Lone Sojourner

Les expéditions dans lesquelles il se lançait avaient forcément un caractère dangereux. C’est ce qu’impliquait de se lancer seul dans l’inconnu. Il avait quitté la cité rupestre sans savoir précisément où il se rendait, s’étant appuyé sur quelques témoignages pour ça et là mieux aiguiller ses recherches. Ainsi avait-il pu parcourir les ruines Negal, pour constater qu’elles n’étaient pas vraiment désertes. Il n’y avait trouvé aucun passage secret, aucun mécanisme, aucune inscription antique. Rien d’utilisable à ses yeux. Peut-être ces constructions n’étaient-elles pas assez anciennes encore ? Ou n’avait-il pas su ou chercher ? Quoi qu’il en soit, il avait donc fini par décider de poursuivre ses recherches ailleurs. D’ouvrir l’œil, et de minutieusement inspecter le relief. Les dunes sont mouvantes par nature, aussi n’est-ce pas si aisé, mais à force d’habitude l’on peut y discerner les formations moins… « naturelles ».

C’est ainsi qu’il avait fini par trouver une cavité suspecte. Usant des Manos de Dios pour élargir le passage, il s’y était engouffré sans regarder en arrière. Qui savait sur quoi cela pourrait bien déboucher ? Il n’ignorait pas l’existence de ce type de cavernes, des formations pas si rares, soutenues par les arbres de quartz dont seule la cime était visible en surface. De même qu’il connaissait l’existence encore plus en profondeur des Abîmes dont l’on ne revenait pas. Il n’y avait jamais mis les pieds, mais il fut un temps où il avait ressenti leur appel à y disparaître à jamais. Le destin en avait décidé autrement…

Pour autant, il ne sait où il débouchera cette fois. À défaut d’avoir des pistes en surface, il décida que ce sera une bonne option de chercher par issu. Si les ruines dont il était en quête se trouvaient de toute façon sous le sol, arpenter le réseau de cavernes sous la surface semblait pouvoir offrir un potentiel non-négligeable. Rien de plus qu’une piste bien sûr, et il ne s’attendait pas à quoi que ce soit de trop évident. Il faudrait qu’il reste attentif à des détails que d’autres n’auraient pas vus. Sans quoi il ne pourrait que tomber sur des endroits déjà visités, et sans doute pillés depuis longtemps. C’était là que résidait toute la difficulté bien entendu. Une singularité parmi les raretés… Et le tout sans s’attirer les foudres de créatures qui y verraient une entrée illégale sur leur territoire, bien entendu. Autant dire que ce type de « mission » comportait de nombreux risques, lui faisant encore redoubler de vigilance...

La fatigue gagnait son être depuis quelques temps. L'ennui rongeait son âme et elle commençait à regretter le choix qu'elle avait fais. Le choix de la tranquillité certes, afin de se préserver des puissances de ce monde qui cherchaient à asservir une bonne partie des Hollow, mais aussi le choix de la passivité. Qui était un peu contre nature pour elle, même si cela faisait un moment maintenant qu'elle cherchait à endormir ses pulsions anciennes.

La Destructrice cherchait donc à nourrir cette envie qui l'habitait depuis peu. Elle sentait ses instincts se réveiller peu à peu, comme s'ils avaient été toujours présents mais simplement endormis. Une Chasseresse née ne pouvait rester éternellement tapie dans les ombres, à attendre que le danger passe. Car en réalité, le véritable danger devait venir d'elle.

Ainsi avait-elle repris certaines de ses activités annexes. La chasse notamment. Et quelques incursions de plus en plus proches du Palais de L'Hybris qu'elle savait pourtant interdit "aux créatures" comme elle. Ce qui l'avait conduit jusqu'à ce lieu. L'avantage de son pouvoir, c'est que la Belle pouvait finalement s'adapter à son environnement. Si réduire sa taille n'était pas quelque chose qu'elle trouvait agréable, au moins pouvait-elle atteindre des zones que sa véritable forme n'aurait pu rejoindre sans détruire en partie l'environnement. D'où son surnom d'ailleurs.

Mais une fois encore, il semblait que le destin ait décidé de perturber ses activités. Quelqu'un approchait. Ou quelque chose ? Les tentacules de Riful plongeaient alors dans le sol, prêts à défendre la Destructrice en cas de danger. Prenant les devants. Et laissant sa voix briser le silence des lieux.

- Qui que tu sois, approches et dis-moi ce que tu me veux !

S'il s'agissait d'un piège ? D'une attaque contre sa personne ? Elle ne rendrait pas l'âme sans combattre. Au sein de ce territoire, chaque rencontre pouvait être la dernière. Plus encore quand on était une Vasto Lorde entourés d'Arrancar, une espèce qui prenait de plus en plus de place au sein du Monde Creux. Elle était clairement sur la défensive. Ses bras ouverts, doigts recourbés comme des serres. Le sol craquelait autour d'elle. Ses yeux blancs attendaient de voir à qui elle aurait à faire.

