L'enfer de Sisyphe [Falthène Kiseichu] - Fini

”Gausse-toi, Mokkinbādo (oiseau moqueur)”

La libération de Mokkinbãbo change le sabre en hache lourde dont la lame brille d'un éclat vert. Cette hache s'accompagne d'une maitrise de l'air, créant des bourrasques et autre lames d'air à chaque mouvement.

Durant la peste noire, les médecins étaient représentés dans des masques au nez long et pointu, vêtu de noir. Cette image est devenue dans l’imagination populaire, l’incarnation de la médecine de cette période, mais quand est-il de la maladie elle-même ? Voir Falthène, c’est d’abord craindre de tomber malade, puis le prendre en pitié, avant de penser qu’il méritait tout ce qu’il lui arrivait.

Il n’était pas chétif, mais il était pâle, gris même, avec des cheveux cramoisis dans une tête sinistre. Il donnait l’impression de souffrir à chaque pas, de se traîner la pire des saloperies sans jamais pouvoir en guérir. Ajoutons à cela le manque total de pigmentation sur ses iris, il n’était pas aveugle, il avait simplement des yeux un bleu extrêmement pâle, presque argenté même.

Cet état physique reflétait le désespoir profond du shinigami et la terrible affliction sur son âme: la crainte de la futilité. L’impression de voir le monde se répéter, mais qu’il s’empire au fur et à mesure, que tous tes efforts seront contrebalancés par les torts d’autrui au centuple.

Il avait creusé le trou le plus profond possible, et y était. Il en était venu à détester son travail, plus précisément la finalité de ce qu’il faisait. Il entrainait des jeunes du rukongai pour éviter qu’ils tombent dans le crime, recrutait les plus brillants, et les voyait mourir en mission, rincez et répétez.

Falthène était dépressif, mais ne pouvait que ravaler son amertume, ses pleurs et ses protestations pour continuer à remplir sa mission, et cela se ressentait qu’il ne continuait que par fidélité au seireitei et non par envie. Son ton, son sarcasme, son attitude même transpiraient le burnout et à quel point il n’en avait plus rien à foutre.

Dans ses propres mots, il n’était pas tant un formeur qu’un éleveur préparant le bétail pour l’abattoir. Son problème, c’est qu’il s’accrochait beaucoup trop aux élèves sous sa coupe. Quel genre de fermier sentait son cœur se déchirer en voyant que le steak dans son assiette provenait d’une de ses vaches ? Falthène, apparemment.

Cet oiseau de mauvaise augure était constamment en deuil, et de par son record d'élèves ayant péri d’une cause ou d’une autre, on le surnommait “le corbeau du rukongai”. Vous remarquerez que beaucoup de ses surnoms ont une racine dans le champ lexical des oiseaux, cela vient en partie du nom de son Zanpakutō: l’oiseau moqueur, mais également de sa façon de l’utiliser.

Le Zanpakutō de Falthène n’est jamais scellé. Son pouvoir sur l'air est donc devenu très connu de ses compères, l’origine de tous ces surnoms. C’est un choix conscient, venant du fait qu’un hollow ne perd pas de temps à libérer son Zanpakutō pour pouvoir utiliser ses pouvoirs à plein régime où qu’une embuscade soit bien vite arrivée, et là bon courage pour avoir le temps de libérer ton sabre.

Il est quelque peu … Précautionneux, trop précautionneux, très paranoïaque en fait. Il était un formateur après tout, montrer tous les “si” et comment s’y préparer au mieux, il prenait juste tout ça un peu trop à coeur, comme une maman poule ne voulant pas que ses petits quittent le nid.

Par ailleurs, toutes ces comparaisons à des volatiles l’agacent. C’est un sujet sensible, le seul sujet le concernant physiquement qui arrivait à l’énerver. Quand il était énervé, il avait la sale manie d’être sadique. Un moyen comme un autre de passer ses nerfs vous me direz, après une mauvaise journée, rien ne valait quelques crimes de guerre.

Le Rukongai est un endroit particulièrement agaçant, savez-vous pourquoi ? Lorsqu’on y arrive, c'est-à-dire une fois que ton âme est guidée là-bas par un shinigami, tu as deux fatalités en face de toi. Y vivre éternellement sans jamais ressentir la faim, ou être ravagé par cette dernière et chercher le moindre rat ou oiseau pour la calmer. Mais peut-être que le plus dur était de réaliser que tu étais l’un des seuls à ressentir ce genre de chose.

