La curiosité est un vilain défaut.

La première partie de la journée de Shingetsu avait été rythmée par divers calculs concernant sa prochaine création. En parallèle de ses études sur les Papillons de l'Enfer, le dieu de la mort avait décidé de donner naissance à sa première véritable forme de vie. Celle-ci se voulait largement inspirée par ces étonnants lépidoptères qui accompagnaient fréquemment les membres du Gotei lors de missions ainsi que par les insectes traqueurs, dont la conception avait demandé beaucoup de travail et d'efforts de la part des différents laboratoires de la douzième. S'il appréciait particulièrement ce projet, plus personnel que professionnel, le scientifique éprouvait néanmoins quelques difficultés à rester concentré depuis quelque temps. Cette attitude inhabituelle, il la devait aux questions et aux inquiétudes qui le hantaient.

Il avait promptement mis de côté les tableurs et les formules complexes, se lançant dans la rédaction manuscrite de lettres formelles, l'une destinée à la sixième division et l'autre aux Bureaux de Chuō. Le chercheur y demandait simplement l'accès aux archives, notamment celles sur les différents hauts faits des Shinigami de noble ascendance au cours des siècles ainsi que toutes celles concernant plus largement la noblesse de la Soul Society. Il prétendait vouloir étudier la généalogie et l'histoire de ces prestigieuses lignées afin d'en comprendre l'influence, bénéfique évidemment, qu'elles pouvaient avoir sur le Gotei. Bien qu'hypocrite, il faisait en sorte que sa démarche paraisse sincère et uniquement motivée par la curiosité. Il ne restait plus qu'à les apporter directement. Il s'était d'abord aventuré dans le centre admistratif, déposant sa première missive avant de repartir vers les quartiers militaires.

Shingestu progressait lentement, non pas par manque de connaissance du territoire, mais parce que l'ambiance paisible qui y régnait le rassurait. Les soldats travaillaient dans la bonne humeur malgré les sombres nuages qui planaient au loin. Même s'il ne quittait le laboratoire que pour suivre quelques entraînements au sein des locaux des autres divisions, il y avait bien longtemps qu'il ne se perdait plus dans le Seireitei. Ce fut donc en connaissance de cause que le dieu de la mort prit la direction des quartiers de la huitième division en lieu et place de ceux de la sixième. Sa curiosité avait pris le dessus et ses jambes le portaient exactement là où il désirait vraiment aller. Pourquoi ? Tout simplement parce qu'il s'imaginait mal commencer à fouiner autour de deux capitaines qui pourraient être suspectés de meurtre. En revanche il pouvait toujours prétendre vouloir se présenter formellement auprès d'une personne d'un grade similaire au sien.

N'avait-il pas prévu de le faire auprès de tous les vice-capitaines ? Clairement pas, mais il tentait de s'en convaincre pour paraître plus crédible si on l'interrogeait. Il progressait l'air de rien, pénétrant dans l'enceinte de la huitième division. Shingetsu aurait pu passer inaperçu, s'il n'avait pas porté sa blouse et son brassard sur lequel figurait clairement le chardon emblématique de son corps d'armée. Il s'arrêta subitement devant l'entrée. Le descendant du clan maudit aurait sûrement été plus discret s'il n'était pas resté planté là, les yeux grands ouverts sans cligner des paupières, à dévisager chaque Shinigami qui passait à proximité de lui en chuchotant pour lui-même.

« Non, probablement pas... Non plus... J'en doute... C'était quoi déjà ? Il me semble que c'était un prénom féminin... »

Le dieu de la mort ne parvenait plus à se souvenir des détails concernant la vice-capitaine. Il s'agissait d'une femme, elle appartenait à la noblesse, rien de plus. Son prénom et son nom lui échappaient. Avec un peu de chance, le chercheur pourrait au moins l'apercevoir sans qu'elle lui prête attention. Il toisait chaque Shinigami, ignorant le temps qui passait. Une minute ou bien des heures auraient pu s'écouler sans qu'il s'en rende compte.

