La fougue de la vieillesse !

Shikai : Sépare toi, Eien no Kyōki (Éternelle Dualité)

Sous sa forme Shikai, le katana prend la forme d'une épée à deux mains à double tranchant, l'un bleu et l'autre rouge. Sous cette forme, il peut faire varier son âge physique. En frappant avec la lame bleue, il rajeunit et gagne en vitesse, avec le côté rouge, vieillit et gagne en force.

Toki est un personnage assez perturbant, autant à observer qu’à côtoyer. Physiquement, il semble extrêmement vieux, son crâne dégarni sur plus des deux tiers de sa surface surplombant un visage où les rides ont creusé des sillons profonds et multiples. Haut d’à peine un mètre quarante, son corps s’est tassé avec le temps. Ses dents sont presque toutes tombées et son dos est vouté par le poids des années. En le voyant, les gens ont souvent une attitude respectueuse envers cet ancien. Pourtant, lorsque l’on continue à l’observer, on remarque son comportement enfantin. Il aime courir et sauter dans les flaques d’eau, embêter les autres et faire des farces puériles.

Un vrai gamin. C’était cela qui le définissait le mieux. Impossible qu’il tienne en place ou qu’il reste concentré sur une idée plus de quelques minutes sans se mettre à faire une grimace. Les conversations d’adultes l’ennuyaient inévitablement. Il préférait jouer avec son sabre, grimper, courir ou sauter dans tous les sens. Bien que profondément gentil, il est assez difficile à supporter pour ceux qui doivent être dans la même pièce que lui. Le fait qu’il ait l’air d’un grand-père rend le tout encore plus malaisant parfois.

Pourtant, lorsque vient l’heure d’aller frapper des Hollows, c’est une autre histoire. Le statut de Shinigami est à ses yeux comme celui d’un super-héros aux pouvoirs magiques qui défend les gens contre les vilains monstres. Il prend son rôle de héros très au sérieux et fait preuve d’une technique qui est surprenante de la part d’un enfant comme de la part d’un vieillard. Ses mouvements sont un mélange de la fougue de la jeunesse et de la force de la maturité. Parfois, son corps ne parvient pas à suivre et il est obligé de calmer le rythme pour ne pas trop souffrir de ses rhumatismes.

1933 :
Les rues étaient presque désertes avec l’arrivée de la fraîcheur. La soirée était déjà bien avancée et une femme observait un enfant jouer avec un cerceau et un bâton. Cela faisait des heures qu’il courait dans tous les sens sans jamais se fatiguer. Le jardin de la résidence des Tashibana était immense, le patriarche ayant fait carrière dans l’acier dont l’activité s’était accrue avec la militarisation du pays. Leur jeune fils Toki profitait de ces grands espaces pour se défouler sous le regard somnolent de sa nourrice. L'enfant dont elle avait la charge ne semblait jamais se fatiguer et elle s'épuisait rien qu'à l'observer.

Le cerceau tournoya sous un coup de bâton un peu trop violent et toucha une pierre qui le fit dévier de sa trajectoire. L’anneau roula jusqu’à passer le portail resté entrouvert pour quitter les limites du manoir. Le garçon lui courut après en riant. Arrivé au milieu de la rue, il se retourna en entendant des bruits de sabots.

-Monsieur ! Monsieur !
-Hana ?! Vous entrez sans frapper et me dérangez pendant mes préparatifs pour la réunion de demain !
-Pardon, monsieur. C’est Toki, monsieur, votre fils. Il a été piétiné par une carriole.
-Comment ? Il me semble que je vous paye pour vous occuper de lui. Où étiez-vous ?
-Je.. je n’ai pas pu le rattraper, monsieur.
-Et bien, faites venir un médecin, que voulez-vous que je fasse ?
-Bien monsieur. Pardon de vous avoir dérangé.

