Post Comateux

Le Fukutaisho de la Troisième Division lisait les derniers rapports non encore étudiés. Soudain, il recracha son saké en lisant une note de la Division du Kidōshū... Une des anciennes membres de sa Division était revenue du passé. A la rigueur, cela ne le concernait pas et il aurait pu passer ce dossier sous la pile des informations sans importance. Mais, il retint son geste au moment de le jeter.

Un coma de six ans ?

Il n'avait pas connaissance d'un coma aussi long, surtout pour une âme du Seireitei. Ses mains reprirent les papiers et ses yeux regardèrent son affectation actuelle : Troisième Siège de la Division des Nécromanciens. Intéressant. Fermant les yeux, il se demandait s'il pouvait en profiter pour faire quelques recherches sur l'art nécromantique de sa famille. Trouver le "Brasier des origines" était toujours dans ses idées, quelque part perdu dans ses pensées. Tapotant ses doigts sur son bureau, il hésitait. Les appartements du Capitaine étaient toujours vides, sans nouvelles depuis son propre retour du monde humain.

Bien des planètes avaient changé dans la Soul Society, il n'y avait plus tout à fait les mêmes choses, les mêmes individus. Soupirant lourdement, il se leva et prit la décision de faire une balade jusqu'aux baraquements des Nécromanciens. Il connaissait mal ces gars là mais ils étaient utiles quand il s'agissait des arts occultes. Il ajustait sa tenue et commanda son palanquin pour aller là bas. Il n'avait pas envie de marcher aujourd'hui, privilège de noble et alors ? Il aimait regarder les gens à travers les voiles de son lit.

Le voyage ne prit pas moins d'une petite demi heure. Il sortit de son outil de transport après un baîllement. Les gars du Kidōshū le fixèrent quand il fit signe à son officier de le présenter. Les deux gars se regardèrent et indiquèrent au Vice Capitaine où l'objet de sa présence se trouvait. Après quelques explications, il ordonna à ses hommes et son officier intendant de rester ici jusqu'ç son retour.

Il entrait donc dans l'antre.

Sauf qu'il ne connaissait pas les lieux, il se perdit à plusieurs reprises. Tous les bâtiments avaient été construits par le même architecte pourtant ? Ou alors il était nul pour trouver quelqu'un ? A priori, la seconde option était la plus viable. Il interrogea quelques mages qui passaient par là et arriva enfin aux abords du Troisième Siège de cette Division.

Il frappa doucement sur le bois des portes en papier de riz.

" Sanbantai Fukutaisho, Hinotori Mamoru. Je souhaite rencontrer le Troisième Siège de cette Division, est ce possible ? Je viens ici pour savoir ce que devient notre ancienne membre et m'assurer de sa santé. "

C'était court comme présentation mais il n'avait pas d'autre chose à dire, pour l'instant.

Les retrouvailles avec Yoru avaient été intenses en terme d'émotions. Mais passée cette révélation, c'était avec un réel plaisir qu'elle avait accueilli cette surprise de taille. Pouvoir officier directement sous ses ordres était une chance et elle appréciait déjà le simple fait d'être en vie et de voir son amie libérée de prison. Elle avait écouté ses explications. Avait compris les raisons de cette décision et en félicitait le Gotei.

Et maintenant ? Elle se devait d'être irréprochable pour que Yoru soit fière d'elle. Désormais Troisième siège, elle savait qu'elle avait des responsabilités. Et elle comptait bien tout faire pour que le Kidōshū, sa nouvelle demeure, puisse devenir encore plus central qu'il ne l'était déjà. Seulement il restait une légère ombre au tableau. Ses propres forces.

La jeune femme le savait. Elle avait perdu en puissance depuis son réveil. Et si ses techniques et ses connaissances étaient intactes, il lui manquait quelque chose. Miwa regardait justement ses mais, paumes ouvertes, lorsqu'elle entendit les paroles la concernant. Doucement, elle remit en place ses manches et accueillit l'invité avec un large sourire.

