Harmonie nocturne [PV Miwa]

L'avantage, avec sa promotion, c'est que Yoru a obtenu l'accès à des archives auxquelles elle n'avait jusqu'à présent pas vraiment droit de toucher. Sa position de Commandante en second avait beau lui conférer une autorité certaine sur l'organisation qu'elle représente, faute de plus haut gradé disponible (son prédécesseur siégeant désormais au Conseil militaire), tous les secrets réservés à l'élite du Gotei n'étaient pas forcément à sa disposition.

Mais désormais, les choses ont changé.

Pour quelqu'un dont l'obsession pour l'art du Kidō a défini la voie qu'elle a fini par emprunter, ces documents sont une véritable mine d'or. Voilà pourquoi Yoru en embarque régulièrement une partie dans son bureau, et les épluche avec attention, y piochant les informations qui l'intéressent le plus. Prendre connaissance de l'entièreté des archives durerait des années - des décennies, même; après tout, on y trouve la sagesse commune de siècles de maîtres du Kidō -, mais elle sait exactement quels sujets elle désire consulter.

Son rêve n'est pas mort. Un Hadō n°100, auquel il manque toujours une pièce importante. Elle en connaît déjà la forme, et peut en exécuter les différentes parties de façon séparée, mais les lier ensemble... voilà le souci, l'élément qui lui échappe. Si elle pouvait simplement tomber sur une étude poussée du Bakudō n°99, ce sort en deux parties très complexe à maîtriser, pour comprendre ce qui permet d'en faire un tout cohérent...

Plongée dans sa lecture, elle ne lève pas la tête lorsque s'ouvre la porte de son bureau. Elle n'est pas femme à se formaliser lorsqu'on vient la "déranger" ainsi; en général, on évite de venir quérir son aide ou son opinion en dehors des sujets ayant un minimum d'importance, alors elle se doute du caractère un tant soit peu urgent de cette intrusion. Pas de quoi, cependant, l'empêcher de remettre sa lecture sous scellés le temps que le nouvel arrivant expose les raisons de sa présence, le caractère confidentiel de la paperasse l'empêchant de la laisser sous le nez de n'importe qui.

Elle se détourne donc, dos à la porte, finissant sa page en diagonale tandis qu'elle se dirige vers un tiroir où placer les documents hors des regards indiscrets.


- Bonjour. Je suis Hana Miwa. Votre nouvelle Troisième siège. Je compte bien tout mettre en oeuvre pour vous aider à partir de ce jour.


À dire vrai, elle a à peine écouté les dernières phrases. Son cerveau s'est comme figé lorsqu'elle a entendu le nom de l'arrivante.

Elle fait volte-face, scrute son visage.

C'est bien elle.

Un pas en avant. Deux. Au troisième, Yoru lâche tout bonnement la pile de documents, qui tombe à terre avec un bruit sec. Elle ne contourne même pas le bureau qui se dresse en plein milieu de la pièce, et se contente de passer par le chemin le plus court en glissant directement par-dessus, envoyant voler les affaires qui s'y trouvent.

Encore quelques pas, et la voilà à portée de sa nouvelle subordonnée. Sans s'arrêter, elle ouvre les bras et la fauche presque au vol, la serrant contre elle dans une étreinte désarmante de spontanéité et de sincérité. Elle demeure ainsi quelques secondes, avant de la lâcher doucement, la fixant juste d'un air idiot sans pouvoir trouver ses mots.


- Tu... Qu'est-ce que...


Encore une seconde pour reprendre ses esprits.


- T'es pas morte?... Il restait plus personne, après la guerre. Plus aucune d'entre nous en service. J'ai cherché. Alors comment...?


La question s'étouffe dans sa gorge, alors que monte l'émotion. Elle qui est pourtant toujours si stoïque, si nonchalante... Voilà qu'elle doit porter une main à ses yeux, remontant ses lunettes teintées sur son front pour se redonner une certaine contenance.

Comment est-elle vivante?

Les bras ballants, elle fut littéralement paralysée par l'image de cette femme qui fonçait vers elle. Ce visage. Cette démarche. Il n'y avait aucun doute possible : il s'agissait de son amie, la plus ancienne. La seule survivante d'une époque lointaine et heureuse. Yane Yoru. Qui aujourd'hui semblait non seulement être sortie de prison mais qui en plus était la Commandante en chef du Kidōshū.

L'impact la repoussa quelques pas en arrière mais elle se ressaisit rapidement, passant ses propres bras autour du cou de la jeune femme. Sans qu'elle ne le veuille réellement, des larmes perlèrent, roulant le long de ses joues pour s'écraser sur son amie. Elles se retrouvaient enfin. Après tant de temps. Tant d'épreuves. Rêvait-elle encore ? En réalité, elle se posa la question. Mais ses doutes furent balayés lorsque ses yeux plongèrent dans ceux de Yoru.

Aux questions, elle répondit d'abord par un sourire timide. Comment ? Elle-même se le demandait en réalité. Par chance, tout simplement. Une chance telle qu'elle avait été blessé mais sauvé par les meilleurs médecins de la Quatrième division. Elle releva de nouveau son bras, main ouverte, pour frôler le bras de son amie. Oui. Elle était bien là.

- C'est que j'ai bien failli mourir, en réalité. La dernière guerre a failli avoir raison de moi. Mais ils m'ont sauvés. Ces six dernières années, j'étais dans le coma. Dans les quartiers des grands convalescents. Je ne sais pas exactement comment j'ai pu survivre à tout ça. Aux disparitions. A mes blessures...

