Mission #2 : "Bâtons dans les roues"

Le soldat s’attendait très clairement à voir le fameux ours de feu sur place. Être la source d’une explosion était quelque chose qui semblait de l’ordre du possible avec une telle chose. Il était probable que le King of Coins devait avoir eu une pensée similaire. Par contre, nulle trace des deux scientifiques. Certainement qu’ils devaient avoir décidé de creuser l’autre piste.
Et, de façon peut-être plus surprenante, nulle trace non plus d’un quelconque ours. Une voiture en feu, des personnes paniquées et, surtout, des traces de Reishi. Une analyse rapide, et l’aspect général des lieux, pouvait faire comprendre à l’usage d’une grenade, façon « Fullbringer ».
La personne ayant lancée cette dernière n’étant nullement un mystère.

Face à eux, leur contact initial. L’expression qu’elle abordait, ainsi qu’une volonté de ne pas trop se faire elle-même remarquer, ne laissant pas de doute sur la personne à l’origine de tout cela. Visiblement, son seul but avait été de détourner l’attention de l’équipe envoyée sur place et le fait de ne pas la voir au complet devait grandement lui déplaire.
Même si c’était involontaire, le mercenaire n’en laissa rien paraître, ce qui n’était certes pas bien difficile vu le masque sur sa tête. L’écran de ce dernier afficha d’ailleurs un sourire, voulant ainsi véhiculer une satisfaction concernant la situation.

>> Quoi, tu espérais vraiment qu’on ne faisait pas en sorte de couvrir les deux lieux d’activité ? Je m’attendais à plus d’intelligence de la part d’une Cups.

Une provocation gratuite alors que dans sa main la manifestation de son pouvoir pris la forme d’un fusil d’assaut. A aucun moment il ne se serait attendu à ce qu’elle cherche la confrontation directe. Si tout s’était passé comme elle l’avait souhaité, elle aurait été seule face à quatre gradés de l’Ultima Necat ? Même lui n’aurait pas pris un tel risque sans prévoir une issue.
Cette dernière n’était nulle autre que moto. Classique, pratique pour la fuite. Mais pas suffisant. Alors qu’elle se dirigeait en sa direction, l’Ace of Swords eu juste à lever son arme et tirer. Pas sur elle, trop de risque de ne pas être capable de l’arrêter aussi simplement.
Mais son moyen de fuite par contre… Avec plusieurs rafales, il était possible de la rendre inutilisable de bien des façons. Crever les pneus, percer le recevoir, détruire le moteur. Un soldat d’élite comme lui ne pouvait pas aussi simplement louper absolument tous ses tirs non ?
Et, surtout, il n’était pas seul. S’il ne le connaissait nullement, il serait surpris qu’Orias reste sur le côté à rien faire. A deux, ils avaient bien les capacités d’empêcher la fuite d’un simple agent non ?

Un long soupir. Perte de temps et d'énergie, de toute évidence. Était-ce elle également qui avait monté de toute pièce tout ce qui s'était produit à l'hôpital ? Heureusement ils avaient eu le réflexe de se séparer. D'enquêter sur des pistes différentes. Pour sa part, cela lui faisait autant de nœuds différents à dénouer. De mémoires à effacer, de preuves à faire disparaître. Pour sûr il n'y aurait pas trop le temps de s'ennuyer dans les prochains jours.

Pour l'heure la priorité serait donc d'arrêter cette jeune femme qui avait assurément des choses à se reprocher. En deux contre une, avait-elle la moindre chance ? Le Roi des Pièces s'assurerait en tout cas d'apporter son concours à ce qu'elle puisse être livrée pour recevoir le jugement adéquat quant à son attitude du jour. Et s'il le fallait, organiserait un banquet en son honneur !

Dans un style bien différent des Swords - son but était de limiter les dégâts et de les déguiser, pas d'en créer de nouveaux - c'est avec subtilité qu'il userait du pouvoir le plus basique des Fullbringer. Restant immobile, à l'exception de sa dextre tendue dans la direction de la jeune femme. Manipulant l'âme de l'air autour d'elle, elle lui offrirait bien plus de résistance, l'empêcherait donc de fuir aussi vite qu'elle le voudrait. Et avec la participation de l'As, terminerait de fermer la porte à une fuite aisée.