Falthène, comme tous les autres, est apparu du jour au lendemain dans le Rukongai, si peut-être qu’à la différence des autres, son apparence dénotait du profil japonais ordinaire. À la limite, ce n’était pas dérangeant, il était jeune, mais plus dans les alentours de dix ou onze ans, il n’était pas gêné par ce genre de détail comme s’intégrer aux autres. Non, le problème résidait dans cet appétit qu’il semblait être le seul à ressentir.

Cette rareté était un problème, car personne ne pouvait l’aider s’ils ne savaient pas ce qui l’affligeait, et l’alors jeune Falthène était quelqu’un de fier, demander de l’aide pour son problème ne lui venait même pas à l’esprit. Aider les autres, par contre, c’était une autre histoire.

L’enfant s’était découvert une sorte de passion pour les combats de rue, mais dans le sens combattre dans la rue ceux qui affrontaient d'autres gens dans la rue pour de moins noble raison que lui. Que ce soit des vestiges de sa vie passée ou non, à ce stade il ne savait même pas qu’il en avait eu une, le rouquin avait un sens aiguisé de la justice et de la camaraderie. Même s’il avait des galères différentes des autres âmes, il ne pouvait s’empêcher de penser qu’ils étaient tous dans le même bateau.

“Toi aussi, tu as faim, n’est-ce pas ?”

Si jamais il devait se souvenir d’une seule personne lors de sa vie au Rukongai, ce serait elle. Hikari. Une enfant de son âge, qui ne l’avait pas cherché, et lui-même jusqu’à cette rencontre, il ne la connaissait absolument pas, et pourtant avec cette phrase, l'avait compris plus que la quasi-totalité du Rukongai. Non, s’ils se sont rencontrés, c’était du pur hasard, s’ils se sont reconnus l’un dans l’autre, c’était par contre, un coup du destin.

Le duo qui s’était alors formé n’avait rien d’une fraternité, ou d’une romance, ni même d’une amitié. Ils étaient toujours l’un avec l’autre, car ils sentaient tous les deux que c’était là qu’ils devaient être. Ils se comprenaient sans se parler, se connaissaient sans se présenter, parfois, Falthène se demandait même si Hikari lui avait un jour dit son nom, et parfois, il était convaincu de ne jamais lui avoir donné le sien.

Mais quand bien même ils se suivaient plus par instinct que par raison ou sentimentalisme, Falthène appréciait la présence de la jeune blonde, qui devait réciproquer cette appréciation.

…

Un jour, ils furent tous deux trouvés par la cinquième division, ou uns de ces membres en tout cas. Trouver les âmes affligées par la faim était le but de cette division, et lorsqu’ils l’ont fait, Falthène avait déjà quatorze ans. Émincé au possible, le shinigami qui l’avait amené à l’académie doutait qu’il réussisse à passer les six ans d'entraînement nécessaire pour devenir un faucheur d’âme. Il n’en avait pas le physique, son acolyte - à défaut de meilleur terme - n’en avait pas le mental. La discipline n’était pas son fort.

Ironiquement, le chétif avait choisi de se spécialiser au sabre et à son enseignement, la hargneuse quant à elle s’était dirigée vers l’extermination des hollows.

…

Durant leurs six années d’apprentissage, ils sont restés l’un à côté de l’autre, ne se séparant qu’en de rares occasions, la remise de leur Zanpakutō et par la même occasion leur séparation dans leurs divisions respectives était une perspective qui les inquiétait tous les deux. Cela avait été d’ailleurs le sujet de leur première et dernière dispute.

Falthène trouvait du réconfort en se disant que son autre moitié s’en sortirait sans doute bien mieux que lui. Elle était plus douée et versatile que lui, ou la plupart des élèves qu’il avait pu observer. Si jamais, c’était pour son propre cas qu’il doutait. Retourner à la monotonie de l’existence sans elle …

Il n’était pas du genre social, les membres de sa division n’étaient pas la raison de son enroulement dans le Rukongai. Il en avait trois pour tout dire:

La première, était qu’il était redevable à la soul society. Combler la faim qui ravageait Hikari et lui-même était amplement suffisante pour recevoir sa reconnaissance, dormir dans des draps propres, obtenir une véritable éducation, et avoir obtenu ce Zanpakutō n’étaient que des à-côtés en comparaison.