Pourquoi fallait-il qu’il se mette dans ce genre de situation ? C’était ce qu’il avait pu deviner dans le regard de la jeune femme lorsqu’il l’avait rejoint, et qu’elle avait pu apprendre qu’il avait à nouveau affronté un membre du corps de la Onzième Division. Bien sûr elle n’aurait jamais osé le lui reprocher de vive voix. Bon, pour Kōga, cela était bien loin de représenter un affrontement, tant son adversaire avait passé son temps à l’éviter justement. Toutefois, elle avait tenu à le soigner pourtant, malgré qu’il ne soit pas réellement blessé. Cela faisait partie de son rôle, estima la Shugoshin. Car après tout, leur relation partait de là : Akemi avait été désignée comme gardienne de Kōga lorsqu’il avait rejoint la Huitième Division, transférée de la Quatrième dans le seul but de pouvoir garder un œil sur le fougueux Ogasawara.

Ensuite, elle avait dû s’absenter. Et comme souvent il avait profité du plus confortable bureau ainsi vidé. Éplucher quelques dossiers, tenter de comprendre certaines choses qui de toute évidence se tramaient. Il n’ignorait pas qu’une enquête visant sa protectrice notamment était menée, mais il la croyait lorsqu’elle disait que tout cela était louche. Peut-être en fouillant verrait-il quelque part un lien ?

Et… la vérité était que si on le souhaitait réellement, l’on pouvait faire autant de liens qu’on le souhaitait. Dans tous les sens, se croisant et bifurquant sans arrêt. Au bout du compte, cela ne pouvait pas déboucher sur quoi que ce soit de tangible. Il suffirait qu’il accepte d’en faire l’effort, et il pourrait sans doute tirer quelques articles de ces grandes machinations reliant tous les points qu’il pouvait élaborer sans fondement. Mais l’Ogasawara ne souhaitait ni faire d’articles, ni taper dans le sensationnel. Ce n’était tout simplement pas son genre, ni pour l’un, ni pour l’autre. C’était quoi son genre d’ailleurs, maintenant ? En vouloir au monde entier, quitte à provoquer les plus à même d’y répondre afin de se tester, de rester affûté pour… pour quoi exactement ? Pour « le jour où je trouverai quelque chose » ? Même lui ne trouvait plus ça convaincant.

Quoi qu’il en soit, il préférait désormais marcher un peu. Réfléchir. À sa condition sans doute, une fois encore. Combien de fois avait-il donc fait les cent pas, espérant voir une issue providentielle ? Sans doute ne viendrait-elle pas cette fois non plus. Il n’eut d’ailleurs pas tant à s’en poser la question, qu’une intrigante découverte lui fait hausser un sourcil. Il le fixe, alors que ses pas vont le faire passer à côté de lui. À côté de ce gars de la Douzième – et Vice-Capitaine même si l’on en croyait le brassard. Il ne l’avait jamais rencontré, mais l’Ogasawara se mettait en devoir de connaître les noms des hauts gradés. Komamura, donc. Et là, quelque chose clochait. Le fait qu’il était planté en plein milieu des quartiers de la Huitième Division, déjà. Et le fait qu’il ne soit pas velu, n’ait pas de museau ni d’oreilles sur le sommet de la tête. Un imposteur ? De quoi l’inciter à au moins l’interroger.

- Vous avez l’air complètement perdu. Je devrais faire mander à quelqu’un de vous raccompagner...

Du jugement, tant dans la voix que dans l’attitude. Pas de question posée, pas de « peut-être ». La manière de faire de quelqu’un qui décide, de toute évidence. Pour qui avait connaissance des Kamon nobles, il pourrait être évident qu’avec celui de la branche mâle des Ogasawara sur le front, ce Shinigami pourrait en effet avoir une certaine habitude en la matière.

Santé : 2000=>full/2100
Énergie Physique : 401=>1151/1200
Énergie Spirituelle : 599=>1349/1400

Un bruit de fond vint interrompre le flot de pensées qui assaillaient le dieu de la mort. Il s'agissait des paroles d'un homme sur lequel les yeux du scientifique ne s'étaient pas encore posés. Il paraissait trop occupé à analyser une Shinigami qui passait non loin de là. Constatant que rien n'indiquait qu'elle puisse être la personne qu'il cherchait, il s'en détourna. Malgré son air absent, il perçut les paroles qui lui étaient adressées. Shingetsu voulut détromper ce nouvel interlocuteur et lui répondit sans attendre, espérant ainsi pouvoir rester sur place.

