a whole new world (orias)

2018.
C’est beaucoup d'informations à assimiler. À comprendre. Beaucoup de choses que tu ne connaissais pas et qu’aujourd’hui semblent faire partie de ton quotidien. Et tu ne sais pas si tu aurais préféré continuer de vivre dans l’ignorance. Dans la douceur que pouvait apporter l’innocence. Car il y a quelque chose de terrifiant que de pouvoir voir ton propre monde envahi de créatures venues d’ailleurs. De monstres ainsi que de protecteurs. Des quartiers écrasés d’une force que quasiment personne ne pouvait voir.

Presque personne, sauf vous.

Il est cependant trop tard pour reculer. Trop tard pour changer d’avis. Il était déjà trop tard lorsque tu as accepté de participer à ces essais cliniques sans même savoir ce dont il en retournait, désespérée d’avoir de quoi payer ton loyer du mois. Alors tu es désormais officiellement une scientifique de l’Ultima Necat, rejoignant naturellement la section des Cups compte tenu de ton profil. Encore aux études, il n’est qu’une question de temps avant que tu n’obtiennes ton diplôme et déjà tu te sens à ta place, parmi tous ces autres scientifiques, chercheurs ainsi qu’ingénieurs. Parce que déjà tu peux te pencher sur ce qui te passionne le plus, sur ces nouvelles technologies qui s’offrent à toi.

Parce que déjà, ton but se dessine.
Offrir plus de possibilités encore à l’humanité.

Et lorsque tu n’es pas dans tes laboratoires, tu découvres la base d’opération de l’organisation, arpentant les couloirs sans trop d’objectif précis. Et c’est le cas en ce moment précis, parcourant les différents couloirs, ton regard curieux balayant les environs. Ou, tout du moins, tel est le cas, jusqu’à ce que tu entendes une voix t’interpeler. - Hanae ! Tu te retournes légèrement, jetant un coup d’oeil par-dessus ton épaule à l’individu que tu identifies comme étant un autre Cups. - Tu as quelques minutes ?

T’arrêtant finalement dans ta marche, tu lui fais désormais face, hochant doucement de la tête. - Je devais aider le King of Coins, ils ont installé un nouvel ordinateur, je pense, dans son bureau, et il a encore un peu de mal avec la technologie. Tu veux bien y aller à ma place ? J’ai quelque chose d’urgent qui m’est tombé dessus. Il te dit ça en te jetant presque dans les bras quelques feuilles rassemblées ensemble avant de repartir.

Comme quoi ton avis sur la question n’avait pas trop d’importance.

Tu lis donc ce que tu as entre les mains. Un ordinateur nouvelle génération, plusieurs écrans tactiles et de quoi pouvoir faire apparaître en 3D sur son bureau des images qu’il pourrait vouloir mieux visualiser. Rien de bien extraordinaire, donc. Rien qui ne mériterait que tu prennes ton temps à expliquer à quelqu’un, que tu te dis, le tout étant assez… Basique, à défaut de d’autres mots. Or, te retrouvant avec ça sur les bras, tu prends donc la direction du bureau dudit King of Coins, que tu connais sous le nom d’Orias, sans vraiment en savoir plus sur lui et t’imaginant un vieillard devant sans doute approcher son centième anniversaire si cette technologie était trop compliquée pour lui.

Face à son bureau, tu toques à sa porte, te demandant vaguement si tu dois cogner plus fort. Après tout, avec la vieillesse vient la surdité, non ?

Forcément, il y avait beaucoup à apprendre. Le changement d’époque était plutôt brutal pour l’astromancien, qui ne pouvait même plus tant s’en rendre aux étoiles que ces dernières n’étaient plus qu’à peine visibles. Et encore, au prix de devoir s’éloigner autant que possible des lumières de la ville. En cette époque, tout n’était que pollution. C’est ce que l’humanité en elle-même était devenue. Ce pourquoi il avait accepté de se ranger du côté de l’Ultima Necat lorsque la proposition lui avait été faite, peu de temps après son retour à la vie. Il avait un peu erré au début. Heureusement, Orias avait toujours eu un assez bon talent à la débrouillardise et sa survie n’avait pas été en jeu.