La seconde raison s'appelait Shinji Hirako. La cinquième division était la sienne, par conséquent, la dette qu’avait contracté Falthène devait lui être rendue également, travailler sous ses ordres était le strict minimum.

La troisième, et la plus importante de toutes, n’était d’autre que Falthène. Le Rukongai ne lui avait rien donné, il ne lui devait rien, mais le Rukongai ne donnait rien à personne. Face au bidonville, tous étaient égaux, en théorie, mais les gens comme Hikari et lui, en plus de tous les problèmes du Rukongai, subissent la faim et la peur d’y succomber. Tout comme il a été aidé, il s’était juré d’aider autrui de la même façon, voire même d’une meilleure manière.

Pour cela, il avait l’idée d’utiliser un vieux dojo, après avoir obtenu les droits auprès de son supérieur. L’idée était d’attirer des âmes sensibles à la faim avec de la bonne cuisine, et les former en l’échange de ces repas avant de les juger apte ou non à rejoindre l’institut.

Croyez-le ou non, cela fonctionnait. Pas en grand nombre, il n’attirait qu’une ou deux jeunes âmes à la fois, adulte ou adolescent, mais c’était un succès pour une jeune recrue. Au début, il avait une certaine passion pour apprendre sa manière de faire aux autres et à aider à rendre le Rukongai un peu plus sûr.

…

Les problèmes commencent lorsque, une dizaine d’années dans les forces du Gotei 13, Falthène réalisait quelque chose. Il avait recruté plusieurs âmes, entrainées quelques-unes qui n’avaient pas réussi à devenir des shinigamis, mais ceux qui avaient passé l’examen ne sont jamais revenu le voir.

Falthène était facilement en proie au doute, il était convaincu de leur avoir enseigné tout ce qu’il pouvait, mais même là, il était facile pour lui de partir en spirale. Il en parlait souvent avec Hikari, entre deux de ses missions, lui contant ses aventures contre les hollows et lui dans le Rukongai dans les moindres détails.Après plusieurs coups de saké, il commençait même à se demander s’ils ne brûlaient pas les étapes et ne devrait pas laisser leur éducation entre des mains plus expertes et expérimentées.

Mais son autre moitié le rassurait et il repartait des fois en zigzag, mais motivé pour le jour suivant. Trois ans plus tard, il avait bien une de ces recrues qui lui était revenue, le remerciant et lui montrant le Zanpakutō qu’il avait reçu. La garde en forme de feuille avait particulièrement marqué Falthène, et il l’avait félicité comme il se devait en faisant avec lui la tournée des bars.

C’était bien le seul d’ailleurs. Ils disparaissaient tous, mouraient en mission, se retrouvaient dans des scandales et finissaient destitués de leurs fonctions, les recrues de celui qu’on appellera le corbeau du Rukongai étaient maudites.

…

Et pour quelques années, il y croyait à cette malédiction. Sa réputation était au plus bas, son moral aussi, son seul confort se trouvait dans Hikari, qui passait de plus en plus le voir. Il avait l’impression d’être un boulet à son pied, bien plus que lorsque les deux étaient à l’académie.

Mais un jour, alors qu’il noyait sa peine avec elle, il remarquait quelque chose en regardant la garde de son sabre. Hikari n'adoptait pas la même perspective que lui sur la libération constante de son Zanpakutō, à vrai dire elle ne se servait presque jamais du sien, mais Falthène connaissait son Zanpakutō par cœur. Tous les deux avaient des gardes jumelles, leurs zanpakutos étant tous deux des oiseaux, du moins dans leur nom.

Cette garde, néanmoins, n’était pas la bonne. C’était celle d’une feuille, comme celle de son élève qui était revenu le voir et qui avait lui aussi disparu, mais que très récemment. Tout faisait sens, et Falthène comprenait que sa moitié était derrière tout ça, mais avant qu’il puisse partir,en essayant de garder un visage de marbre pour en informer aussitôt ses supérieurs, Hikari comprit aussi, et l’assomma des plus discrètement, prétextant au barman le coma éthylique.