Contrairement à ce que la voix lui dicta, il se figea. Approcher, ainsi, sans savoir qui le lui demandait et ce que l’on attendait de lui ? Ainsi parle l’araignée au moucheron. « Approche ». Bien sûr. Observer son environnement, encore plus que de coutume, chercher le moindre indice d’un guet-apens. S’il avait été capable de mieux ressentir les énergies, sans doute aurait-il pu emprunter une autre voie avant de faire une pareille rencontre. Et maintenant ? Reculer et partir ? Attendre et voir ? Avancer et braver ? Comme de coutume, la posture de Cimériès serait identique à chaque rencontre fortuite. Attentif, sur la défensive. Mais trop borné pour abandonner. Sans faire un pas alors, mais resserrant sa prise sur sa lance lui servant jusque là de bâton de marche, il rétorqua :

- De toi, je ne veux rien. Si mes pas m’ont mené sur ton territoire, ce n’était pas intentionnel. Je cherche… des ruines parmi les profondeurs. J’emprunterai d’autres chemins si ceux-ci sont par toi gardés.

Sa voix ne tremblait pas. Assuré, il montrait qu’il ne la craignait pas mais qu’il respectait le concept de territoire si elle estimait que celui-ci était le sien. Pour lui, c’était bien sûr une notion futile, qui empêchait certainement les Hollow de progresser. Ce n’était pas pour rien selon lui que les plus formidables constructions qu’il avait pu croiser furent construites par ceux qui avaient mis au point le rituel de la lune, et qu’Isielle avait redécouvert en son temps. Le corps recomposé délaissait dès lors l’animal, construisait des communautés, cherchait à mettre en commun des connaissances afin d’améliorer leur existence. Ainsi avait-il vécu au sein de la cité rupestre, à son age d’or.

- Qu’en sera-t-il alors ? Me laisseras-tu passer, ou détourner mes pas ? Ou bien me chercheras-tu querelle ?

Le sentiment premier qui l'accaparait alors qu'elle l'entendait lui répondre fut la surprise. Il ne semblait pas éprouver de craintes, cependant il s'adressait à elle avec précaution, se permettant même de proposer de rebrousser chemin si cela était nécessaire. Il était rare de voir ainsi un Arrancar faire preuve d'une telle patience. Pour la plupart, ils s'énervaient, menaçaient, se pensant supérieur à ceux qui ne brisaient pas leur masque.

A bien l'observer, il semblait différent de ceux qu'elle avait croisé. Tout naturellement, elle relâchait alors sa pression. Sans pour autant abandonner toute réserve. S'il ne représentait plus un danger pour l'heure, elle ne pouvait se permettre d'abaisser sa garde pour autant au risque de se faire avoir par plus fourbe qu'elle. Si elle avait appris une chose avec son grand âge, c'est qu'il était bon de ne jamais se relâcher complètement face à un autre. Et de ne jamais se fier aux simples apparences.

- Des ruines dans ces profondeurs ? Voilà une chose que je n'avais jamais entendue jusque là.

Lui chercher querelle n'était donc pas la priorité pour elle. Quant à le laisser passer, la question se posait en effet. Seulement au regard de la détermination de l'homme lorsqu'il avait énoncé son projet, elle doutait de ne pas le recroiser s'il empruntait un autre chemin. Quitte à le laisser tranquille, il était préférable pour elle de savoir quel chemin il parcourait. Ainsi pourrait-elle alors prendre ses précautions.

- Je ne veux pas de combats inutiles. Si tes intentions ne sont que de l'ordre de la recherche, je ne vois pas pourquoi je t'empêcherai d'avancer. Mais... Tu m'intrigues. Accepterais-tu de me dire ce que tu recherches dans ces ruines ? Quel trésor peut donc pousser un Arrancar à prendre autant de risques ?

Car risque, il y avait forcément. Dans les profondeurs de ces terres, la notion de grade, d'espèce, devenait flous. Une seule frontière existait réellement. D'un côté les chasseurs et de l'autre les proies. Et lui, de quel bois était-il fait ?

La pression semble se relâcher, la tension s’apaiser. Ce qui était toujours un bon point lorsque comme lui l’on ne recherchait pas le conflit. Mais il n’était qu’un vagabond solitaire. Quelqu’un que personne n’attendait, ne défendrait. Ses alliés, rares, étaient bien loin et de nature paisible. Autant dire qu’en ces lieux, dépourvu d’intérêt aux yeux de quiconque sinon par curiosité, il ne représentait rien. De quoi le pousser forcément à jouer de patience, à prioriser la conciliation. Le combat n’est pas son fort, ou tout du moins n’a pas son intérêt, n’y vouant aucune passion. La négociation plutôt que la force donc, bien légitime pour un érudit.

- Plus une construction est ancienne, et plus elle a de chances d’être profondément enfouie sous les étendues de sable blanc de notre monde. Ces cavernes ont donc naturellement tout mon intérêt.

Il en avait sans doute trop dit, mais c’était parfois nécessaire. Ainsi, il pouvait parfois recueillir également des aveux. En acceptant de donner, il peut advenir que l’on reçoive également… Cimériès avait toutefois la méfiance chevillée au corps, et peinait à faire confiance à qui que ce soit. Il avait bien vu la puissance dont pouvaient receler les anciens écrits une fois décryptés, ainsi que ce mystérieux artefact fusionné avec son propre corps désormais.

- Ainsi au moins partageons-nous cette même volonté de ne pas nous entre-tuer, vous m’en voyez ravi. Je me nomme Cimériès Alastor, simple vagabond en quête de savoir. Vous avez peut-être entendu parler d’une ancienne cité très loin à l’Ouest, bâtie autour d’un Ziggurat plus antique encore. Si un lieu comme celui-ci existe, je me demande s’il en existe d’autres encore. Mes recherches à la surface n’ayant pas été très concluantes pour l’instant, ma quête de savoir m’amène donc dans ces profondeurs. Est-ce réellement prendre tant de risques ? Je sais que certains usent de ces galeries pour se cacher dans dangers de la surface. J’espérais donc que, tout comme moi, ils préfèrent dès lors éviter le conflit inutile. Vous semblez jusqu’ici donner raison à cette théorie.