« Inutile ! Je suis vraisemblablement là où je dois être. »

Le descendant du clan maudit s'exprima froidement et s'en rendit compte aussitôt. Il s'inclina poliment en direction de l'homme avant de se redresser lentement. Il avait déjà préparé un mensonge pour ce genre de situation, il se l'était répété à plusieurs reprises sur le chemin pour s'en convaincre. Est-ce que cela fonctionnerait ?

« Veuillez m'excuser. Je suis Komamura Shingetsu, je suis ici pour rencontrer votre vice-capitaine. »

Ses propos pouvaient être crédibles. Il ne paraissait pas particulièrement à l'aise. Le Shinigami face à lui aurait sûrement l'occasion de se rendre compte que Shingetsu n'était pas très habile lorsqu'il interagissait avec autrui. Aussitôt le chercheur se mit à toiser son interlocuteur, constatant alors qu'un étrange symbole ornait son front. Malheureusement il n'avait pas encore étudié les blasons de la noblesse, même si cela ne saurait tarder. Le scientifique ignorait tout de cette marque et ce qu'elle pouvait signifier pour son porteur. Il parut toutefois intrigué, outrepassant les convenances il approcha brièvement son visage de l'inconnu pour l'observer.

Le Komamura cligna finalement des yeux en reculant d'un pas. Il ne fit aucun commentaire sur cette caractéristique physique. Il s’interrogeait à ce sujet, mais ne voulait pas se risquer à offusquer qui que ce soit avec des questions concernant un détail superficiel, bien que peu commun. S'efforcer de ne pas ternir la réputation de la douzième division allait vite devenir un fardeau pour lui. Il tâchait de faire de son mieux pour ne pas paraître loufoque ou gênant aux yeux des autres membres du Gotei. Certaines mauvaises manies persistaient. Il fit comme si rien ne s'était passé et reprit ses explications, détournant son regard pour observer les alentours un bref instant.

« Malheureusement, j'ai oublié son nom. Ce serait impoli de ma part d'aller à sa rencontre sans connaître son identité. »

Il ne posait pas de question, mais espérait qu'on lui donnerait la réponse malgré tout. Shingetsu avait déduit que si l'homme à la longue chevelure aux teintes cuivrées se trouvait dans les quartiers de la huitième division, il devait appartenir à ce corps d'armée. Il pourrait donc probablement lui fournir quelques précieuses informations qui lui permettraient d'avancer dans son enquête clandestine. Le descendant du clan maudit allait toutefois devoir faire preuve de subtilité s'il ne voulait pas paraître suspect.

« Cela dit, elle ne sera peut-être pas disposée à me recevoir. J'ai cru comprendre qu'elle pourrait avoir d'autres préoccupations en ce moment. »

Les mots étaient prononcés lentement, laissant clairement percevoir qu'il les choisissait avec soin. Ses pupilles aux teintes ambrées se fixèrent à nouveau sur l'homme à la marque frontale avant même que sa phrase ne soit terminée. Il guettait la moindre réaction, le moindre signe qui pouvait sous-entendre que lui aussi avait eu vent des dernières nouvelles la concernant. Le dieu de la mort n'en dit pas plus. Son intention n'était en aucun cas d'étendre la rumeur plus qu'elle ne se propageait déjà d'elle-même. Il n'était pas là pour ternir la réputation d'une collègue, même s'il ne la connaissait pas.

Komamura. Il connaît assez ce nom pour savoir qu’il devrait avoir face à lui un lupin de plus de deux mètres, couvert d’une épaisse fourrure. On était plutôt loin du compte, et cela étonne et interroge en toute logique l’Ogasawara. Mais ce n’était encore rien face à l’impertinence dont cette engeance canine se permettait de faire preuve. Allait-il se mettre à le renifler bientôt ? Une part de lui s’agace. Il était l’Héritier. Pas seulement un Ogasawara, mais assurément celui qui se hissait au-dessus des autres en son clan, celui qui méritait réellement d’en guider le nom.

