Possible renfort demandé !

Le poste d’enquêteur, il n’était pas si facile à gérer au quotidien. Entre les rapports, les questions, les investigations, Tetsu devait admettre qu’il y avait des jours plus difficiles que d’autres. Aujourd’hui par exemple. Pourtant on était que le matin… Mais au regard de la mission qui était la sienne, le jeune homme savait qu’il risquait d’en baver. Faut dire qu’il tenait entre les mains un petit document particulier. Le genre de documents qui, dans les grandes lignes, demandait la coopération d’une autre division pour les soins d’une enquête particulière.

Ici, il s’agissait d’un trafic de Zanpakutō qui avait été démantelé avant même que les sabres soient vendus au Rukongai notamment. Une arrestation dans les règles de l’art qui avait valu à l’équipe les félicitations de certains hauts sièges. Mais voilà qu’il fallait boucler le dossier et qu’un des cerveaux de ce gang était parvenu à faire profil bas, échappant ainsi aux griffes de la justice. L’idée avait alors été avancé d’interroger les prisonniers concernés.

Seulement, ils étaient désormais entre les mains de la Seconde division. Par ailleurs, le doute subsistait encore quant aux moyens dont disposait ce prétendu cerveau pour se défendre. Agir seul étant exclu, et les membres de la Seconde division étant entraînés à réagir dans ce genre de situation, les conclusions et la logique avaient poussées Tetsu à se diriger vers les quartiers de la Seconde division.

En se présentant comme un enquêteur de la 9e Division, Dixième Siège de son état, Tetsu avait demandé la possibilité de voir le Capitaine. Ou alors un haut responsable afin de formuler sa requête mais aussi de prendre conseil auprès de véritables professionnels. L’occasion aussi pour lui de continuer d’apprendre, même s’il était shinigami depuis plusieurs années. A qui aurait-il affaire ? Il verrait bien. Son regard se portait de nouveau vers le rapport qui l’avait conduit ici, prononçant quelques mots pour lui-même :

- Une de nos règles d’or : que ferais-je si j’étais à sa place… Hum. Qui est-ce que je contacterai ? Si je devais fuir, sous quel délai faudrait-il que je m’exécute ? Oui. Oui bien sûr. Je vais le noter.

il venait de sortir un petit calepin personnel, son œuvre à lui, notant les remarques qu’il estimait judicieuse. Des bruits de pas. Enfin. Levant la tête vers la source du bruit, il prit le temps de réajuster ses lunettes sur son nez, ces fichues montures qui n'en faisaient qu'à sa tête en dépit des réparations fréquentes qu'elles avaient subies.

Comme d’accoutumée, la paperasse s’entassait et ce ne serait pas le capitaine de la deuxième division qui irait arranger ça, tout accaparé qu’il était à s’engouffrer dans les affaires qui exigeaient des interventions plus musclées que diplomates. Pourtant, certaines missions demandaient un peu plus de subtilité pour que s’écoule la tranquillité dans les rues du Rukongai. Autrement, l’agitation pouvait voir naître des inondations propres à menacer la stabilité de la Soul Society dont le Seireitei était le garant.

Sans doute était-ce en partie pour cette raison que le capitaine Igarashi Sora m’avait désignée au grade de vice capitaine. La violence, je trouvais suffisamment d’éléments compétents à cette fin pour la déléguer sans craindre le travail non accompli. En revanche, je peinais davantage à mobiliser du personnel à ce que mon supérieur se plaisait à considérer comme des matières « emmerdantes ». Dernièrement, des trafiquants de Zanpakutoh avaient été appréhendés et gardés enfermés dans nos quartiers. De prime abord, nul d’entre eux ne figuraient parmi les cadres de ce réseau dangereux jetant une insulte impardonnable sur les propriétaires défunts de ces sabres.

À la vérité, je n’avais pas encore eu le temps de m’enquérir de tous les détails de l’affaire. Bien d’autres chargeaient mon esprit et me forçaient à m’en remettre à autrui pour éviter qu’un épuisement ne vienne nuire à mes performances. Au regard des responsabilités qui m’incombaient, les conséquences pouvaient bien affecter l’ordre qui demeurait fragile même quelques années après que les meilleurs éléments du Gotei 13 soient tombés pendant cette excursion en dehors de ce monde.

Par manque de personnel, il était commun que les différentes divisions mutualisent leurs ressources afin d’arriver à une dynamique acceptable. Pour cette raison, un membre de la neuvième division viendrait faire la preuve de son potentiel autour d’un interrogatoire. D’une part, on répondait enfin aux demandes que j’avais pu formuler pour traiter les missions. D’autre part, nous donnions à une jeune recrue l’opportunité de révéler des talents dans un exercice ardu qui pouvait bien surpasser les attentes d'usages pour un apprenant.