Bien sûr ce n’était pas aussi simple que cela. Car si des communautés s’établissaient, les solitaires ne devaient pas faire long feu, tout autant pourchassés qu’à la surface par quelques opportunistes y voyant une occasion de faire festin. C’était ce qu’avait sous-entendu la tenancière, non ? Qu’elle appréciait tisser sa toile dans les profondeurs où même la lumière ne va plus.

- Le savoir n’est-il pas le plus précieux des trésors ?

Argument qui avait porté par le passé. L’avenir dirait ce qu’il en serait ici.

C'était là, la plus grosse différence entre elle et cet homme. Il voyait plus de chose qu'elle, s'intéressait clairement à des événements qui échappaient à sa compréhension. Il était à la recherche de ruines antiques, d'un passé aujourd'hui révolu, et prenait visiblement un grand soin à accomplir sa mission personnelle. Elle respectait cette force même si le but de cette recherche lui échappait complètement. S'il y a une chose qu'elle ne comprenait pas, c'était cette volonté de fouiller comme il le faisait. Mais chacun son hobby et tant que personne ne venait rien lui imposer, elle n'avait rien à dire.

Elle l'observait. Sa tâche paraissait assez dangereuse car elle le conduirait irrémédiablement sur les territoires de Hollow moins compréhensifs qu'elle. Si elle comme lui ne désiraient que la paix en ce jour, ce ne serait pas toujours le cas et il paraissait bien seul pour accomplir sa destinée. Les présentations se faisaient et il lui apparaissait au moins comme naturel d'y répondre à son tour.

- Cimériès le Vagabond. Et bien sache que je suis la Destructrice. Du moins était-ce mon nom autrefois. Mais tu peux m'appeler Riful.

Elle connaissait ce lieu qu'il mentionnait. Elle même ayant vécu à l'Ouest pendant très longtemps avant de migrer dans ce coin, elle voyait parfaitement de quoi il s'agissait. Seulement il semblait ne pas prendre la réelle mesure des dangers qui couvaient par ici. Et cela l'étonnait, même pour un érudit comme il paraissait l'être. Sa quête était un non sens à ses yeux.

- Je crains qu'ils ne soient pas tous aussi pacifique que tu ne l'espères. Certains s'opposeront à ta présence avec force. D'autres chercheront seulement à anéantir un ennemi potentiel pour eux, sans même essayer de discuter avec toi. S'ils se cachent, ce n'est pas sans raison après tout.

Et une bête acculée réagissait par instinct. Beaucoup n'attendraient pas de connaître les intentions de l'Arrancar. Bénéfiques ou non, son intrusion représentait un danger pour ces Hollow qui se terraient dans ces tunnels. Ce n'était pas sans raison qu'elle chassait elle-même par ici.

Quant au reste, elle ne put s'empêcher de rire. La connaissance, un trésor ? Pour elle, ce n'était là que des mots vains. En quoi ce fameux savoir était-il une telle chose ? Décidément, ils étaient l'un et l'autre à l'opposé niveau conviction. Ce qui n'empêchait pas d'avoir une discussion sommes toute courtoise. Ses lianes s'agitaient moins désormais que la tension première s'était dissipée.

- Pour ma part, je ne trouve pas que le savoir soit une chose si importante que cela. Pas au point de risquer ma vie pour en apprendre plus sur un passé révolu, qui n'a plus d'existence. Les années s'écoulent, les siècles également. Et finalement, il n'y a pas grand chose qui change. Nos ennemis changent simplement de noms. Les constructions s'écroulent. D'autre renaissent. Non, pour ma part je ne trouve pas que le savoir soit un trésor. Mais sans doute pourras-tu éclairer ma lanterne ?

Après tout, si elle était convaincue de son fait, elle n'en restait pas moins curieuse de comprendre ce qui pouvait motiver un tel être à fouiner comme il le faisait. Le simple Savoir était-il important au point de risquer sa vie ? Il semblait que pour l'homme, ce soit le cas.

Et c'est cela qui l'intriguait, finalement.

« La destructrice ». Rien que ça. Moins long et protocolaire que Matryona, la tenancière de cette fameuse « bônne aubêrge », qui s’était affublée de titres aussi interminables que variés. Mais néanmoins cela restait dans un ordre de Grandeur dont il se trouvait sans conteste à l’opposé. Ses présentations ne lui faisaient qu’endosser le rôle d’un humble vagabond. N’était-ce pas déjà, malgré lui, une façon de s’afficher comme différent des autres ? En ne voulant pas attirer l’attention, ne la focalisait-il pas plus, au contraire ? En chacune de ses rencontres, l’on venait à lui poser des questions auxquelles il préférait ne pas trop répondre. Créait de l’intérêt là où justement il préférerait être invisible. Doucement il opine, comprenant une des failles de sa stratégie. L’anonymat ne le menait pas bien loin. Il peinait à obtenir de nouvelles informations, attirait lui-même plus l’attention qu’il ne le voudrait, et il n’était pas vraiment légitime à déambuler librement là où il pourrait le désirer. Cela avait été sa solution, se permettant de prendre son temps face à l’éternité qu’il avait devant lui. Mais son souhait n’était-il pas de trouver, en place de se contenter de chercher à jamais ?