Les Tashibanas avaient le luxe de posséder un téléphone. La bonne s’empressa de joindre l’hôpital le plus proche qui se dépêcherait d’accourir pour un client aussi fortuné.

----------------------------------

1948 :
Un homme en blouse blanche déambulait dans les couloirs de l’hôpital. Jetant un œil à travers la vitre d’une des portes, il remarqua qu’un des lits était occupé. Pourtant, il ne se souvenait pas avoir de dossiers pour cette chambre. L’un de ses collègues s’approcha.

-Ho, ne t’occupe pas de ce patient. C’est le fils Tashibana. Il est dans le coma depuis quinze ans maintenant.
-Quinze ans ?
-Ouais, ses parents ont payé une véritable fortune pour qu’on le maintienne en vie autant que la science le permettra. Les infirmières changent ses sondes et le lavent tous les jours, mais à part ça, il ne nécessite aucune attention.
-Ses parents viennent le voir ? Je ne me souviens pas avoir jamais vu cette porte ouverte.
-Ils sont venus deux fois. Ils sont simplement venus une première fois pour savoir s’il allait survivre et une autre pour demander à ce qu’on les prévienne si jamais il se réveillait.
-He ben...

Le médecin haussa les épaules et reprit sa marche. Tant qu’ils payaient, cela lui était égal après tout. Le gamin ne demandait pas beaucoup de temps ni de moyens alors tant qu’il restait en vie, l’hôpital aurait un revenu fixe et assuré.

-----------------------------------

2017 :
Un rayon de soleil perça à travers la fenêtre pour se déposer sur les yeux du vieillard endormi. La gêne le fit grimacer et il finit par entrouvrir une paupière. Mettant sa main comme pare-soleil, il entreprit de se relever, groggy et endolori par cette sieste. Toki se leva péniblement. Pour une raison inconnue, il avait mal partout, son dos, ses genoux, sa hanche... Il retira les perfusions qui étaient plantées dans son avant-bras.

-Mamaaaaaaan ? C’est quoi ces tubes ?

Il ne reconnaissait pas sa chambre. En titubant, il se dirigea vers la porte. Soudain, son regard fut attiré par le miroir qui se trouvait dans la petite salle de bain à l’autre bout de la pièce. C’était... bizarre. Il s’approcha lentement pour observer le reflet. Un vieux papy tout dégueulasse le regardait fixement. D’un geste lent, il approcha sa main de son visage et sentit la texture fripée de sa peau sous ses doigts. L’évidence le frappa d’un seul coup. Son rythme cardiaque s’accéléra rapidement sous la peur et la stupéfaction. Dans un soubresaut, il porta sa main à son cœur et s’effondra sur le carrelage froid.

L’instant d’après, la chambre s’ouvrit. Une infirmière entra et constata le corps sans vie.

-Mais... Comment il est arrivé là celui-là ? Yuki ! C’est toi qui a encore joué avec « Papi Dodo » ? Tu as oublié de le rebrancher ! Ha ba voilà, il est mort...

--------------------------

Il était rare que le conseil se réunisse ainsi en dehors des périodes d’examens. Cela arrivait uniquement lors d’incidents graves tels de cas de violence ou de harcèlement. Pourtant, cette fois, la situation était différente. Le doyen s’assit en premier et ouvrit un dossier.

-Messieurs, nous sommes ici aujourd'hui pour parler de Tachibana Toki.

Un soupir balaya l’assemblée tandis que chacun déposait une petite pile de notes sur la table. Il y en avait des choses à dire.

-J’aimerais savoir pourquoi cet homme a été accepté à l’académie.
-Nous manquons de soldats. Avez-vous oublié que nos rangs sont drastiquement réduits depuis l’invasion ?
-Mais c’est un vieillard !
-Mais c’est un enfant !
-Tout le monde peut tenter sa chance ! Et il a réussi les épreuves éliminatoires.