Mais une autre part de lui, sur laquelle il travaillait dernièrement, l’incitait à l’apaisement. Il ne pouvait pas chercher les ennuis avec toute personne ne lui accordant pas autant de respect qu’il estimait en mériter. Cultiver le calme. Se trouver d’autres perspectives, dans la réflexion et l’apaisement. Il inspire profondément et soupire.

- La situation a en effet l’air de vous mettre mal à l’aise. Elle se nomme Shugoshin Akemi, et je peux témoigner qu’elle n’est pas disponible pour l’heure : elle était avec moi jusqu’à ce qu’elle s’absente, et j’ai depuis profité de son bureau inoccupé.

Je suis Ogasawara Kōga, Neuvième Siège. Que voulez-vous à ma Vice-Capitaine ?

Un peu de poids sur le « ma ». C’est qu’en un sens, c’était effectivement la sienne, à lui, non ?

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Même s'il n'était pas particulièrement habitué à interagir avec autrui, le scientifique savait quand même interpréter quelques signaux essentiels. Il perçut ainsi l'agacement de l'homme à la longue chevelure, seulement lorsque celui-ci prit une profonde inspiration avant de soupirer. Shingetsu en conclut qu'il devrait faire plus attention à son comportement s'il ne voulait pas froisser son interlocuteur.

« Shugoshin... Akemi... »

Le dieu de la mort articulait de manière exagérée, s'arrêtant à chaque syllabe, comme pour s'il s'efforçait de l'imprimer dans son esprit. Il fit de même lorsque Kōga se présenta.

« Ogasawara... Kōga... »

L'attitude et le nom de Kōga lui firent comprendre que le chercheur n'avait pas fait tout ce chemin pour rien. Il se trouvait face à un membre du clan Ogasawara, l'une des quatre familles parmi les plus illustres de la noblesse.

Shingetsu ne put s'empêcher de rire en entendant l'homme à la marque frontale mettre plus de poids sur le « ma » de « ma vice-capitaine ». Cette forme d'appropriation signifiait certainement qu'il y avait un quelconque lien entre ce Shinigami et la cible actuelle de son enquête clandestine, un lien qui allait peut-être au-delà de la simple appartenance au même corps d'armée. Le descendant du clan maudit savait à présent qu'il venait de ferrer un gros poisson, plus gros encore que ce qu'il avait pu espérer. Le masque du scientifique tombait. Il souriait, affichant un air satisfait. Mentir ne lui semblait plus nécessaire s'il faisait vraiment face à un proche de Shugoshin Akemi.

« Je veux savoir pourquoi on pourrait la suspecter d'avoir participé, d'une manière ou d'une autre, au meurtre du patriarche du clan Shimura. »

Le Komamura chuchotait, de manière à ce que seul son interlocuteur puisse percevoir ses mots. La réponse qu'il fournissait pouvait paraître dangereuse, d'autant plus que l'intonation de sa voix laissait entendre une certaine forme de dégoût mêlé à de la moquerie. Comment pouvait-on en arriver à suspecter des hauts gradés de l'armée concernant l'assassinat d'un noble ? Les supposés coupables ne devaient-ils pas protéger l'ordre ? N'était-ce pas leur devoir en tant que membres des treize divisions ? L'ironie de la situation avait de quoi amuser. Cette histoire n'en demeurait pas moins néfaste pour la réputation du Gotei 13 et la bonne entente des divers organismes qui permettaient à la Soul Society de fonctionner.

« Peut-être que vous savez à qui pourrait profiter de tels soupçons à l'égard de votre vice-capitaine et à ceux de deux capitaines du Gotei ? »

Cette question laissait clairement entendre qu'il avait déjà des doutes au sujet des rumeurs qui se propageaient. Si c'était le cas pour lui qui ne les côtoyait pas, qu'en penserait un Shinigami qui connaissait au moins l'un d'entre eux personnellement ?

