Le poids de la couronne (PV Kyoya)

Le pas lent, la cape trainant largement derrière lui, Tanjô avançait dans les couloirs de l’Arcānum. Il n’était pas rare de voir le King of Cups marcher ainsi pour essayer de s’aérer les neurones. Travailler de cette façon, confiné, en sous-sol, avait tendance à brider sa matière grise. Les membres de son équipe avaient donc pris l’habitude de s’écarter lorsqu’ils le voyaient s’avancer. Même s’il pouvait sembler disponible, c’était le pire moment pour venir lui parler, car cela signifiait qu’il réfléchissait de façon intensive sur un projet sur lequel il bloquait.

Pourtant, aujourd’hui était différent. Tout était différent à présent. L’attaque des Arrancars avait bousculé une bonne partie de ses convictions. La destruction, les cris, les cadavres qui jonchaient le sol... La chaleur des flammes, l’odeur de la chair qui cuit et du sang... Les civils qui s’enfuient sans comprendre ce qui se passe, les ceros qui réduisent toute leur existence à néant... Il fallait se rendre à l’évidence, ils n’avaient pas été à la hauteur. Leur temps de réaction avait été beaucoup trop long, leurs défenses inexistantes et leur capacité à repousser les envahisseurs bien trop faible. Les Swords et les Clubs n’avaient même pas eu le temps d’arriver sur les lieux. Pourtant, il s’agissait de leur rôle avant tout. Vaincre les ennemis de l’humanité. Protéger la population humaine face aux menaces venues des autres mondes.

L’Ultima Necat allait nécessiter une restructuration fondamentale pour améliorer ses performances. La première action que le King of Cups avait décidé d’effectuer était d’aller rencontrer son homologue de la section combat. Kurosawa Kyoya. Le King of Swords. Tanjô avait jeté un œil sur son dossier. Arrivé depuis peu, il avait été propulsé directement à la tête du groupuscule dédié à l'affrontement en raison de résultats absolument exceptionnels à son test d’aptitude. Le départ de Ganryū ayant laissé une place vacante qu’il s’était empressé de combler. Enfin, il s’agissait de la volonté de Tempérance, bien entendu. Sa section aurait dû être la première arrivée sur les lieux et pourtant, ils ne se sont pas montrés. Il devait y avoir eu une faute au niveau de la chaine de transmission de l’information. C’était impensable, mais il n’y avait pas d’autre explication. Il devait tirer ça au clair et trouver un moyen pour que cela ne se reproduise pas.

Des années à travailler dans ce bâtiment et c’était pourtant la première fois qu’il mettait les pieds dans cette section. Avec tout le matériel de simulation à sa disposition, il n’avait encore jamais ressenti le besoin de visiter les quartiers des Swords qui possédait pourtant le plus grand arsenal dédié à l’entraînement au combat. Mais ce n’était pas sa destination. Sous le regard intrigué des membres de l’organisation, il déambulait lentement, les mains derrière le dos, les yeux fixés droit devant lui. Il s’arrêta devant la porte du King.

-Ouverture.

Le mécanisme reconnut sa voix et la porte s’ouvrit automatiquement. Étant celui ayant mis en place le système de reconnaissance vocale, il pouvait ouvrir n’importe quelle accès du bâtiment à l’exception des quartiers des Arcanes majeures. Il pénétra dans le bureau, le dos vouté et s’immobilisa devant son confrère.

-Bonjour, Kyoya. Pardonnez cette intrusion non annoncée, mais je dois m’entretenir avec vous. Maintenant. C’est à propos de l’incident.

Son ton était neutre. Ni amical, ni agressif. Il recherchait l’efficacité avant tout et ne comptait pas faire des politesses. Le temps pressait.

Il lit, il regarde, il réfléchit.

C'est presque comme s'ils savaient.
Lui et l'Ace dépêchés pour une mission dans le Hueco Mundo, et à l'exact même instant, une attaque sur Tokyo. Il aurait dû être là. Il aurait dû pouvoir mener la contre-attaque, repousser les envahisseurs. Il aurait dû participer à ce que Tokyo se retrouve moins secouée, dans cette sombre nuit d'invasion. Mais il n'était pas là. Il devisait mesures de défense et avenir de l'implantation humaine dans le Hueco Mundo avec d'autres grandes pontes de l'organisation.

Il lit, il regarde, il réfléchit.

Mâchoire serrée, tandis que ça siffle à ses tempes.
Ce monde a besoin de plus. Plus que simplement l'élite combattante d'une poignée d'humains capables de comprendre et combattre la menace. L'ennemi se déplace en hordes, déchire jusqu'au tissu de la réalité pour apparaître de nulle part, et menacer les mortels. Le temps que les défenseurs soit dépêchés, combien de vies perdues ? Bâtiments tombés, ressources envolées ? Même si lui et Jabberwock avaient été présents, Tokyo aurait criée la mort par dizaines de hurlements, lors de cet assaut.

Il lit, il regarde, il réfléchit.

Puis il entend.
Son regard se lève. Un œil couleur abysse, un œil couleur océan, il avise l'intrus. Sur ses traits, une froideur indicible.

- Et si plutôt qu'une intrusion non annoncée... Sa phrase reste en suspend, et ses phalanges cognent contre le marbre de son bureau, dans un rythme qui mime les tocs contre une porte. - Vous essayiez une visite annoncée?

Il laisse planer un silence, un instant. Un silence des mots, ponctué par l'évidence des yeux : un agacement.

- Même issue. En plus convenu.

Assis confortablement dans son fauteuil, il fait disparaître les rapports et enregistrements vidéo d'un geste de la main. De la même main, il désigne la chaise qui lui fait face.

- J'écoute.

L'interruption a tout intérêt à en valoir la peine.

Le regard affuté du scientifique traversa la salle de long en large. La surprise. Même s’il n’en montra rien, c’était le sentiment qui le gagna l’espace de quelques instants. Un bureau classique, des étagères remplies de documents, un siège en cuir et en homme qui lui faisait face. On lui avait parlé d’un combattant séculaire qui avait traversé les âges en gagnant ses batailles les unes après les autres. On lui avait parlé d’un prodige du combat qui ne craignait plus la mort. On lui avait parlé d’un meneur de troupes capable à lui seul de renverser le cours d’une bataille. Pourtant, il se trouvait en face d’un jeune homme d’une vingtaine d’années, en costume chic et gant de velours. L’inconvénient lorsque l’on analyse tout, c’est qu’on n’est jamais surpris, car on a tout anticipé, même le plus improbable. Et pourtant. Aujourd’hui, il avait été surpris.

