Le sosie version femme

Il parait que la Shingen doit apprendre à se détendre davantage en ce moment. Depuis son retour du Hueco Mundo, elle n’a pas fait grand-chose à part un peu de paperasse pour aider son Vice Capitaine à palier à la disparition du Capitaine. Voir ses amis aurait pu être une option, mais lorsqu’elle les cherche, soit ils sont en mission, soit ils sont juste introuvables. Il serait temps qu’elle ouvre son horizon, qu’elle fasse d’autres rencontres.

L’association des femmes est justement ce qu’il lui faut. Là, elle est certaine qu’elle n’aura pas affaire à la balourdise et aux taquineries. Que l’on ne se méprenne pas, elle adore ses amis. Là, elle n’est juste pas d’humeur. Alors un lieu exclusivement fréquenté par des femmes est pile ce qu’il lui faut. Bon, il y a Seichi l’exception. Mais on ne peut pas lui en vouloir, c’est qu’il a son petit fan club parmi les filles. Et puis bon, ce n’est pas Mizuki qui ira faire la police.

La salle commune a l’air confortable, on y trouve aisément sa place. La Blanche n’est membre que depuis peu, mais déjà elle a son coin favori, attablée près du coin cuisine. Ce qui est bien, c’est qu’il y a toujours de quoi grignoter ou au moins les ingrédients pour se faire une petite collation. A l’une des personnes présente, elle adresse quelques mots, sans forcément prendre la peine de se présenter.

- Dites, on raconte qu’il y a une nouvelle, comme moi, et qu’elle est spécialiste en cuisine, c’est vrai ? Qui est-ce ?

La spécialiste en question n’est pas loin bien sûr et on la lui désigne aisément du doigt, si bien que Mizuki s’empresse d’aller la saluer.

- Salut ! J’m’appelle Mizuki. Je suis nouvelle. Toi aussi je crois non ? On m’a dit que tu aimais faire à manger.

Avec un peu plus d’attention, elle observe la demoiselle. Y a comme un truc bizarre, mais là tout de suite, ça ne lui vient pas. Une légère impression de déjà vu qu’elle ne s’explique pas. Mais la Shingen est comme ça, elle ne réfléchit pas beaucoup, sauf si c’est vraiment nécessaire comme lors des examens, sinon, elle prend les choses telles qu’elles viennent.

Sa couverture était parfaite. Et les premiers pas de Kiryū Mihane lui avaient permis de s'intégrer aisément dans ce décor surprenant. L'Association des Femmes Shinigami. Yane lui avait permis d'intégrer cette sororité assez facilement et elle en avait été elle-même surprise. Elle ? Héhéhéhéhéhé. Même vous, vous vous êtes fait bluffer !!!

Car derrière ce nom, derrière cette silhouette hyper sexy, derrière ce visage de femme magnifique se cachait en réalité une seule et unique personne. Kiryū Shinjiro, Vice Capitaine de la Onzième division, qui était parvenu à tromper son monde pour intégrer l'association et ainsi mieux comprendre la raison d'être d'un telle groupe. La curiosité était grande en lui, aussi grande que son imagination et que ses talents pour se déguiser et pénétrer dans n'importe quelle structure du Gotei.

Il l'avait prouvé à de nombreuses reprises et ce coup là était sans doute son meilleur. Mais voilà, afin de ne pas perdre en crédibilité et de maintenir le voile sur sa véritable identité, il se devait d'y retourner de temps en temps sous cette apparence. Une perruque, une sorte de maquillage permettant de cacher ce qu'il était réellement, quelques artifices "particuliers" pour accentuer son apparence de femme, tout y était pour jouer la grande scène de "Mihane". Il se devait cependant de se séparer de Kaimetsu pour ne pas attirer l'attention et à jouer avec sa voix pour compléter le déguisement.

Il s'était entraîné longtemps. Au début, sa grande taille et sa musculature avaient évidemment surpris. Mais le simple fait de dire "Onzième division" suffisait à faire comprendre quelle genre de femme elle était. Et c'était parfait car du coup, on avait tendance à lui foutre un peu la paix quand elle se rendait au complexe.

Aujourd'hui encore, il s'était donc rendu sur place. Sa carte spéciale ? La cuisine. Il avait réussi à se faire passer pour une grande cuisinière. Enfin "il". Elle, évidemment. Perdu dans ses pensées, il fut surpris d'entendre une personne s'adresser directement à lui. Une voix qui ne lui était que trop familière pour ne pas la reconnaître immédiatement. Un court instant il se crispa. il avait envisagé ce cas de figure fort heureusement. C'est ainsi qu'il se tourna vers elle, lui adressant un grand sourire. Modelant d'avance sa voix pour éviter de se faire repérer et que Mizuki la reconnaisse.