Des compétences qui d’ailleurs lui avaient valu de se voir confier un poste important. Cela ne s’était pas fait d’un claquement de doigts. Des entretiens, des discussions. Des tests également. Après quoi il fut le premier King of Coins, ou plutôt Roi des Pièces comme il préférait le dire lui-même. Mais autant dire qu’il demeurerait certaines complications d’ordre pratique le concernant. Il était capable de choisir le meilleur agent pour une tâche donnée, d’organiser les différentes compétences sous ses ordres pour que chacun puisse exprimer ce dont il était capable. Mais demandez lui d’appuyer sur une série de boutons dans un ordre précis alors que pour lui aucun ne signifiait rien, et là… Se retrouvant là-dedans du jour au lendemain, il n’était pas étonnant que cela lui poser quelques soucis.

On frappe à la porte, et de la voix il invite à entrer. Orias est installé dans son siège, les talons croisés sur le coin du bureau, un brin affalé. Il affiche un grand sourire alors que la porte s’ouvre.

- Salut et félicité ! Expliquez-moi donc la raison de votre venue, jeune fille, mais faite vite hein, j’attends quelqu’un !

Il attendait un homme ; une femme arrive. Comment penser que ce pourrait être elle, le rendez-vous qu’il attendait justement ?

C’est la surprise qui se dessine d’abord sur tes traits lorsque tu entres dans la pièce. Son bureau. Parce que s’il ne semble plus avoir la vingtaine, l’homme qui te fait face t’apparaît comme relativement jeune. Pas spécialement de rides. Pas de cheveux blancs. Pas de longue barbe blanche digne d’un sorcier, ce que tu t’étais presque imaginée lorsque tu as appris que l'individu avait de la difficulté avec la technologie. Après tout, pour être ainsi à la ramasse, tu n’as trouvé que deux explications logiques. L’âge, qui s’avère une fausse piste. Ou alors tu fais face à un ancien ermite.

Presque possible, ça.

La surprise est d’autant plus grande lorsqu’il te salut. - Félicité..? As-tu seulement déjà entendu ce mot ? Tu le marmonnes doucement, sans doute pas assez fort pour qu’il t’entende, tandis qu’il te questionne sur ta présence ici tout en te faisant savoir que tu allais devoir faire vite. Après tout, il attend quelqu’un. - Oh ! Je pense que c’est moi, que vous attendiez. Tu lui désignes alors ce que tu tiens dans tes mains. - Enfin, on m’a attrapé dans le couloir et on m’a refilé ça, en me demandant de venir vous expliquer tout ce dont vous devriez savoir concernant votre nouvel ordinateur. Pour faire simple. On t’a imposé ce travail et tu n’as pas trop eu d’autre choix que d’accepter et, maintenant que tu lui fais face, trop tard pour reculer.

Tu ne peux que t’avancer et tendre la main dans sa direction. - Ikeda Hanae. Je travaille dans la branche scientifique. Avec les Cups. Un large sourire se voulant sympathique, tandis que tu te tiens droite devant lui, fière aussi. Tes cheveux blonds ramenés vers l’arrière et attachés en une queue de cheval. Une tenue assez sobre trop souvent couverte par ton sarrau.

- Alors, on m’a fait une liste de ce dont vous pourriez avoir de besoin mais… Et si vous m’expliquiez exactement ce qui vous pose problème ? Tu as pris le temps de fouiller un peu le document que tu tiens, mais ça t’intéresse tout de même, ce qu’il a à dire.

De savoir ce qu’il y a de si compliqué à comprendre dans tout ça.

- Oh fort bien fort bien, venez, entrez ! Désirez-vous peut-être prendre un rafraîchissement ? Ou quelque chose d’un peu plus fort ?

Lâche-t-il presque machinalement comme il la laisse entrer dans son bureau, fermant la porte derrière elle, maintenant qu’il sait à qui il a affaire.