Le King of Swords semblait agacé par la visite de Tanjô, mais finit tout de même par lui permettre de s’asseoir. Le scientifique avisa la chaise avec ses coussins molletonnés. Il détestait ce genre d’assises molles qui a le don de drainer l’énergie du fessier qui a le malheur de se poser dessus. Habitué aux trônes en pierre et, plus récemment, aux chaises hautes et dures des laboratoires, il n’avait jamais réussi à véritablement apprécier cette nouvelle mode. Il finit tout de même par y concéder, pour le bien de la suite de la conversation. Rester debout aurait pu être perçu comme une forme d’agressivité. Une fois en place, il croisa les jambes et posa ses mains dessus.

-Je note. Je frapperai si je dois revenir vous voir ultérieurement.

Il laissa passer un moment. Leur temps à tout deux était précieux et le scientifique savait qu’il avait fâcheusement tendance à s’éparpiller. Il choisit ses mots avec soin et reprit.

-Il faut admettre que nous avons échoué. Même si l’invasion a été repoussée, nous avons échoué. La ville est ravagée et les morts se comptent par dizaines. Et pour cause. Vous n’étiez pas là. Ni vous ni la Queen of Clubs.

À nouveau un blanc. Ceci n’était que l’énoncé des faits. S’ils avaient été là, nul doute que les Arrancars seraient morts à l’heure qu’il est et que le bilan serait bien moins lourd.

-Loin de moi l’idée de vous faire des reproches. Cela ne serait constructif pour personne. Vous étiez en mission de haute importance. Mais cela soulève deux questions.

Effectivement, le constat était saisissant. Une attaque de grande envergure comme il n’en était pas arrivé depuis très longtemps. Exactement au moment où l’Ultima Necat devait se priver de sa section de combat et de sa section de défense. Ce n’était vraiment pas de chance. Mais après toutes ses années passées dans un laboratoire, à expérimenter, encore et encore, toujours plus pour faire éclater sans le moindre doute ce qu’était la « vérité », il avait fini par dénigrer totalement le concept de chance. La chance n’existait pas. Seulement de faibles probabilités. Et ce qui venait de se passer avait de très faibles probabilités d’arriver. La plus violente invasion depuis des années au moment où leur vulnérabilité est la plus grande.

-Premièrement, comment pensez-vous que l’on puisse éviter cela à l'avenir ? En votre absence, je me permets de supposer que c’est votre Ace qui dirige les troupes. Malheureusement, il était avec vous. En ce cas, est-ce le two qui prend le flambeau ou avez-vous un système différent ? Je pourrais mettre en place un protocole permettant de prévenir le plus haut gradé présent en cas d’alerte.

Il laissa à son interlocuteur le loisir de réfléchir à cette question. Il ne serait pas impensable de créer un algorithme appelant le King en cas d’alerte, puis l’Ace si ce dernier ne pouvait pas répondre, puis le two et ainsi de suite jusqu’à ce que quelqu’un puisse réagir. Encore fallait-il que les plus bas sièges aient réellement une autorité sur ses subordonnés. Chaque section était libre de s’organiser comme elle le voulait.

Sans attendre sa réponse, Tanjô décroisa les jambes et se redressa pour regarder Kyoya droit dans les yeux. C’était surtout de cela qu’il était venu discuter à vrai dire.

-Deuxièmement, pensez-vous qu’il y ait une taupe ?

- Le résultat en pertes humaines et matérielles n'aurait pas été énormément différent même avec les effectifs au complet. Il l'énonce calmement, le dit d'une voix qui a déjà répété ces mots : pour cause, il a déjà retourné le problème dans son esprit, et ce plusieurs fois depuis son retour. - La différence, c'est que l'on aurait sans doute pu tuer, plutôt que repousser. Ça mis à part, notre monde est par essence vulnérable aux attaques éclaires de cet acabit.

Ce n'est pas une stratégie nouvelle, ni une invention des Arrancars. Attaquer civils et lieux publics pour semer la discorde. La différence, c'est qu'ici, les civils ne sont même pas conscients de la guerre autour d'eux.

- Ils ont attaqué pour détruire et tuer. Si je devais deviner, sans doute leur idée d'une expédition punitive, en guise de revanche suite à la rupture de l'accord. Un sourire mauvais sur ses traits. - L'on a confisqué un morceau de Rien, au milieu de leur désert sans vie. En contrepartie, ils ont attaqué le centre-ville.

En somme, les Arrancars s'essaient à un jeu dangereux : l'escalade de la violence. Se trouve-t-il que Kyoya a une certaine expérience en la matière. Bientôt, il leur montrera. Bientôt, mais pas aujourd'hui.

- Ils peuvent ouvrir le tissu de la réalité partout où il leur sied, et commencer leur œuvre de destruction. Le temps que nos appareils détectent et que nos agents se déplacent, le mal est déjà fait. Il soupire. - Qui plus est, il y a aussi la question des civils. Des ressources qui pourraient être consacrées à la défense sont réservées à maintenir l'illusion d'un monde sans menace surnaturelle. Il y pense beaucoup, récemment. À cet handicap qu'ils s'imposent eux-mêmes.

- En cas indisponibilité du grade le plus haut, le précédent assume la responsabilité des ordres et consignes, effectivement. Or, les effectifs de l'Ultimat Necat ne correspondent pas à ses ambitions. Pas pour l'instant. Pas avec si peu d'agents. - La nuit de l'attaque, un unique agent était disponible pour diriger. Un unique Fullbringer et quelques troupes sans aptitudes spéciales ne sauraient suffire face à ce genre d'assaut.

Il existe quelques troupes équipées pour gérer les menaces mineurs : des gens sans pouvoir, mais assez expérimentés pour gérer l'occasionnel Hollow isolé, des groupes qui pourraient éventuellement gérer une petit horde de créatures de bas-étage. Mais des Arrancars ? Des Menos ? Ça, c'est du ressort des Fullbringers et des Quincys.

- Quant à la question d'une prochaine fois... Un silence, un songe. - Il nous faut quelque chose pour contrecarrer leur avantage principal : cette facilité à apparaître de nulle part. Des défenses automatisées, quelque chose pour limiter ces déplacements entre les mondes... Il lance les suggestions, pensif. - à l'avenir, je préconiserai qu'au moins moi ou la Queen of Clubs soient en station sur Tokyo. Éviter de nous avoir tous deux en opération ailleurs.

La vérité, c'est que c'est la première vraie attaque subit par Tokyo. Quand bien même les Arrancars ont un avantage certain dans leurs petites opérations Guerilla, reste les faits : l'UN n'était pas prête. Lui le premier. Il aurait dû y penser, à cette éventualité. Il aurait dû refuser la mission dans le désert blanc.

La prochaine question le travaille, cela étant. Une taupe ? Il y a pensé. Il s'est posé la question, et...

- J'y ai songé. Mais à quelle fin ? Aucun Arrancar Ni Hollow ne pourrait espérer passer les portes de l'Arcānum sans faire sauter quelconque couverture aurait-il pu réussir à assembler. Partant de là, l'hypothèse impliquerait un traître parmi nous autres humains.