- Mizuki hein ? Enchantée, vraiment.

Il avait des tics de langage, il se devait de les limiter car s'il y a une personne susceptible de le percer à jour, c'était forcément elle. La Shingen le connaissait depuis suffisamment longtemps. Et en même temps, elle serait le test ultime.

- Ouais, j'suis nouvelle. Les nouvelles vont vites ici. Je m'appelle Mihane. Et on t'a pas menti : la cuisine, c'est ma cam'. Mais de là d'où j'viens, j'ai pas toujours l'occasion de faire étalage de mes talents.

C'était pas peu dire. Mais il fallait l'accepter. Après tout, tous les palais n'étaient pas adaptés à la grande cuisine. Il fallait le comprendre et ne pas s'en offusquer.

- Alors comme ça toi aussi t'es nouvelle ? Dis-moi, tu penses quoi de cet endroit toi ? J'étais un peu curieuse au départ, tu vois. J'me disais : "Mihane, fais pas la conne. T'as envie d'voir à quoi ça ressemble ? Bah sors-toi les doigts du cul et fonce ma grande, tu risques rien. Elles sont comme toi." Et j'ai franchis l'cap. Yane a été géniale avec moi. Faut dire que j'ai un physique un peu particulier. Ca déroute !

Auuuuu tooooooooooooooop Shinjiro. Là, t'as été parfait. Du pur Mihane, pas une trace de Shinjiro en toi !!

Comment se faire une nouvelle pote en deux secondes ? Ce n’est pas tellement difficile avec quelqu’un comme Mizuki, même si elle est dans ses mauvais jours comme en ce moment. Mais ces histoires puériles qui ne méritent pas que l’on s’attarde dessus sont vite envolées à la perspective d’avoir trouvé quelqu’un avec qui passer un bon moment et Mihane semble être la personne idéale pour ça. Totalement ouverte, elle ne l’envoie pas balader et l’accueille plutôt bien en fait.

- Enchantée de même ! Et tu viens d’où ?

Pas de la dixième, elle l’aurait repérée plus tôt, quoique vu le nombre de Shinigami par division, on ne pouvait pas vraiment se targuer de connaître tout le monde quand ça fait juste quelques mois que l’on a quitté l’Académie. Mais il y a des physiques comme ça qui marquent plus que d’autres. Et celle là doit être spécialisée dans le combat physique à n’en pas douter, ou du moins venir d’un endroit où c’est nécessaire de savoir coller des roustes.

- Nouvelle aussi oui, j’avais besoin de faire de nouvelles rencontres, voir de nouvelles têtes. Et puis ici, pas d’homme, et ça c’est bien. J’dis pas que je les déteste hein, j’ai deux supers potes d’ailleurs ! Mais justement j’ai été beaucoup avec eux, un peu de compagnie féminine ça change quoi.

Et pour l’heure elle ne peut pas dire ce qu’elle préfère, c’est juste différent. Une nouveauté bienvenue même si elle avait aussi des amies filles à l’Académie bien entendu comme Naoko par exemple. Cependant les opportunités de voir cette dernière se sont grandement réduites, alors il fallait bien qu’elle fasse quelque chose pour ne pas se retrouver toute seule.

- Et puis j’ai entendu dire qu’ils avaient été promus, j’ai un peu de mal à les voir, ils sont trop occupés.

Elle hausse les épaules sans se départir de son sourire. Ce n’est que partie remise. Les prises de fonction c’est toujours prenant, faut trouver le rythme, prendre ses marques, se faire de nouveaux repères, enfin elle le suppose. Il n’est plus temps de penser à eux mais plutôt de se concentrer sur sa nouvelle amie. Enfin… Maintenant qu’elle regarde plus attentivement, elle fronce un sourcil, puis son visage s’éclaire.

- Bordel de merle ! Tu ressembles à mon pote c’est un truc de dingue ! Vous devez être frère et sœur un truc comme ça. Vous ne vous connaissez peut-être pas, mais dans votre vie d’avant si ça s’trouve vous étiez de la même famille. T’imagine ? C’est trop rare de retrouver des membres de sa famille !

Et elle est de toute évidence très très enjouée à cette idée. Mizuki en trépigne d’enthousiasme. Déjà elle imagine les deux se rencontrer, faire connaissance, tout ça...

- De la Onzième. Tout le monde dit que j'ai la carrure et que ça les étonne pas. J'sais pas pourquoi.