- Merci pour la mise en garde, Riful la Destructrice. Avec un tel titre, tu dois sans mal mériter une place de choix au sein de l’Espada, n’est-ce pas ? À moins que tu ne préfères te passer de cette tâche. Leur autorité est-elle même respectée en ces profondeurs ?

Son interrogation n’est pas entièrement innocente, car déjà des miettes de plan commencent à germer. Borick le Primera s’était permis au grand jour de venir visiter la cité rupestre. Les membres de l’Espada semblaient jouir d’une plus grande liberté que le commun des Hollow en effet. Ce n’était pas vraiment son genre d’aller disputer ce type de « prestige », loin de là. Mais si cela pouvait réellement lui simplifier la tâche, alors… peut-être qu’il accepterait d’y réfléchir plus avant, et pourquoi pas tenter sa chance ? S’il n’était pas un guerrier, il avait pourtant été une créature redoutable en des temps où il n’avait pas encore entendu le chant d’Isielle.

- Disons qu’une trouvaille n’a pas la même valeur pour tous. L’or est précieux aux yeux des hommes, mais totalement inutile aux nôtres. Ainsi, trésor ou déchet, c’est en nos yeux que tout prend sa valeur. Il fut un temps où les Hollow et Arrancar parvenaient à bâtir des constructions prodigieuses. Pourquoi ce savoir s’est-il perdu ? Au final, toutes les époques ne se ressemblent pas, et chaque ruine est une preuve supplémentaire qu’en un autre temps, les nôtres agissaient différemment. Bien avant les invasions Shinigami, nous avons construit. Maintenant, nous ne cherchons qu’à détruire, jusqu’à ce qu’une nouvelle invasion survienne. Je pense qu’en comprenant mieux ce lointain passé, notre avenir pourrait en être meilleur. Cela vaut pour moi par assez que pour me heurter à ces créatures qui voudraient m’en empêcher.

L’explication n’était pas tout à fait exacte. Il y avait là une quête personnelle en jeu bien sûr, mais la justification lui semblait largement suffisante.

- J’ignore si cela éclairera ta lanterne, et je doute même que tu changes aussi simplement d’avis. Mais au moins as-tu ainsi une vue sur la volonté qui est mienne, et sans la partager pourras-tu ainsi tenter de la comprendre.

L'Espada. Décidément toutes ces viles créatures n'avaient que ce nom à la bouche. Elle exécrait cette unité. Haïssait les Arrancars dans leur ensemble d'ailleurs, en dehors de quelques exceptions. Mais elle comprenait le questionnement. Après tout, le titre dont elle s'était affublée pouvait aisément faire croire qu'elle appartenait à cette unité de la Mort. Elle eut un petit sourire alors qu'elle répondait :

- Je ne suis pas une Espada. Pour être tout à fait franche, je ne reconnais pas leur autorité. Et en ces lieux, leur voix a bien du mal à se faire entendre.

Ce n'était pas une insulte mais un simple fait. L'Espada avait son utilité mais aux yeux de la Destructrice, l'unité n'avait aucune valeur. Et qu'importe finalement si l'homme face à elle étaient leurs yeux et leurs oreilles. Elle assumait ses propos. Elle l'observait mais ne savait pas encore trop quoi en penser. Alors qu'il reprenait lui aussi la parole pour se justifier quant aux raisons que le poussaient à creuser le passé, elle ne put s'empêcher de remarquer qu'il parlait avec passion. Peut -être que pour une fois, elle n'était pas face à un incorrigible menteur.

Détruire plutôt que construire. Il y avait du vrai dans ces propos et elle ne put s'empêcher de rire face à l'ironie de la situation. Après tout, elle s'était présentée comme "la Destructrice", ce qui avait plutôt tendance à faire d'elle une ennemie naturelle pour cet homme.

- Je comprends mieux la raison de ta quête, bien que je ne partage pas le même engouement que toi sur ce passé. Mais il est intéressant de voir que des Arrancars puissent avoir une autre volonté que la simple envie de tuer ceux qui ne leur ressemble pas.

Il n'en était pas un. Pas réellement. Mais il s'en rapprochait tant qu'elle préférait ne faire aucune différence entre eux. Elle, elle était une Vasto Lorde. Une Hollow. Une bête si l'on en croyait les propos de ces Arrancars qu'elle avait croisé par le passé. Heureusement certains sortaient du lot. Comme sa suivante. Elle aurait été ravie de cette rencontre, elle n'en doutait point.

- Il me semble que la nouvelle génération a prit goût aux constructions. Le Palais de l'Hybris en est un exemple parfait. Même si les shinigamis ne sont pas tout à fait étranger à cela. J'espère que tu trouveras ce que tu cherches. Je dois dire que tu as éveillé ma curiosité. Accepterais-tu que je t'accompagne un peu ?

La curiosité avait toujours été grande en elle. Et si le passé n'était pas important pour elle, elle ne pouvait nier qu'un certain intérêt était né dans un coin de son esprit.

Une partie de lui se trouvait toujours sur la réserve. Une méfiance légitime héritée d’une époque lointaine et qui ne pouvait que gagner à s’appliquer à cette ère actuelle dont il ne savait pas assez, finalement. Sa quête personnelle était une source d’engouement et d’émulation, mais constituait également un tunnel qui enserrait sa vision, un objectif qui attirait tant son attention que tout ce qui en sortait devenait flou au point de perdre de son intérêt. L’Espada elle-même n’avait-elle pas questionné sa curiosité que lorsqu’il y avait vu un biais utilisable pour faciliter sa propre quête ? Peut-être ferait-il mieux d’élargir un peu le champ de ses recherches. Assez en tout cas pour mieux comprendre les changements plus profonds qui avaient pu avoir lieu depuis que sa première existence en était venue à sa fin.