Alors naturellement...

- Qui pourrait bien trouver son intérêt dans une collaboration pareille ? Dans cette attaque ? Il ne connaît pas tout le monde à l'Ultimat Necat, loin de là. Mais quelqu'un qui s'abaisserait à ce genre d'acte... Il aime penser qu'il l'aurait remarqué. - Non. Je ne pense pas. Une piste peut-être plus plausible serait qu'ils aient détectés notre venue sur leur territoire. J'ignore jusqu'où vont leurs capacités à détecter les allées et venues dans le Hueco Mundo, mais il ne serait pas invraisemblable qu'ils aient pu détecter plusieurs puissance passer la frontière de leur monde simultanément.

Il souffle du nez.

- Tôt ou tard, j'entends leur poser la question directement. Parait-il que certains de ceux impliqués dans l'attaque étaient déjà connus de nos services.

Alors il les retrouvera. Et il arrachera les réponses de leur corps brisé.

Le king soulevait un point évident. Rien ni personne ne pourrait jamais protéger le monde des intrusions. Avec leur capacité à créer des gargantas pour apparaître instantanément où bon leur semblait, les Arrancars avaient toujours un énorme coup d’avance. Le temps qu’ils soient repérés, que l’alerte soit donnée et que les effectifs arrivent sur place, ils avaient le loisir de tirer bon nombre de Ceros. Mais Tanjô n’était pas d’accord sur un point.

-Vous dîtes cela comme si cela ne changeait rien, de repousser ou de tuer. La différence est pourtant fondamentale. En les laissant repartir sans aucune perte dans leurs rangs, nous avons envoyé un signal à la totalité du Hueco Mundo. Les humains sont faibles. Ils peuvent aller et venir pour s’amuser à tout détruire sans prendre beaucoup de risque. Qu’est-ce qui les empêcherait de recommencer demain matin ? Ou dans une minute ? L’immense majorité des hollows sont faibles. Les arrancars et les Vasto Lorde ne sont qu’une poignée. S’ils mouraient tous, nous serions tranquilles pour un bon moment. Le temps que d’autres hollows se renforcent pour prendre leur place.

La fin des paroles de Tanjô se perdit dans un murmure tandis qu’il réfléchissait à voix haute. Ou qu’il tentait de se convaincre lui-même qu’il existait une porte de sortie à cette situation. Un espoir de paix, un jour. Sa voix finit par devenir totalement inaudible pendant quelques instants avant qu’il reprenne d’un ton clair et compréhensible.

-Je comprends votre frustration. Mais les civils existeront toujours. Incapables de voir les ennemis, ils ne seront jamais utiles sur un champ de bataille. Les mettre dans la confidence reviendrait à les condamner à vivre dans l’angoisse pour l’éternité. La connaissance est une force, mais également un calvaire lorsque l’on ne peut rien changer. Après tout, ne dit-on pas « heureux les simples d’esprit » ?

Des défenses automatisées ? Le scientifique y avait déjà songé. Ce serait l’idéal. Comme des tourelles automatiques ou des boucliers autogénérés en cas de détection d’attaque.

-L’idée de mettre au point des défenses ne me fait pas peur, j’ai travaillé sr des projets plus complexes. Mais il y a deux obstacles à surmonter pour y parvenir. Enfin même une bonne dizaine, en fait. Tout d’abord, mon radar détecte le reiatsu. Il ne fait pas encore la distinction entre les hollows et les shinigamis de façon parfaite. Il serait dommage de se mettre la soul society à dos pour une balle perdue. Mais je peux travailler dessus.

Il y travaillait déjà à vrai dire. Depuis des mois, bien avant l’attaque. Localiser l’ennemi était la première étape de n’importe quelle stratégie de défense. Agacé par le cheminement de ses pensées qui tournaient inlassablement en rond, il se leva et fit les cent pas tout en continuant à déclamer le fruit de ses réflexions, ses bras accompagnant ses paroles.

-Et surtout, pour toucher ces créatures, les armes classiques ne servent à rien. Il faudrait des mécanismes fonctionnant au Reishi. Et nous en manquons cruellement. À tel point que nous avons dû voler ce petit bout de Rien, comme vous dîtes, au Hueco Mundo. Imaginer quelque chose comme une tourelle automatique tirant des projectiles spirituels est un peu trop prématuré. Ce n’est pas pour rien que je m’évertue à mettre au point ce convertisseur. Et si vous aviez en tête de créer plus de Fullbringer artificiels, je vous renvoie au point précédent. Nous travaillons déjà à flux tendu. Le Reishi est rare, difficile à extraire et à raffiner. Nous ne pouvons pas aller plus vite. Pour l’instant.

Tanjô bossait sur un prototype qui pourrait permettre à l’organisation d’augmenter encore son apport en Reichi sans forcément déclencher une guerre interdimensionnelle. Mais il était un peu tôt pour en parler. Las, il se laissa tomber à nouveau dans le fauteuil.

-En attendant, que l’un de vous deux soit toujours présent serait une bonne chose. Personnellement, je suis le plus souvent au laboratoire, donc sur place, mais je ne pense pas être aussi efficace que vous deux sur le champ de bataille. Et puis je ne peux pas être partout, je ne peux pas améliorer le détecteur, créer des défenses, avancer sur le convertisseur et aller chasser les hollows durant mes pauses. Je n’ai pas quatre bras. Je pourrais en avoir quatre, remarque, j’ai les prothèses à disposition, mais ça n’avancerait pas les choses.

À nouveau, il se perdit dans ses pensées avant de se reprendre en entendant la réponse de Kyoya.

-Bien sûr que je parle d’un traître. Fort heureusement, les Arrancars n’ont pas d’aptitude d’infiltration. Ils ne savent pas faire grand-chose d’autre que détruire et manger d’ailleurs. En revanche, ils peuvent manipuler, corrompre et charmer. Il ne faut pas mettre cette possibilité de côté. Je vous demande simplement d’ouvrir l’œil auprès de vos troupes. J’en ferai de même de mon côté. La Queen of Clubs et le King of Coins devront également le faire. Il faudra que j’aille leur parler après. Tiens c’est vrai, je n’ai encore jamais rencontré Recca. Ce sera l’occasion.

Il souffla un coup.

-En tout cas, si vous comptez mettre le doigt dans l’engrenage de la contre-attaque en tentant de les retrouver pour les punir, vous allez déclencher une réaction en chaîne. La vengeance entraîne la vengeance et ce cycle ne se terminera qu’à la mort d’un des deux camps. Donc je le répète. Si vous vous lancez sur le chemin de la vengeance... Je veux en être.

- Mais les humains Sont faibles.