Il haussait les épaules, observant les alentours. Son déguisement était splendide mais il n'avait rien pu faire pour atténuer sa carrure ou sa taille, forcément. Mais quand il avait mis en avant la division qui était la sienne, alors là les gens n'avaient plus posés de question. Les filles avaient soudainement compris qu'un tel physique venait certainement des entraînements rigoureux que la division des Combats imposaient à ses membres. Et cela avait facilité la discussion forcément.

Il comprenait le discours de Mizuki. En un sens, cela était logique. Elle partageait le plus clair de son temps avec lui et Kyoshiro, surtout avec ce dernier d'ailleurs, il n'était donc pas illogique qu'elle ait aussi besoin de la présence d'autres femmes à ses côtés. Il y avait bien Daestra mais cette dernière était d'un autre monde que le leur, même si elle avait toujours essayé de les comprendre. Au moins était-ce ici une source de repos pour elle. Et un court instant, il s'en voulut de lui voler ce moment, cette confidence. Ce n'était pas le but. Il en parut un instant gêné.

- Euh. J'comprends ouais. Ces hommes... Ils sont parfois un peu lourds hein. Mais j'pense qu'ils ne s'en rendent même pas compte. J'me mets un peu à leur place et j'suppose que ça doit être dur aussi pour eux de comprendre.

Il ne se dédouanait pas réellement, seulement il comprenait un peu mieux son amie. Et se promettait en un sens de faire des efforts avec elle la prochaine fois qu'il aurait sa véritable apparence. Il est vrai qu'ils avaient été promus et que le temps leur manquait. Il était même triste de se dire qu'il devait se déguiser pour avoir une telle chance d'échanger avec elle. Mais il se reprit néanmoins : cela n'avait pas été le but premier de son opération "Infiltration chez les filles".

Seulement la suite le prit par surprise. Merde, elle venait de faire une sorte de lien et Shinjiro ne pouvait plus feindre l'ignorance sur ce sujet précis. Après tout, il venait de dire qu'il appartenait à la Onzième et si Mizuki trouvait les papiers d'inscriptions, elle verrait le nom de famille qu'il y avait annoté. Il avait cependant anticipé un tel cas de figure. Pour qui appartenait à la Onzième, il était impossible désormais de ne pas connaître Shinjiro. Il devait s'engouffrer dans la brèches.

- Oh, tu parles de Shinjiro nan ?

Bah évidemment que si... Mais son plan était parfait, sans le moindre accroc. Héhé, t'inquiète pas ma belle, tu vas voir le comédien dans toute sa splendeur.

- J'sais pas si on est frère et soeur, j'dois dire. Mais j'l'ai rencontré. Et on a sympathisé. Moi, j'suis pas comme les autres qui ont une famille, un nom toussa. Quand j'ai déboulé ici, j'n'avais que Mihane comme prénom. Bah tu sais c'qu'il m'a dit ?? Attends, j'vais l'imiter. J'suis forte pour ça. Ferme les yeux, j'suis sûr que si tu l'connais, tu vas avoir l'impression qu'il est là.

Il se gratta légèrement la gorge. Faisant en sorte de reprendre sa véritable voix. Il venait de dire qu'il était fort en imitation, il allait le prouver. En un sens. Il attendit qu'elle ferme les yeux et reprit sa voix d'homme :

- "Mihane hein ? Tu veux que j'te dise, tu m'plais bien. J'sais c'que c'est que d'pas avoir de nom. J'verrai avec le paternel mais j'suis sûr que ça va pas le déranger. T'es d'ma division et ça, c'est comme faire partie de ma famille. J'te donne le droit de dire que t'es aussi une Kiryū. Par contre si tu fais pas honneur au nom, j'te dézingue !"

Il reprit sa voix féminine, tapotant doucement l'épaule de Mizuki.

- Du coup, maintenant j'ai officiellement le droit de dire que je suis Kiryū Mihane. Grâce à lui...

SUPERBE IMITATION DU SHINIGAMIIIIIIIIIIIIIIIIIIII !!!!!

Souriant, elle opine, trouvant qu’effectivement, pour une fois « l’habit fait le moine » comme on dirait dans le monde des vivants. Aux propos suivant également elle acquiesce d’un signe de tête. Elle reviendra certainement sur le sujet plus tard, mais pour l’instant la Shingen se contente d’écouter sa nouvelle amie expliquer l’origine de son nouveau nom de famille. Elle ferme les yeux tel que demandé et effectivement, elle a l’impression de l’avoir juste à côté d’elle.