Ayant été informée de son arrivée, j’achevais de me rendre là où il devait m’attendre. Je lui montrais donc l’apparence d’une femme qui se démarquait par deux petites cornes au front. Cette excentricité de côté, je ne possédais rien de vraiment remarquable si ce n’était mon brassard qui attestait de mon rang au sein de la division. Quelques bracelets et colliers de basse facture, que l’on pouvait parfois trouver chez des habitants des districts modestes, venaient orner mes poignets ainsi que mon décolleté. Souriante, j’étais toujours agréable envers les visiteurs.

– Bonjour, je suis Naoki Shiori, Vice-Capitaine de la deuxième division. J’ai été informée qu’une personne allait être envoyée en soutien pour tenir un interrogatoire autour d’un réseau de trafiquants. Pouvez-vous me confirmer que vous êtes bien ici pour cette raison et auquel cas vous présenter plus avant ?

Une œillade sur son calepin, je notais avec un amusement contenu que ce jeune homme devait être bien consciencieux. Le signe d’une personnalité motivée à bien faire les choses, ce qui n’était pas sans m’envoyer de premiers bons signaux. Et puis, il y avait ces lunettes délabrées qui contrastaient un peu avec ce semblant de perfectionnisme. Était-il de ceux à délaisser leur confort personnel à la faveur d’une obsession ?

Une femme fit alors son apparition, prenant rapidement la parole pour s'annoncer. Attentif, Tetsu l'observait avec attention. Elle était simple, souriante et possédait une petite particularité - des cornes sur le front - qui réhaussait le charme qui se dégageait de la jeune femme. Ainsi donc ce serait à la Vice-Capitaine qu'il aurait à parler. Très bien, parfait même. Il s'inclina devant elle pour la saluer. Son poste était l'un des plus importants du Gotei 13 et Tetsu connaissait les rumeurs et la réputation que l'on prêtait à ces Lieutenants de l'ombre. Surtout qu'ici, il n'était pas dans n'importe laquelle des divisions. La Seconde. Ceux qui opéraient dans l'ombre. Ceux qui s'occupaient des cas les plus graves. Une sorte de police secrète.

Alors qu'il se redressait, remettant une fois encore ses lunettes en place, il rangea son calepin mais pour sortir un autre papier cette fois. Plus officiel, il s'agissait clairement de son ordre de mission. Son identité était indiqué dessus ainsi que des prérogatives auxquelles il pouvait prétendre. Car en ce lieu, il n'était qu'un invité, qu'importe son statut d'enquêteur. Il s'approcha et tandis le papier vers le Lieutenant, attendant qu'elle le prenne avant de reculer de quelques pas et de reprendre la parole.

- Bonjour Vice-capitaine. Je suis Furihata Tetsu, dixième siège de la 9e Division et l'enquêteur attaché au dossier n°C-236. Je vous confirme être ici pour l'interrogatoire des prisonniers mentionnés sur l'ordre de mission que vous avez entre les mains.

Il avait prononcé ces premières paroles d'un air presque martial, se voulant professionnel devant la jeune femme face à lui. Hors de question de jeter l'opprobre sur ceux de la 9e avec un comportement inadéquat. Cette mission n'était évidemment pas la plus importante qui soit mais Tetsu prenait chaque mission avec le même sérieux. Car derrière le délit le plus minime pouvait parfois se cacher un réseau plus étendu que prévu, une machination plus complexe. Obnubilé par les complots, il prenait donc toujours le même soin à résoudre ses enquêtes. Il se reprit toutefois légèrement, un petit sourire aux lèvres. Il n'était pas question ici de paraître pour un fou de travail, même si c'était important pour lui.

- C'est vraiment un honneur pour moi de travailler avec vous, Naoki-Fukutaishô. Ce n'est pas ma première enquête mais jusque là, je n'avais jamais eu l'occasion de travailler conjointement avec votre division. Je suis assez impressionné, pour être franc.

Et surtout, dans un coin de sa tête, une certaine ritournelle ne cessait sa danse. On était dans l'antre des secrets ici. Qui d'autres qu'eux pouvaient avoir des informations sur tel ou tel shinigamis ? Les rumeurs étaient nombreuses concernant ces hommes et ces femmes de l'ombre. Peut-être même que certains étaient des tueurs, envoyés pour liquider ceux qui ne correspondaient pas aux valeurs du Gotei 13 ?