Il le dit, il l'affirme. Et dans sa voix, il y a comme cette distance. Ce quelque chose qui dit qu'il ne se compte pas dans le lot. « Les humains », c'est les autres. Lui ? Lui, le temps renforce ses muscles plutôt que creuser sa peau de rides. Lui, il a vécu trop de vies pour encore penser comme un mortel. Trop éloigné, pour qu'il n'y ait pas de cet Ego. Justifié ou non ? Question de point de vue. Ce qui n'est pas question de point de vue, c'est son expérience, son âge, et les quelques mots qu'il vient de prononcer.

- Hueco Mundo comme Soul Society ont leurs élites, mais également leurs hordes, leur piétaille. D'un côté, ils ont les Shinigamis lambda qui correspondent à une armée régulière. De l'autre, les Arrancars ont leurs simples hollows de base, qui correspondent à un facteur chaos. Ou l'est-il vraiment? Une œillade vers l'enregistrement sur son écran. L'attaque. - Ils avaient les grandes robes noires avec eux. « Gillians », disent-ils. Supposément sauvages, idiots et incontrôlables. Dans les archives d'avant mon intégration, j'ai lu le récit de cette attaque sur le port. De simples Hollows curieusement coordonnés, et là encore, un Gillian impliqué.

Il énumère les effectifs ennemis, et avance ses théories. Dans ses mots, l'idée est claire : d'une façon ou d'une autre, l'Acuerdo contrôle ces hollows sauvages supposément incontrôlables.

- Nous avons notre élite humaine. Mais pas notre piétaille. Alors naturellement, la réponse doit venir de ce qui représente peut-être notre seul avantage : la technologie. Son regard fixe plus intensément le King of Clubs. - La technologie pour automatiser nos défenses. La technologie pour que ceux qui ne voient pas puissent voir. Pour armer les sans-pouvoir. Ce genre de choses.

« Des exemples au hasard », semble dire son demi-sourire.
Mais il sait les limitations techniques. Il sait que les idées sont une chose, que les plans et considérations techniques en sont une aussi... Mais que les besoins matériels en sont une autre. La technologie capable de répondre aux menaces d'ailleurs, trouve son carburant... Ailleurs. Il faut plus de Reishi. Toujours plus, encore et encore. Bien plus qu'un unique site perdu au milieu du Hueco Mundo puisse fournir. Ainsi, les ambitions de l'Ultimat Necat sont retenues en grande partie par un manque de ressources. Matérielles, oui, mais humaines aussi.
L'un amenant l'autre.

- à terme, nos besoins énergétiques devront être adressé d'une façon ou d'une autre. Par la voie de la science, ou par celle de la conquête. En somme : Soit avec des méthodes d'extraction alternatives, soit en continuant de voler des morceaux de désert à l'Acuerdo. - Idéalement les deux. Le hasard fait bien les choses : nous sommes les deux mieux placés pour avancer des actions dans ces deux domaines respectifs.

Il a ses projets. Certains qui pourraient gagner à se faire de concert avec les Cups. Mais avant de les avancer plus concrètement... Il va continuer cette discussion. Jauger le King. Voir quel genre d'homme est-il exactement, ce curieux scientifique, qui parle curieusement beaucoup tout seul.

Il sourit. Amusé du discours, et surtout, de l'assomption du jeune homme. (Beaucoup de gens sont « jeune homme » pour lui, vous comprenez)

- Pas d'aptitude d'infiltration ? Qu'est-ce qui vous fait dire ça? Il a croisé beaucoup de hollows, le long de sa trop longue existence. Des plus insignifiants aux hauteurs des Vasto Lorde, en passant par quelques Arrancars ; plus rares il y a quelques siècles de ça, mais bien réels et existants. Il est persuadé d'avoir croisé au moins un ou deux Hollows avec des capacités pouvaient être qualifiées « d'infiltration ». - Les pouvoirs uniques propres à chaque Hollow sont similaires aux nôtres. À chaque ennemi sa spécificité. Je n’exclurai pas totalement la piste des aptitudes de ce goût-ci. Simplement, elles ne pourraient pas franchir le seuil de l'Arcānum. Mais ailleurs ? Se faire passer pour un agent sur le terrain ?

ça ou autre chose...
ça ou des pouvoirs de manipulation.

- Pas une vengeance. Une extermination. Dans sa voix, quelque chose de plus fort. Plus résolu. - Les Hollows sont une peste invisible depuis la nuit des temps. De pauvres monstres bons qu'à tuer et mourir. Entre temps, certains d'entre eux ont évolués jusqu'à retrouver une part d'humanité. Mais la vérité?

Il ne regarde plus Tanjo. Il regarde un point à l'horizon, au travers de sa silhouette.

- La vérité, c'est qu'il ne s'agit que de prédateurs, à l'image des créatures qui terrifiaient l'humanité jadis. Avant que l'homme évolue. Qu'il invente. - Et comme l'Homme est devenu le superprédateur de notre planète à la force de son ingéniosité, nous devons devenir les chasseurs de ce monde spirituel par le même biais.

Dans ses yeux, un éclat dangereux.

- Ils sont les lions. Nous sommes les hommes avec un fusil entre les mains.

Un instant, il semble... Ailleurs. À contempler des pensées qu'il a trop souvent ressassé. Puis, ses yeux reviennent chercher ceux du Cups.

- Théorie. Si l'on mettait la main sur de puissants spécimens du Hueco Mundo, pour... Usage scientifique. Seriez-vous capable d'en faire usage? Un sourire. - J'ai soumis l'idée à The Hierophant. Des... Comment dirais-je. Batteries d'énergie.

Les humains étaient faibles. Argument indéniable. Que cela soit dans son ancienne vie passée sous les bannières de l’empereur Fujiwara no Michinaga ou depuis sa résurrection, il avait eu de nombreuses occasions de s’en rendre compte. Un simple bout de métal pointu, une trop grosse pression, trop chaud, trop froid, mauvaise oxygénation... La moindre variation de condition provoquait rapidement la mort d’un humain normal.

-C’est justement pour ça que nous sommes là. Vous et moi avons dépassé les siècles et avons compris que l’être humain ne s’améliorait pas. Au contraire. Seules nos connaissances ont évolué pour nous permettre de nous maintenir au-dessus du lot. La technologie comme vous dîtes.

Mais la technologie prenait du temps. Beaucoup de temps. Trop de temps. Les Arrancars étaient là, à leur porte, prêts à débouler du jour au lendemain.

-Vous voudriez donc que la technologie compense notre manque de « chair à canon ». Afin de gérer les petits bras des shinigamis et des hollows tandis que nous autres, nous gérions les élites. Je n’y avais pas pensé. En apportant quelques modifications au radar à reiatsu, baissant sa portée pour augmenter sa définition... Je pourrais peut-être... Des lunettes ? Pour voir les êtres spirituels... Faut que je vérifie. Ça pourrait être envisageable ! Recruter quelques civils, qui pourraient servir pour les menaces légères.

Il s’arrêta un instant, reprit son souffle et repartit de plus belle.