Il laisse filtrer un peu d’étonnement par un haussement de sourcil. S’il n’ignorait pas que la rumeur se partageait à présent sur cette fameuse enquête, il s’interrogeait sur le bien-fondé de telles questions par la voix du Vice-Capitaine de la Douzième Division. Est-ce que le Bureau de Développement Technique était mêlé également, d’une manière ou d’une autre ? L’Ogasawara jette un regard autour. Le Komamura avait certes chuchoté, mais il n’était absolument pas désirable que ce type de propos s’immiscent plus encore dans les murs de la Huitième Division.

- Suivez-moi.

Sans doute la décision la plus sage. Accorder quelques réponses, dans le secret d’un bureau. Cela permettrait sans doute, face à face, de mieux saisir les intentions de cet étrange interlocuteur. Si Kōga s’estimait bon de coutume pour interpréter les comportements, celui-ci le prenait au dépourvu. Comme si quelque chose ne collait pas, comme si naturellement il incitait au contre-pied. L’Ogasawara ignorait même quels mots il pourrait mettre sur l’impression qu’il lui avait laissé en chuchotant, laissant un mélange bariolé de sentiments. « Incrédule » ? Sans doute était-ce ce qui semblait primer à ses yeux, mais très honnêtement il ne pourrait jurer de rien jusqu’ici.

Mettre donc le sujet à l’écart, le temps qu’ils soient seuls. Cela tombait bien, il avait lui-même une question en suspens.

- Vous savez… vous n’avez pas vraiment la tête d’un Komamura, vous l’a-t-on déjà dit ?

La question était posée sur un ton neutre, laissant alors aux termes employés le loisir d’exprimer tout leur sens : bien sûr qu’on lui avait déjà fait remarquer ! Ce ne devait même pas être une interrogation particulièrement rare pour toute personne un peu au fait. D’autres Komamura s’étaient fait un nom, dont Sajin était le plus illustre bien sûr en ouvrant la voie pour les siens. Jinro même était devenu professeur à l’Académie. Et clairement, ils ne partageaient pas grand-chose physiquement. Le temps que Shingetsu réponde en tout cas, ils seraient parvenus au bureau d’Akemi, qui serait utilisé pour tenir leur discussion. Et une fois seuls, Koga aurait encore une autre question à poser…

- Pour quelle raison exactement le sujet vous tracasse-t-il ? S’il s’agit d’une investigation officielle, vous comprendrez qu’il m’est préférable de le savoir avant toute chose.

Il ne pousse pas jusqu’à s’installer au bureau. Ce dernier est bien rangé, les dossiers qui s’y trouvent sont peu nombreux et soigneusement empilés. Pas de sujet critique en vue, donc pas de faille de sécurité à craindre. Assuré de cela, il regarde à nouveau le Vice-Capitaine, curieux d’apprendre la source de ses questions.

Le dieu de la mort suivit son interlocuteur sans se poser de question, agissant machinalement. Il semblait évident que le noble ne souhaitait pas qu’on puisse écouter leur conversation. Pour le scientifique, cela signifiait surtout qu’il allait enfin obtenir un semblant de réponse, un début de piste qui pourrait l’orienter pour la suite de ses recherches. Si la Chambre des 46 refusait de le laisser consulter les résultats actuels de l’enquête officielle, le premier membre du Gotei 13 qu’il interrogeait se montrait bien plus coopératif qu’il ne l’avait supposé. Durant leur avancée, Kōga fit remarquer à Shingetsu qu’il ne ressemblait pas à ce qu’on pouvait imaginer des Komamura. Le chercheur ne s’offusqua pas pour autant, habitué à être considéré comme un imposteur.

« Fréquemment, oui. »

Il avait répondu sur un ton enjoué, sans paraître offensé. Il semblait évident qu’il avait été confronté à ce genre d’interrogation au cours de sa scolarité et lors de son intégration dans la douzième. Ils avaient été nombreux à vouloir étudier cette bête curieuse portant le nom d’un clan bestial sans pour autant en posséder la principale caractéristique. Il décida spontanément de livrer quelques détails supplémentaires à ce sujet.