Son regard se baissa vers le sol mais ne resta pas longtemps ainsi. Miwa était une femme forte en dépit des apparences. Et si le visage de son amie l'avait troublé, elle reprenait contenance. Pourquoi être triste alors que la vie lui offrait un tel cadeau ?

- Mais je me suis réveillée. Et me voilà.

Oui, là voilà. Mais une question lui brûlait les lèvres alors qu'elle ne parvenait plus à détourner ses yeux du visage de la Commandante en chef.

- Mais toi ? Comment ? Pourquoi ? A la suite des événements qui ont conduits à ton arrestation, j'ai perdu tout espoir de te revoir un jour. C'était comme une condamnation à mort. Aucun moyen de te voir. De savoir comment tu allais. Et le regard des autres...

Mais ce n'était pas le moment de parler de cela. Elle lui en avait voulu elle même d'ailleurs. De ne pas l'avoir écouté. De n'en avoir fait qu'à sa tête en dépit des conseils prodigués.

- Elles sont toutes mortes, tu sais. Sans exception. Mais tu es là maintenant.

Et elle ne la lâcherait plus.

Le quartier des grands convalescents. Un endroit à l'écart, situé au fin fond des bâtiments de la Division des soigneurs, et qu'on ne peut visiter sans une excellente raison. Pas étonnant, donc, que Yoru n'ait jamais eu vent de la présence de son amie là-bas. Quant à vérifier les registres de la Troisième division... eh bien, à l'époque, elle n'a pu qu'obtenir la confirmation que Miwa ne s'y trouvait plus en service, et n'a pas jugé utile d'insister. Tout ça parce qu'elle ne voulait pas obtenir de détails sur les circonstances du présumé décès.

Le temps de se remettre de ses émotions, elle continue d'écouter. C'est Miwa elle-même qui lui confirme - s'il y avait lieu de remettre en question les disparitions des autres membres de leur petit groupe d'amies, au vu des événements du jour - qu'il s'agit, parmi les connaissances de longue date de Yoru, de la seule survivante. Une judicieuse précision, qui évite à la brune de se faire des idées.

Une ombre passe sur son visage. Elle a déjà fait son deuil. Certaines choses doivent rester enterrées là où elles ont été abandonnées.


- Mille deux cent soixante-huit.


Elle laisse le nombre flotter en l'air. Bien qu'intangible, il occupe pourtant tout l'espace entre elles.


- Je m'en souviendrai toujours. C'est le nombre d'années que je devais passer à la Prison Centrale, là où on m'a collée après... l'incident. Il devrait m'en rester 1207 à tirer. Même pas soixante subies là-bas, et je sais déjà plus comment j'ai tenu bon. T'as pas idée de ce que c'est. Les années se suivent et se ressemblent toutes.


Une pause. Un mensonge. Elle se souvient très bien de ce qui l'a aidée : focaliser son esprit sur la théorie du Kidō, pour se donner de quoi oublier le reste - la solitude, la peur, la tristesse.

La rancœur.

On ne l'aurait pas laissée sortir, autrement.

Mais évoquer cette obsession serait malvenu, vu le contexte. D'un air distrait, elle tourne la tête vers la pile de papiers jonchant le sol, de l'autre côté de son bureau. Juste avant l'arrivée de Miwa, elle était justement en train d'approfondir ses connaissances, de trouver un moyen de combler ses lacunes, pour enfin atteindre son objectif de toujours... Qu'en dirait son amie en apprenant qu'elle n'a pas tourné la page, en dépit du fossé creusé entre elles à cause de ce rêve un peu absurde?

Elle reprend, chassant ces pensées. Elle trouvera un moyen de lui en parler - mais plus tard.


- Après les deux guerres successives que j'ai pas pu connaître, le Seireitei était sur les rotules. Alors il a fallu trouver des gens pour reprendre le flambeau. Des gens qualifiés, quitte à aller les piocher parmi les condamnés. Je sais ce que je vaux, et c'est ce qui m'a sauvée... On m'a collée ici, au grade inférieur - juste assez haut pour écoper des responsabilités, juste assez bas pour m'interdire les pouvoirs qui vont de pair. Maintenant que le Kidōshū est placé sous la coupe du Conseil Militaire au même titre que les autres institutions du Gotei, j'ai œuvré pour normaliser notre présence et nous rapprocher du reste des Divisions. Il faut croire que mon boulot a fini par être remarqué, puisque j'ai enfin succédé officiellement à l'ex-Commandant en Chef Yamashita, y a quelques mois.


Nouvelle pause. Demi-vérité, cette fois. Si elle ne mentionne pas les circonstances plus que mystérieuses ayant mené à cette promotion, elle s'interdit de penser qu'elle n'a pas mérité cet honneur, n'ayant pas lésiné sur les efforts pour donner toutes les raisons au Conseil Militaire de lui accorder sa confiance.

Ses yeux se perdent dans le vague.


- J'ai rencontré des gens, ces dernières années. Des tas de gens. Au début, mes subordonnés me regardaient comme si j'allais leur sauter à la gorge. La Division de la Justice et les forces spéciales n'ont toujours aucune confiance en moi. Les autres n'avaient généralement pas envie de nouer des liens avec une ex-criminelle. Alors j'ai essayé de compenser, de montrer que je suis pas que ça. J'ai repris l'Association des Femmes Shinigami pour faire des rencontres. Je me suis rendue accessible pour casser la distance qui s'installe avec la hiérarchie. Mais malgré tout ça...