- Je vous en prie, entrez et installez-vous, Hinotori-Fukutaishô.

Déjà elle lui désignait un siège tandis qu'elle s'empressait de le suivre. Si sa force avait en partie disparue, il restait ses anciennes habitudes. L'observation. Et rapidement quelques détails lui apparurent comme évidents de la part de l'homme qui était venu jusqu'à elle. Elle eut un léger pincement au coeur en entendant d'ailleurs la division qu'il représentait. Son ancienne demeure. Là où elle avait vu tant de personnes mourir. Dont ses plus anciennes amies.

- Je suis Hana Miwa. Je vous remercie d'avoir fait le déplacement simplement pour ça. Sachez que je me sens mieux. Il est assez exceptionnel de sortir de ce coma si longtemps après. Et si je dois avouer que je n'ai pas encore tout à fait récupéré l'ensemble de mes réflexes, au moins suis-je heureuse de pouvoir de nouveau m'activer et travailler.

Elle paraissait très souriante. Ses petites lunettes de soleil toujours posée sur le dessus de sa tête lui donnait l'air d'une ingénue. Quant à son regard. Si ses propos paraissaient montrer une femme peu sûre d'elle, ses yeux et sa posture disaient clairement tout le contraire. Elle était forte. En dépit de ce qu'elle avait vécu. Car elle était une survivante.

- Vous pensez que la Troisième division m'en voudra d'avoir accepté une telle proposition, Hinotori-Fukutaishô ? Pour être franche, je ne me voyais pas revenir au sein de mon ancienne division alors que tant des nôtres sont morts au cours des différentes guerres. J'ai eu peur de ne pas reconnaître ces lieux que j'ai tant chérie.

Elle le pensait sincèrement. En d'autre circonstance, sans doute aurait-elle proposé à l'homme de boire quelque chose. Seulement en l'état, elle avait en quelque sorte oublié les manières qu'elle devrait avoir face à un haut gradé comme lui. Maudite tête en l'air.

D'un oeil distrait, le Vice Capitaine observait la pièce. Aménagé avec une certaine élégance, il sentait que la jeune femme avait su se construire un cocon protecteur. Il n'osa pas l'interrompre alors qu'elle parlait. Des éléments, des précisions... Il en avait par quelques réactions de cette dernière et aussi par ses propres paroles.

Un sourire amical aux bords des lèvres.

" Aizome Taichō... et moi même ne jugerons pas le souhait d'une incorporation, ici ou ailleurs. Le principal est que tu te sentes bien et à ta place. Je suis surpris que tu es même repris le travail aussi rapidement. "

Même si cela faisait quelques semaines, personnellement, il aurait eu d'autres priorités. Voyager, retrouver d'anciens amis... Il fallait une certaine abnégation pour avancer sans avoir envie de tout brûler, surtout après un tel drame.

Mamoru était encore de la Seconde Division quand la dernière Grande Guerre avait commencé. Il n'avait pas connu les membres de la Troisième et les rares survivants de cette dernière ne se montraient pas trop pressés de parler de cette période. C'était pourquoi il avait enfoui tout cela dans le passé, espérant ne plus jamais le revoir et... voilà que...

" Rien n'a vraiment changé. On reconstruit ce qu'on a perdu. Tu devrais passé tout de même, d'anciens membres de la Division seraient ravis de te revoir. " Il regarda autour de lui. " Tu aurais du thé à boire, ou du saké ? "

La question était simple. Par une méchante habitude, il aimait être servi. Conscient d'un coup que cela pouvait poser problème...

" Si ca ne te pose pas de problème évidemment ! "

Attendant de voir comment elle allait réagir à cette simple demande, il en profita pour préciser un point sur sa présence sur les lieux.