« Père m’a toujours dit que la malédiction de notre famille était liée à leur ancienne existence terrestre. Il voyait ma naissance comme une bénédiction. »

Le descendant du clan maudit ne put réprimer un petit rire moqueur avant de poursuivre.

« Mais si, comme moi, vous ne croyez pas aux fables, dites-vous simplement que mère n’était pas liée par le sang aux Komamura. Avec quelques connaissances en génétique, on peut sûrement expliquer ceci. »

D’un geste ample du bras, il se désigna lui-même pour conclure ses paroles. Il ne perdrait pas plus de temps à donner plus de détails, ni même à apporter des preuves, estimant que son interlocuteur avait le droit de penser ce qu’il voulait au sujet de ses origines. Le Shinigami se moquait de ce que l’on pouvait croire à son sujet, lui il savait et ça lui suffisait. Ils arrivaient finalement dans le bureau de la vice-capitaine. Shingetsu parut quelque peu surpris. Le membre du clan Ogasawara et Shugoshin Akemi devaient être particulièrement proches pour qu’elle le laisse ainsi pénétrer dans son bureau en son absence. Peut-être s’accordaient-ils une très grande confiance ? Cela ne faisait que lui prouver qu’il avait trouvé la bonne personne pour discuter de ces rumeurs. Kōga remit d’ailleurs très vite le sujet sur la table. Maintenant qu’ils étaient éloignés des oreilles indiscrètes, ils pouvaient parler plus librement.

« Parce que c’est étrange. D’abord ces mystérieuses disparitions dans le Seireitei, maintenant trois hauts gradés suspectés d’avoir un lien avec l’assassinat du patriarche d’un clan de la noblesse... »

Il parut pensif durant quelques secondes. Tout ceci semblait véritablement le tracasser.

« Je me suis longuement interrogé sur les intérêts des suspects dans cette affaire. Puis j’ai fini par me demander comment le capitaine de l’Omnitsukido, probablement son meilleur représentant, aurait pu se faire prendre. »

Le descendant du clan maudit ne fournit aucun détail supplémentaire à ce sujet, jugeant que son interlocuteur comprendrait rapidement ce qui clochait.

« Vous ne trouvez pas que ces rumeurs sont pleines d’incohérences ? Cette enquête menée au détriment du Gotei par la chambre des quarante-six ne vous semble pas suspecte ? »

En interrogeant Kōga de cette façon, Shingetsu espérait le faire réfléchir afin que celui-ci puisse exprimer son avis.

- La génétique… j’imagine, oui...

En vérité il préférait éviter de trop imaginer. Il n’avait pas pu empêcher une légère grimace de s’afficher sur son visage lorsqu’il avait saisi. Un père Komamura, avec tout ce que cela impliquait ; avec une mère Shinigami. Pour chasser ces pensées, mieux valait prendre un peu la parole. Les mots choisis, plutôt que les images qui cherchaient à s’imposer.

- J’aurais pensé que la malédiction serait plus forte encore. Étrange phénomène. Sans doute êtes-vous votre premier sujet de recherche ? J’aurais là tendance à me dire que vous feriez un parfait sujet d’étude pour nombre de la Douzième division, alors si l’on met en perspective le fait que vous en êtes un… source de vocation peut-être ?

Un questionnement qui lui paraissait légitime, et qu’il analysait sans doute un peu trop froidement. Car il n’était bien sûr pas seulement question d’un sujet d’étude, mais d’une vie, d’une existence. Tout comme celle qui avait été prise au sein du clan Shimura récemment. Quoi qu’il en soit, il n’attendait pas particulièrement de réponse et si Shingetsu ne souhaitait pas en parler il ne creuserait pas plus que cela. Car c’était un sujet autrement plus grave à ses yeux qu’ils allaient aborder.

- Je comprends que le sujet vous interroge. Je comprends moins le lien avec la Douzième division mais j’imagine que la division n’a aucune incidence et ne joue en rien sur la curiosité personnelle.

