Le poids des responsabilités

- MATSUKAZE !

Comme si la situation n’était pas déjà des plus embarrassantes pour lui, voilà que sa furie de sœur arrivait avec un pas lourd et pressé, criant son nom au point que même le pavillon de la branche principale put l’entendre. Il en fallait beaucoup pour gêner le Shinigami, il gardait toujours sa contenance et sa stature en toute situation mais là, en cet instant présent il se voyait affligé. Par sa faiblesse, encore une fois. Il fit un signe de main à l’homme encapuchonné à sa droite comme pour indiquer une petite pause avant de rejoindre sa sœur sur le chemin. Enfin… il dut passer par l’herbe étant donné que la voie était entravée par une énorme colonne en béton – ou quelque chose de similaire – qui défigurait le domaine Bōhō ;.

- Peux m’expliquer qu’est-ce que c’est que CE FOUTOIR ?!

- Akane calme-toi s’il te plait. Je n’ai pas fait exprès mais là je n’ai pas le choix ! C’est Fumihazusu qui l’a posé là. Est-ce que tu comprends ce que cela signifie ?

Elle fronça les sourcils, ne comprenant pas immédiatement les insinuations de son frère. Sa colère ne s’estompait mais un léger trouble s’installa dans son regard alors que le Flamboyant la fixait tout en montrant la matérialisation de son Zanpakutō qui se tenait non loin. Elle l’observa, revint porter ses pupilles sur le Shinigami. Deux fois avant de soupirer.

- Fais en sorte de régler cela très vite.

Il ne lui accorda aucune réponse. Tous les mots qu’il aurait voulu enchainer n’auraient fait qu’accentuer sa colère. Elle comprenait certainement en partie, oui. Elle était une Shinigami après tout quand bien même elle ne se trouvait plus en service actif. Cependant tout ne semblait pas idéal à ses yeux, comme si cette quête – étape – ne lui convenait pas. Pourtant c’était en partie pour elle qu’il avait poussé le lien avec son âme aussi loin. En partie, seulement, oui. Akane s’engouffra dans le Kinkakuji avec tout autant de fougue qu’à l’allée, à moitié satisfaite de l’entrevue. En même temps le chemin vers son pavillon et une partie des jardins se voyaient lourdement entravés, au sens le plus propre du terme.

Ce fut au tour de Matsukaze de soupirer, fermant les yeux un instant pour reprendre contenance. Fumihazusu en profita pour le rejoindre silencieusement, posant son bras sur son épaule ; il était plus grand que son propriétaire.

- Pfiouuuuuu pas commode la frangine Matsu. Et dire que c’est ma faute… Je suis teeeeeellement désolé. J’espère que tu n’es pas en colère contre moi hein ? Ça m’embêterait beaucoup j’avoue.

Foutaises. Rien qu’à son intonation il se rendait bien compte de l’ironie de ses phrases. Bien sûr qu’il espérait le mettre en colère sinon pourquoi apparaître ici et maintenant, lui faire subir cette épreuve au beau milieu du domaine de sa sœur ? Comme si il le poussait plus encore à aller à l’encontre de cette dernière en sens. Quoi que… Laisser cette énorme colonne plantée là ne serait-il pas plus embêtant pour Akane ? Il se surprit à sourire à cette idée.

- Je ne comprends pas pourquoi tu veux encore me faire porter quelque chose d’énorme et d’extrêmement lourd comme ça… Tu penses que mon corps ne peut le supporter c’est ça ?

- Je suis fatigué, Maaaaaatsu… Je peux pas le porter moi même tu comprends ? Trop, trop fatigué… J’ai besoin de ton aide allez ! Tu vas pas laisser ça traîner chez toi hein ?

Plus facile à dire qu’à faire en réalité. Le bloc était immensément massif, impossible de dire sa composition mais cela ne devait être un élément naturel. Bien évidemment le Shinigami avait déjà essayé de le soulever sans grand succès. Pas même un millième de centimètre. Une colonne immuable. Il porta son regard sur son Zanpakutō, alternant entre lui et l’objet de la discorde. Il entendait les chuchotements de passants qui râlaient, serviteurs ou membres de la famille. Le voilà donc à soupirer posant ses mains sur ses genoux avant de se relever et de commencer à étirer ses bras en les plaquant tour à tour contre sa poitrine, faisant pression avec l’autre main. Il tourna sa tête plusieurs fois en faisant rouler sa nuque, se préparant à un nouvel essai.

Il se plaça donc à côté de son détracteur. L’objet, pas la personnage à l’origine de ce méfait. Il commença par s’accroupir pour bénéficier de la puissance musculaire de ses jambes. Soulever avec ses seuls bras serait vain, il allait avoir besoin d’un appui solide et d’explosivité pour réussir à le déplacer… Et juste avant de positionner ses mains, cette pensée lui traversa l’esprit d’ailleurs.

- Euh… Mais attends une seconde Fumihazusu. Tu veux que j’en fasse quoi en fait ? Je dois l’emmener où ?