- Vous me voyez fort navré que vous vous soyez vue imposé ainsi une tâche au guêt du mur comme on dit, enfin, sur le pas, quoi. « Pas »… quelque chose comme ça, mais ça a quelque chose à voir avec le pied, ça c’est sûr… Enfin bref, je ne vais pas vous tenir la hampe trop longtemps – j’espère.

Orias n’avait jamais été homme à avoir quelque facilité avec les expressions, le principal souci étant qu’il ne désespérait pas d’en faire usage même s’il ne savait jamais trop « comme on dit d’habitude ». En tout cas il se montre souriant et accueillant, sans qu’il semble devoir aucunement se forcer pour cela. Une nature bienveillante qui ne prend donc pas ombrage du fait que « quelqu’un » s’était débarrassé de lui à la dernière minute pour refiler le boulot à cette jeune femme qui n’avait sans doute rien demandé.

- Quoi qu’il en soit ravi de faire votre connaissance Hanae – si vous permettez que je vous appelle par votre prénom. Pour ma part comme vous le savez donc sans doute : je suis Orias.

Modestement il fait l’impasse sur son titre. À cette époque il n’y est pas encore habitué. De là d’où il venait, « roi » signifiait vraiment quelque chose. Du genre à pouvoir crier « qu’on lui coupe la tête » et couic, ça de moins à porter sur les épaules. S’il avait pu choisir, il trouvait qu’Intendant collait bien mieux à sa fonction, mais bon, le Roi des Pièces deviendrait-il alors.

- Quant à mon souci, eh bien… ahah, vous allez rire, vous allez voir, c’est trois fois rien. Il se trouve que je suis mort il y a très très longtemps ! Une affaire de cinq siècles, peu ou prou, vous comprendrez qu’arrivé dans cette marge l’on ne s’encombre plus à compter les années à l’unité.

Ce qui signifiait donc qu’à la louche, il faudrait lui apprendre… à peu près tout !

Tu entres alors dans son bureau, surprise de l’offre. - Il est déconseillé de boire de l’alcool lorsqu’en fonction…? D’une petite voix, question que tu ne lui adresses pas vraiment. Tu secoues alors doucement de la tête, ne t’attardant pas sur ce genre de détail et déclinant simplement l’offre tout en lui faisant part de la raison pour laquelle tu te retrouves ici aujourd’hui à la place de ton collègue qui ne t’a pas laissé le temps d’en placer une.

Tu l’écoutes avec toujours ce sourcil haussé et de la surprise dessinée sur tes traits. Une touche d’incompréhension aussi, dans ton regard, lorsqu’il s’emmêle les pinceaux dans une expression qui t’échappe aussi tant qu’elle te semble confuse. - Oh ne vous excusez pas, ce n’est pas de votre faute. Puis ça me fait plaisir de pouvoir vous aider. Tu ne comprends pas encore pourquoi est-ce qu’il a besoin d’aide avec quelque chose qui te semble pourtant si simple, mais bon, tu t’es promis de ne pas juger. C’est peut-être juste qu’il a passé la dernière décennie enfermée dans une grotte. Tu ne peux alors que te montrer compatissante. Empathique.

Quelque chose comme ça.
Compréhensive un minimum de sa situation.

- Hanae c’est très bien. Orias, donc, le concernant. Tu crois avoir vu le nom dans le dossier que tu tiens, mais aussi inscrit sur le côté de la porte que tu as traversé pour venir jusqu’ici. King of Coins. Voilà à qui tu as affaire. Ce n’est pas tous les jours que tu fais face à de la royauté, aux hautes têtes de l’organisation que tu as rejoint il y a peu. Et ça t’intimide un peu, même si tu n’en laisses rien paraître, te tenant droit et lui offrant une mine confiante.

