new chapter (sora)

2003.
Les émotions sont conflictuels et peut-être que dans d’autres circonstances, tu te serais davantage réjouie de ce changement de division et de l’obtention du quatrième siège. Or, bien que le changement de division soit volontaire, les circonstances font que tu ne peux pas vraiment t’en réjouir. Pas alors que la décision a été prise d’une cruelle réalisation de ta part, à savoir que tes missions sur terre t’ont empêché d’être présente à un moment où la Soul Society aurait eu besoin de les forces de tous. Et si tu sais que ta seule présence n’aurait pas changé le cours de la bataille, tu ne sauras jamais si certains sont morts par ton absence.

Si tu n’aurais pas pu faire quelque chose pour eux.
Pour tes proches.

Pour tous ceux que tu as perdu.

Ton nouveau siège au sein de ta nouvelle division s’est accompagné de plus de responsabilité que tu ne l’aurais cru dans un premier temps, faisant aussi tes premiers pas au sein de l’omnitsukido. Et au fil de discussions avec les plus hauts gradés, de sorte à bien assimiler toutes ces nouvelles informations concernant ce qu’il était attendu de toi, c’est vers le troisième siège que tu t’es tourné. Chargée d’aider à surveiller la prison, il était donc normal que tu fasses la rencontre de celui la dirigeant.

Tes pas te mènent donc plus loin que les quartiers dont tu as l’habitude, là où peu de shinigamis s’aventurent en règle générale. Et si l’humeur n’y est pas, tu t’assures tout de même d’étamper sur ton visage un sourire, essayant de faire en sorte qu’il soit le plus sincère possible. Après tout, il s’agit de tes premiers pas au sein de la division, de ta première impression auprès d’un supérieur, et, malgré ce poids qui écrase ta poitrine, tu veux faire les choses bien.

Tu l’y retrouves finalement, vague signe de la main pour attirer ton attention, ne sachant même pas s’il s’attendait à recevoir de la visite dans un coin aussi reculé que celui-ci. Tu t’approches davantage avant de finalement t’arrêter à quelques pas de lui, ton Zanpakutō ayant été abandonné quelques instants avant que tu n’arrives jusqu’ici. - Igarashi Sora, c’est bien ça ? Une voix calme, toujours aussi polie, tandis que tu t’inclines dans un geste se voulant courtois. - Shihoin Mei. On m’a envoyé vous rejoindre ici, comme je suis désormais chargée de vous assister. Tu te présentes, lui exposes aussi tes intentions, te disant qu’il s’agit-là de la meilleure façon de commencer une nouvelle collaboration.

Car si tu connais bien les shinigamis de la treizième division…
Malgré le nom que tu portes, tu n’y connais pas grand chose, sur la seconde.

La guerre contre les Quincys - celle que l'on appelait déjà la « Guerre Sanglante Millénaire » ; il fallait bien savoir sous quel nom la consigner dans les livres d'histoire - s'était terminée. Malgré cette appellation pompeuse, elle n'avait duré qu'une poignée de jours, et Soul Society s'en était pourtant trouvée changée à tout jamais.
Si la mort la plus marquante resterait indéniablement celle de Yamamoto Genryūsai - le premier et seul Capitaine-Commandant qu'ait connu le Gotei jusqu'à la récente nomination de Kyōraku Shunsui -, ce n'était pas la seule perte notable qu'ils aient eu à déplorer : les Capitaines Unohana, Ukitake et Komamura étaient également tombés d'une manière ou d'une autre.
Et, bien sûr, d'innombrables Shinigami de rang inférieur ; la piétaille.
Si même les Vice-Capitaines disparus n'avaient déjà qu'à peine été mentionnés, que pouvaient espérer les simples Sièges, ou même ceux qui n'en avaient aucun ? Comment honorer tous ceux qui avaient donné leur vie, quand ils étaient si nombreux ? Par où commencer ?
Dès lors, il apparaissait presque plus simple de n'en évoquer aucun plutôt que de risquer d'en oublier en en faisant le tour. Peut-être que leurs Divisions respectives s'en rappelleraient, mais c'était déjà beaucoup demander.
C'était là la triste réalité : dès que l'hécatombe prenait une certaine ampleur, c'étaient toujours les mêmes noms qui revenaient, dans les esprits comme sur les lèvres. L'on ne se souvenait au fond que des meilleurs, des plus grands, de ceux qui avaient brillé. Il n'y avait pas réellement de place pour ceux qui n'en auraient jamais l'occasion.

Malgré tout, la vie devait reprendre son cours. Le travail devait être fait. Les prisons n'allaient pas se garder toutes seules, et l'Ujimushi no Su ne faisait pas exception. Ce qui n'empêchait toutefois pas de chercher des moyens de se faciliter ce « retour à la normale », chacun à sa manière - car si les combats avaient cessé, les cris qu'ils avaient fait retentir, eux, continuaient de résonner.
Sora, lui, en plus du kiseru qu'il fumait déjà auparavant - quoique pas avec une telle assiduité - avait manifestement opté pour l'alcool, à en juger par la gourde déjà bien entamée qu'il gardait auprès de lui malgré l'heure ; nul doute quant au fait qu'il lui aurait fait un sort avant l'heure du déjeuner. Donner l'ordre de le laisser tranquille aurait été inutile : d'instinct, tous ceux censés lui obéir avaient compris que tenir leurs positions était dans leur intérêt.
Même engourdis par ces distractions, ses sens affûtés lui permirent néanmoins d'entendre des pas approcher.

▬ Ouais. réagit-il sans plus chercher à entamer la discussion.

C'était elle qui était venue à lui, peu lui importaient les raisons : si elle avait quelque chose à dire, elle n'avait qu'à le faire, il n'avait aucune intention de l'y aider. Il n'était pas là pour prendre par la main qui que ce soit. Néanmoins, son apparence seule l'incita à plisser les yeux avec une défiance non-dissimulée dès qu'il fit l'effort de s'y attarder : cette peau sombre et ce port altier laissaient peu de place au doute, et ce dès avant qu'elle se soit présentée.
Si elle était assez près pour qu'elle la voie, l'inverse était également vrai : ainsi aurait-elle tout le loisir de discerner ses traits creusés et ses yeux cernés, son teint pâle et sa barbe mal rasée. Le dire négligé n'aurait fait qu'effleurer la surface de ce qu'il était à cet instant - et il se comprenait d'instinct qu'il ne ferait pas bon le lui faire remarquer ; que d'autres s'y étaient peut-être déjà risqués, et avaient eu à le regretter.

▬ Shihōin, répéta-t-il. Dans sa bouche, ce nom pourtant légendaire, indissociable de l'histoire-même de Soul Society, n'avait rien de beau ni de distingué ; il sonnait comme une injure. C'est maintenant que vous décidez de débarquer ? Le temps que de la place se libère pour être mieux gradés ? Je suppose que c'est le bon moment, c'est vrai. Avec tous ceux qui ont cané, ce serait dommage de se priver...