Sa voix se brise, et elle marque une nouvelle pause, secouant doucement la tête.


- Je suis... seule. Presque autant que quand j'étais dans ma cellule, à la Prison Centrale. En six ans, j'ai voulu apprendre à m'en foutre, mais j'ai juste appris à faire semblant. Je l'ai compris à l'instant où t'as mis les pieds ici.


Elle plante un regard humide dans celui de l'autre Nécromancienne.


- Parce que maintenant je vois la différence.


À nouveau au bord des larmes, elle pousse un long soupir et fait volte-face, contournant cette fois proprement son bureau pour se saisir du siège qui trône de l'autre côté. Elle soulève le meuble et vient le poser face à celui habituellement réservé aux invités, qu'elle indique à Miwa d'un signe de main avant de s'asseoir elle-même. Pas question de laisser une grosse table casser l'espace qui les sépare et donner à ces retrouvailles un air d'entretien formel. Il est temps de changer de sujet avant de fondre en larmes.


- Voilà, je crois que t'as l'essentiel... Mais raconte-moi plutôt comment tu t'en tires de ton côté. Tu vas pouvoir tenir, si tu reprends du service? Et... pourquoi ici, au Kidōshū, après ta carrière sur le terrain?


Techniquement, ce n'est pas un mal : ses missions seront sûrement moins mouvementées ici que dans son ancienne Division, lui permettant de se faire plus paisiblement à ce retour dans la vie active. La dernière chose que voudrait Yoru serait d'exposer sciemment Miwa au danger après ce qu'elle a apparemment dû traverser.

Les yeux plongés dans ceux de son amie, elle buvait ses paroles. Ecoutait sans réagir, réservant ses questions à plus tard. Miwa était une femme réfléchie par nature. Elle emmagasinait les informations, savait comment et quand s'en servir pour que cela soit le plus efficace possible. Comme si elle les rangeait dans des cases mentales finalement. Mais ici, même si elle agissait de même, l'affection qu'elle portait à cette femme troublait ses habitudes.

Elle eut néanmoins un sourire lorsqu'elle évoqua l'Association des femmes Shinigami. La voir évoluer dans un tel environnement avait de quoi la faire rire puisqu'elle la connaissait. Seulement les raisons qui justifiaient une telle lubie, elles, n'avaient évidemment rien de drôles. Se sentir seule. Elle ne pouvait pas dire qu'elle savait ce que cela faisait. Elle avait toujours été entouré jusqu'à la disparition des autres. Contrairement à Yoru, elle n'avait pas été enfermé loin de tout. Quant à son coma, elle ne pouvait dire qu'elle avait souffert de la solitude puisqu'elle n'en avait aucun réel souvenir.

Finalement, elle comprenait les raisons qui avaient poussés le Gotei à la libérer. Les pertes avaient été trop nombreuses. Elle en avait déjà eu écho évidemment. Elle n'oublierait sans doute jamais sa dernière bataille. Ces pertes. Un véritable enfer. Yoru en avait profité. Et était finalement parvenue à se hisser à la tête de cette division. Elle voulu oser. Poser cette question. Ces recherches... Etaient-elles toujours en cours ? Elle connaissait la détermination de cette femme. Son intelligence. Et elle était têtue. Mais elle ne souhaitait pas savoir. Pas encore. Pas de suite.

- Tu es à ta place ici. Je suis heureuse de constater que tu ne t'es pas laissée envahir par ce doute et que tu t'en es servie pour te hisser à ce grade si prestigieux. Je suis fière de toi, Yoru.

Elle était sa responsable. Désormais, elle devrait obéir au strict protocole du Gotei. Mais ici, en ce lieu, en cet instant, cela ne comptait pas. Elle eut même un sourire.

- Cela me fera bizarre de t'appeler "Taichō". Mais j'ai hâte.

La question lui était retournée. Et elle ? La réponse était d'une simplicité enfantine. En un sens, si elle avait accepté cette "promotion", c'était aussi grâce à elle. Elle se tût un instant. Se releva et de la main, souleva sa veste, dévoilant une partie de son dos. La chair était clairement marquée. Les cicatrices étaient nombreuses, preuve que les blessures avaient été terribles. Elle laissa retomber la veste. Seulement dans son regard, seule sa détermination apparaissait.

- Mes blessures sont guéries même si je garderai ces stigmates. Reprendre du service me paraissait indispensable, ne serait-ce que pour nos soeurs qui sont mortes. Notre mission est trop importante.

Là dessus, elle n'avait pas changé. Elle se savait plus "extrême" que son amie à ce sujet. Cela avait d'ailleurs été l'un des moteurs de leur dispute sur le sujet des Kidō expérimentaux. Elle regarda ses mains, alors qu'elle se rasseyait.

- Je pense que mon corps peut tenir, oui. Malheureusement, je sais que j'ai perdu quelque chose avec la dernière Guerre. Je ne suis plus comme avant. Une partie de ma force semble comme bridée. Comme si je n'arrivais plus à faire les mêmes choses que par le passé. Heureusement, mes connaissances sont indemnes et je suppose qu'il me faudra simplement du temps pour me réapproprier mon corps.

Du temps. Pragmatique, elle ne s'en souciait pas. Elle en avait à revendre, de ce précieux temps. Ne serait-ce que pour celles et ceux qui n'en avaient plus.

