La règle des trois

Avoir un projet c’est bien, mais des personnes pour l’aider à le concrétiser, c’est mieux. Pour l’heure, elle en est au tout début du recrutement. Elle a pu discuter avec ses hommes, ce qui est déjà un bon point, reste plus qu’à compléter avec des petits génies et des petites mains. Petit n’est pas péjoratif dans l’esprit de la jeune femme. Pas tellement affectueux non plus. Un peu taquin dirons nous car, à côté de cela, elle sait combien leur rôle au sein de l’organisation est primordial, utile et nécessaire. Elle a besoin d’eux, même si elle est débrouillarde, rien ne serait possible pour ce qu’elle compte mener comme enquête, ou étude appelez cela comme vous voulez.

Si elle connaît quelques Coins pour avoir déjà travaillé avec eux, ce n’est qu’un échantillon et elle ne peut pas compter sur eux pour le moment, il lui faut donc trouver quelqu’un d’autre. Rendue à l’étage de stockage, elle slalome entre les caisses, espérant trouver quelqu’un qui puisse faire l’affaire et tenter de le convaincre. Il y a bien quelques personnes ici et là mais aucun ne semblant sortir du lot. Même en se disant que l’habit ne fait pas le moine, elle a vu trop d’hommes ces derniers jours, ça commence à lui taper sur les nerfs. Où sont les femmes bordel ?!

Là. Juste là, à quelques pas, enfin il y en a une. Rouquine en plus, un bon point. Bon… C’est presque une marque de fabrique chez les fullbringer, elle ne compte plus le nombre de têtes rousses qu’elle a bien pu croiser dans les couloirs. Amusante coïncidence. Cela étant, elle est plutôt optimiste quant au premier contact qu’elles pourraient avoir.

- Salut, excuse moi, je suis la Queen of Clubs, je cherche des Coins, en serais-tu une par hasard ?

On croise les doigts, mais juste mentalement, faut pas déconner et ensuite on tentera d’appliquer la règle des trois.

La jeune femme se retourne. Bien qu’elle affiche un sourire, ses yeux sont humides. Vraisemblablement, elle doit être venue ici pour s’isoler et Recca débarque comme un cheveu sur la soupe. Elle pince légèrement les lèvres, a-t-elle vraiment le temps et l’envie de gérer cela maintenant ? Pas trop. Il y a des jours comme ça où l’on est mieux luné que d’autres et elle en sait quelque chose, les phases de la lune, c’est son rayon.

Pourtant elle se retient de faire un pas en arrière. On n’est pas à l’école, il faut savoir faire preuve de professionnalisme. Cela ne signifie pas pour autant qu’elle doit être sans coeur même s’il lui arrive d’être sévère. Recca lui adresserait bien un sourire encourageant, mais avec se masque qui lui recouvre la totalité du visage, ça ne servirait à rien, elle ne pourrait pas le voir.

- Enchantée. Je ne viens pas pour te gronder non. J’ai besoin des services de votre section et votre King est momentanément indisponible.

Pour une raison ou une autre, peu importe, là n’est pas le sujet.

- Mais peut-être que j’arrive au mauvais moment ? Tu dois être très occupée, je peux repasser plus tard, ou bien si tu sais me dire où je peux trouver les autres numbers…

Tout en l’observant, elle réfléchit. Il y a quelque chose qui l’embête dans la situation. Appelons cela solidarité féminine. Et puis elle est responsable quand même, bien qu’il ne s’agisse pas d’une Clubs, s’il y a un souci avec l’organisation ou un de ses membres elle doit gérer l’affaire. Pour le bien commun, les individus doivent être au meilleur de leur forme et de leur moral. Le portable est tiré de la poche arrière de son pantalon en cuir et elle appuie sur un bouton de la tranche pour l’allumer et consulter l’heure. En vrai, elle est large niveau timing, c’est ok.

- Hum… Si jamais tu veux parler… Je t’offre un café ? Un thé ? Quelque chose de plus fort ?