" Je ne suis pas là uniquement pour ton changement de Division, tu t'en doutes ? "

Passé au temps de mois dans le coma, Mamoru n'avait pas connaissance de tels maux dans la Soul Society. Etait ce le fruit d'une malédiction magique ? Pourquoi l'âme de Miwa avait été perturbé au point de se mettre en sommeil ? Etait ce psychologique ? Bien des questions se posaient et il était sûr que le Kidōshū avait déjà étudier la question. Cependant, il aimait bien avoir ses réponses directement à la source, quand il le pouvait.

- Il m'était nécessaire de reprendre vite. Si l'on voit les choses comme je les vois, ce n'est pas "si tôt" mais plutôt "bien trop tard" que j'ai repris mes fonctions. Six ans d'inactivité, c'est bien loin.

Son professionnalisme était tel qu'elle se considérait simplement comme fautive de ne pas s'être réveillée avant. Une absurdité sans nom, évidemment, mais Miwa prenait très à coeur ses fonctions et ses responsabilités. Et évidemment, elle ne s'épancherait pas plus à ce sujet, gardant pour elle ses sentiments profonds. Elle avait toujours été ainsi. Une oreille. Pas une bouche.

Pour le reste, elle opina simplement de la tête. Il est vrai qu'elle n'aurait pas dit non à revoir d'anciens camarades mais elle craignait que cela ravive la souffrance de tant de disparitions. Pour sa part, elle n'avait pas connu qu'une seule grande guerre. Elle avait aussi participé au conflit contre les Quincy. Si elle était une habituée des combats, notamment en support de par ses compétences, elle n'était jamais vraiment parvenue à accepter les différentes morts parmi les siens.

Alors que le Vice Capitaine parlait de thé ou de Saké, elle ne put réprimer sa remarque. Une habitude qu'elle avait toujours eu, liée à son passée. Dire la vérité vaille que vaille. Essayer de l'envelopper pour ne pas blesser mais souvent, trop d'ailleurs, elle n'y parvenait pas et s'en apercevait trop tard.

- Bah, disons que vous n'êtes pas dans un bar quoi.

Ses yeux s'écarquillèrent. Sa main se plaqua sur sa bouche, et elle s'inclina profondément devant le Vice Capitaine. Avant de se détourner et de fuser comme l'éclair en direction d'un petit meuble dans lequel se trouvait une bouteille de saké et des verres. Attrapant un plateau à la volée, elle y plaça le verre et la bouteille et revint près de Mamoru.

- Je vous prie d'excuser mes paroles, Hinotori Fukutaisho. J'ai toujours eu la sale manie de dire ce que j'avais en tête, sans filtre. Je réapprends la vie en communauté. Cela étant dit, ce n'est en rien une raison pour manquer ainsi de respect à un Vice Capitaine.

Elle servit le verre et le poussa dans sa direction. Elle même ne s'en servait pas, préférant rester lucide. D'ailleurs, on lui avait déconseillé pour le moment d'abuser sur certaines choses. Elle se posa face au lieutenant, en seiza, l'observant d'autant plus. Elle attendit avant de répondre à sa dernière remarque. Il lui était apparu comme évident qu'une simple visite de courtoisie, surtout venant d'un homme qu'elle ne connaissait pas, ne pouvait que cacher autre chose.

- Cela me parait évident, en effet. Ce qui l'est moins, c'est de savoir ce que sont ces choses qui vont ont menées ici. Si je devais émettre une opinion, je dirais que la curiosité est sans doute un des moteurs de votre venue.

Il était étonnant de voir qu'une femme si spontanée dans ses réponses puisse dans le même temps faire preuve d'une analyse posée de la situation. Face à face, Mamoru ne pourrait que voir une chose : les yeux couleur vin de la jeune femme qui scrutait la moindre réaction, le moindre geste, sans que ce sourire ne la quitte.

Un éclat de rire.