Mais Tetsu savait que ce n'était certainement pas le moment de partir dans ses délires de conspiration. Ici, maintenant, la priorité revenait à sa mission. Et peut-être même qu'il pourrait apprendre des méthodes de Shiori ? Car avec l'expérience, s'il avait appris une chose, c'est qu'on pouvait cacher n'importe quoi derrière un sourire. Si la jeune femme paraissait agréable et aimable, elle n'en était pas moins la Vice Capitaine. Oui, il en était convaincu. Il apprendrait à ses côtés.

- Concernant notre mission, nous supposons que celui qui est à la tête du projet va tenter de faire profil bas pour échapper à la justice. La saisie a été importante et nous doutons qu'il puisse disposer d'un nouveau stock si facilement. Toutefois, il est important de lui mettre la main dessus et nous avons supposé que ceux qui appartiennent à son équipe pourraient nous parler. Nous donner sa planque, dans le meilleur des cas. Seulement il faut parvenir à les faire parler... Et je dois dire que je ne vois pas comment. Après tout, ils sont déjà en cellule et ils savent que nous ne les relâcherons pas. Il faut un moyen de pression, j'imagine. Je comptais donc sur votre aide à ce sujet.

Il se grattait la tête, l'air pensif. Il est vrai qu'il était dans une impasse. Il avait déjà dirigé des interrogatoires mais la pression de la prison aidait beaucoup à délier les langues. Ici, le sujet n'était pas anodin et ils avaient été emprisonnés au sein de la deuxième division. Ce n'était pas un centre de loisir.

En même temps que je lisais ses documents, je l’écoutais confirmer les informations présupposées pour justifier sa venue dans nos quartiers. Ses mots coïncidaient avec le contenu de cet ordre de mission, de quoi me rassurer sur le caractère officiel de cette démarche. Après tout, il ne fallait pas que suite à une négligence dans le protocole, une bévue ne vienne entacher la réputation de la deuxième division. Visiblement, ce jeune Tetsu possédait suffisamment de maturité pour conforter la bonne image de son corps d’armée.

La situation ne prêtait à rien d’autre. Et si cela semblait évident aux gradés, force était de constater que ce bon sens d’étiquette faisait souvent défaut aux recrues trop ignorantes de l’absolue nécessité à se conformer au mouvement naturel des règlements. Trop souvent, avant que je n’arrive à ces responsabilités, je vis des camarades se fermer des voies à mépriser des conventions à l’apparence artificielles. Seulement, le Gotei 13 ne pouvait décemment pas se permettre d’essuyer son temps précieux dans des querelles immatures que le simple respect de la bienséance pouvait étouffer.

Il fallait pouvoir échanger efficacement au mépris des différences. Ainsi seulement, les rouages pouvaient s’agencer fluidement au bénéfice de résultats tangibles. Avec ce jeune homme, je ne perdrais pas de temps. Ce pourquoi je rendrais à ses compliments d’usage une réponse d’une semblable courtoisie.

– Je vous remercie, Furihata-san. Nos hommes s’efforcent de donner le meilleur d’eux-mêmes pour mériter cette réputation. Et je ne doute pas que vous investirez la même énergie afin de servir celle de la neuvième division.

Sobre dans mes réponses, je soulignais par cette retenue l’importance que je prêtais à son renfort. Et puis, il y avait aussi que je préférais faire parler plutôt que d’étouffer les mots que l’on pouvait me porter. Une attitude qui pouvait susciter de la méfiance si je n’avais pas cultivé cette bienveillance devenue naturelle sur mes traits. Attentive, j’accueillais patiemment ses réflexions et m’emportait d’un pareil cheminement en vue de lever les verrous qui pouvaient l’empêcher de mener à bien sa mission. Après un moment, je l’informais d’éléments qui l’aideraient à définir plus sereinement une juste stratégie.

– Vous savez, nos méthodes diffèrent quelques peu des vôtres. Les hommes que nous tenons enfermés dans nos quartiers ignorent les motifs de leur arrestation qui, vous vous en doutez, s’est réalisée avec la plus grande discrétion. Chacun pense être l’unique incarcéré. Nous les tenons isolés dans des pièces séparées desquelles n’entrent ni son, ni lumière. Ainsi, nous observons quels individus seraient les plus susceptibles de craquer sous la pression. Vous aurez le loisir de choisir votre interlocuteur suivant ce que viendra vous murmurer votre instinct. Un dossier vous sera adressé à propos des informations réunies sur chacun. J’affecterai l’un de mes subordonnés à votre service. Je reviendrai à vous lorsque vous serez arrivé au terme de votre mission en vue de discuter de vos résultats et des observations que je pourrais confier à vos supérieurs.