N’ayant pas moi-même été témoin de la scène, je peux du moins fournir l’impression que cette histoire me laisse. Il semblait que Shimura Ashido ait disparu, comme d’autres notables avant lui. Outre le fait qu’il fut aveugle, il me semble qu’il était connu pour être droit bien que sévère, mais il ne s’agit là que de on-dit et d’impressions, rien qui ne doive être jugé comme fiable je pense.

Il a donc disparu, et ne restait de lui que traces de sang ainsi que sa canne. Les trois inculpés se trouvaient là par hasard, et alertés par le bruit ont été les premiers à rapporter sa disparition. Puisqu’ils étaient impliqués, ils ont été missionnés sur ces disparitions, épaulés par Yane Yoru. Longue histoire, mais pour faire bref, Igarashi-Taichō ainsi que ma Vice-Capitaine se sont retrouvés face à une menace. Le Capitaine a frappé le premier, sur nul autre que le patriarche Shimura.

Quelle drôle d’histoire en effet ! D’autant plus lorsqu’on fait le calcul : trois d’entre eux se sont retrouvés sous enquête, et la quatrième a été promue. Sans doute rien de plus qu’un hasard de plus, la vie est étrange parfois...

L’Ogasawara avait ainsi livré une version de l’histoire. Mélange de ce qu’il avait entendu de diverses sources, adjoint à ce que sa logique lui dictait. Seule Akemi pourrait livrer sa propre histoire avec toutes les précisions nécessaires. Mais il considérait d’ores et déjà que cela constituerait un bon os à ronger pour le Komamura.

« En devenant membre de la douzième division, j'ai accepté que le Capitaine Kurotsuchi puisse analyser mon état plus en profondeur. Un savant tel que lui aurait certainement pu étudier le spécimen unique que je suis et en apprendre davantage sur ma lignée. Malheureusement, nous en sommes restés au stade de projet. »

D'autres travaux avaient été jugés prioritaires, puis les Datenshi avaient fait leur apparition. Kurotsuchi Mayuri avait toutefois disparu avant de pouvoir examiner son cobaye volontaire. Avec les conflits et la mort de nombreux soldats, on avait un peu oublié le cas de Shingetsu. De plus, s'il collaborait volontiers avec un génie de la trempe de l'ancien directeur de l'Institut de Recherches et de Développement Shinigami, il refusait de laisser n'importe qui l'examiner. Pour le moment, le dieu de la mort estimait qu'il avait d'autres priorités. Il ne s'intéressait pas à la science pour comprendre sa propre nature, ce n'était pas l'origine de cette vocation. Il tairait toutefois son envie de percer à jour la nature même de l'univers, de la vie et surtout de la mort et ce qu'elle représentait réellement. Une telle réponse aurait sûrement paru trop abstraite et peut-être malsaine.

« D'une certaine manière, on peut dire que ma nature peu commune m'a poussé vers la recherche, mais plusieurs facteurs sont à prendre en compte, comme ma propre curiosité à l'égard de tout ce qui m'entoure. »

Il estimait que cette réponse suffisait, ne connaissant pas assez Kōga pour se livrer sur ses lubies. Le membre du clan Ogasawara évoqua ensuite le sujet pour lequel le scientifique s'était présenté dans les locaux de la huitième division. Shingetsu se montrait particulièrement attentif aux paroles de l'homme à la longue chevelure cuivrée. Il connaissait vraisemblablement certains détails que l'enquêteur clandestin ignorait. La situation paraissait toutefois encore plus incompréhensible qu'il ne l'avait supposé au départ. Il ne semblait y avoir aucune logique dans les décisions de la Chambre des 46. Tandis que certains étaient suspectés de meurtre, une autre était promue. Les rumeurs n'évoquaient pas Yane Yoru.

« Il n'y a pas véritablement de lien avec la douzième division. Cette affaire et les bruits de couloir qui l'entourent me paraissent étranges. Quand bien même des hauts gradés de l'armée seraient impliqués, il s'agit d'éléments que l'on pourrait qualifier d'isolés. Pourquoi ne pas laisser les autres divisions faire leur travail et mener les investigations ? Je cherche à comprendre s'il s'agit d'un manque de confiance ou si autre chose se cache derrière cette étrange décision. D'une manière ou d'une autre, c'est toute l'armée qui devrait se sentir concernée. »

Le Shinigami faisait part de son ressenti à ce sujet. Sa voix trahissait une certaine inquiétude. Il tentait néanmoins de faire bonne figure, jugeant que tout le monde ne partageait pas son avis et qu'il pouvait passer pour un fou. Les yeux perdus dans le vide, il résuma les informations qu'il venait d'obtenir.