Si le mercenaire avait choisi l’approche forte pour empêcher la traîtresse de fuir, son partenaire de l’instant avait dans le plus subtil, utilisant un art que le soldat avait bien du mal à appréhender efficacement. Preuve indéniable de sa jeune expérience dans la peau d’un Fullbringer certainement, sa maîtrise étant entièrement concentrée sur l’objet qui lui permettait de s’équiper de l’instrument de mort dont il avait le plus besoin dans l’instant.
Au moins, mêler les approches de la sorte ne faisait qu’augmenter les chances de réussir leur but. Empêcher la femme de fuir afin de s’occuper de son cas. Chose qu’elle même devait avoir compris maintenant, s’intéressant de nouveau à eux.

Un individu normal n’aurait pas tenté de résister. A deux contre un, les chances de victoires étaient certainement assez faibles. Surtout face à des personnes mieux gradées qu’elle. Se rendre et assurer sa survie était un réflexe des plus évidents, que lui-même avait pu constater de nombreuses fois en opération dans le « monde normal ». Etait-ce justement la différence de contexte qui faisait naître un vain espoir dans l’esprit de ceux se retrouvant dans cette situation ?
Nulle reddition ne vint, mais à la place une volonté de se battre. A moins que la raison l’ayant poussée à agir ainsi soit celle qui faisait qu’elle comptait bien se battre jusqu’au bout ? Les réponses n’arriveraient certainement pas durant l’affrontement, mais après celui-ci.
Le tout était donc de s’assurer que l’issue n’en soit pas létale pour leur adversaire.

Dans un monde où les combattants disposaient de compétences propres, le militaire fut presque étonnant de voir ce qui pouvait paraître comme un flingue des plus basiques, bien qu’un simple coup d’œil permettait de se rendre compte qu’il avait bénéficié de la même intention de la part de la section à laquelle elle appartenait que la tenue que lui-même portait.
Ainsi, s’il ne pouvait connaître à l’avance la façon de se battre du King, l’affrontement prenait des airs de champ de tir alors qu’elle fit feu sur le plus gradé des deux hommes. Laissant ainsi toute latitude à l’Ace de libérer la puissance stockée dans sa protection.

Profitant de ses réflexes brièvement accrus, une brève course le vint se placer à bien plus courte portée que ce que l’on pouvait s’attendre de la part d’un individu armé d’un fusil d’assaut. La raison était toute simple. Ce n’était plus de cela qu’il était équipé, mais d’un fusil à pompe, de type Remington. Basique, mais imposant de s’approcher déjà plus de sa cible afin de ne pas tirer en grande partie dans le vide.
En temps normal, il aurait certainement visé la tête. Pourtant, la nécessité de l’interroger imposait que le canon était directement pointé vers le torse de la femme.

>> Jolie arme, je ne peux qu’approuver le style. J’y jetterai un coup d’oeil après.

L’idée même de la défaite n’était pas présente dans son esprit alors qu’il tirait à son tour.

- M’en prendre à une dame ? Allons, je ne vous ai même pas touchée. Je sais fort bien que la question du consentement est prépondérante de nos jours, mais vous comprendrez aisément qu’au vu de la situation, il nous faudra tenir un brin de discussion.

Il restait aimable. Souriant. Il restait à distance, n’ayant pas besoin de venir au contact pour faire sentir son influence sur la rencontre. À commencer par l’impact mental et moral qu’elle pourrait avoir à constater qu’il n’avait rien fait pour esquiver sa salve, et que pourtant pas une égratignure ne venait écorner sa bonne mise. Il lui est important de toujours bien présenter, bien entendu, et son renforcement de peau avait ici fait des merveilles. S’il le pouvait, Orias préférerait éviter d’avoir à libérer son pouvoir. Cela pouvait parfois créer plus d’ennuis qu’apporter de bénéfices. Et ils désiraient l’arrêter et l’interroger, n’est-ce pas ? Il n’était pas encore temps pour elle de retourner à la poussière.

- Afin d’être sûr que vous pesiez parfaitement la situation qui vous accable, ma chère, permettez-moi de vous rappeler quelques détails qui devraient somme toute vous éclairer quant à vos choix prochains. J’ai donc l’heur de me présenter : Orias, Roi des Pièces. Quant à mon camarade, je dois admettre n’avoir pas mémorisé encore son nom, mais je gage que vous aurez d’ores et déjà compris, tout comme moi, qu’il n’était pas un grand adepte de l’humour en pareille situation. Différentes manières de tenir la conversation, si vous préférez. J’ignore ce que vous aviez prévu, ou si vous espériez réellement pouvoir filer à la glaise, mais il faudrait être suicidaire pour refuser de constater que ce combat est d’ores et déjà perdu. Ne souhaitez-vous plus vivre, belle enfant ?