- On est venu vers moi pour le Kidōshū. Mes connaissances semblent avoir attirées l'attention et certains ont estimés que je serai plus à ma place ici qu'ailleurs. De plus, je ne me voyais pas retourner auprès de mon ancienne division. Je... J'ai été gravement blessée au cours des deux dernières grandes batailles. Je me dis que je ne suis sans doute pas la personne idéale pour servir à ce poste... Et puis je me suis dit que ce serait un bel hommage pour toi. Même si je ne savais pas où tu en étais.

Un hommage à une soeur. Une fidèle amie. Qu'elle avait trahi par le passé car elle n'était pas en phase avec ses expérimentations. Elle ne regrettait pas forcément, sachant qu'elle avait eu raison. Mais avec ce qu'elle savait aujourd'hui, avec ce qu'elle avait vécu ces années durant, sans doute qu'elle avait elle aussi un peu évoluée.

- Mais je t'en prie. Ne me ménage pas pour autant. Ne me donne pas l'impression que je suis faible. J'ai besoin d'avancer. Et avec toi à mes côtés, j'ai désormais une raison supplémentaire de donner le meilleur de moi-même. De faire ta fierté.

Il était logique de penser qu'elle puisse vouloir la protéger. La préserver. Mais Miwa n'avait désormais qu'une obsession. Récupérer sa force d'antan. Et aider Yoru, quoi qu'elle décide. Ou presque. Elle avait peur néanmoins. Peur de s'apercevoir qu'elle n'était finalement qu'un boulet pour les autres. Son regard se posa sur le sol. Un court instant. Avant de se souvenir de qui elle était vraiment. Lorsqu'elle redressa le regard, les doutes avaient disparus. Un simple sourire apparut. Celui d'une femme sûre d'elle. Elle y arriverait.

"Je suis fière de toi". Voilà quelque chose qu'elle ne pensait pas entendre à nouveau. Combien de mois - d'années, maintenant - à s'acquitter de son rôle, sans obtenir mieux, en retour, que de la méfiance à son égard? Combien de félicitations, de "bon travail" devant ses efforts, qui, aux yeux de la plupart, ne sont que la juste expression de la gratitude qu'elle est censée devoir au système qui l'a libérée, feignant de ne pas se rappeler que c'est ce même système qui l'a emprisonnée?

En réponse, elle adresse un sourire chaleureux à son amie. Ce n'est qu'une petite phrase toute bête, qui est pourtant tout ce qu'elle avait besoin d'entendre.


- Ici, c'est plutôt "Sōsui". La barrière a été gommée depuis qu'on a rejoint le reste du Gotei, mais le Kidōshū est sa propre entité, et ses grades ne sont pas les mêmes que ceux des Divisions traditionnelles. Dans tous les cas, te sens pas obligée. J'insiste depuis cinq ans pour que mes subordonnés fassent sauter les honorifiques, c'est pas pour que tu viennes en rajouter une couche. La dernière chose dont j'ai besoin, c'est de mettre de la distance entre nous.


Là-dessus, elle écoute attentivement Miwa évoquer son état de santé. Les coups subis durant la dernière guerre ont dû être terribles, pour la briser de la sorte - son corps, son esprit, sa confiance en elle. La Miwa qu'elle connaît n'aurait jamais ruminé ainsi sa supposée faiblesse, mais redoublé d'efforts pour combler le fossé, aussi mince soit-il - comme lorsqu'elle prétendait aller se coucher, mais s'adonnait à une petite heure de lecture supplémentaire une fois sous les draps, alors que toutes faisaient semblant de ne pas la voir étudier en cachette pour se donner toutes les chances de battre Yoru aux examens de Kidō du lendemain. Les blessures sont-elles si profondes? Elle hésite à lui demander de les lui montrer, mais la requête serait de mauvais ton dans cette ambiance de retrouvailles - d'autant plus que ce constat serait inutile, au-delà d'une simple curiosité malsaine : de toute évidence, le plus grand traumatisme subi par son amie n'a pas été physique.

Elle secoue la tête.


- T'as jamais été faible. Et tu vas me faire croire que ça va commencer maintenant? Des tonnes de Shinigami auraient eu cinquante raisons de raccrocher leur shihakushō après ce genre d'expérience. Pourtant, t'es encore là.


Pas question de laisser Miwa douter ainsi de ses capacités - cette vision lui fait bien trop de peine. Parce que sa nouvelle subordonnée a été non seulement son amie, mais sa rivale, son roc, l'unité de mesure à laquelle se rattacher pour estimer ses efforts et son évolution. On ne laisse pas un tel repère s'effondrer sous ses yeux.

Elle saute de son siège, attrapant au passage l'ample veste violette accrochée sur son dossier. Ramassant les papiers répandus au sol, elle prend un instant pour les remettre sous clé, se gardant bien d'en montrer le contenu à Miwa. Puis elle revient vers son amie, la dépasse d'un pas égal, et se dirige vers l'entrée de la pièce, dont elle ouvre la porte d'un geste assuré.


- Tu sais quoi? Tu viens avec moi.