Il n'avait pas pu s'en empêché en entendant cette fulgurance de la Shinigami. Cela dura quelques instants avant qu'il ne récupèra ses sens, acceptant le verre proposé avec un clin d'oeil. Il porta le breuvage à ses lèvres en écoutant la suite sans broncher.

" Tu ne me manques pas de respect. Je te rassure, tu n'es pas la seule à dire ce que tu penses... Reste que je suis satisfait que tu te sentes mieux. Vu ce que tu as connu, cela aurait pu être très dur psychologiquement pour tenir ton rang. De toute façon, j'avais déjà plus ou moins cette réponse, tu t'en doutes. "

Malgré ces paroles réconfortantes, il avait noté quelques fêlures encore bien vivaces chez son ancienne collègue. Yeux dorés face aux yeux pourpres. Hinotori se demandait bien quels secrets se dissimulaient sous son petit sourire. C'était une brillante Shinigami lors de son séjour dans sa Division et elle avait survécu à sa manière. Cela méritait son respect. Il reprit une gorgée de saké dans un profond silence énigmatique.

Le flottement passa quelques instants et il le brisa avec franchise.

" Si on doit être franc, je m'étonne de ce coma qui t'a frappé. Tu n'es pas responsable de ton malheur, de l'horreur que tu as dû surmonter. Néanmoins, ce genre de choses n'est pas anodine. As tu eu des cauchemars ? Des visions ? Etais tu lucide alors que ton corps ne réagissait plus à tes ordres ? " Il posa un silence. " Il existe bien des comas différents comme je le mentionne. L'âme est une chose qui importe énormément à notre Division, de par nos recherches sur les Hollows. Je ne t'apprends rien. Le Centre de recherches sur les Hollows serait heureux de pouvoir te poser des questions et j'ai pris l'initiative de venir te parler au lieu d'un subalterne. "

L'Hollwmorphose. Cette traque insondable qui avait failli causer la destruction de la Soul Society avec ce damné Aizen. Même si ce dernier n'avait rien à voir avec la situation de la Shinigami, l'âme de Miwa avait été suffisamment perturbé pour ne pas se regénérer normalement. Lors de son coma, était-elle dans un combat contre elle même ? Contre ses pensées négatives ? Le Vice Capitaine n'avait aucun a priori et il n'était pas là pour juger. Si quelque chose arrivait, le Kidōshū saurait le gérer parfaitement. Toutefois, son devoir était de surveiller que l'âme resta pur de tout élément extérieur... comme intérieur.

Elle l'écoutait, comprenant désormais la raison réelle de sa présence. Ou du moins l'une de ses motivations. Comprendre. Analyser. Elle ne s'était pas doutée d'un tel intérêt évidemment mais en voyant l'homme face à elle, elle percevait toute l'importance de la situation le concernant. Elle n'était pas médecin même si elle possédait des capacités lui permettant d'agir. Mais les médecins lui avaient expliqués certaines choses.

Seulement elle devait réfléchir. Jusque là, elle avait clairement préféré éviter d'y penser. Devoir en parler à un homme qu'elle en connaissait pas, c'était troublant. Craignait-elle de faire remonter à la surface quelques sentiments particuliers ? Des douleurs anciennes ? Pas réellement. Elle ferma donc les yeux quelques instants, comme pour recentrer ses pensées. Avant de les rouvrir, déterminée à répondre le plus franchement possible.

- Je ne saurai pas vous dire avec précision. De ce que les médecins m'ont dit, le coma s'est déclenché pour me protéger. Permettre à mon corps de soigner ces graves blessures tout en m'épargnant des douleurs intenses. Une sorte de sécurité, apparemment.

Le corps et l'esprit étaient liés. Ils réagissaient pour se préserver l'un l'autre et c'est ce qui lui était arrivée en partie. Seulement pourquoi un coma si long, elle ne saurait le dire. Sans doute que cela relevait plus de la Quatrième. Peut-être que la peur avait aussi agi dessus, l'empêchant de revenir en un monde douloureux, qui lui avait fait perdre tant de ses proches.

