait pas de refaire la démonstration de ses talents - que ce soit pour convaincre ceux venus la voir pour la toute première fois ou rappeler aux habitués pourquoi ils l'avaient élue autrefois.
Pourtant, c'était un autre combat qu'elle semblait déjà avoir à l'esprit. En l'occurrence, celui qu'ils pourraient livrer en d'autres circonstances, celles-ci n'étant pas à son goût. Il se para d'un sourire, encore.
▬ Allons ! Es-tu à ce point convaincue de ta défaite que tu prévois déjà ta revanche ? Je ne pense pourtant pas être si impressionnant...Bien sûr, malgré ces provocations lancées pour amuser la galerie, il n'était pas sans comprendre qu'elle non plus ne veuille pas dévoiler toutes ses cartes. Mais s'il devait sortir vainqueur de ce tournoi - gagner alors qu'il n'était, à l'origine, là que pour prendre la mesure des participants -, il ne saurait tolérer que l'on prétende qu'il n'avait pas mérité sa victoire. Plus encore alors que ce dernier affrontement avait été réduit au stade de simple duel, exempt des complications qu'une lutte à quatre aurait pu déclarer.
Mais toute prévoyante qu'elle soit, Matryona n'avait pas encore dit son dernier mot et, survivant au feu nourri qu'il avait fait s'abattre sur elle, elle se propulsa à son tour pour lui donner la chasse.
Encore trop peu habitué à ce corps malingre pour tenter de s'enfuir, Artemio n'eut d'autre choix que d'ériger des barrières autour de lui - celles d'un solide Negación - pour amortir un tant soit peu la pluie de coups dont il était victime, sans y parvenir tout à fait.
Son bouclier brisé, les lames percèrent et fendirent, mettant son corps à rude épreuve. Il s'en fallut de peu qu'il n'entre en état de choc, tant il était incapable de s'attendre à ce que quelqu'un - n'importe qui - puisse lui faire aussi
mal. Et non contente de le taillader de part en part, tout portait à croire qu'elle avait également pris le temps d'enduire ses lames de quelque poison...
C'en était trop.
Une étincelle de rage éclaira son regard et sa main fusa vers son Zanpakutō. Cela tenait presque du réflexe - non pas de survie, mais de pure violence.
Et si personne n'entendit l'incantation être proférée, la brutale déflagration qui résonna ensuite était sans conteste celle d'une libération ; la façon dont sa pression spirituelle enflait ne laissait aucune place au doute.
Pas plus que la forme gigantesque qui se dressa alors au milieu de l'arène, rougeoyante, encore drapée de toute la fumée issue de sa propre venue au monde. Et qui, d'un geste brusque, repoussa la Tercera plus sèchement encore qu'elle ne l'avait déjà été - de cette main griffue qui, à elle seule, la surpassait en taille.
Quimera. prononça-t-il d'une voix qui était à la fois la sienne et celle de quelqu'un d'autre - comme distordue, amplifiée proportionnellement à ce corps, infiniment plus grand et fort que tout ce qu'il avait montré jusqu'à présent. La forme d'un dieu.
Alors, des feux follets se détachèrent de sa masse considérable pour fondre sur sa cible, sans autre intention que celle de la consumer, de la calciner sur place - de lui prouver qu'elle n'était pas la seule à pouvoir tuer à petit feu, ce qui, dans son cas, devenait on ne peut plus littéral.
Et ce n'est qu'alors que la chaleur du brasier naissant cinglait les visages que l'on commença à discerner sa silhouette - son vrai visage - par-delà les cendres et les débris.
Et quand bien même il n'était pour beaucoup qu'une lointaine légende, il allait sans dire que certains le reconnaîtraient. Lieraient son image à celle de l'un des nombreux noms qu'on lui avait donné à travers les âges.
¡ El Dios del Fuego !