Pour seule réponse il n’eut qu’un haussement d’épaule, un brin dépité. Il fit demi tour après cela, laissant le Shinigami seul pour aller se poser en tailleurs sur l’un des rocher du jardin. Il voulait observer, après tout c’était la raison de sa venue dans le monde des esprits. Pour l’instant il faisait preuve de patience, ce n’était que le début et surtout… la première fois.

Matsukaze soupira de n’avoir eu aucune réponse. Il s’en doutait, les choses ne pouvaient être aussi simples après tout. C’était une épreuve il en avait conscience, les quelques écrits sur le sujet le spécifiaient clairement : le Bankai était une confrontation avec son âme. Il reprit sa position, plaçant ses mains dans la terre pour aller au plus bas de la structure et avoir ainsi la meilleure prise possible. Cela importait, dans un tel exercice tout était affaire de position : celle du corps, celles des membres, celles des muscles… mais surtout celle de l’esprit.

Il fermait les yeux, concentré. Quelques secondes de calme avant que ne se déchaîne la tempête. Ses muscles commençaient à se contracter et dans un premier effort ses pieds s’encrèrent violement dans le sol.

Son souffle était court, son corps luisant de sueur. Il était à bout. Excédé. Rien ne bougeait une fois encore, cette immense structure qui barrait le sol de la salle d’entraînement semblait immuable. Pourtant quelque chose avait changé depuis les premières fois. Fumihazusu avait changé. Sa patience s’était tarie au point que pendant les essais de Matsukaze il venait l’assaillir de coup, comme s’il répondait à agacement que ressentait son Shinigami. S’organisait alors une danse dans laquelle il devait alterner entre un effort surhumain pour tenter de faire bouger la colonne et un affrontement armé, les deux utilisant la forme Shikai du Zanpakutō.

Son visage était tuméfié par les coups, son âme s’amusant régulièrement à l’attaquer en plein effort au moment où il était le plus distrait donc. Étrangement, chaque assaut de Fumihazusu se faisaient plus lourds, plus puissants. Au fur et et à mesure le Flamboyant arrivait à mieux contrer les attaques surprises, se débrouillant pour quitter son labeur et agripper son, arme de plus en plus rapidement, profitant du fait que ses muscles soient encore chauds pour soulever plus aisément et prestement son Zanpakutō.

L’air était lourd.

Quelque chose changeait. En lui un feu grandissait comme nourrit par un vent discret mais bel et bien présent. Au fur et à mesure des tentatives il délaissait le plus souvent l’immense bloc pour répondre aux attaques répétées de son Zanpakutō. Cela se transformait alors en de longs et épuisants affrontements où l’un se donnait à corps perdu, plein de colère et force tandis que l’autre semblait s’en amuser, bien que l’affrontement était tout aussi difficile pour lui… Mais cela semblait lui convenir, étrangement.

- Eh, Maaaaatsu, tu ne comprends toujours pas hein ?

Que cherchait-il à faire au fond ? L’énerver encore plus ? Car il ne répondait pas vraiment aux question du Shinigami quant à savoir ce qu’il ne comprenait pas. Alors ils continuaient à s’infliger des coups, encore et encore, à se contrer mutuellement au bout d’un moment jusqu’à ce que l’Ogasawara s’écroule de fatigue.

Mais un jour…

Le combat était des plus violents, il n’y avait plus de tentatives pour soulever l’immense bloc. Juste un affrontement bestial et dévastateur, laissant des marques immuables dans les terrains d’entraînement. Matsukaze semblait se perdre parfois, s’enfonçant dans la colère, cette sensation d’échec constante à chaque essai qui refaisait face à chaque fois que Fumihazusu se présentait à lui. Les bâtons s’écrasaient contre le sol rocailleux, créant autour des deux combattants d’immenses fissures.

Ils bondissaient, entrechoquant leurs armes l’une contre l’autre créant un tintement sourd et puissant à chaque fois. Cela résonnait tout autour d’eux, mais pas seulement. Jusque là il ne l’avait pas remarqué mais cette fois, près de la colonne, Matsukaze avait ressenti comme une réponse en lui. Comme si le choc des armes avait été renvoyé depuis cet immense masse qu’il n’avait pu soulever jusqu’à présent. Oui, ce n’était pas un simple défi imposé par son âme, cette colonne représentait bien plus qu’un effort. Peut être qu’après tout il ne devait pas le porter…

Matsukaze fit alors tourbillonner son arme au dessus de sa tête avant de bondir en l’air sous les yeux de Fumihazusu. Une feinte, faisant semblait de se diriger droit vers pour au final se retrouver sur la colonne d’un Shunpo. Dans un ultime cri de rage il fit s’abattre le bâton sur l’immense bloc. Un craquement se fit entendre. Puis un autre. Un rire au loin… Les morceaux tombaient alors un par un, dévoilant une immense arme de plusieurs mètres de long cachée au milieu des débris.

- Il t’en aura fallu du temps, Maaaatsu… Alors, qu’est-ce que tu attends pour porter dignement…

Le flamboyant se pencha, attrapant larme qui était à ses pieds et dans un dernier effort il la souleva, hurlant au passage :

- CHIMIMО̄RYО̄ NO KAMIGATA !