- Cela s’explique sans doute par le fait que je ne suis pas un simple Arrancar...

Coup de poker. Il ôte sa capuche, laissant voir les cornes de pierre fichées dans son crâne. Tout le monde n’avait pas forcément la connaissance de ce que cela signifiait. Et pouvait même avoir l’air de n’être rien d’autres que des stigmates pour qui ne souhaitait pas y accorder plus d’attention ou y voir une quelconque particularité.

- Tuer n’a à mes yeux pas d’autre utilité que garantir ma propre survie. Je me passe bien de combats, comme tu as pu le comprendre de notre discussion jusqu’à présent. Quant à ces constructions dont tu parles… j’ai bien peur que ce soit toujours l’œuvre de Shinigami lors des récents générations. Le Palais de l’Hybris, les ruines de Las Noches… Ils viennent ici construire leurs temples pour tenter de marquer leur territoire, ériger une grandeur pour flatter leurs egos à défaut de parvenir à perdurer par soi-même. Quelle histoire retiendrons-nous de ces Shinigami, sinon qu’après avoir abattu bien des nôtres ils ne sont parvenus à survivre plus de quelques années. Ils viennent, ils prennent, et disparaissent presque aussi vite en laissant leurs vestiges. Je reste persuadé que nos ancêtres ont pu faire bien plus que cela.

Il s’était laissé aller à se dévoiler un peu plus. À dire ce qu’il pensait réellement, au risque d’être tombé sur un être s’étant allié par le passé à des Shinigami. Cela arrivait parfois d’en croiser, semblait-il. Le Hollow par nature semble prompt à la corruption. Mais cela avait pour une fois été plus fort que lui. Sa réserve brisée par l’évocation, une nouvelle fois, des constructions Shinigami alors qu’il cherchait les ruines de son propre peuple.

- Ces cavernes sont plus les tiennes que les miennes. Je n’ai aucune autorité sur ta liberté à t’y déplacer, serait-ce pour emboîter mes pas.

Une façon comme une autre de donner son accord, très honnête lui semblait-il. Après tout, si cela lui permettait de poursuivre sa route, cela lui convenait très bien. D’autant qu’ainsi accompagné, cela lui offrait peut-être moins d’opportunité d’être dérangé. « La Destructrice », c’est le genre de titre que l’on ne gagne pas en sympathisant au tout venant, sans doute devait-elle être crainte. Par lui, notamment, qui tâcherait d’en garder conscience, bien que s’accordant au fait que si elle avait souhaité s’en prendre à lui, ce serait déjà fait depuis un bon moment.

Voilà donc ce qu'il était réellement. Aux yeux de la Belle, il existait une réelle différence entre ceux de son espèce à lui et les simples Arrancars. Elle ne connaissait évidemment pas toutes les particularités qui étaient liées à ce statut mais elle les savait moins enclin à vouloir décimer ceux qui n'étaient pas comme eux. Puisque eux même sortaient du lot. Cette rencontre devenait de fait plus intéressante, notamment si cela lui permettait de mieux comprendre certaines choses.

- Sur ce point, nous sommes au moins d'accord. C'est aussi la raison pour laquelle je n'ai jamais compris pourquoi nous leur avons laissé tant de libertés par le passé.

Riful était une créature territoriale. Quiconque pénétrait dans son sanctuaire se soumettait alors à son jugement, bon ou mauvais. Les Shinigamis avaient trop abusés de l'hospitalité des Hollow et du Monde Creux. Mais la force de ceux qui étaient venus sur ces Terres désolées dépassaient visiblement de loin celles des natifs du coin. L'entraide n'étant pas une valeur répandue parmi eux, pas étonnant que nul ne soit parvenu à les repousser efficacement. Peut-être même était-ce là la seule vraie valeur de l'Espada : permettre de mieux se structurer pour mieux repousser l'ennemi, quel qu'il soit.

Alors qu'il donnait son accord, elle ne put réprimer un sourire en écoutant son argument. Dans les faits, il avait parfaitement raison mais le dire ainsi, sans la moindre crainte, sans la moindre hésitation, prouvait qu'il était parfaitement conscient de la situation et sans doute aussi de sa force. S'il n'était pas véhément, nul doute qu'il savait se défendre si nécessaire.

- En effet. Mais si je te suivais ainsi sans te demander ton accord, peut-être pourrais-tu croire que je te chasse. Et tu pourrais alors réagir en conséquence.

Ils allaient pouvoir poursuivre leur route. Les yeux blancs de Riful se posèrent une nouvelle fois sur les cornes nouvellement dévoilées.

- J'ai croisé par le passé certaines créatures qui te ressemblaient. Si proche des Arrancars et si différents en même temps. En dehors de votre particularité physique, pourrais-tu me dire en quoi vous vous éloignez d'eux ? Je dois dire que cela m'intrigue. Et satisfaire ma curiosité est un très bon moyen de me faire passer le temps.

S'amusait-elle de la situation ? Il semblait que oui. Ses tentacules ouvraient le chemin, tandis que ses sens se déployaient comme pour percevoir la présence d'autres créatures alentours. Mais surtout pour prévenir ceux qui percevaient son aura qu'elle approchait. Une sorte de balise.