Je ne donnais pas de réponse toute construite. À la vérité, rien ne pouvait se décider à moins de se confronter directement à l’exercice par quoi s’éprouvait la chance, l’intuition et la persuasion. Consciente de cela, je lui donnais simplement les outils nécessaires à la concrétisation de ses méthodes. Bien entendu, le contrat qui m’avait liée à la neuvième division exigeait que j’adresse quelques conseils utiles à la bonne formation de leur recrue.

– Plus court sera l’interrogatoire, plus grandes seront les chances que leur disparition momentanée passe inaperçu. De même, à nos yeux, ils pourraient bien n’être que des témoins innocents de trafics dangereux.

Il pouvait être étonnant qu’une personne arrivée à ma position soit davantage familière des approches plus douces et psychologiques. Pour autant, si je ne m’étendais pas particulièrement sur mon avis, c’est bien que je considérais qu’il pouvait exister d’autres chemins vers l’accomplissement des objectifs soit : obtenir des informations stratégiques sur les cadres impactants de cette organisation qui pouvait bien engendrer encore beaucoup de mal si on la laissait retourner sous terre dans l’attente d’un angle mort au sein de notre réseau de surveillance.

– Est-il quelque chose que vous aimeriez porter à mon attention avant que nous nous séparions ?

Vague dans ma question, je prêtais le champs à un vaste horizon de possibles pour que ce jeune homme puisse accomplir ses devoirs dans les meilleures conditions. Quel intérêt de bâcler cette étape si c’était pour devoir repasser derrière ? Forte de cette logique, je pouvais bien faire patienter les officiers qui attendaient eux-mêmes d’êtres missionnés.

Spoiler:

Alors qu'elle expliquait les méthodologies de la Seconde division concernant les arrestations et les conditions d'enfermement, Tetsu écoutait avec attention. Il est vrai que la différence entre leur deux services était énorme à ce sujet. Isolés, les prisonniers étaient dès lors soumis à un stress important pour les briser psychologiquement. ce n'était pas ainsi que la Vice-capitaine avait amené la chose mais c'était ainsi que le dixième siège interprétait les faits. Et le plus impressionnant pour lui, c'était qu'elle l'expliquait sans montrer le moindre signe de remords ou d'une hésitation quelconque. Il se souvint alors des prérogatives de la Seconde. Et en eut un frisson.

En tout cas cela semblait pouvoir porter ses fruits et pour le Furihata, seule comptait aujourd'hui la réussite de sa mission. Obtenir des informations sur le chef, c'était s'assurer que ce dernier n'irait pas recommencer son manège ailleurs. Et c'était précisément pour cette raison qu'il avait veillé à demander l'autorisation de sa propre capitaine pour poursuivre plus en avant les interrogatoires.

La logique de Shiori se tenait d'ailleurs. Même s'il ne partageait pas le fait qu'il puisse s'agir de simples témoins. L'enquête avait été minutieuse et les informations récoltées avant l'opération n'avaient pas laissées place au doute logiquement. En tout cas ses conseils lui paraissaient justes et il semblait disposé à se lancer dans l'aventure.

- Rien de plus que ce que nous avons déjà vu ensemble. Je vais donc suivre vos consignes et me laisser porter par mon instinct. Je vous remercie d'ailleurs pour ces clés que vous venez de me fournir. Je dois dire que je ne voyais pas forcément les choses sous cet angle, vous écouter rend bien plus humble.

Il réajustait ses lunettes. Elle lui avait dit qu'un de ses subordonnés prendrait le relais, ce fut chose faite. La remerciant, il suivit alors l'homme dépêché pour l'accompagner, analysant dans le même temps les dossiers fournis sur les prisonniers. Son choix s'arrêtait rapidement sur l'un d'eux. L'un des plus jeunes. Qui avait aussi un des plus faciles à repérer au cours de l'enquête. La Vice capitaine lui avait donné des clés mais c'était désormais à lui de s'assurer la bonne compréhension de tout ceci. Il était temps d'y aller.

En face à face, Tetsu laissa alors son instinct prendre le relais. Ce qu'ils se dirent ? Nul ne le sut. L'interrogatoire ne fut pas si loin que cela, sans doute grâce aux conditions particulières d'emprisonnement de l'homme concerné. Son moral avait été impacté. Et le dixième siège était parvenu à trouver le levier. Quoi qu'il en soit, alors que le Furihata ressortait de la pièce, sa propre tension s'envola. On allait le ramener désormais auprès de Shiori comme ils en avaient convenus au préalable.