- Je ne dirai pas lucide non. Je ne me souviens de pratiquement rien de cette période. Un trou noir. Je me souviens toutefois d'impressions. Comme si quelque chose avait cherché à m'entraîner de plus en plus dans les ténèbres. Plus je descendais, mieux je me sentais. Plus de douleurs. Plus de doute. Une paix qui me faisait du bien.

Des voix. Mais elle n'en parlerait pas. Pas encore. L'impression qu'une parmi les autres l'empêchait de s'enfoncer plus encore. Comme un bras invisible qui l'avait retenu. Sans doute était-ce sa conscience ? Mais pourquoi ces heures avaient finalement durés des mois, puis des années ?

- Je voulais descendre. Et puis je me souviens d'avoir pensé que ce n'était pas la solution. Que c'était une fuite en avant. A partir de là, j'ai commencé à recouvrer certains sens. Jusqu'à m'éveiller complètement. J'ai cru que seulement quelques jours étaient passés... La réalité était tout autre.

Six ans. Elle même n'en était pas revenue. Seulement elle ne pouvait pas rattraper le passé. Elle devait aller de l'avant, quoi qu'il lui en coûte.

- Vice-Capitaine, je préfère être franche avec vous. Je n'ai aucune volonté de répondre aux questions du Centre de recherche sur les Hollow. Cet événement a été un réel traumatisme. Si je vous réponds, c'est par respect pour vous et pour ce que je représentais pour la Troisième division. Mais je n'en ferai pas plus.

Son regard s'assombrit alors qu'elle reprenait la parole.

- Je n'ai rien fais de mal. Je me suis simplement réveillée. Pourquoi ? Comment ? Je n'en sais rien. Je veux désormais simplement reprendre mes fonctions. Mais si je constate que les questions deviennent trop embarrassantes, trop nombreuses, alors j'en référerai à ma Commandante en Chef. Qui validera ou non ce genre d'entretien.

Et la connaissant, ce serait évidemment un grand non. Elles étaient amies. Yoru préserverait la conscience de sa subordonnée.

- Pardonnez-moi. Je suppose que ce n'est pas ce que vous vouliez entendre. Seulement c'est épuisant moralement d'essayer de se souvenir de choses qui relève clairement de l'inconscient.

Hinotori écoutait sans la contredire, la laissant s'expliquer sur ce qu'elle avait ressenti. La fin de ce qu'elle disait apposait un sceau du secret qui le fit tiquer. Pourquoi tant de mystères ? Pourquoi ne pas vouloir parler de "choses embarrassantes" ? Pourquoi avoir besoin de son chef direct ? Le visage du Vice Capitaine s'était un peu tendu en écoutant tout cela. Il n'avait pas la volonté de la brusquer, juste de savoir.

" Comme je vous l'ai dit, je ne vous accuse de rien. Je veux comprendre. Toutefois, si vous souhaitez ne pas répondre à certaines questions... que je n'ai même pas posé. C'est assez étrange vous en conviendrez ? "

" Quelque chose qui l'entrainait dans les ténèbres... " Ou le Vide ? Il allait poser la question mais il s'en abstint. La jeune femme était sur la défensive et ne comptait pas parler de certaines choses. C'était curieux en effet, encore un point à rajouter dans tout cette peinture ayant énormément de zones d'ombre.

Le visage de Mamoru redevint impassible, ses origines nobles revenant à la surface quand quelque chose l'indisposait.

" En soit, oui, vous êtes maintenant du Kidōshū et vous n'avez pas à répondre aux demandes de notre Division. "

L'agacement se calma un peu, à la pensée que cette Shinigami était encore sous la proie de ce qui lui était arrivé. Toutefois, le "Pourquoi" n'avait pas encore la moindre réponse. Si son âme avait été corrompu à un certain niveau, il fallait le savoir. Etait elle dans cette Division afin de se faire suivre sur ce point ? Il gardait donc ses questions, puisque c'était sa volonté.