"Eloignez-vous, j'arrive."

« Parce qu’ils les ont prises ». La Destructrice n’avait sans doute pas envie d’entendre cette réponse alors qu’elle se demandait comment il était possible que les Hollow aient laissé les Shinigami prendre tant de libertés en leurs terres. Ils n’avaient pas eu le choix, voilà tout. Si à deux reprises, des Shinigami renégats avaient pu, avec à peine une poignée de fidèles, venir au Hueco Mundo comme en terre conquise jusqu’à s’y ériger leur propre palais, c’était bien parce qu’aucun Hollow ou Arrancar n’était parvenu à se hisser à un niveau de puissance leur permettant de contester cette invasion. Riful incluse, donc.

Ainsi donc, il ne se sentit pas réellement l’envie de répondre sur ce point. Et il ne paraissait pas que Riful ait attendu quoi que ce soit en retour de toute façon. En ce qui le concernait, ils auraient même pu marcher longuement ainsi, duo improbable, qu’il n’aurait pas ressenti le besoin impérieux d’entretenir la conversation. Peut-être était-ce ces yeux vides, les mouvements étranges de ce corps… mais sans pouvoir exactement mettre le doigt dessus, il planait autour de cette rencontre une impression de « elle pourrait chercher à me tuer au moindre mot qui ne lui plairait pas ». Alors trop tenir la discussion n’était pas réellement en son intérêt si n’était pas certain que ce qu’il avait à répondre ne risquait pas de la froisser d’aucune sorte.

Finalement, ce fut une question plus innocente qui lui inspira alors assez de confiance pour rétorquer quelque chose.

- Lorsqu’une âme devient un Hollow, son cœur disparaît, rongé, laissant un trou pour devenir leur masque, symbolisant leurs regrets. Ce masque est toujours préservé, et même les Arrancar qui l’arrachent en gardent un morceau en stigmate, comme s’il était impossible de tout à fait s’en débarrasser.
Le processus usité pour les Arrancar de la Lune permet au masque de reprendre sa place de cœur, et en guise de Stigmata nous nous voyons affublés de caractéristiques visibles de notre forme initiale. Cela implique que nous nous réconcilions avec nous-même. Cela change notre nature, et pour la plupart nous n’affichons plus les mêmes intérêts. Les miens répugnent ainsi généralement à combattre, ce que nous estimons inutile sinon qu’en cas de vie ou de mort.

Et en partie à cause de cela, ils avaient été éradiqués, et il avait fallu un coup du sort monumental pour ramener certains d’entre eux à la vie. Heureusement, parmi eux se trouvait la Prêtresse, seule capable d’appliquer le rituel.

- Nous avons plus tendance à vivre en société. À bâtir. Vouloir comprendre. C’est une autre manière de voir le monde, qui nous vaut d’avoir hérité du sobriquet de « Troupeau ». J’imagine qu’il y a là en jeu des contrastes inconciliables...

Étonnement, Riful écouta avec un intérêt réel les explications de Cimériès concernant les Arrancars de la Lune. Il est vrai que si elle connaissait le processus pour devenir un Arrancar, processus qu'elle avait toujours trouvé barbare, elle n'avait jamais réellement prit le temps de le comprendre. Les explications de cet homme étaient clairs. Et donnait l'impression qu'il avait l'habitude d'expliquer les choses. Ou en tout cas qu'il savait s'adapter à la personne à qui il parlait. Une véritable force à ses yeux et une preuve qu'il ne fallait en rien sous estimer cette créature.

Sans réellement le savoir, il apaisait la Belle en s'exprimant de la sorte. Certaines mauvaises langues auraient pu dire qu'il était si ennuyant qu'il endormait les sens mais la concernant, elle trouvait qu'il se dégageait de lui une aura paisible. L'envie de le dépecer n'était clairement plus là.

- Se réconcilier avec vous-même. Je dois dire que j'aime beaucoup ce principe.

Elle eut un léger rire. Elle avait hâte de pouvoir en parler à Hetna, ne serait-ce que pour avoir son avis sur la question. Si elle détestait clairement les Arrancars, notamment à cause du fait qu'ils reniaient pour la plupart leur côté Hollow, il lui apparaissait comme évident que le Peuple de la Lune ne pouvait être rangé dans la même case. Même s'ils n'étaient plus tout à fait comme elle, ils n'étaient pas non plus comme ces monstres. Il était d'ailleurs amusant qu'elle puisse se permettre de les cataloguer comme monstre alors qu'elle était elle-même particulière.

- Je comprends ces motivations. Sans doute même que le fait de vous regrouper vous confère une sorte de défense naturelle. Qui oserait s'attaquer à vous alors ? Seulement je n'ai pour ma part jamais vu cela comme une force. Un groupe est plus facile à repérer et à attaquer, surtout si vous évitez les combats en temps normal.

Ce n'était là que la réflexion d'une créature qui ne connaissait que peu la civilisation. Et qui préférait de loin la solitude du Yermo aux grands rassemblements. C'était aussi là une raison évidente de son appartenance au clan de La Escoria. Eux aussi avaient un sobriquet.

- Quant au sobriquet que l'on vous donne, il est nettement préférable à celui que l'on donne aux miens. Pour beaucoup d'Arrancar, nous ne sommes que des déchets. Et cela se ressent dans leur comportement à notre égard. Pour ceux qui appartiennent à La Escoria, il est facile de comprendre cette volonté de ne pas rechercher le combat. Les miens préfèrent la sécurité d'endroits comme celui-ci, loin des conflits qu'ils ne comprennent pas.