C’est ça allons-y ! Après avoir fait picoler le King, allons rendre la Two pompette, yolo !

Elle opine. Du matériel à transporter oui entre autre. La Queen aussi, espère avoir son renseignement, sinon elle arrêtera de se faire chier et commencera à envoyer des mails. Plus simple. Bah oui pourquoi elle n’y a pas pensé avant ? En plus les interactions sociales bon, elle n’a pas vraiment l’habitude. Cette période où elle n’avait que Makoto à qui parler n’est pas si loin après tout. Qu’est elle devenue d’ailleurs ? Il faudra se renseigner plus tard. Le souci, c’est qu’un mail ça s’ignore, ça s’oublie, alors qu’un face à face, on n’a pas le choix que de répondre quelque chose même si ce n’est pas la réponse attendue. Au moins avec sa nouvelle position, elle peut espérer profiter de cette notoriété et le respect qui va avec, pour faire avancer les choses à son avantage.

- Merci. En ce qui concerne ma recherche, je prévoie une excursion jusqu’à nos lointaines installations. Je pars avec une équipe de scientifiques. J’aurai besoin donc que leur matériel soit apporté avec eux, ainsi que tout ce dont on pourrait avoir besoin pour le voyage. Vivres, bagages… enfin vous devez savoir ça mieux que moi. Je cherche donc un volontaire pour s’en occuper.

Avant de devoir passer par le Boss qui lui ne laissera pas le choix, genre c’est un ordre et puis c’est tout. En effet, elle est d’avis que les volontaires et motivés font mieux leur taf que les autres. Cela étant, elle a cru comprendre que les Coins étaient chacun spécialisés dans leur domaine et que donc il lui fallait trouver la ou le spécialiste de la logistique.

- Tu n’avais pas l’air dans ton assiette lorsque je suis arrivée. Si t’as envie de déballer ton sac. Parfois ça fait un peu de bien. Et puis qui sait, je pourrais peut-être t’aider ?

S’il faut casser des culs, remettre des lourds à leur place, ça elle sait faire. Un peu trop d’ailleurs. S’il s’agit d’autre chose… Faut voir. La famille de son côté c’est de la merde. Les amours c’est juste No Way. Elle changera peut-être d’avis si elle tombe amoureuse mais pour l’heure elle campe sur ses positions.

Un sourire amusé étire ses lèvres lorsque la demoiselle parle d’assiettes dans les sacs. Le raccourci a de quoi la faire rire mais elle se retient pour ne pas que ce soit mal prit. Ce ne serait pas de la moquerie pourtant, tout le monde a un certain degré de maladresse. Chez Mitski ça a un côté rafraîchissant. Une légèreté qu’elle n’a pas trouvé ailleurs jusqu’à présent et qui fait du bien au moral. Ces derniers jours passés à courir partout et à gérer des crises lui ont provoqué plus de tension que ce qu’elle imaginait. Ce n’est pas de tout repos d’être Queen. Il y a des avantages bien sûr, mais aussi son lot de responsabilités. Elle doit essayer de penser à tout. Heureusement elle a toujours été débrouillarde aussi, vivre seule ça ne laisse pas le choix.

- Oui c’est bien ça dans des sacs les assiettes, c’est pour un pique-nique au Hueco Mundo, des fois que la team Cups souhaiterait passer plusieurs heures hors de nos infrastructures… En carton, c’est mieux, moins de risque de les casser.

Et pourquoi pas d’ailleurs, elle n’est pas si bête cette idée. Il faudra qu’elle la soumette à la Jack. Repas tranquille installés sur une grande nappe, ou un tapis du genre, pieds dans le sable blanc… Manquerait plus que la mer. Voilà. Elle a envie de vacances maintenant. Bien joué !

- T’aider pour n’importe quoi, tant que c’est dans mes cordes, si tu as des soucis, entre femmes on s’entre-aide. C’est normal non ?