-D’ailleurs, je me permets d’ouvrir une parenthèse, lors de l’attaque, les Gillians étaient très clairement contrôlés par l’Arrancar que j’ai affronté. Je ne pense pas que cela soit à la portée de tous les habitants du monde creux. Cela devait être un pouvoir qui lui était propre. Alors peut-être en effet pouvait-il influencer des agents pour obtenir des informations.

Bien que n’ayant pas réussi à capter le nom de son adversaire, il avait fait la douloureuse expérience de ses capacités. Les hollows de bas rang lui obéissaient au doigt et à l’œil. Certains avaient même sacrifié leurs vies pour le protéger, signe d’une soumission absolue. De son point de vue, nous étions dans ce cas-là bien au-delà de l’obéissance. Pour mettre de côté l’instinct de survie qui mue chaque être ayant un jour vécu, il fallait plus qu’un lien chef/subordonné. Du contrôle mental peut-être. Les Gillians étaient réputés pour leur faible intelligence, cela ne devait pas être si difficile de les subjuguer.

-Enfin bref, si vous pensez cela utile, je peux mettre un projet de plus sur la pile de ceux en cours de développement. Je pense qu’insuffler du Reichi dans une lame normale permettrait toucher des hollows. Cela ne demanderait pas énormément de ressources. À voir. Faut tester. Expérimenter. Comme toujours.

Si seulement il pouvait mettre au point un dispositif pour arrêter le temps. Ces derniers temps, les demandes de création ou d’améliorations se succédaient sans discontinuer. Les formulaires s’accumulaient sur son bureau. La pile des projets menés à bien, en revanche, ne grandissait pas beaucoup. Le service des Cups était en sous-effectif et même en compensant ses nuits de sommeil par des litres de café, il ne parvenait pas à tenir le rythme infernal que l’on attendait de lui.

Il soupira en levant la tête. Il allait devoir faire du tri. Certains projets allaient devoir passer en priorité.

-Nous sommes donc bien d’accord. L’approche la plus efficace de notre problème serait de tuer les Arrancars. Quitte à aller les chercher sur leur territoire. Nous avons la chance d’avoir un portail pour nous y mener. Et une force de frappe bien supérieure à ce qu’ils pensent. Une attaque surprise ? Ou bien une diversion. À moins que l’on attende qu’il passe eux-mêmes à l’offensive pour attaquer ailleurs.

Le scientifique sortit immédiatement de ses pensées en entendant la question.

-Pardon ? Oubliez le Hierophant et ses batteries ! C’est ridicule ! À quoi sert une batterie si on ne peut pas la recharger dès qu’on le souhaite ? À rien. C’est une balle de plus dans un chargeur, tout au plus. Les batteries à Reichi sont déjà tout en haut de ma pile de projets, mais j’ai quelques obstacles à surmonter avant. Vous pourriez d’ailleurs m’aider sur certains points. Si vous avez un hollow de haut niveau, apportez-le-moi ! J’ai confié à l’un de mes membres la confection d’un dispositif pour les maintenir. Si nous pouvions en avoir un, vivant, à disposition, mes recherches avanceraient au moins dix fois plus vite. Tester les prototypes, voir ce qui peut les blesser et ce qui ne le peut pas, ce qui les tue, leurs points faibles, comment les détecter, les affaiblir, les restreindre...

On l’a perdu.

- Quelque chose du genre. Il affirme, il précise. - Un fusil apte à blesser les menaces spirituelles resterait essentiellement un fusil, entre les mains d'un utilisateur un tant soit peu expérimenté. Mercenaires, personnel militaire et autres profils du genre pourraient servir la cause à leur échelle. Une pause, un songe. - Ce pourrait être une bonne introduction pour de futurs Fullbringers artificiels. Ils sauront au moins partiellement dans quoi ils s'engagent.

Un minimum d'expérience, d'ici à ce que les ressources se débloquent pour leur donner le pouvoir tant convoité. Puis, plus pragmatiquement... Un procédé éliminatoire, à sa façon.

Dans tous les cas, ses doutes sont rapidement confirmés. Parmi les ennemis, quelqu'un sait contrôler les hollows mineurs... Ou au moins, jusqu'au niveau Gilian. Dés lors, les questions se posent : quelle limite de quantité ? Et de qualité ? Peut-il influer plus haut que Gilian ? Peut-il contrôler de petits groupes, des foules, ou bien des hordes entières ?
Information, renseignements. Ça aussi, une ressource précieuse qui leur manque cruellement. Bien heureusement, leurs ennemis en savent sans doute moins encore. Les Fullbringers sont un point d'interrogation du monde spirituel. Une anomalie, par bien des regards. Quant aux Quincys ? Les Quincys...
C'est encore un autre cas particulier.

- les profils de ce genre sont des cibles prioritaires. N'importe qui parmi eux peut détruire des pans entier de ville si bon leur semble. Manipuler, tromper, ou même percevoir... Ce sont les vrais dangers.

Kyoya est un guerrier par nature, par essence, par vécu. Mais il a aussi vécu assez de vie pour comprendre et reconnaître le danger de ceux qui se battent avec les mots, avec l'influence et l'argent. Pour cause : Lui aussi se bat avec ces armes, aujourd'hui. Le Groupe Kurosawa, ses liens parmi les Yakuza, les zéro sur son compte en banque sont autant d'outils pour influencer le monde. Dés lors, quand l'influence est en plus surnaturelle... Le potentiel n'est que plus grand.

- Arme à feu en priorité, plutôt que lame. Si l'on doit recruter parmi les combattants d'aujourd'hui, ils auront plus d'expérience avec ce genre d'équipement. Et plus de chance de survie, accessoirement.

Donner le pouvoir de voir et blesser est une chose... Mais un humain sans pouvoir restera un morceau de viande sur pattes pour n'importe quel hollow un tant soit peu efficace. La distance sera le meilleur ami d'un soldat humain, face à ce genre de menaces.

- à terme, oui. Mais avant de penser à une attaque à grande échelle, je pensais à une seconde base. une pause, un souvenir. - Lors de mon échange avec The Hierophant, l'évidence que l'emplaçement de la Grande Cataracte était spécial d'une façon ou d'une autre s'est imposée. Des endroits de leur monde plus riches en énergie que d'autres, sans doute... Il visualise, il projette. - Il nous faut d'autres endroit comme ça. D'autres installations.

Toujours plus, pourvu que ça puisse vouloir dire plus de Reishi.

Une problématique qui semble passer au-dessus du King of Cups. Kyoya n'est pas totalement surpris : le scientifique pense autopsie et expérimentations avant toute chose. Naturel, en un sens... Pourtant, il reste impassible. Pourtant, son idée est ailleurs.