Certes, la sécurité dans ces zones était toute relative et la présence de Riful ne donnait pas l'impression que le danger était moindre. Seulement ici, la violence était surtout utilisée pour défendre son territoire ou chasser. Rarement pour le simple plaisir de détruire. Elle satisfaisait simplement des besoins primaires.

- J'aimerai voir de mes yeux un tel rassemblement.

Une remarque lâchée simplement.

Il se laisse à réfléchir un peu aux réponses offertes. Sans doute plus réfléchies que ce à quoi il se serait attendu, comme des points pertinents étaient abordés. Il allait une fois de plus y apporter sa pierre – quelle ironie pour celui qui en cherchait comme si sa vie en dépendait.

- Se regrouper a des points positifs et négatifs, forcément. En mon temps, c’était une anomalie qui forcément attirait l’attention. Nous voulions nous reclure, bâtir notre propre cité, découvrir, créer. Nous avons pris de l’ampleur ce qui nous a rendu plus remarquables en effet. J’ignore pourquoi l’on nous a anéantis. J’ignore même qui l’a fait, ou dans quelles circonstances – le souvenir semble être là, quelque part, mais lorsque je me concentre sur celui-ci, il disparaît. Il ne serait pas déraisonnable cependant de penser que nous devenions… gênants. Plus organisés, plus nombreux. Une menace à long terme pour qui ne tiendrait pas compte de notre particularité.

Cimériès voyait là quelques parallèles cependant. Des points communs avec le renouveau vécu depuis le Sanguinaire avait ramené les Revenants. Il pèse un instant la question, comme s’il souhaitait prendre le temps de la creuser lui-même au préalable. D’en formuler les termes en son esprit avant de les changer en mots sonnants, partagés à la Vasto Lorde.

- Au final, cela ne semble plus si exceptionnel à présent. Quatre cités gardées par des meneurs d’exception, que ce soit par leur puissance ou leur capacité à organiser les leurs. Le Ziggurat a repris vie, mais les Palais de l’Hybris et de Las Noches, ainsi que la forêt des Menos ont eu aussi vu naître leur communauté. Dont les projets semblent très différents, mais néanmoins capables de se rassembler sur un plan plus important encore. Une coalition entre ces quatre forces… Lorsque l’on se permet d’y réfléchir, n’est-ce pas à la fois prodigieux qu’une telle organisation ait pu voir le jour, et inquiétant de penser à ce que les Shinigami mettront en place lorsqu’ils se rendront compte de la menace que nous représentons une fois unis ?

En vérité, maintenant qu’il y pensait, il se demandait comment cela était possible qu’ils n’aient pas connus encore une nouvelle invasion. Était-il possible que la Soul Society ne soit pas au courant de ce qui se tramait au Hueco Mundo ? Ou qu’elle ne soit tout bonnement pas capable d’y faire quoi que ce soit ? S’il doutait que le rapport de force se soit totalement inversé malgré la guerre contre les Datenshi, peut-être avaient-ils déjà trop perdu tout de même pour tenter de venir plier l’ennemi sur son propre terrain. D’autres avaient sans doute eu cette réflexion avant lui, et donc dû commencer à se préparer en conséquence. Rassembler plus de forces vives. Les organiser plus encore. Créant plus d’inquiétudes, et donc augmenter le potentiel d’une bataille prodigieuse pour endiguer ce flot avant qu’il ne devienne complètement ingérable.

- Je crois qu’à l’avenir, nous ne manquerons pas d’occasion de voir de prodigieux rassemblements. Pour le meilleur et le pire, certainement...

De sombres pensées, mais qui ne pouvaient que faire écho au cheminement de pensée qu’il venait de réaliser, l’y menant tout droit.

Elle l'avait précisé : se regrouper n'était à son sens pas une excellente façon de se préserver. S'il y avait l'effet de masse qui pouvait effrayer, il ne fallait pas exclure une autre composante de la vie en communauté : le fait que des conflits puissent exister entre membre du même groupe. C'était aussi l'une des raisons qui faisait qu'elle n'aimait pas la compagnie des autres. S'adapter, faire des concessions, autant de chose qu'elle n'appréciait guère.

Pour ce qui était de la menace potentielle vis à vis des Shinigamis, elle ne voyait pas les choses de la même manière. Certes, il apparaissait comme contre nature pour des Hollow de se regrouper de la sorte et de créer ainsi une communauté soudée. Seulement dans ce domaine précis, le Hueco Mundo manquait encore d'expérience. Pour la plupart, il était difficile de rester ainsi en groupe. Si leurs ennemis de toujours étaient malins, ils n'auraient alors qu'à attendre que les Hollow et les Arrancars s'entretuent.

- Je ne sais pas. S'il est vrai que ces grands clans peuvent désormais représenter un danger pour eux, ils doivent aussi se douter qu'il est difficile pour les nôtres de vivre de la sorte. Nous le voyons au quotidien. La paix n'est qu'une façade et de grandes tensions existent entre nos clans. Chacun a son avis, son idée. Ses motivations. Ces shinigamis n'ont finalement qu'à attendre. On fera le travail nous même.

C'était sans doute une vision très sombre mais la Destructrice le savait pour le voir chaque jour. Elle même n'était d'ailleurs pas innocente sur ce sujet puisqu'elle n'aspirait finalement qu'à une chose : voir les Arrancars mourir. Cette engeance ne méritait pas de fouler le sable de son monde.