" Par contre, si vous me permettez, bien des nôtres seraient ravis de vous revoir. Même si ce n'est pas dans nos baraquements... Au moins qu'ils puissent vous parler et s'enquérir de votre santé. Tout le monde a perdu des proches pendant la dernière guerre, c'est pourquoi il faut... enfin... j'imagine... ne pas s'enfermer sur soit. "

En fin de compte, il comprenait qu'elle n'avait peut-être aucune idée de ce qui lui était arrivé. Si un début d'Hollowmorphose avait commencé, il était inéluctable que le processus continuasse. Il ne connaissait pas de moyen de retour à la normale en la matière. Pour l'instant, quelques indices fugaces dans ses descriptions étaient insuffisants pour aller plus loin. C'était juste une hypothèse à conserver dans un coin de son esprit. Il se contentait donc de s'enquérir de son bien être, afin, il l'espérait, de lui permettre de lui parler de son traumatisme et de ses conséquences dans les mois à venir.

Etrange ? Pas vraiment. Mais l'insistance avait évidemment un effet contraire sur elle et elle devait admettre que cela pouvait aisément la braquer. Elle se mordit l'intérieur de la lèvre, en proie au doute. Au doute quant à la manière de répondre, de le renvoyer dans son coin. De lui faire comprendre que tout ceci, finalement, ne regardait qu'elle et elle seule. Et qu'importe ses craintes, ses doutes, ses suspicions : elle était en droit de ne pas répondre.

Finalement, elle prit ces quelques instants pour souffler. Pour ordonner ses idées, afin de mieux appréhender la suite. Il faut dire qu'elle faisait face à un haut gradé. Un noble par dessus le marché. Par nature, ils n'aimaient pas les refus et elle se devait d'intégrer ce paramètre dans ses calculs. Puis elle poussa finalement un simple soupir. Pourquoi compliquer les choses ?

- Je ne sais pas ce qui est le plus étrange, quoi qu'il en soit. Le fait que cette situation me dérange est assez logique. Et puis il me semble que je réponds à vos questions actuellement, n'est-ce pas ?

Son insistance était pénible. Mais Miwa avait émis sa condition et elle savait que Yoru empêcherait qu'on la harcèle de trop. Car c'est ainsi qu'elle prenait les choses, malheureusement pour Mamoru. Sans doute ne pensait-il pas à mal. D'ailleurs à l'énoncé de la suite, elle eut un pincement au coeur.

- Vous avez raison, évidemment. Et je tâcherai d'organiser cela dès que je le pourrais. Sortir et voir d'autres personnes ne pourra pas me faire du mal, je suppose. Cela me fera du bien de revoir des visages amis.

Même si ses camarades de l'Académie étaient désormais toutes morts. Elle le savait. En avait même vu mourir certaines devant ses yeux. Si elle n'avait pas agi encore en ce sens, c'était évidemment par peur. Mettre de la distance entre elle et son ancienne division, c'était un peu comme essayer d'oublier ces dernières guerres, ces derniers échecs aussi. Blessée à deux reprises. Un moment, elle avait remit en cause sa légitimité à aller sur le terrain.

- Puis-je vous poser une question personnelle ?

Elle attendait une réponse. Ne se permettant pas de passer outre les grades. Le respect étant trop présent. Elle cru sentir une confirmation, alors elle reprit.

- Avez-vous déjà été blessé au point de vous demander si vous étiez fait pour ce poste. Je veux dire... A deux reprises, au cours des dernières années, je suis passée proche de la mort. J'en suis venue à croire que, peut-être, le terrain n'était pas fait pour moi.

Après tout, elle ne disposait même pas du shikai si cher au coeur des Shinigamis. Et si ses talents en Kidō était reconnus, était-ce pour autant suffisant ?