Si elle a remarqué le carnet qui a failli atterrir sur le sol, elle ne pose pas de question à ce propos. Ce pourrait être quelque chose de privé et la jeune femme respecte les limites, essayant de ne pas être intrusive dans la sphère privée des membres de l’Ultima. Autant que possible du moins, parce quand il y a des larmes dans l’équation, elle ne peut pas s’empêcher d’essayer de la résoudre.

- Un café oui, allons-y. Nous parlerons là-bas ce sera plus... sympa. Il y a un endroit où tu voudrais aller en particulier ? Je te suis.

Elle s’écarte afin que Two prenne les devant et la guide soit dans un café de son choix, soit simplement dans l’une des salles de repos à disposition. Si toutefois elle en a toujours envie. Et pour ne pas laisser le silence trop prendre ses aises durant le trajet, elle sort de nul part un :

- Tu ne trouves pas qu’il y a un peu trop d’hommes dans l’organisation ? J’veux dire, toi, moi, la Jack, la petite Sword… ça ne fait pas beaucoup je trouve.

La Queen hausse un sourcil, se demandant pourquoi la rouquine fait semblant d’écrire sur son bloc. Elle n’a pas besoin de tant d’efforts, si elle estime pouvoir retenir ce que Recca a pu lui dire sans noter quoi que ce soit, elle le respectera très bien. Enfin, ce n’est pas comme si elle n’avait pas déjà prévu de fournir une liste de toute façon afin que rien ne soit oublié. Quant à cette histoire de pique-nique, elle pourra statuer plus tard si elle commande vraiment des assiettes en carton ou pas. La traditionnelle boite à bento fera tout aussi bien l’affaire si ce n’est plus. « Hum, hum. » Elle acquiesce. Effectivement les Hollow ne verraient pas d’un très bon œil s’ils commençaient à se servir de leur monde comme d’un dépotoir. Déjà qu’ils doivent certainement faire de gros efforts pour supporter d’avoir sur leur territoire une annexion.

- Si tu n’aimes pas aller voir les Cups, tu peux leur envoyer un mail.

Recca et ses mails. Une grande histoire sans amour. Pensive, elle se demande si elle aussi trouve les gens bizarres. Bon il y en a des particuliers, ils ont tous leur personnalité propre assez forte, mais de là à parler de bizarrerie… Enfin chacun son avis bien sûr. Au moins elles sont d’accord sur le fait qu’il y ait trop d’hommes ici. Elles arrivent donc dans la petite salle de repos. Classique sans fioriture, tout ce qu’il y a de plus impersonnel et la Lunaire prend le temps de répondre.

- Jack of Cups, c’est une grande blonde, cheveux long, habillée avec une sorte d’armure cyber-spéciale. La petite Swords, jamais vue, mais elle a dix-huit ans et c’est une Three. Tu connais ceux de ta section au moins ? Ils sont comment ?

Elle évite de dire qu’elle non plus n’est pas ici depuis longtemps, déjà que niveau crédibilité elle s’en prend un coup, faudrait pas en rajouter une couche.

- Un thé merci. Hum. Ça aurait été mieux si je t’avais convoquée dans mon bureau, aboyé dessus comme une chienne et renvoyée aussitôt terminé ce que j’avais à dire ?

Elle rit doucement. Un homme aurait peut-être pris son poing dans la gueule, peut-être et encore elle est plutôt calme en ce moment. Étonnant pour quelqu’un qui a essuyé une tempête il y a peu.

- Ouais j’peux faire ça. Je gagnerai tellement de temps en plus. J’vois pas pourquoi j’m’obstine à courir partout. J’ai des gens pour faire ça à ma place maintenant.

Dès qu’elle rentre sur terre, elle teste la méthode, juste pour voir, si elle est toujours motivée à ce moment-là. On verra quoi. Mais là, courir partout comme elle dit, ça l’occupe, l’aide à penser à autre chose qu’au fait que la vie, c’est de la merde et qu’elle ne sait plus où elle en est.

- T’avais l’air triste tout à l’heure. Quelque chose ne va pas ? Tu as des ennuis ?