- Dites-moi, Tanjo. Par quel miracle exactement pensez-vous qu'un profil comme celui de Kichigai Ganryū ait pu se hisser à une position de responsabilité au sein de l'Ultimat Necat? Il demande, il jauge. Un silence qui invite à la réflexion : une question rhétorique. - Dans un monde parfait, cet homme aurait au mieux été sur la liste des Fullbringers indépendants à surveiller, au pire accepté dans les effectifs en tant qu'exécutant : un homme sans autorité, une arme qu'on lance tête la première contre les soucis qui se gèrent à coup de bélier. Les gens puissants sont rares, donc précieux. Ainsi, Ganryū était puissant, et fatalement précieux : Un Fullbringer naturel. Un Fullbringer gratuit de ressource, au moins à son recrutement. - Mais non. Il était King. L'organisation doit accepter les profils les plus atypiques et les plus indisciplinés, les compromis moraux les plus clivant... l'Acuerdo et les banquets. - Pourquoi?

Parce que nous n'avons pas le luxe d'être difficiles.

Il avise l'homme. Puis, il se lève, et lui tourne le dos pour fixer les écrans derrière le bureau : les enregistrements de l'attaque, encore et toujours.

- Les spécimens vivants serviront vos expériences. Mais ils serviront aussi mes propres hypothèses. Parmi lesquelles : Une entité spirituelle assez puissante pourrait servir de batterie à Reishi perpétuelle, pourvu que l'on parvienne à extraire leur énergie.

Sur ses traits, un sourire mauvais.

- Ils n'ont pas besoin de mourir tout de suite. Ils pourront enfin se rendre utile dans la vie... Quelques mois, années de plus ; maintenus en stase pour servir de carburant au brasier qui emportera le reste de leur race. Il souffle du nez. - Puis les expériences. Et les interrogatoires. Et quand on aura épuisé la dernière goûte d'utilité depuis leur carcasse agonisante, là, et seulement là, le repos leur sera accordé. Et alors ils pourront se rendre utile dans la mort.

Droit devant l'écran, il lance un regard par-dessus son épaule, à l'intention du scientifique.

- Si vous souhaitez obtenir l'assistance des Swords dans cette entreprise, ce sont mes termes. L'on essaiera vos expériences, puis les miennes. Et l'on gardera ce qui se prouve utile. Dans son œil couleur abysse, une lueur qui dit le fond de son âme : Un pragmatisme froid, teinté d'une haine brûlante envers les Hollows. - Avons-nous un accord?

-Hum ? Ah oui les armes à feu. Bien entendu. Même un enfant est dangereux avec un tel outil. Ce serait donc bien plus adapté pour des novices. L’art du sabre demande des années d’entraînement pour être efficace. Et des décennies pour être maîtrisé. Pardonnez-moi, on change difficilement de vieilles habitudes.

Toute sa vie, il avait vu des combats au sabre, mené des hommes maniant des katanas, des yaris, des nodachis ou encore des naginatas. L’idée d’utiliser une explosion de poudre de salpêtre pour projeter un morceau de métal à grande vitesse avait été trouvée pendant son absence. Bien que parfaitement au courant de tout ce qui s’était passé durant sa mort, il pensait immédiatement à une lame, lorsqu’il entendait le mot « arme ». Mais effectivement, insuffler du reishi dans un canon pour renforcer les projectiles était également envisageable.

Mais le King of Sword rêvait à plus. Plus grand. Plus efficace. Plus vite. Trop vite, peut-être. Une seconde base. Alors que Pandora se remettait à peine de ses blessures.

-Je vous l’accorde, une seconde base nous permettrait d’accélérer tout le processus. Mais qui dit seconde base, dit encore plus de défense à mettre en place. Plus de risque d’invasion. Plus de pertes parmi nos rangs. Je ne suis pas contre l’idée, mais cela devrait se faire par étape et de façon méticuleusement réfléchie. En revanche, je vous le dis tout net. N’approchez pas de la grande cataracte. Nous ne savons strictement rien de ce qu'elle est et même le Hierophant ne peut se targuer de comprendre sa nature.

Pour une fois, son discours est clair et parfaitement audible. La cataracte était un danger. Il n’avait pas eu l’occasion de se rendre sur place avec les autres pour observer le phénomène de ses propres yeux, mais avait lu suffisamment de rapport pour se faire une opinion. Des théories, des idées, quelques hypothèses... Mais aucune certitude. Toutefois, parmi toutes ses suppositions, très peu étaient bénéfiques. Il serait même possible que son ouverture coïncide avec l’arrivée des Abyssaux. Il se relève, emporté par son discours, mimant ses dires.

-Le Hueco Mundo est littéralement constitué de Reishi. L’emplacement importe peu pour ce qui est de la rentabilité. Imaginez vouloir recueillir de l’eau et hésiter sur l’endroit ou vous mettre sur l’océan. Ce qui compte, c’est comment la défendre, la topographie, la distance avec d’éventuelles bases Arrancars, la capacité d’approvisionnement...

La liste des choses à prendre en compte lors de l’établissement d’une nouvelle base avancée en territoire ennemi était longue. Il se retourna vers son interlocuteur.

-Nous savons tous pourquoi Ganryū était King of Sword. Une puissance que nous ne pouvions pas nous permettre de ne pas recruter. Et un tempérament qui rendait impossible toute subordination. Quel autre choix avions-nous que de le propulser King ? Même si on aurait mieux fait de l’abattre sur-le-champ. Mieux vaut ne pas gagner que perdre, non ? Il nous a créé plus d’emmerdes qu’il n’en a résolu.

Sur ce point, ils étaient parfaitement d’accord. Les humains étaient faibles et les Fullbringers étaient rares. Les Quincys encore plus. Ils devaient absolument tous les rallier à leur cause s’ils voulaient pouvoir demeurer une force dissuasive. L’homme en costume exposa alors sa propre hypothèse. Tanjô commençait à apprécier le personnage. Lui qui s’était attendu à une brute sans cervelle, passionnée par le combat... Kyoya savait utiliser sa tête, voir loin et penser grand.

-Je vois. Vous voulez maintenir le hollow en captivité et le drainer régulièrement. Je vous mets simplement en garde sur un point essentiel qui n’est pas à négliger. Rien ne se perd, tout se transforme. Si vous le maintenez ici sans rien lui apporter, il ne se régénérera pas. Il faudra soit le nourrir en âmes humaines, soit lui faire faire de brefs passages au Hueco Mundo pour qu’il puisse absorber le Reishi qui y règne. Sinon, il mourra très vite et le gain sera peu important. Personnellement, tant qu’il meurt à la fin, je n’y vois pas d’inconvénient, mais tâchons de le rendre le plus rentable possible. Nous avons un accord.

Pour symboliser cette coopération, Tanjô lui tendit une main franche.

- Précisément. Nous n'avons pas « des années d'entraînement ».