Et elle enfile le manteau, tandis qu'elle quitte la pièce. Est-ce donc là un ordre de la Commandante en chef? Pas vraiment - Yoru sait très bien qu'elle n'a pas besoin de ça pour que son interlocutrice lui emboîte le pas. Sans s'arrêter, elle dévale l'escalier menant au rez-de-chaussée, puis emprunte la large porte menant vers l'extérieur. Là, elle fait encore quelques mètres, s'engageant dans la cour arrière des locaux du Kidōshū. Dans un passé pas si lointain, les lieux étaient encore le théâtre des entraînements des Nécromanciens. Aujourd'hui, les salles modulaires développées par l'ancien Capitaine Kurotsuchi ont rendu cet usage entièrement désuet, en dépit de la fois récente où elle est venue y affronter un Capitaine désireux d'apprendre et aujourd'hui disparu.

Pourtant, c'est bien sur des terrains comme celui-ci que Miwa et elle-même se sont retrouvées d'innombrables fois, leurs escarmouches régulières visant à s'impressionner l'une l'autre par leurs progrès respectifs, veillant à ce qu'aucune des deux ne se repose sur ses lauriers.

Elle pivote vers l'autre nécromancienne, un sourire entendu aux lèvres.


- Ça te rappelle des souvenirs? Pas ce terrain précis, évidemment - à l'époque, jamais on m'aurait laissée te ramener au Kidōshū, vu le secret qui nous entourait. Je parle du rituel lui-même.


Sa main se lève, effectuant quelques gestes rapides. Si rien n'a eu lieu visuellement, une pratiquante avertie telle que Miwa ne s'y trompera pas : Yoru vient d'ériger ses défenses.


- Jusqu'à preuve du contraire, et même après tout ce temps, c'est moi qui connais le mieux ton Kidō. Je l'ai vu des milliers de fois. Alors balance-moi un sort. Niveau élevé. Tu choisis.


C'est ainsi qu'elles ont toujours communiqué. Montre-moi comment tu incantes, je te dirai qui tu es. Ou, selon les propres termes de Yoru : "faut se le prendre pour comprendre". Une devise qui ne date pas d'hier. Peut-être Miwa s'en souvient-elle, elle aussi.

Elle avait raison, évidemment. Elle n'était pas ainsi de base. Mais en dépit de son caractère et de sa force mentale, elle sentait que les choses n'étaient plus exactement les mêmes depuis son réveil. Oui, quelque chose s'était clairement cassée en elle. Mais Yoru avait raison. Elle n'était pas faible. Sans doute fatiguée, ce qui n'était en rien une excuse après avoir dormi six années d'affilée.

- Tu vois. Toi aussi tu es capable de remotiver les autres.

Petit clin d'oeil dans sa direction alors qu'elle l'écoutait. Celle vers qui on allait toujours par le passé pour être écouté et conseillé, ça avait toujours été elle. Hana Miwa. Parfois acerbe, parfois dans le jugement, mais une conseillère sans pareille. Que les rôles puissent s'inverser, ne serait-ce que temporairement, l'amusait terriblement. Et remettait quelque peu les choses dans leur contexte. Comme si son univers se réassemblait peu à peu pour redevenir ce qu'il avait été. Ou ce qu'il devait être, simplement.

Elle suivit la Commandante en chef sans sourciller. A mesure que les décors passaient sous ses yeux, d'anciens souvenirs s'imposaient à elle. A son esprit. Ces sessions d'entraînements sans fin, cette compétition qui s'était installée entre elle, chacun cherchant à prendre le dessus sur l'autre. Un coup la technique surpassait la force. Un autre la puissance neutralisait la théorie. Et Miwa commençait à comprendre où son amie voulait en venir. Pas les mêmes terrains. Mais pourtant si similaires.

- Evidemment.

Rapide. La technique de Yoru était déjà en place. Une gestuelle précise, qui ravivait quelque chose dans son esprit. Comme une flamme éteinte. Quoi que pas tout à fait éteinte. Sur le déclin. Mais qui pouvait se raviver si vite. Miwa se mit en position sans dire un mot de plus. Il était fréquent que les Nécromanciens dévoilent l'incantation de leur sort pour en canaliser la puissance. Et le rendre plus puissant. Seulement Miwa avait dépassé ce stade bien des décennies auparavant. Et tout comme Yoru, de simples gestes pouvaient faire leur office.

Mais avant... Se souviendrait-elle de cette petite particularité de son amie elle aussi ? De ce sceau étrange qui rendait ses attaques nettement plus violentes ? Pour surprendre l'autre ? De l'index, elle dessina un simple symbole sur le revers de sa main, laissant apparaître une sorte de fleur sur celle ci. Un Kekkai un peu particulier.

- Tu as très certainement raison. C'est toi qui connait le mieux mon Kidō. Tu n'as donc pas pu avoir oublié ce sort, n'est-ce pas ? #0 - Yūjō !

Le symbole dessiné s'illumina très brièvement alors que la série de sceaux débutait. Sans un mot. Mais le regard de Miwa changeait. Elle devenait plus sûre d'elle. Sa main se leva finalement, avec un étrange sourire, tandis qu'un rayon d'énergie spirituelle quittait sa paume pour tenter d'incinérer purement et simplement son amie. Une technique de haut niveau, bien qu'il en existe de meilleure. Le Haien.

Mais associé à ce sceau qui rougeoyait sur sa main ? L'explosion serait autrement plus redoutable que le sort de base. Telle était l'une des particularités de la jeune femme. Elle s'était réappropriée à force d'études et d'entraînements certains des sorts classiques du Kidō pour les renforcer et les adapter à sa propre dextérité. Pour surprendre.