Expression confiante qui s’efface au fur et à mesure qu’il parle, restant dès lors silencieuse quelques instants. Tu as cru entendre ces rumeurs, au détour d’un couloir, comme quoi certains individus seraient revenus à la vie il y a peu, mais de là à y faire face…

- Attendez. Quoi ? Qui s’échappe finalement de tes lèvres. - Comment ça, vous êtes morts ? Ce n’est pas là l’information qui te choque le plus. - Et que voulez-vous dire par cinq siècles ? Il ne peut quand même pas être mort il y a cinq cent ans… Si ? Ça expliquerait ce pour quoi il ne s’y connait pas en technologie. Qu’il n’a pas passé les dix dernières années dans une grotte mais bien les cinq cent dernières dans un cercueil. - C’est donc vrai, toutes ces histoires ? Toujours aussi surprise. Choquée, même. - Je eh… D’accord. Ouai. Cool… Ça fait eh, longtemps, que vous êtes là ? De retour, je parle ? Enfin, en vie ? Une pause.

- Vous êtes bien en vie ?
Tu penses la question légitime dans ce cas-ci.

- « Lorsqu’en fonction » ? Ahah, elle est bien bonne ! Y a des moments où vous n’êtes pas en fonction vous ?

Pour Orias en tout cas, il n’y avait pas vraiment de principe d’heures à prester. La journée commençait lorsqu’il se réveillait, s’achevait lorsqu’il s’endormait, et si l’on devait avoir besoin de lui, de jour ou de nuit, il « prestait ». Alors le principe de ne pas boire pendant « les heures de boulot » alors qu’il n’en avait pas ne lui avait jamais effleuré l’esprit. Être membre de l’Ultima Necat n’était pas vraiment un travail comme un autre. Pas vraiment un travail en soit, pas légalement en tout cas. Pas de contrat signé avec salaire fixe à la clé, mais plutôt une cause en laquelle l’on s’engageait. Tant qu’il avait assez pour vivre sa vie il ne s’en tracassait pas, et il avait dormi dans bien pires endroits ! Ce qui ne l’empêche pas d’en plaisanter un peu encore.

- J’aurais peut-être dû négocier de meilleures conditions, vous pensez ? Ah, c’est tout moi ça, je ne lis jamais les petits caractères en bas de page...

Pour autant il n’attaque pas à la liqueur d’ores et déjà, et il n’a pas l’air d’en avoir consommé aujourd’hui. Il y a certes un temps et une heure pour ça, mais il ne fait que proposer et n’est certainement pas là pour juger. C’est que ça aidait à créer des liens aussi, et même s’il était mieux de ne pas s’attacher, ce n’était pas un point foncièrement négatif à ses yeux de prime abord.

Quoi qu’il en soit, le roux s’amuse des réactions de la jeune femme sur ses déclarations. Il se tapote le torse et les bras, comme pour témoigner qu’il est bien constitué de matière et qu’il ne se traverse pas dans le mouvement.

- Tout à fait en vie, oui, j’en ai bien l’impression ! Mais comment en être sûr, au fond ? Vous êtes sûre d’être en vie vous ? Peut-être que vous aussi, vous êtes morte il y a très très longtemps, mais que votre ciboulot continue à vous faire rêver. Du coup, vous croyez que vous vous tenez dans le bureau d’un homme charmant, alors que si ça se trouve, les asticots en sont déjà à grignoter votre cuir chevelu !

Et d’ajouter un peu plus bas, en se grattouillant vite fait le crâne :

- Rien que d’en parler ça démange, hein ?
Enfin soit ! Oui, tout ce que je vous ai dit est vrai, c’est ainsi ! Depuis… boh, j’ai pas trop compté… quelques mois, un an peut-être, à la louche. Quelque chose comme ça. J’ai donc par la force des choses eu quelques empêchements à… me mettre à la plage ?

Regarde du côté de la machinerie qui ne lui parlait pas particulièrement, en effet.

- Est-ce qu’il n’y aurait pas juste moyen… que je lui demande de faire des trucs, et hop, il le fait ? Ou « elle », je ne sais pas comment la machine se définit, je ne voudrais pas être insultant bien sûr. Mais si moi je parle, et que la machine fait ce que je dis, tout le monde serait plus heureux, non ?