“COMMENT AS-TU PU !? POURQUOI ?!”

Sa rage était si grande, et si nouvelle, jamais Falthène n’avait été autant en colère, ni ne s’était jamais senti aussi trahi par celle qu’elle jugeait être sa moitié, son âme sœur. Il était restreint par un Kidō, impossible de s’en défaire, Hikari avait toujours été plus fort que lui.

“Parce que je ne voulais que tu n’aies d’yeux que pour moi, qu’à force de voir que tes disciples ne te rendaient pas le pareil, que tu rejoignes ma division et que nous soyons de nouveaux ensembles. Je ne peux pas vivre sans toi, et sans moi aussi tu ne peux pas, ne pourrions-nous pas tout simplement rester ensemble ?”

“Idiote ! Tu as vraiment cru que je pourrais mettre tout ça sous le tapis parce que tu me le demandes ?! C’est trop tard maintenant Hikari ! Tu es allé trop loin ! Porter la garde d’une de tes victimes, quel genre de psychopathe tu es !?”

“Je voulais être trouvée, j’imagine. Mais ce n’est pas grave, je vais tout arranger.”

La femme blonde lançait au pied du roux une lettre, puis son Zanpakutō. Falthène ne comprenait pas, que cherchait-elle à faire ? C’était des faux a voeux de sa part . Cherchait-elle à lui faire porter le chapeau ? Non, il comprenait absolument tout lorsqu’elle portait sa propre lame à son cou.

“Non ! Non non non Hikari ne fait pas ça ! Pitié non attends !”

“Je suis allé trop loin Falthène, je devais juste les effrayer un peu, mais après avoir tué le premier … Je n’ai pas su m’arrêter. Je l’ai mis dans un coma dont il ne se réveillera peut-être jamais, et c’est celui qui s’en est le mieux tiré. Je ne peux pas continuer, et je ne peux pas le cacher.”

“Hikari par pitié ! Tu peux toujours fuir, je te laisserais le temps de fuir avant de ramener tes avoeux à mes supérieurs ! Je te pardonnerais avec le temps et on pourra continuer à se voir ! S’il te plaît tu es la personne la plus importante à mes yeux ne fait pas ça !”

“Je ne veux pas t'entraîner plus que tu les déjà dans tout cela avec moi Falthène, tu es un homme bon, et moi non. Si je reste avec toi, tu continueras d’être malheureux. Merci pour tout.”

“HIKARI !”

…

Deux cents ans. Voilà la peine qu’avait endossée Falthène pour soupçons de collaboration avec Hikari Homura dans le meurtre de ses anciens disciples. Les avoeux de son âme soeurs étaient clairs comme de l’eau de roche, tout comme le fait que sa mort était due à un suicide, mais les soupçons étaient trop grands, c’était trop gros qu’elle puisse manigancer tout cela au nez de ses supérieurs.. Il fallait un bouc émissaire, voilà ce qu’était Falthène. Son Zanpakutō sera scellé jusqu’à sa libération, et il pourra reprendre ses activités une fois sa peine finie, mais pour l’heure, il était un shinigami à risque.


Et comme tout shinigami à risque, il était condamné à l’Ujimushi no Su. La prison souterraine de la Soul Society, son nom à jamais tâché. Il comptait passer ses deux cents ans de peine dans la coopération totale. Son âme était en mille morceaux après les événements ayant mené à son arrestation, tout ce qui s’était passé depuis aurait pu tout aussi bien ne jamais être arrivé. Sa trente-quatrième année sonnait la mort de “Falthène” comme Hikari l’avait connu, ce qui ressortirait de cette prison ne pouvait être le même shinigami qui y était entré.

Sa libération ne s'était néanmoins produite, cent ans plus tôt que prévu, sans qu’il ne comprenne pourquoi avant d’être bombardée par un déluge d'informations. Aizen, les cent années qu’il a passées en prison, les revenants, les Arrancars, les quincys.Enfermé sous le seireitei, il avait manqué à son devoir dans les cent années les plus importantes de la Soul Society, et était offert une chance de corriger ce tort qu’il est qu’on lui a causé.