D'aucun aurait pu trouver disproportionné d'utiliser une telle technique sur une amie. Mais elles n'étaient pas n'importe qui en réalité. Elles avaient toujours agi ainsi.

- Je peux évidemment faire mieux. Mais je préfère m'assurer que tu te rappelais bien de tout.

N'était-ce pas là une pointe d'espièglerie à la Miwa ? La fleur sur sa paume rougeoyait toujours et, étrangement, semblait avoir gagné en superficie.

Voilà bien longtemps que Yoru n'avait pas vu ce sceau. Elle ne peut s'empêcher de sourire, se préparant à l'impact.

Un rayon d'énergie violacé, que la Nécromancienne reconnaît sans problème comme le Haien. Un Hadō informulé, mais pas pour autant à sous-estimer; Miwa a toujours été bien meilleure qu'elle concernant les démonstrations techniques... ou plutôt, elle l'a été à une époque, la brune ayant travaillé dur pour maîtriser à son tour les trois types d'incantation avancés. Pourrait-elle les appliquer sur des sorts d'aussi haut niveau que son amie? Pas sûr. Mais pour l'usage qu'elle en fait, cela suffit largement.

Elle ne bouge pas d'un pouce face aux flammes violettes, qui percutent avec fracas la protection invisible préalablement dressée devant elle et matérialisée pour faire son office. Elle connaît ses capacités, sait ce qu'elle peut se permettre de bloquer. Un Haien en fait partie.

Pourtant...

Elle fronce les sourcils. Si la majorité de l'impact du sort a été neutralisée par son bouclier, l'énergie violette ne s'est pas encore entièrement dissipée, alors que sa protection lumineuse se fissure de part en part, menaçant de craquer. La réalité la rattrape brusquement - une évidence, qu'elle a pourtant prise un peu trop à la légère : même affaiblie, Miwa a eu plusieurs décennies pour évoluer, là où Yoru ne pouvait la voir.

Autrement dit, son niveau réel est supérieur aux souvenirs que Yoru possède d'elle, et qui lui servent de seule référence.

La Commandante en chef bondit en arrière, et son bouclier vole en éclats, laissant ce qu'il reste de flammes violettes fondre sur elle.

Soit.

L'espace d'un instant, son reiatsu s'embrase, et elle pivote sur elle-même, effectuant un coup de pied rotatif en direction de la menace. Aussitôt, une gerbe de flammes, celles-ci rouges, vient suivre le mouvement, accompagnant sa jambe et jaillissant comme un écran entre les deux femmes. Dévorant sans effort ce surplus d'énergie, elle s'évapore à son tour sitôt sa tâche accomplie, laissant une Yoru indemne balayer, d'un revers de main, les cendres qui maculent désormais son hakama. Le geste a été rapide - à peine une seconde, tout au plus -, épargnant ainsi sa tenue : utilisé à plein régime, le Shunkô est connu pour sa fâcheuse habitude de réduire en lambeaux les habits couvrant les membres censés canaliser cette énergie.

Nonchalamment, elle avance vers Miwa, sans prendre la peine de s'expliquer. Derrière elle, des flammèches écarlates lèchent encore le sol sur lequel elle se tenait debout, mourant une à une maintenant que leur maîtresse s'éloigne.


- Je m'en rappelle très bien. Et toi?


Elle lui adresse un sourire énigmatique, provocateur. La technique n'a pas été choisie au hasard; même sous pression, la brune s'est sentie obligée de faire passer un message. De démontrer qu'en dépit des circonstances, elle non plus ne s'est pas reposée sur ses lauriers. Qu'elle a, elle aussi, des surprises en réserve, qui la séparent clairement de celle qu'elle était plusieurs décennies auparavant.


- Mais j'avoue que je suis surprise. Il me manque une information. Tu t'es peut-être affaiblie, mais par rapport à quel référentiel? Je t'ai jamais vue au sommet de ton art.


Cinquante ans d'entraînement, plus deux guerres, ce n'est pas rien. Sans sa blessure, Miwa lui serait peut-être supérieure, y compris en puissance brute - un écart qui ne pourrait être que partiellement gommé par la différence de reiatsu pur entre les deux femmes.


- Honnêtement, à ta place, je m'en ferais pas trop. C'est toujours dur de regarder ce qu'on a perdu. J'y ai eu droit aussi, rouillée comme j'étais en sortant de ma cellule. Mais de là à te considérer comme faible... enfin, je me doutais que tu serais dure avec toi-même - tu l'as toujours été.


Elle hausse les épaules. À l'époque de leurs classes, Miwa aurait certainement été du genre à se plaindre d'avoir totalement raté ses examens si elle avait eu autre chose qu'une très bonne note... mais pour vérifier cela, il aurait encore fallu qu'elle obtienne moins que de très bonnes notes. Même en se creusant la tête, Yoru ne peut pas affirmer avec certitude avoir déjà vu le cas se produire.


- Bref, c'était un très beau sort, Miwa. T'incantes pas comme une infirme. Ton Kidō se souvient de tes années d'entraînement. Avec le temps, ton corps le fera aussi, j'en suis sûre.


Son sourire est chaleureux, mais une ombre passe devant ses yeux. Elle aussi, elle a du travail qui l'attend. Si elle devait donner une estimation, elle dirait qu'elle surpasse en puissance la Miwa actuelle... mais il n'est pas question de la laisser recouvrer ses pleines capacités sans l'attendre au sommet. Sans avoir toujours une longueur d'avance.