Sur le trajet, Tetsu avait repris son habitude, sortant son calepin afin d'y noter le résultat de son interrogatoire. Mais pas seulement. Les conseils entendus et la façon de faire de la Seconde division... Autant de chose qui méritait d'être consignées. Levant les yeux vers la jeune femme, il reprit avec un sourire :

- Nous y sommes parvenus. Vos conseils ont portés leurs fruits, Naoki-Fukutaishô. Nous avons là de quoi retrouver l'homme que nous cherchons.

Il tapotait le manuscrit. Il avait donné à l'accompagnateur certaines des informations dont eux auraient besoin, même s'il avait toutefois une requête à formuler. Il se souvenait de la remontrance de sa propre Capitaine et préférait ne pas se prendre de nouveaux sermons.

- Grâce à ça, mon unité va pouvoir remonter sa piste. J'aurai néanmoins une requête. S'agissant de mon affaire au départ, j'aimerai avoir la chance de pouvoir la boucler personnellement, si cela n'est pas trop demandé. J'aurai aussi une question. Plus personnelle. Mais je comprendrai que vous refusiez d'y répondre.

Apprendre des autres. Apprendre de soi même également. Tetsu voulait comprendre, tout simplement.

- Vous disposez visiblement de grandes connaissances dans l'art de soutirer les informations à vos prisonniers. Comment faites-vous ? Comment avez-vous appris ? Ce ne sont pas là des talents que l'on apprends dans un livre. Je cherche à m'améliorer, vous comprenez. Et je constate que la réputation de votre division n'est en rien usurpée. J'aimerai apprendre.

Peut-être était-ce trop demander, il en avait conscience, mais qui ne tente rien n'a rien. Sa propre philosophie.

L’affaire était d’évidence entendue. D’un signe de tête, je saluais mon interlocuteur qui s’engageait dans son exercice, sans relever particulièrement le compliment qu’il m’adressait. Si je le faisais, je l’encourageais à cette pratique. Or, je connaissais bien les travers d’une rhétorique fertile à l’acquisition d’informations qui sortaient du cadre établi par nos responsabilités. En cela, je reconnaissais à Tetsu de bonnes qualités d’enquêteur et me faisais peu de soucis quant à ses capacités de mener sa mission à bien.

Tandis que je retournais à mes occupations, je cédais la place à un subordonné que j’avais repéré pour son caractère discret ainsi que son sens de l’observation affûté. Charge à lui d’identifier le visible et ce que le non-dit pouvait suggérer de la machinerie invisible que le shinigami de la neuvième division allait mobiliser pour parvenir à ses fins.

En attendant, plusieurs ordres de mission attendaient d’être réalisés. Le jeune Furihata Tetsu n’était qu’un agent parmi tant d’autres suivant cette logique et la scène que je lui avais joué se répétait avec toutes les variations entraînées par la pluralité des problématiques ainsi que des personnalités. Les conversations s’apparentaient toutes à des cours d’eau dont le débit demandait d’être maîtrisé par des niveaux d’investissement variables pour la finalité d’embouchures que je voulais les plus tranquilles. Ainsi, l’agitation dans les couloirs de la deuxième division se dissipait pour donner l’illusion d’un cadre paisible que nul tourment ne serait en mesure de brusquer.

Dans ma tête, je rangeais chacune des conversations et organisait mon temps suivant ce que j’estimais de délai pour que chaque tâche soit portée à son terme. Aussi, après un moment, je retournais là où devait m’attendre le jeune enquêteur en herbe dont l’attitude prêtait à la réussite. Une bonne nouvelle, car ainsi, j’allégeais la charge mentale qui pouvait très facilement dévorer mon énergie en fin de journée. L’homme que j’avais missionné pour l’accompagner avait récupéré le rapport de Tetsu. D’un signe de tête, je le congédiais. J’aurai à récupérer ses observations après que se termine mon échange avec celui qui s’en était retrouvé à diriger les interrogatoires.

Souriante, je le laissais formuler une requête qui méritait bien mon attention pour les résultats qu’il me retournait. Autrement, cela revenait à mépriser ses efforts et le décourager dans ses épreuves futures. Si je lui permettais de prendre en charge le reste de l’opération ?

– Je n’y vois pas d’inconvénients. Les résultats parlent d’eux-mêmes et je suis confiante sur la qualité de votre jugement. Si vous pensez en être capable, alors soit. Je tiens cependant à recevoir les rapports attestant de la bonne conduite des opérations.