« Une équipe est missionnée par le conseil militaire pour enquêter sur les disparitions. Les membres de cette même équipe rencontrent une menace, qui semble finalement être l'un des disparus et le capitaine Igarashi finit par le tuer. On finit par retirer l'enquête des mains du conseil militaire et du Gotei. Trois des membres sélectionnés pour cette mission sont soupçonnés tandis qu'un autre est promu. »

Il commençait à s'interroger sur les capacités de jugement de six sages et des quarante juges. Pire encore, le raisonnement de Kōga sur le hasard reflétait certainement la désinvolture avec laquelle les membres de l'armée traitaient cette sombre affaire. Il ne fit pourtant aucun commentaire, craignant de paraître paranoïaque. De plus, le scientifique ne comptait pas impliquer qui que ce soit dans cette enquête non autorisée.

« Les informations que vous venez de me fournir sont particulièrement précieuses. J'ai une dette envers vous neuvième siège Ogasawara. »

En évoquant le grade de son interlocuteur, Shingetsu tiqua de manière clairement audible et visible. Le dieu de la mort n'y avait pas prêté attention, mais en le prononçant il se rendit véritablement compte de ce qu'il pouvait signifier. Ce grade pouvait être vu comme une forme de malédiction. Tout comme lui, Kōga n'était peut-être pas superstitieux. De plus, le chercheur pensait que les membres de la noblesse profitaient de certains avantages et que leur influence leur donnait accès à des grades plus importants. Malgré la curiosité, il s'abstint d'interroger le descendant du clan Ogasawara, jugeant qu'une question concernant de potentiels privilèges pouvait paraître offensante.

Il opine. Les projets, parfois, n’ont pas vocation à être menés à leur terme. Des idées posées, que la vie venait balayer d’une manière ou d’une autre. Cela le pique plus que ce ne devrait. Le renvoyant à une situation personnelle compliquée. Et à un projet de longue haleine qui paraissait ne jamais devoir se concrétiser. La vanité d’une existence tenant parfois à vraiment peu de choses.

Mais c’était bien sûr un tout autre sujet actuellement au coeur de l’attention, et revenir aux intrigues de la cour permettait au moins de balayer pour un temps ses propres tracas propres à sa place au sein de sa propre famille. Pour l’heure, la portée des informations impliquant le Central 46 et plusieurs hauts gradés avait en effet la faveur de l’attention, compte-tenu de son caractère surprenant et très actuel.

- Malheureusement, au niveau du Gotei, il ne s’agit que de rumeurs. Beaucoup n’ont pas le réflexe de se questionner tout comme vous le faites. À l’exception de ceux qui y sont mêlés de près ou de loin, il ne s’agit donc que de bruit. Lorsque le concret adviendra, quel qu’il soit, il sera alors trop tard pour s’en questionner.

Une bonne dose de fatalisme. Que pouvaient faire de simples membres de l’armée face au point du gouvernement de la Soul Society toute entière ? Dépositaires décisionnels, s’élever contre la Chambre équivalait peu ou prou à s’ériger contre la famille Royale que les sages représentaient. Il n’avait fait que s’élever contre le chef de son clan et déjà sa vie était devenue bien compliquée, il n’imaginait pas lever le poing face au ciel pour braver son courroux.

Mais ainsi, il ne restait pas grand-chose à ajouter. Kōga avait livré là ce qu'il savait pour vrai, non sans y avoir ajouté un peu de ses propres suppositions. Pas trop, pour ne pas noyer le vrai, mais assez pour suggérer ce qu'il en pensait. Une promesse de service lancée. Peut-être qu'un jour il en aurait besoin...

Désolé pour l’attente :/ Enfin vu que tu comptais reroll ça doit pas être très important, mais je me permets de conclure du coup.