- En parlant de ton corps. Physiquement, tu tiens le choc? Tu seras peut-être surprise, mais le Kidōshū a pas mal changé depuis que je suis là. On fait moins dans le mystère, les chapeaux moches sont devenus facultatifs hors cérémonie, et surtout, j'ai commencé à imposer des sessions d'entraînement avec la Onzième. L'époque où on faisait juste de la recherche et de la maintenance de sceaux sans bouger de chez nous, c'est fini. Je veux une Division de Nécromanciens qui savent prendre les coups sans perdre leurs moyens dès qu'un adversaire essaie de les empêcher d'incanter. Alors ça peut devenir physique. Tu penses que ça ira?


Si les principes de Miwa concernant le Kidō ne s'alignent pas toujours avec les siens, voilà bien un sujet sur lequel elle s'attend à un soutien de la part de sa nouvelle Troisième Siège. Après tout, pour une femme qui a officié sur le terrain pendant si longtemps, pas besoin de réfléchir très longtemps pour comprendre les bienfaits de telles expériences.

Encore et toujours cette même puissance brute. Le sourire de Miwa était en train de s'élargir alors qu'elle observait sa Commandante prendre la mesure de sa propre technique en la repoussant à sa manière. Il existait dans le Kidō de nombreuses manières pour se défaire d'un tel sort. Seulement Yoru était fidèle à elle-même. A ses principes. Et sa façon d'agir rappelait à sa Troisième siège quelques souvenirs.

Le pire dans tout ça ? Elle avait véritablement progressé elle aussi en puissance brute. Et en rapidité visiblement. Quant à sa question, elle était évidemment purement théorique. D'un geste de la main, elle replaça ses lunettes qui étaient en train de tomber suite au souffle précédent.

- Toujours aussi impressionnante.

En un sens, Yoru avait raison. L'avait-elle réellement vue au sommet de son art par le passé ? Pas vraiment, car l'emprisonnement comme l'affectation de la Hana avaient empêchés son amie de la voir évoluer. Sur quel critère alors ? Les siens, en vérité. Et Miwa était très dure avec elle même.

- Certaines choses ne changent pas. Mais tu as raison, sans doute devrais-je être moins exigeante me concernant.

Elle avait mit le doigt sur le problème. Elle s'imposait une rigueur qui pouvait parfois être difficile à supporter. Seulement, et elle venait d'en faire la démonstration ici, elle possédait toujours son savoir et son talent. Le reste reviendrait rapidement, elle n'en doutait pas. Ou plutôt, elle n'en doutait plus. Les mots de son amie ayant fait mouche.

- N'était-ce pas plutôt moi, la voix de la sagesse ?

Elle eut un léger rire. Celle vers qui l'on venait prendre conseil, c'était elle après tout. Il allait falloir remettre rapidement les choses sur les bons rails. Elle poussa un simple soupir, se rendant finalement compte qu'elle avait été un peu idiote sur ce sujet. On ne l'y reprendrait pas.

Les explications sur la nouvelle version du Kidōshū défilaient, alors que Yoru s'expliquait avec cette conviction qui l'avait toujours habitée. Ainsi donc elle avait mit en place des sessions communes avec la Division du Combat. Voilà qui n'avait pas du ravir toute l'unité. Et elle, dans tout ça ? Pour avoir intégré une division spécialisée sur les actions de terrain, elle ne pouvait qu'être d'accord avec cette idée. Renforcer ses faiblesses, voilà qui serait un point important pour ceux qui étaient considérés que comme des experts à distance. Même si Yoru faisait voler en éclat cette certitude quand elle combattait.

- Voilà qui est intéressant. Et plutôt intelligent. Ne t'en fais pas pour mon corps, il tiendra le choc. Par contre s'il y a une chose qui n'a pas changé avec les années, ce sont mes capacités au corps à corps. Mais ce ne sera pas un souci pour ces entraînements. Comme tu le sais, mon Kidō me permet aussi de pallier à cela et d'être autant à l'aise au combat rapproché qu'à distance.

Elle leva sa main sur laquelle était toujours apposée son sceau personnel. Grâce à ce dernier, elle savait qu'elle pourrait faire face. C'était là son atout.

- J'ai hâte de participer à l'un d'entre eux, pour être franche. Histoire de réellement me dégourdir les membres et de refaire face à un combat réel.

Son regard se posa de nouveau sur elle. Ressentant toujours cette fierté de la voir à ce poste. Et cette joie de la savoir enfin dehors, libre.

- Qu'attends-tu de ta Troisième siège, sinon ?

Car c'est ce qu'elle était. De par sa position, elle aurait des responsabilités désormais. Après tout, elle était la numéro "3" de sa division.

Petite révérence devant le compliment de son amie. Elle n'est pas peu fière des techniques qu'elle vient seulement de mettre au point. Et encore, elle est loin d'avoir tout montré... mais le reste attendra.


- Ah, j'ai tourné sans conseillère pendant des années, tu sais. Ça, et une surveillance rapprochée... J'ai dû m'assagir. Un peu.


Elle hausse les épaules. De quoi expliquer à Miwa son regain de bon sens, là où elle était jadis une tête brûlée se foutant des conséquences. Qu'est-ce qu'il disait, l'autre, déjà? "Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités"? Il a oublié la partie "sinon on se fait latter le cul par la hiérarchie", mais en soi, il n'a pas tort.