Il pourrait s'attarder sur l'efficacité supérieure des armes à feu d'un point de vue totalement objectif. Il pourrait ajouter qu'épées et Katana sont depuis des siècles des armes de statut, plus que de guerre. Surclassées par lances et armes possédant plus d'allonge, par l'archerie et plus tard la balistique. Il pourrait, mais il n'a pas envie de perdre son temps en débats creux.

- Trop tard. J'ai justement pu visiter l'endroit lors de ma dernière visite. Il se remémore. Il hausse les épaules. - Le phénomène est instable. Je n'ai pas l'intention de jouer avec. Mais c'est une raison supplémentaire pour chercher ailleurs. Pour l'instant, l'instabilité du site est source d'inquiétude et soucis matériels mineurs. Plus tard, ce pourrait devenir un obstacle à l'exploitation de Pandora. Nous devons nous préparer à l'éventualité que ces sites d'exploitation de Reishi soient... Comme des sites d'exploitation de pétrole. Que tôt ou tard, nous arrivions à la fin de la réserve.

Mais « arriver à la fin de la réserve » pourrait avoir des conséquences différentes, lorsque le monde spirituel est impliqué. Qui plus est au Hueco Mundo.

Il écoute la suite, et... Son sourire se fait plus amusé. Malicieux, en fait. Il entend le scientifique expliquer comme s'il savait, comme s'il était l'instrument de la vérité absolue... Puis il ferme les yeux, secoue la tête.

- Lors de l'accord avec les Arrancars, il a été exigé de trouver un site éloigné des intérêts des quatre grands clans de l'Acuerdo. The World lui-même s'est déplace pour choisir un emplacement précis, sur la base suivante : le site de la Grande Cataracte « recèle d'une accumulation d'énergie particulière, plus riche ». Les derniers mots sortent d'un ton de citation. - Les mots de The Hierophant lui-même. De plus, il existerait d'autres sites similaires.

Il marque une pause, plante son regard dans celui du Revenant. De toute évidence, la situation l'amuse. C'est écrit au coin de ses lèvres.

- Vous êtes un scientifique. Et je doute que le poste de King vous ait été donné au hasard. Mais vous devriez veiller à ne pas trop vous reposer sur vos acquis. Son sourire ne reste pas : ses mots sont emprunts d'un sérieux renouvelé. - Les lois de la réalité ne sont pas les mêmes ici et là-bas. Il ne s'agit pas de l'océan et son eau : il s'agit de ce qui se terre sous la surface.

Pour autant, la réflexion de base du Cups se tient – arrogance mis à part. Kyoya aussi a été déstabilisé. Son âge, ses rencontres et expériences lui donnent une perspective toute particulière sur le monde spirituel. Son savoir est moins académique, plus... Viscéral, concret. Or, les faits sont là : il en sait beaucoup sur ce monde. Mais lorsqu'il a foulé de son pied le sol du désert blanc, il a compris qu'il avait encore beaucoup à apprendre, du haut de ses six siècles d'existence.

Il y a la question de Ganryū, il y a la réponse, il y a le débat du pourquoi. Le scientifique se concentre sur les faits, là où le guerrier voulait en venir à un message plus large : dire que l'organisation doit arracher tous les avantages qu'elle puisse s'approprier. La puissance, même si elle est instable. Et donc aussi, l'énergie, même si elle doit venir d'un Arrancar tenu en captivité. Qu'il serve à la fois de batterie, de sujet test et de prisonnier à interroger. Et si ça ne fonctionne pas ? Eh bien ils auront essayés. Ils sauront.
Après tout, il y a les Hollows, aussi. Après tout... Ce ne sont pas les sujets qui manquent.

- Les détails de comment tirer énergie, réponses et avantages de leur capture peuvent attendre. Déjà, il faudra réussir à mettre la main sur un ou plusieurs sujets. D'ici là... Il s'avance, pour tendre le bras au-dessus de son bureau, et serrer la main de son homologue. - Heureux que nous nous comprenions.

Puis, sa main revient dans son dos rejoindre sa jumelle.

Y-a-t-il autre chose que vous souhaitiez aborder?

Les deux mains se séparèrent, marquant officiellement une coopération entre deux des quatre sections de l’organisation. C’était un grand pas. Jusqu’ici, chaque King avait une totale liberté pour gérer ses affaires et seules les missions d’envergure avaient le don de mêler les troupes. S’ils voulaient augmenter leurs ambitions, ils allaient devoir travailler ensemble. Tanjô espérait bien pouvoir créer une coopération identique avec le King of Coins et la Queen of Clubs.

Le scientifique se laissa tomber dans la chaise. Plusieurs de ses convictions s’étaient écroulées. Il allait devoir recommencer plusieurs de ses théories à zéro. D’après ce que lui disait Kyoya, le reishi n’était pas uniforme...

-Le Hierophant a vraiment dit ça ? C’est... Impossible... Mais si c’est lui qui le dit, je ne peux pas en douter. La concentration en énergie varie donc géographiquement dans le Hueco Mundo. Ça fout en l’air les bases de bon nombre de mes théories. C’est une catastrophe... Cela change tout. La nature même du reishi... Ses interactions fondamentales... Tout ce travail bon à mettre à la poubelle...

Si seulement il avait pu participer à cette expédition pour faire ses propres observations. Constater en direct les variations énergétiques, observer, calculer, déduire... C’était cela son domaine, pas simplement tirer des conclusions de rapports bâclés rédigés par des personnes n’ayant pas forcément les mêmes centres d’intérêt et ne rapportant donc pas toujours les informations qu’il désirait. Cela lui aurait évité de passer tant de temps à travailler avec des données de base erronées. Le Hierophant, dans sa tour d’ivoire, était très avare en informations et il devait tout découvrir par lui-même pour la grande majorité des cas. Enfin, il ne désespérait pas de finir par percer tous les mystères des autres mondes. Il se redressa, ne comptant pas se laisser abattre par ce coup dur.

-Qu’à cela ne tienne. La science n’est pas un long fleuve tranquille. Les échecs font partie de l’apprentissage. J’intègre cette nouvelle information et je pourrais repartir sur des fondations plus solides. Je vous remercie d’avoir partagé ça avec moi.

Tanjô n’avait pas pensé obtenir autant de nouvelles données en se rendant dans les quartiers des Swords. Si certains n’étaient que des brutes passionnées de combat, ce n’était pas le cas de leur chef. Le départ de Ganryū était une des meilleures choses qui soit arrivée à l’Ultima Necat avec la création du Spiritual Neon Gate et l’Enhanced Fullbring.

Le regard du savant s’assombrit soudainement. Ils avaient tous deux évité d'en parler jusqu’à présent, mais il allait falloir le mettre sur le tapis tôt ou tard.