Chacun y allait de son avis. En effet, la recrue à la silhouette grabataire avait été bien remarquée par ses professeurs. Son esprit, resté enfant et coincé dans cet état à jamais, contrastait avec son apparence. Dissipé, toujours en train de jouer et de rigoler au lieu de se concentrer. Il faisait des farces et des grimaces en permanence, ce qui déconcentrait et effrayait les autres apprentis. Autant de la part d’un enfant, cela pouvait sembler mignon, mais lorsqu’il s’agissait d’un vieux fossile, ce n’était plus le même ressenti.

-Nous devons le retirer de l’académie. Ses professeurs sont épuisés !
-Vous n’y pensez pas ! Vous ne pouvez nier qu’il apprend très vite.
-Certes, sa capacité d’assimilation est impressionnante. Mais encore faut-il qu’il écoute ! Il ne reste pas dix minutes en place.
-Qu’à cela ne tienne, son maniement du sabre est prodigieux pour son âge. Peu importe lequel on considère. Nous avons besoin de bons combattants !
-Mais il ne connaît même pas l’histoire de notre monde. À chaque leçon, il quitte la salle pour aller jouer.
-Nous serons bien avancés avec de tels critères si un nouvel ennemi du calibre de Satsubatsu apparaissait. Nous pourrons toujours lui balancer des anecdotes de la guerre sanglante de 995.

Le ton commença à monter rapidement. Chacun défendit son point de vue, les uns convaincus que le garçon sénile était une recrue comme on en voit peu tandis que les autres défendaient le corps enseignant au bord de la crise de nerfs. Finalement, après des heures, le doyen finit par trancher en frappant un grand coup sur la table pour ramener le silence.

Le Gotei 13 manquait cruellement de soldats, c’était vrai et se priver d’une recrue aussi douée au sabre serait une folie. Toutefois, il allait devoir se contrôler un minimum pour ne plus perturber les cours. Lors de la précédente séance, il avait été décidé de lui promettre un cours supplémentaire de kendo s’il se comportait bien. Bien qu’intéressé, Toki finissait toujours par se déconcentrer et perdre de vue la récompense. Il fallait donc passer à une autre stratégie. Si la carotte ne fonctionnait pas, ils utiliseraient le bâton. Le doyen n’aimait pas recourir à de telles extrémités, mais la situation l’exigeait.

-Chaque professeur a mon autorisation pour appliquer la sentence s’il pose encore problème. À la moindre incartade, vous le privez de dessert.

Un murmure se répandit autour de la table. Le perturbateur risquait de faire une sacrée crise de caprice si jamais cela arrivait. C’était quitte ou double. Une chose restait encore en suspens. Quel professeur serait assez courageux pour appliquer une telle condamnation ?

-------------------------------

2023 :
L’ancêtre suivait le shinigami qui était chargé de lui faire découvrir ses nouveaux quartiers. Après un examen réussi, il avait finalement réussi à être officiellement nommé membre de l’armée du Gotei 13. Tout d’abord, le conseil avait pensé à lui faire rejoindre la quatrième, estimant que le nettoyage était une tâche à la mesure de sa discipline. Mais après réflexion, ils préférèrent l’envoyer à la troisième division dédiée à la traque des Hollows. Ici, son habilité serait exploitée à son plein potentiel.

-Vous pourrez vous reposer ici et venir vous restaurer dans le bâtiment à votre droite.

Le guide essayait de faire vite, car son malaise grandissait à chaque seconde qui passait. Le petit nouveau insistait pour le tenir par la main tout au long de la découverte de son nouvel environnement. Malgré quelques subtils mouvements du poignet pour se libérer, le vieux s’empressait de la lui reprendre.

-Et ici, vous avez vos quartiers.
-Pour le dodo ?
-Heu... oui. Pour le dodo.

Une veine apparaissait déjà sur la tempe du shinigami. Sérieusement, ils avaient besoin de nouvelles recrues à ce point là ?