Quant aux questions qui suivaient, je me réjouissais d’intérioriser toujours les émotions qui pouvaient me traverser. Car ici, Tetsu abordait un sujet inconfortable. Chaque membre de la deuxième division avait suivi un parcours qu’aucun qualifierait d’élogieux, mais à la source des compétences faisant la crainte des autres corps d’armée du Gotei 13 ainsi que des habitants du Rukongai. Le moment de silence que je posais avant de répondre se suffisait à lui-même pour que mon interlocuteur comprenne que ses questions sortaient du cadre conventionnel que nos rapports respectifs permettaient normalement.

– Vous avez raison, cela ne s’apprend pas dans un livre. Autrement, le Gotei 13 n’aurait besoin que du Kyūbantai.

Je soulignais ainsi l’informel de nos méthodes et rappelais un point dont il ne pouvait plus posséder de doute après s’être intégré fugacement dans l’esprit du Nibantai. Notre philosophie se voulait ne donner de valeur qu’aux résultats, peu importe les moyens employés à cette fin. À ce titre, nous ne possédions pas de fierté si ce n’était celui du devoir accompli.

– Il est des limites aux apprentissages que je peux consentir à vous adresser si leur finalité ne vous mène pas dans nos rangs. Ceci dit, ce que je puis vous confier de nos méthodes, c’est que nous ne serions pas capables d’accomplir nos prérogatives si d’aventure nous étions incapables de nous effacer. Il faut se tuer soi-même pour incarner l’Anémone Pulsatille. Moi-même, je suis passée par là.

Bien entendu, je ne parlais pas au premier degré. Encore que, je pouvais parfois m’emporter d’arrières pensées faisant que les inconnus peinaient parfois à suivre le cours de mes pensées. Enfin, toujours est-il qu’en l’état, je préférais reporter l’attention sur celui qui s’était trouvé à mettre à l’épreuve ses compétences.

– À votre tour, consentiriez-vous à me partager votre regard ? Comment êtes vous parvenu à ces résultats ? Que pensez-vous avoir appris ? Quel jugement portez-vous sur l’homme que vous avez interrogé et ceux que vous allez arrêter ?

Ces questions, j’allais en trouver un écho plus extérieur dans ce que le subordonné précédent trouverait à me partager des méthodes de Tetsu. Ainsi, je retirerai de lui son recul sur ses décisions ainsi que la description impartiale de ses performances.

Il n'y avait rien d'anomal à la requête du Lieutenant de la Seconde division. Avoir le rapport permettrait de finaliser le dossier pour eux comme pour la Neuvième. Et surtout, permettre à Tetsu de continuer plus en avant permettait de respecter les ordres qu'il avait reçu pour finaliser l'enquête. Sa capitaine avait été limpide quant aux risques qu'il encourait en cas d'échec.

Ce fut sans doute à ce moment précis qu'il comprit toute l'étendue de la pression qui pesait sur ses épaules. Comme si un déclic venait de se faire. Il comprenait mieux déjà les relations complexes qui existaient entre les différentes division. Mieux, il savait désormais qu'il était préférable de se montrer prudent lorsqu'il s'agissait de travailler en collaboration. Si tout ce petit monde travaillait pour le Gotei, chaque division possédait sa propre personnalité. Ses propres ambitions. Comme un individu lambda.

Oui, cette opération venait de lever un voile dans l'esprit du Furihata. Les rouages de la compréhension s'activaient dans son esprit. Un instant, il baissait les yeux, afin de ne pas montrer qu'il les fermait. Comme pour se recentrer. L'instant ne dura qu'une seconde ou deux, tout au plus, et c'est à nouveau concentré qu'il prêtait l'oreille au reste de la discussion.

- Je comprends et vous avez raison. Il était idiot de ma part de vous poser une telle question.

Il est vrai qu'il aurait été étonnant d'obtenir gain de cause. Tout aussi vrai que de tels secrets ne devaient pas tomber entre n'importes quelles mains. La Seconde division était précieuse. Mais pas plus que la Neuvième, Tetsu s'en persuadait.

- Je le peux, oui.

Il ressortait son carnet de note personnel. Pas pour se souvenir de ce qui s'était passé quelques instants auparavant bien sûr. Mais il était ainsi, à consigner ce qu'il pouvait consigner. Il avait appris des choses. Mais ce n'était pas tant la teneur de la discussion que les émotions sur le moment qui semblaient intéresser la Vice Capitaine.

- Pour obtenir des informations, il me fallait trouver la personne idéale. L'un d'eux est plus jeune que les autres. Plus influençable, ai-je pensé. Soumis aux bons soins de votre division, je me suis dit qu'il avait certainement le moral impacté, peut-être alors qu'il serait plus facile à faire parler. En regardant le dossier, je me suis aperçu qu'il y avait une information que je pourrais utiliser pour obtenir un résultat.