-Un dernier sujet, oui. Nous devons absolument parler des Abyssaux. Ces êtres apparus de nulle part et qui ont mis fin aux troubles lors de l’attaque de Tokyo. Je ne doute pas que vous êtes déjà au courant de ce qui s’est passé. Ils ont surgi d’une faille de la réalité. Pourtant, ils semblaient totalement dépourvus de reiatsu. Ils n’apparaissaient pas sur le radar. Je n’ai rien ressenti. À part de la peur. Une peur insondable et irrationnelle... Leur nature même échappe à toute compréhension.

Les souvenirs de ce sentiment qui l’avait envahi lors de l’apparition de ces monstres revinrent le hanter l’espace d’un instant. Ni hollows ni shinigamis ni humains. Ils étaient en présence d’une nouvelle forme de vie non répertoriée.

-Ils sont incroyablement puissants. En un instant, ils ont anéanti des créatures abominables qui nous tenaient en respect, moi, Alice l’épervier et l’Arrancar. Si ces créatures représentent la piétaille, comme vous dîtes, de cette nouvelle armée inconnue, nous avons beaucoup de soucis à nous faire.

Il prit un instant pour être sûr que ses propos étaient clairs. Gagné par une émotion dont il était peu coutumier, il risquait de se mélanger dans ses pensées.

-J’ai besoin de savoir. Avez-vous la moindre information les concernant ?

- Avec plaisir. Le scientifique prend la nouvelle avec philosophie. Difficilement, de toute évidence... Mais ce pourrait être pire. Il pourrait être de ceux qui mettent leur ego avant le progrès. Et même parmi les scientifiques – supposément une caste dédiée au progrès -, ce n'est pas un phénomène si rare. Apprendre passe par accepter de ne pas savoir. Pire encore – accepter d'avoir tort. Or, ce peut être une réalité difficile à accepter, pour ceux qui sont parmi l'élite, l'exception à la règle. Par leur seul nature de Fullbringers, ils sont Plus que le commun de mortels. Parce qu'ils ont le pouvoir. Parce qu'ils savent. Parce qu'ils voient.

Mais même eux qui possèdent les yeux du Clairvoyant peuvent parfois être aveugles à la vérité.

Plus criante preuve de cet état de fait - ces fameux abyssaux, et leurs créatures... Créations ? La question se pose. Là aussi, il a lu les rapports et vu les enregistrements. Les détails du King of Cups fournissent une nouvelle perspective, mais ultimement, la même conclusion : Une nouvelle menace, inconnue en toute chose. Ce qu'ils sont, d'où ils viennent, ce qu'ils veulent ? Rien. Ils ne savent rien.

- Sans Reiatsu, et pourtant forts. Capables d'interagir avec les corps spirituels. Il pense, il cogite. - Les civils semblaient-t-ils capables de les voir? Il doute qu'il existait encore des témoins vivants sur place à cet instant... Mais la question mérite d'être posée. - Pour vous répondre, non. J'en sais autant que vous sur ces choses.

Donc, presque rien.

- Dans tous les cas, un autre facteur inconnu. Leurs capacités, les contours flous de leur nature n'augurent rien de bon. Raison de plus pour consolider nos défenses. Il fronce les sourcils. - S'ils ont pris la peine de s'annoncer de la sorte, c'est qu'ils entendent réapparaître tôt ou tard. Nous devrons être prêts. Entre temps, arracher la moindre information que l'on puisse. Ces choses. Les créatures. Est-ce que l'on a pu récupérer un échantillon? Naturellement, en l'absence de réelle piste d'enquête, la science est leur premier élément de réponse potentiel. - Peut-être que les autres factions en savent plus. Si nos projets de capture se concrétisent, je ne manquerais pas de questionner le sujet sur la question.

Demander aux monstres ce qu'ils savent d'une nouvelle variété de monstres, sans doute y-a-t-il des résultats à espérer, non ?

La déception était lisible sur son visage. Tanjô avait gardé au fond de lui le minuscule espoir que le réseau d’informations du King of Sword lui aurait permis de glaner quelques nouveaux renseignements. Il s’était attendu à ce que le combattant ne puisse pas lui apporter beaucoup d’éléments cruciaux. Après tout, il n’avait même pas assisté à la scène. Mais quelque part au fond de lui, il avait tout de même espéré. Un détail. Une rumeur. Un bruit qui court. Même une information à la source douteuse. Une piste en somme, car pour le moment, il n’en avait pas l’ombre d’une.

La seule chose dont il était certain, c’était qu’une nouvelle menace planait sur l’humanité, mais également sur les autres mondes. Ils avaient été très clairs là-dessus.

-Non. Ils sont apparus au beau milieu du ciel, au-dessus des immeubles et se sont adressés à tous d’une voix tonitruante qui s’entendait dans toute la ville. Si les civils les avaient vus, nous aurions assisté à des scènes de panique sans précédent. C’est un point particulièrement perturbant... Cela voudrait dire qu’ils ne sont pas non plus constitués de Kishi. Une troisième particule élémentaire de la matière ? Une nouvelle fréquence ? À moins que ce ne soit simplement la capacité d’un des trois...

Décidément, la quête de la connaissance est sans fin. Chaque fois que l’on pense s’approche d’un pas du savoir, il semble reculer de trois. Mais Tanjô était endurant, il comptait bien faire autant de pas que nécessaire pour faire avancer l’humanité.

-J’ai tenté de questionner l’arrancar et même un shinigami que j’ai intercepté et ils n’ont rien pu, ou rien voulu me dire. S’ils savent quelque chose, il faudra les contraindre à partager effectivement. En tout cas, je peux vous donner mon impression personnelle sur ce que j’ai ressenti. Ils ne sont les alliés de personne.

Il laissa planer un léger silence. Il en était persuadé. Il cherchait à se remémorer les mots exacts que l’Abyssal avait prononcés.

-Ils ont dit vouloir visiter tous les mondes. Donc je pense que... Ça semble absurde dit à voix haute... qu’ils ne viennent ni du hueco Mundo, ni de notre plan, ni de la Soul Society. Ça parait ridicule, mais... Ils disaient profiter d’une liberté retrouvée. Ma théorie est donc qu’ils étaient jusqu’ici enfermés, quelque part entre les mondes. Théorie qui ne repose que sur les éléments que cette créature inconnue a bien voulu nous donner. À prendre avec des pincettes donc.

Bien, au moins l’information avait circulé. C’était tout ce qu’ils pouvaient faire pour le moment. Communiquer. Réfléchir. Et agir. Les autres mondes n’allaient pas attendre bien gentiment qu’ils soient prêts à les accueillir. Il fallait faire vite.

-Sur ce, je vais vous laisser reprendre vos activités. Cette conversation aura été... productive. J’espère d’autres échanges dans le cadre de notre collaboration.

Il se leva et s’inclina légèrement pour signaler son départ. Grâce à son homologue, il avait de nouvelles idées, de nouveaux projets. Non pas qu’il en manquait jusqu’ici, mais cette conversation avait changé l’ordre de ses priorités.