- Nos ennemis sont habitués à combattre ensemble. Ce qui n'est pas forcément notre cas.

Elle se mit à rire alors qu'elle écartait à l'aide de ses tentacules certains des obstacles qui se dressaient face à elle. Combattre à plusieurs était difficile même pour elle. Et si elle pouvait le faire avec certain, comme Hetna notamment, elle préférait largement chasser en solitaire. Alors comment réagirait-elle si d'aventure elle devait s'associer à un Arrancar ? La réponse lui paraissait trop évidente pour en parler ici. Après tout, elle n'appartenait pas à l'Espada, elle. Et n'éprouvait aucune affection pour ceux qui constituaient cette unité.

- Tu dois te dire que j'ai une vision bien noire de notre "armée". Je n'ai pas pour habitude de prêter l'oreille à ceux de ta race mais tu me sembles si différent... J'espère que c'est toi qui a raison. Je suis même curieuse de voir ce que donnerait un vrai rassemblement entre nos différentes factions.

Elle ferma les yeux un instant, cherchant à visualiser une telle chose dans son esprit.

- Voilà une vision bien pessimiste de la chose. Et pourtant nous voilà, des millénaires plus tard, et ni nos congénères ni les Shinigami n’ont pu nous réduire à néant.

C’était sans doute pas passé trop loin à certains moments. Et le concernant, il fallait avouer qu’il était assez mal placé pour tenir ce discours alors qu’il avait d’ores et déjà été anéanti, ainsi que toute sa communauté sans doute. Le Ziggurat avait été retrouvé sous le sable, comme si toute l’activité qui y régnait s’était subitement arrêtée au moment même de sa propre mort. Mais il doutait que ce soit là un acte d’auto-destruction en vérité. Plus encore lorsqu’il s’agissait des Arrancar de la Lune, les plus à même de vivre en communauté en bonne intelligence.

- Mais il nous est en effet plus difficile de nous entendre. Et utopiste de croire qu’une cohésion pourrait nous rassembler en une seule armée. Quatre bataillons désordonnés, par contre, dans le but de détruire un ennemi commun...

Il avait dû résister à un sentiment de malaise qui l’avait assailli, lorsqu’elle avait rit. Comme l’impression que jusqu’à son corps n’était pas fait pour cela. Il chasse cette pensée en secouant légèrement la tête. Peu à peu, le chemin l’emmenait vers de plus étroits boyaux, qu’il empruntait sans trop se poser de questions.

- En vérité, je préférerais peut-être ne pas avoir à y assister. Cela voudrait dire que nous n’en avons pas eu le besoin. Ce serait plutôt positif. Mais cela aussi, j’y crois peu. Au moins certains des nôtres se feraient une joie de participer à ce genre de bataille. Certains même car à la bataille se succède le banquet...

Se retournant pour jauger sa possible réaction, il se rend compte du souci de taille qui risque de s’appliquer à propos du chemin qu’il empruntait. Pour une taille d’homme, cela devenait étroit même s’il pouvait toujours marcher debout et droit. Mais lorsque l’on avait un corps comme celui-ci… à moins qu’elle dispose d’une astuce ou d’une capacité particulière lui permettant de réduire drastiquement la place qu’elle prenait, cela allait être difficile de poursuivre.

- Ah. Il semble que notre discussion en arrive à sa conclusion. Les différents chemins empruntés peuvent mener à de nouvelles rencontres autant qu’à des séparations, désirées ou non. Peut-être nous reverrons-nous un jour lors d’une prodigieuse bataille ? Qui sait, qui sait...

Et d’un hochement de tête, effectua quelques pas, toujours tourné vers elle, avant de se retourner et de s’enfoncer dans l’obscurité...

Quatre bataillons qui n'hésiteraient pas un seul instant à se retourner sur les autres si les intérêts allaient dans ce sens. Certes, Riful avait une vision pessimiste de ce monde et de ces Arrancars, mais jusque là elle avait toujours eu raison de se méfier d'eux. Pour sa part, elle appartenait à l'un de ces groupes seulement pour la sécurité que cela procurait. Une sécurité toute relative, certes, mais il était important de mettre toutes les cartes de son côté.

Cimériès parlait bien et elle appréciait cela. Les Arrancars de la Lune n'étaient peut-être pas tous ainsi mais il avait au moins eu le mérite d'améliorer une partie de l'image qu'elle avait d'eux. Cela ne changeait pas la haine qu'elle portait aux Arrancars pour autant. Mais lui était réellement différent.

Quant à l'idée que le banquet puisse succéder à une grande bataille, elle préférait ne pas rebondir. Il était évident que nombres de créatures de ce monde prendraient plaisir à partir à la guerre contre les ennemis du Hueco Mundo. Quant à elle ? Elle ne savait pas encore. Prêter sa force ne serait pas fait à la légère et seulement si sa propre vie était en danger.

Elle observa le chemin face à eux. Ses capacités lui permettaient de réduire sa taille, de se rendre plus "normale", mais ici elle n'en éprouvait ni l'envie, ni le besoin. Si elle avait apprécié l'échange, le moment était toutefois venu pour elle se reprendre sa propre route, de le laisser aller là où ses propres aspirations l'emportaient.

- Qui sait, en effet.

Elle ne répondit rien d'autres alors qu'elle l'observait s'enfoncer dans les ténèbres, un sourire aux lèvres. Se demandant finalement une seule chose... Quel goût avait-il ?

Fin du rp