Il se tût un instant. Pas pour faire durer le suspens. Seulement il avait encore un peu de mal à accepter ce qu'il avait du faire. Il savait que c'était important... Néanmoins, cela restait dur à avaler.

- Ce jeune homme. Nous savons qu'il a une famille. Et notamment une mère, chez qui il vit encore et dont il est très proche. Nous avons enquêté sur de nombreux membres avant de lancer l'opération. Nous savions donc de source sûre que sa mère n'a rien à voir dans cette affaire. Cependant... Je... Je lui ai dit que s'il ne parlait pas, nous ferions en sorte d'accuser sa mère du même crime que lui et qu'elle viendrait prendre sa place. Je lui ai dit que nous lui dirions que c'est lui qui l'a accusé indirectement. Qu'elle a abrité pendant un moment des armes et qu'elle a hébergé ce groupe. Et que vu son âge, il paraissait évident qu'elle ne parviendrait pas à supporter le quart de ce que lui allait subir. Que s'il ne parlait pas pour lui, qu'il le fasse pour celle qui l'a élevé. Que le nom et la localisation d'un homme valait moins que la vie de cette femme.

Influençable, le jeune homme avait eu peur. Pas seulement que sa mère soit arrêtée. Mais aussi et surtout peur qu'elle pense que lui, son unique fils, puisse être à l'origine de son arrestation. La peur, mêlée à la fatigue, elles avaient obscurcies son jugement. Sans doute que plus reposé, il aurait pu dire que ce n'était que du bluff, voire que sa mère n'aurait jamais cru pareille histoire. Mais ici, il était à la Seconde division. Tout pouvait arriver.

Tetsu avait utilisé l'environnement pour appuyer là où ça faisait mal.

- Je vais être franc. Je ne porte aucun jugement. Ni sur lui, ni sur ceux que nous devons appréhender. Je ne fais qu'appliquer la Justice. Ils ont fautés et sont une source potentielle de risque. Ils doivent être arrêtés. Les motivations de chacun ne doivent pas entrer en ligne de compte dans mon jugement. Comprendre les motivations, c'est utile pour comprendre comment ils pensent. Ou essayer en tout cas. Pour cerner leur personnalité. Mais je ne suis pas apte à juger ces raisons.

Il réajustait ses lunettes qui étaient retombées, rangeant par la même occasion ses notes. Peut-être avait-il été un peu plus touché que prévu par cet étrange interrogatoire. Et par les méthodes qu'il avait employé. L'intimidation, la menace.

Encore que... Etait-ce vraiment une menace si rien n'était dit explicitement ?

- Ce n'était pas un exercice aisé.

Studieux, le nommé Tetsu s’entretenait dans une attitude où il transformait immédiatement ses erreurs en autant de leçons devant lui permettre d’évoluer. À le voir continuer de consigner ces dernières, je me dis qu’il arriverait rapidement à des résultats de nature à contenter ses supérieurs. Je ne connaissais pas très bien sa capitaine, mais elle pouvait s’estimer chanceuse de disposer d’un tel subordonné à son service. Restait à mesurer ce qui pouvait s’échapper du factuel à savoir, la maturité que l’on pouvait jeter devant la réalité du terrain.

Aussi, je l’écoutais me dérouler sa réponse à la fois construite et approfondie. Il avait pris le parti d’identifier le maillon faible de la bande. C’était là un choix naturel, même s’il possédait le défaut de la facilité, soit, une solution qui pouvait bien manquer de potentiel. En effet, les chances pour que ledit garçon ne soit pas le mieux informé étaient grandes. Le raccourci de court terme pouvait donc causer des lacunes à plus long terme. Malgré tout, je n’allais pas lui adresser de mauvais jugement pour la jeunesse de ses expériences. Ce genre de choses, on ne le voyait qu’après s’être aventuré dans d’innombrables interrogatoires.

Quant à sa méthode usitée, je sentis un certain malaise guère vraiment étonnant pour un non initié. Le signe d’une personnalité saine qui appartenait à une autre division. Ainsi, il avait employé la menace envers un proche pour atteindre ses résultats. Une approche souvent fructueuse pour un peu que l’on était capable d’entrer dans le champ de l’injustice. Et pour un membre du Kyubantai, je me doutais que s’engager sur cette voie devait produire de lourds dilemmes moraux, m’expliquant ainsi la culpabilité qui semblait lui peser. S’il s’était attaqué directement au jeune criminel, l’on pouvait être sûr que la témérité de l’âge l’aurait braqué. En effet, en rejoignant une organisation, il fallait bien entendu faire ses preuves. Et dans cette phase d’intégration, le sujet exprimait couramment quelques réflexes destructeurs à la source d’un esprit de camaraderie qui recouvrait le visage du sacrifice de soi.

