Zero Dark Thirty [Libre]

Quelqu'un s'était-il seulement rendu compte de mes absences prolongées ? Depuis mon intégration au sein de la Seconde Division je n'étais guère apparue publiquement sauf dans le cadre de missions visant à transmettre des missives en mains propres. Reléguée au rang d'intendante des archives du Quartier Général mon quotidien se limitait à ranger, trier, ressortir des dossiers et les transmettre aux autres branches lorsqu'il y avait des investigations à faire, et tant d'autres activités terriblement passionnantes. Alors certes je pouvais également compter sur mes activités externes comme la pratique d'un suivi martial très soutenu en huis clos chaperonné par Mère et notre mentor attitré. Il y avait aussi mes amis, ceux que j'avais eu tant de mal à me faire lors de mes années à l'Académie.

Mais depuis que nous avions tous eu la chance de jouir de promotions de part et d'autres, nous étions de toute évidence bien trop occupés avec nos nouvelles responsabilités que pour se permettre de perdre du temps à rêver ou partager un simple repas entre deux missions. Alors oui, je sentais progressivement une forme de solitude s'installer et même si je ne l'évoquais pas directement auprès des concernés cela me pesait.

Jusqu'à ce qu'un jour je reçoive des mains d'un collègue de ma Division une missive scellée des plus intrigantes. Une ordre direct de ma hiérarchie au sein de l'Omnitsukido m'invitant à me rendre dans leurs bureaux afin d'entamer la suite de ma formation. Ils savent déjà tout de moi, notamment le fait que je me passionne depuis toute petite pour les autres dimensions comme la Terre ou le Hueco Mundo et que jusqu'à présent je n'avais encore jamais eu la chance de m'y rendre de manière officielle tant qu'officieuse. Visiblement, cela allait changer.

Après en avoir rapidement informé ma mère et préparé un semblant d'affaire en cas de besoin je m'étais donc rendue sur place. Là on me donna les détails dans la plus grande discrétion. Une série de missions en solitaire, de la reconnaissance, durée inconnue, des objectifs précis que je devrais tenir à l'abri des oreilles indiscrètes. Visiblement de nombreux phénomènes récents semblaient piquer la curiosité des Services Secrets du Gotei. Quoi de mieux alors pour ne pas trop s'impliquer que d'envoyer une jeune recrue de mon gabarit, plus que capable malgré son jeune âge et définitivement résolue à l'idée de pouvoir se rendre enfin sur le terrain.

Naturelle que je serais d'attaque et puis, ce n'est pas comme si j'avais eu le choix de tout façon. C'est ainsi que j'ai disparu des radars pendant une assez longue période, des mois peut-être ? Difficile à dire. Il m'est arrivé de revenir pour apporter mes rapports écrits et oraux de mes différentes excursions durant lesquelles j'ai su autant m'émerveiller que me voir terrifiée par la complexité ou la dangerosité de ces mondes. Ces anomalies et leur nature, même s'il en avait déjà été fait mention à titre officiel purent par ma participation être étoffée de détails somme toute sans véritable importance au premier abord qui somme toute ne firent que confirmer les doutes et craintes dans les hautes sphères.

Et une nouvelle fois, je ne saurais trop dire si ce serait la dernière ni même à combien j'en étais rendue mais toujours est-il qu'en ce jour pour beaucoup aussi morne et banal qu'un réveil matinal quelque part au dessus des toits du Quartier Général de la Seconde Division une brèche se mit à fissurer le ciel azur. Encore sous le coup de ma dernière course haletant au travers des dunes inhospitalières du Yermo je m'assure une fois encore de n'avoir laissé aucune traces quelle qu'elle soit avant de franchir le portail et d'atterrir aussi gracieusement qu'une feuille morte sur les tuiles rouges.

Aussitôt la lumière éclatante du soleil m'aveugle et je me retiens de pester en n'offrant qu'une grimace douloureuse en guise de réponse face à cet accueil. Il faut dire que le temps probablement trop long passé sous une nuit éternelle avait eu raison de ma résistance aux lumières vives. Qu'à cela ne tienne, je ne dois pas me laisser distraire. Je me redresse péniblement, épuisée. D'un geste du bras j'élimine les résidus de sable blanc encore accrochés à ma tenue de sentinelle dont l'état général et l'odeur laissent supposer que je suis dehors depuis bien trop longtemps. A vrai dire mon apparence n'a plus grand chose à voir avec celle que l'on me connaît. Débraillée, crasseuse, les cheveux rebels et le regard dur, j'observe en silence le monde grouillant sous mes pieds d'un air totalement détaché puis, après une profonde inspiration relâche tout cette pression et me laisse aller à une chute contrôlée.

Le bruit sec mais contenu de l'impact ne manque pas d'attirer certains regards dans ma direction. Je ne leur porte absolument pas le moindre intérêt, m'affaire dans ma besace à la taille pour en ressortir une vieux rouleau usé et froissé sur lequel je termine de noter en bas de page le moment de mon arrivée. Mission accomplie, une fois de plus.

- Je pense qu'une bonne douche ne me ferait pas de mal...