Est-ce qu’elle considérerait avoir son quota de galanterie cette fois ? Pas forcément, compte-tenu qu’il faisait toujours usage des capacités génériques du Fullbring en maintenant la pression autour d’elle pour empêcher ses mouvements, en plus de transformer le goudron sous ses pieds pour qu’il vienne s’agglomérer autour de ses chevilles. Il n’avait même pas besoin de l’attaquer, pas directement. Il pouvait très bien se contenter de lui prouver qu’elle n’avait aucune chance. L’affrontement ne faisait que commencer, et il lui offrait une porte de sortie avant qu’elle ne soit totalement acculée. Elle pouvait mordre ou coopérer. Au final, qu’importait son choix ; les étoiles avaient déjà choisi quel serait son destin aujourd’hui. Un bien funeste oracle sans doute...

Il n’avait pas espéré la mettre à terre en un seul tir. Si jusque là rares étaient les personnes capables de se relever après avoir subi un tir de fusil à pompe de plein fouet, il avait bien compris les règles auxquelles il était habitué n’avaient pas lieu d’être ici. Pourtant, il s’était attendu à une réaction quelconque, une tentative d’esquive ou de protection. Il avait beau ne pas la connaître, là aussi il pensait que c’était dans le domaine du possible. L’instinct de survie devait après tout toujours exister.
Pourtant, rien. Avait-il surestimé les capacités de son opposante du jour ? Ou peut-être était ce là l’influence de son compagnon du jour. En dehors des mots, il sentait bien qu’il ne restait pas les bras croisés dans cet affrontement, même si son style se révélait bien différence de celui du soldat. Deux sections bien différentes parfaitement incarnées dans ce duo au final.

Et, si la discussion semblait surtout avoir lieu entre les deux autres, le mercenaire ne fut pas surpris d’être la cible de la traîtresse. Quoique ait fait le King of Coins, il y avait de fortes chances que cela soit bien moins douloureux que des balles dans le flanc. Si bien qu’il ne fut nullement surpris de voir cette fois l’arme personnalisée pointée dans sa direction.
Sous le casque, une grimace. Même avec sa tenue, l’impact fut notable, le faisant alors reculer de quelques pas. Plus inquiétant, la sensation que la balle n’était pas basique. Les capteurs de sa tenue, l’informant en temps réel de son état de santé, semblaient confirmer la présence d’une sorte de poison dans son organisme.
Ce qui impliquait donc que traîner ne serait pas forcément à son avantage.

Une nouvelle information parvint alors via l’interface de son casque. Un message en provenance de l’autre équipe les informant de leur situation, et surtout qu’ils avaient retrouvé la gamine. Il serait étrange que les actes de la Cups soient sans aucun rapport avec cette enfant, ce qui impliquait très probablement que sa tentative de gagner du temps n’avaient pas portée ses fruits. D’où le fait qu’elle n’avait pas vraiment du apprécier de voir qu’ils n’étaient que deux à avoir mordu à l’hameçon.

>> Si le but c’est de gagner du temps pour la petite, ta mission est un échec. Donc tu permets, on va accélérer la cadence.

S’il s’était rapproché pour son précédent tir, l’usage d’arme à feu impliquait une certaine distance. Un large bond en arrière lui donna toute celle dont il avait besoin pour la suite, l’arme dans sa main se transformant alors en un imposant fusil anti-matériel. L’escalade de puissance était notable tandis qu’il posa genou à terre, calant l’arme sur son épaule.
Contrairement à elle, il prit le temps de viser. L’habitude fit simplement que le temps fut à peine notable avant que le bruit du tir se fasse entendre. Et la douleur dans son bras droit sentir. Une telle arme n’était après tout pas faite pour être utilisée en mouvement comme il le faisait et il fallait bien en assumer les conséquences.
Pourtant, sans véritablement marquer de pause, il se redressa, une grenade se matérialisant dans sa main gauche tandis qu’il jetait cette dernière en direction de sa cible, comme pour s’assurer que le travail soit bien fait.

Au final, tout semblait déjà avoir été dit. Il avait offert une porte de sortie à la traîtresse, qui ne semblait pas vouloir en profiter. Les pièces s’assemblaient vers une possible compréhension plus pleine de la situation, même si pour l’heure Orias ne portait pas réellement son esprit vers cette destination. S’il ne connaissait pas encore le lien réel entre cette femme et la gamine disparue, il apparaissait que les scientifiques de la mission étaient parvenus à mettre la main sur elle. Pour sa part, il se focalisait sur sa mission. Le ménage ne pourrait être pleinement réalisé que lorsque toutes les pièces de l’échiquier capables de semer du trouble seraient maîtrisées. Et donc commençait par la gestion de cette femme.