En d’autres termes, la jeunesse exacerbait la sensibilité que l’on attachait au regard d’autrui. Et suggérer de faire peser celui de sa mère sur ses actes était particulièrement intelligent. Bien sûr, j’ignorais encore quel avait pu être le ton de son intimidation. De cela, j’en serai rapidement informée avec les retours du soldat que je lui avais confié.

En attendant, nous arrivions enfin à la conclusion qui m’intéressait le plus. Qu’est-ce que cette expérience lui avait inspiré ? Et sa réponse, pour un peu, était digne d’un membre du Nibantai. Si bien que je me demandais s’il ne cherchait pas à me dire ce que je souhaitais entendre. Même ainsi, ce serait le signe d’une bonne faculté à cacher son jeu pour ne pas produire de perturbations extérieures qui pouvaient nuire à ses résultats. Sur un point, je le croyais les yeux fermés : il souhaitait comprendre, avant tout. Expliquer, plutôt que justifier ou condamner. C’était là ce que je désirais discerner plus que toute autre chose.

– Rien n’est aisé ni agréable à celui qui ne se préoccupe que des résultats. C’est là l’esprit que je m’efforce de transmettre tous les jours à mes subordonnés et vous l’incarnez avec grand sérieux. Charge à moi de transmettre à votre capitaine mes observations quant à votre exercice. Je vous rassure tout de suite, elles vous seront favorables.

Pour conforter mes mots, je lui adressais un sourire satisfait. Une charge mentale venait de m’être enlevée et je lui en étais reconnaissante. Il allait donc de soi que je lui renvoie l’ascenseur par quelques attentions propres à le faire avancer dans sa carrière.

– J’escompte à l’avenir que vous transmettiez au Kyubantai Taichō le souhait du Nibantai d’une juste collaboration entre nos deux divisions. Après tout, je ne considère pas que nous soyons rivales même si les apparences peuvent le suggérer à tort. Nous sommes les deux faces d’une même pièce garante de l’Ordre au sein de la Soul Society. Il en va de notre responsabilité respective de nous entendre sur une organisation à même d’atteindre les résultats acceptables à l’attention du Conseil de Guerre.

D’un signe de tête, je lui signifiais que plus rien ne le retenait dans nos quartiers. Bien sûr, s’il souhaitait me formuler quelconques autres remarques, alors je l’écouterais. Pour autant, je considérais qu’à mon niveau, la messe était dite.

– Je vous remercie pour vos efforts. Ce fut un plaisir de travailler avec vous, Furihata-san.

- Je vous remercie. Le plaisir a été partagé et je ne manquerai pas de remonter votre souhait.

Il saluait la Vice Capitaine, comprenant qu'il n'avait plus à lui faire perdre plus de temps que nécessaire. Il faut dire qu'il lui restait encore une dernière opération à monter avant de mettre un point final à sa mission. Alors qu'il ressortait, un étrange sentiment l'habitait. Il saluait les shinigamis qui passaient devant lui tandis qu'il prenait la direction de la sortie. S'avançant plus loin encore, il attendit d'être assez éloigné pour s'arrêter et se poser sur le côté.

Poussant un long soupir, il réajusta ses lunettes tandis qu'il ressortait son calepin. Les notes du jour seraient primordiales pour plus tard mais là, ce n'était pas ce qu'il cherchait. Une page vierge. Notant la date, il commençait alors à consigner ce qu'il avait pensé de sa rencontre avec la jeune femme. Son sérieux et son abnégation l'avaient soufflés. Mieux, c'était certainement une des premières fois qu'il rencontrait un gradé digne de son intérêt. Il avait été impressionné par cette assurance mais aussi par la patience qu'elle avait montré en lui expliquant les choses.

- Au moins ma Capitaine ne pourra pas me reprocher d'avoir échoué cette fois-ci.

Une réflexion personnelle. Il avait souffert de cette pression mais avait pris la décision de faire avec. Pas de l'ignorer non, car il estimait qu'elle l'avait nourri. Seulement il savait que Nozomi attendait beaucoup de lui sur ce coup là afin de ne pas perdre la face et il estimait, en ayant écouté les propos de la Lieutenant de la Seconde division, que l'honneur de la Neuvième était sauve. Il eut un sourire, presque incontrôlé. Il était temps d'en finir. Mais il avait fais le plus dur, il le savait.

C'est fier de cette remarque qu'il rangeait ses affaires pour reprendre la route. Maintenant, comme on disait dans le milieu, il n'y avait plus qu'à agir.

[RP terminé]