Le silence.

Il n'avait pas pu répondre à la question. La soudaineté de cette dernière était tombée si facilement, si brutalement. Mamoru s'enfonça sur le coussin qui lui servait de siège et se retrouvait face à une question qu'il n'aimait pas. Piégé à son tour.... Il comprit la situation dans laquelle il avait placé la jeune femme précédemment, sans le vouloir cependant. Son inquiétude, ainsi que sa question, étaient légitimes et il ne voulait que s'assurer de son bien être à la base.

Ses bras se posèrent derrière lui et sa tête se leva vers le plafond. Être honnête ? Mentir ? Il hésitait mais elle avait fait preuve de franchise, il se disait que ce serait pas plus mal de répondre à cette question. Elle le tiraillait un peu de toute façon, après sa discussion mouvementée avec la Capitaine de la Neuvième Division.

" Question légitime. Suis je fait pour cela ? " Il réfléchissait sans avoir de réponses immédiates. " Je suis le chef d'une famille importante, dirigeant des forges dans le Rukongai depuis des siècles. J'ai été Neuvième Siège de la Sixième Division, Sixième Siège de la Seconde avant de devenir Sanbantai Fukutaisho. Ce passé pourrait me rendre légitime mais ces postes ne me permettaient aucune "liberté" ! J'étais un serviteur froid et implacable dans mes anciennes divisions, surtout la dernière... Tuer, c'est simple et je sais le faire. Mais, Vice Capitaine... C'est un art que je découvre, l'art de la diplomatie - que je n'ai pas - , l'art de la négociation - que je n'ai pas - , l'art de l'anticipation - que j'ai en partie mais pas sur le terrain social - ... Oui, je suis loin d'être un bon Vice Capitaine. "

Une certaine mélancolie sortait de ses lèvres, c'était sa vérité, nue et sans enrobage. Il se tut après avoir donner sa version de sa position mais il n'avait pas encore répondu à la question. Après quelques secondes, il reprit laconiquement.

" Donc, est ce que je me sens à ma place ? Oui, j'ai trimé pour gagner ma place. Non, car j'ai encore trop de choses à apprendre et mon caractère impulsif ne m'aide pas parfois... "

Il se mit à rire amèrement. Le fait de raconter tout cela n'était pas plaisant mais il avait accepté de se remettre en cause, surtout depuis l'admonestation de Minoru. Son frère cadet l'avait détruit - mentalement - après sa visite auprès de la Neuvième Division. Lui méritait certainement cette place qui était la sienne, il pensait à tout, envisageait les choses mais il n'avait pas quelque chose que seul le blondinet possédait. Quelle ironie... Se claquant subitement le visage de ses mains, il revint à la réalité.

" Voilà, tu as ma réponse. Elle n'est pas jolie. Poser des questions, comme tu le vois, n'est pas forcément une attaque mais une manière de réfléchir sur soi-même et sur ce qui nous entoure. Je te demande en aucun cas de répondre à quoi que ce soit sur ton passé, si tu ne le sens pas encore... Je ne voulais pas te blesser d'une manière ou d'une autre, juste m'assurer que.... Souffla-t-il d'une manière désabusée. Il ne termina pas sa phrase afin d'aller sur autre chose. " Pour le terrain, tu apprendras au fil du temps, prends ton temps, repose toi, apprends à aimer la vie tout simplement. Tu as survécu. Peu ont eu cette chance. Le destin te donne une chance, mange la et avance ! "

Il parlait comme il pensait. En quelque sorte, il venait de donner sa vision de la vie, libre de toute contingences. Mais la vérité était loin de tout cela, les derniers mois le lui avaient prouvé. Il soupira et laissait un sourire amical transparaitre sur ses traits. Ce n'était plus le Vice Capitaine qui avait parlé, mais, tout simplement l'homme.