Bien qu’il semblait plus spectateur du combat que pleinement participant, il ne manquait pas de laisser son impact, discrètement, sans même chercher à se mouvoir. Son partenaire venait d’utiliser un argument qui pourrait peut-être la calmer plus que les balles ? Si ce n’était pas le cas, il se préparait déjà pour la suite. Soit elle devenait raisonnable, soit ils devraient bien se résoudre à l’arrêter par le plein usage de la force. Bon, c’était étrange de se dire cela vu les moyens déjà employés par son partenaire. Mais Orias espérait toujours une sortie du conflit plus paisible.

Son compagnon d’arme semblait garder sa position de retrait. Galanterie accompagnant ses paroles ? Manque de volonté ? Ou bien tout simplement sa façon de se battre ? Difficile à dire pour quelqu’un n’étant au final qu’un bleu participant à l’un de ses premiers affrontements en situation réelle depuis le gain de pouvoir. Cela pourrait l’agacer une telle attitude passive, si l’avantage du nombre n’était pas de leur côté. Et que lui même n’était pas naturellement capable de couvrir la partie offensive, si bien qu’avoir un peu de soutien n’était pas de refus.
Ce soutien, il y eu d’ailleurs le droit. D’un coup, ses mouvements semblaient bien plus fluide, comme si l’air autour de lui avait soudainement décidé de ne plus opposer de résistance mais, bien au contraire, d’accompagner les mouvements. Ce qui était plus ou moins le cas, au détail près que ce n’était bien entendu pas de sa volonté propre, et donc certainement cella de son allié.

Ce coup de main fut d’ailleurs le bienvenu. Si le soldat s’était attendu sur le coup à ce que ses paroles ne tempèrent un peu la volonté de se battre de la Cups, ce fut en fait le contraire. Il n’avait pas tous les éléments en main mais, de toute évidence, elle semblait persuadée que leurs intentions envers la gosse n’était pas pacifique.
Pourtant, même un chien de guerre tel que lui ne tuerait pas un enfant s’il pouvait l’éviter, il avait donc tendance à se dire qu’elle ne craignait probablement que peu de choses avec les deux autres. Sortant des lunettes et un nouveau pistolet, moins personnalisé pour le coup, elle se mit à tirer, vidant littéralement son chargeur avec bien moins de précision que le soldat, démontrant que le maniement de telles armes n’était pas non plus son quotidien.

Premier réflexe de sa part, faire disparaître son arme afin de ne pas être gêné dans ses mouvements et se mettre à couvert. La ruelle n’offrait pas de véritables cachettes mais en se mettant au niveau d’une benne il put limiter la casse. Deuxième action, concentrer son Reiryoku afin de renforcer la défense offerte par sa tenue, lui offrant ainsi une véritable gilet pare-balle achevant de rendre inutile la rafale dirigée à son intention. Seules les séquelles du tir précédent continuaient à se faire sentir, le poison coulant toujours dans ses veines.
L’heure allait donc ensuite être à la contre-attaque. Du moins le pensait-il.

Les mots que la femme prononça furent bien différents des actes qu’elle venait de faire. Plus posés. Peut-être plus intelligents aussi. Continuer à se battre ne lui apporterait rien de bon, les chances de s’en sortir dans une telle situation étant après tout bien faibles. Se rendre était une décision bien plus logique, et même celle qu’elle aurait du prendre à peine son véhicule détruit.
Bien sûr, cela pouvait s’agir d’un piège. Tenter de faire baisser leur vigilance afin de tenter de s’en sortir. Pourtant, il se décida à la croire. Non pas sans prendre ses précautions.

>> Très bien.

Se redressant hors de cachette, un fusil à pompe de nouveau à la main, il s’approcha d’elle tranquillement, pointant son arme mais sans tirer. Sans même laisser paraître qu’il avait l’intention de le faire. Gardant malgré tout une distance entre eux, il tendait son autre main ouverte en sa direction.

>> File moi tes armes pour montrer que c’est pas un piège. Et ensuite on te conduira elle pour mettre fin à tout ça.

L’écran extérieur de son casque afficha un simple mot. « Deal ? ». Prolonger l’affrontement ne ferait qu’augmenter les risques de la tuer, et donc de ne pas avoir le fin mot de l’histoire. Ce qui n’était pas le but premier de la mission.