Le goût des cendres [PV Adelheid]

Katsuo a toujours mangé seul. Depuis son arrivée, rare étaient les fois où il avait partagé sa table avec un autre. Non pas qu’il les chassait, juste qu’il avait pris coutume de venir tard dans ce lieu de restauration. Pour être plus tranquille. Pour que les bruits de discussion le dérangent moins. Il a toujours apprécié le silence et le calme, au contraire du brouhaha des conversations. Alors aujourd’hui ne fait guère exception à cette règle. Il est tard quand il rejoint le lieu de restauration. L'après-midi à sonné son clairons depuis plusieurs heures déjà. Ce n’est pas grave. Il se contente des restes.

Ils sont habitués à le voir si tard.

De coutume pourtant, il mange rapidement, ne s’attarde pas. Il n’a pas perdu cette habitude de vie. Pour autant, il appréciait ses repas. Avant. Son regard d’or retombe sur le riz qu’il mange. Fade sur sa langue. Il sait que ce n’est pas l’aliment qui n’a pas de goût mais lui qui peine à le déceler. Comme si ses papilles s’étaient endormies. Ses paupières s’éteignent alors qu’il reprend une bouchée sans saveur.

Ça n’a pas d’importance. Les fantômes n’ont pas à avoir de goût. N’ont pas à apprécier quoi que ce soit.

Alors il mange sans faim. Simplement par habitude, pour faire mouvoir ce corps qui en a besoin. Il n’a pas d’appréciation à avoir. Juste avancer. Sans savoir où il va. Sans savoir jusqu’où il pourra aller. Jusqu’où ce corps le mènera.

Quel… gachi. D’avoir volé cette vie.

Les baguettes s’arrêtent dans leur mouvement. Il se demande encore pourquoi. Pourquoi est ce qu’il est là. Pourquoi est-ce qu'on lui fait subir tout ça. Quel est le but de cette renaissance, pour lui ? Pour celui qui l’a trainé ici, éveillant son âme dans ce corps qui ne lui appartient pas ? Il se doute qu’il n’est qu’un grain de sable dans un rouage. Le Roi Satsubatsu. Ses doigts se crispent sur les bouts de bois.

Non. N’y pense pas. Ne pense pas à cette conversation.

La fatigue s’abat sur lui à cette pensée. Las. Laisse moi. Sort de ma vie et de mes pensées. Il ne veut pas se rappeler. Il est fatigué de se rappeler sans cesse. Il ferme les yeux, reprend son repas en silence.

Un goût de cendre sur sa langue.