- Pour ce qui est de l'entraînement, tu verras vite de quoi il est question. Honnêtement, je pense que tu t'y feras sans souci. Mentalement, je veux dire. Physiquement... je fais confiance à ton jugement. J'ai beau connaître ta sale manie de te pousser toi-même à bout, je sais que tu seras lucide sur ce que ton corps peut supporter.


Sale manie qu'elle partage, en un sens. L'hôpital se fout un peu de la charité. Sa propre obsession, lorsqu'on touche à certains sujets, peut se montrer dévorante et accaparer tout son temps libre. Et elle-même n'a aucun vrai frein, si ce n'est l'horizon de ses compétences. Encore que, même ça, lorsqu'elle peut le repousser à force de travail acharné...

Oui, c'est plutôt elle qui aurait des leçons à tirer de l'approche de Miwa.

La brune réfléchit un instant, prise de court par la dernière question de son amie. Elle vient à peine de retrouver une précieuse camarade qu'elle croyait disparue. Comment peut-elle déjà avoir pour elle des plans précis? Non, elle n'attend rien de sa Troisième Siège.

Encore que...


- Ce dont j'ai le plus besoin, c'est de soutien. C'est très politique, en un sens, mais plus la pression qui vient du haut de la hiérarchie sera forte, plus il sera facile de normaliser la nouveauté au sein du Kidōshū. Comme les entraînements communs, par exemple - j'ai eu un mal fou à les faire accepter. Évidemment, je te demande pas d'être d'accord avec tout, et c'est là que je te laisse faire ce que t'as toujours fait. J'ai confiance en ton jugement, et ta... lecture des choses... sera précieuse.


Façon de dire qu'elle devra lui servir de garde-fou. Elle se garde bien de lui révéler le contenu de la discussion eue cette nuit fatidique, sur la colline, avec son prédécesseur à ce poste de Commandante en chef - l'impliquer dans ce bordel serait injuste. En revanche, ce qui est certain, c'est que la situation impose à Yoru de cimenter son influence à son poste. Très politique, ça aussi... mais l'arrivée d'une alliée de valeur tombe à pic. Elle n'a aucun doute sur la droiture de Miwa, et se doute que ce sentiment est partagé par ceux qui ont décidé de son affectation ici. Obtenir l'approbation de sa nouvelle Troisième siège, c'est s'assurer qu'on lui laissera, à elle, de la marge de manœuvre.


- Évidemment, je te refilerai de la paperasse - c'est un truc auquel tu pourras pas couper. J'avais hâte de pouvoir déléguer un peu. Désolée que ça tombe sur toi !


Une note plus légère pour conclure le sujet. Pour le moment, elle n'a pas de tâche plus précise à confier à Miwa. Mais le rôle qu'elle lui réserve l'est déjà bien assez; après tout, elle n'accorderait pas une telle confiance à n'importe qui.

Lucide elle le serait. Surtout depuis son retour d'entre la vie et la mort. Il n'était pas question de gâcher cette seconde chance en se mettant en danger sans raison. Ces entraînements lui permettraient de savoir comment où elle se situait à ce jour face aux autres mais sa faiblesse physique ne serait pas un frein. Comme dit, elle pouvait pallier à cela aisément avec le Kidō. Si sa puissance était moindre que celle de sa Capitaine et amie, elle possédait une palette plus développée. Du moins était-ce le cas par le passé.

Mais il était amusant de l'entendre la mettre en garde à ce sujet alors qu'elle même était sans doute pire que Miwa sur ce point précis. Un léger sourire flottait sur son visage tandis qu'elle écoutait sa "soeur". Elle ne s'était pas du tout attendu à la revoir et cette surprise suffisait à la rebooster complètement.

Alors que Yoru s'exprimait sur ce qu'elle attendait d'elle, Miwa notait mentalement les informations indispensables. Si retrouver son amie était une superbe nouvelle, elle n'oubliait pas que son statut de Troisième siège la forcerait à agir pour le bien de sa nouvelle division et pour le bien de la Commandante. Faire la distinction entre travail et amitié étant logique à ses yeux.

- De toi à moi, je préfère que cette paperasse reste entre mes mains. Au moins je serai sûre des informations qui seront notées dans les différents rapports. Et je serai à même de te faire des comptes-rendus succincts pour les informations venant des autres divisions.

Non pas qu'elle doutait de son amie mais elle était plus précautionneuse et patiente qu'elle. Elle était déjà surprise d'apprendre que cette dernière avait géré cela. Et connaissant son amie, elle savait aussi quelles informations il faudrait lui transmettre et quelles informations nécessiteraient une prise en charge par elle même sans la déranger. On n'emmerdait pas la commandante pour des broutilles après tout.

- Pour le reste, je t'épaulerai au mieux. Pas question que tu sois seule maintenant que je suis là. Politique ou non, je suis convaincue que je pourrais t'aider.

Puis elle n'était pas forcément contre cela. La politique l'intriguait. Seulement il lui faudrait faire attention à ses propres réflexions. Elle n'oubliait pas que parfois, elle pouvait blesser les autres sans s'en apercevoir.

- Je vais prendre mes quartiers, si tu le veux bien. Il est temps que je pose mes affaires et que je m'acclimate à ma nouvelle division... Maintenant que je sais que ma Commandante en vaut la peine.

Elle lui tira la langue amusée. Oui, elle en était sûre. Cette affectation était la meilleure qui soit.

Fin rp pour moi