« C’est diiiiingue ! T’es trop douée ! Il a bon coeur ce Shinjiro. J’suis contente pour toi. Il veille bien sur ses amis. »

Mizuki sourit doucement avant de reprendre sur le précédent sujet. « Tu sais, j’me doute qu’ils font pas exprès. Ce sont des mecs. Et d’habitude t’sais, ça m’amuse, j’me fiche on se marre bien. Là c’est juste moi qui ait trop de choses à gérer pour une si p’tite tête. »

Elle rit doucement en montrant sa propre caboche puis s’attable au bar, pensive. « J’comprenais pas moi-même ce qu’il m’arrivait alors ils n’auraient pas pu faire mieux. Et puis niveau émotions, il y a certains mots, si je les prononce devant eux, j’vais juste me faire charrier. Peut-être qu’ils sont juste pas à l’aise avec ce genre de sujet. J’sais pas. Mais j’me dis qu’avec des filles j’ai plus de chance de pouvoir avoir une discussion sérieuse tu vois. Mais bon, j’voudrais pas t’embêter non plus avec mes problèmes... »

Parce que si Mihane est bien une fille, encore faut-il qu’elle soit aussi disposée à écouter et ça, ça dépend des gens. Mizuki n’aurait pas de problèmes à se confier à la première personne venue qui lui inspire un minimum confiance, mais elle n’est pas du genre à trop s’imposer. Et elle a bien essayé de discuter avec d’autres amies filles, comme Naoko, mais cette dernière n’a pas eu beaucoup de temps à lui consacrer et donc l’aide apportée fut proche de zéro.

Où était donc passée cette époque où la demoiselle n’avait à se soucier que de s’entraîner et s’amuser. Et où faire des bêtises sans trop réfléchir aux conséquences était habituel. Elle grandit certainement et ce n’est pas du tout à son goût. La jeune femme n’a pas la capacité émotionnelle suffisante pour gérer ce qui lui arrive, ni l’intelligence et l’expérience nécessaire pour savoir quoi faire.

« Pfff. C’était plus simple avant... »

- De ouf. Un vrai pote !

Fallait pas non plus qu'il s'emballe mais le colosse commençait lui même à croire en son mensonge, se disant à un moment qu'il aurait bien aimé le rencontrer ce fameux Shinjiro. Un large sourire apparut sur son visage la seconde d'après, se traitant mentalement d'idiot pour avoir eu cette pensée. Décidément, un véritable champion dans l'art de se faire passer pour quelqu'un d'autre. Limite, il se disait qu'il aurait eu sa place au sein de la Seconde division avec Daestra. Si seulement la division n'était pas sous la coupe d'un imbécile comme ce Sora. Il lui chierait dans la gorge d'ailleurs un de ces jours, c'était une certitude.

Alors que Mizuki s'exprimait, il reprit son sérieux pour tendre l'oreille. Il se sentait un peu coupable de savoir qu'elle ressentait ce genre de chose. Il savait qu'ils se marraient tous bien quand ils étaient ensembles mais il ne s'était pas aperçu que certains rires pouvaient engendrer ce genre de sentiment chez celle qu'il aimait comme une soeur. La culpabilité était présente et il tentait de la chasser en se disant qu'il ne faisait pas exprès. Mais était-ce une excuse ?

- Tu m'emmerdes pas, tu sais. Et j'veux pas les défendre mais sans doute qu'ils se rendent pas compte parfois. Comme tu dis, ce sont des hommes. On pense pas pareil, j'suppose.

Et c'était peu de le dire. Alors qu'elle lâchait un "plus simple avant", Shinjiro ne put qu'opiner de la tête.

- J'vais pas te contredire la dessus, tu sais. Il est loin le temps où j'pouvais faire ce que je voulais sans m'soucier des autres autour. Pas que ça m'cause du souci hein. J'aime avoir tout ça, là. Mais ouais, la vie d'avant était moins pénible sur le plan "émotion". Putain d'délire. Mais au moins t'es entouré. C'est le plus important. Même si ce sont pas les plus calmes du Seireitei, si j'comprends bien.

Mizuki était une fille bien. Il le savait et pourrait mourir pour lui permettre de vivre elle plutôt qu'un autre. Car si elle passait son temps à se dénigrer, le Colosse savait la valeur qu'elle avait. Et au fond de lui, il savait qu'elle serait plus importante que les autres pour le Gotei. Lui n'était qu'un soldat. Sacrifiable. Elle, elle serait une tête pensante. Et douée au combat en plus.

Mizuki sourit doucement et opine. Elle-même avait dit que ce n’était pas de leur faute. Il n’y avait pas vraiment d’excuse à leur trouver. Le problème venait d’elle.

« Ouais j’leur reproche rien. J’les adore. Et justement j’ai trop peu de les perdre, que l’un d’eux meurt ou disparaisse. Ce sont des choses qui arrivent tout le temps chez les Shinigami. Même les Capitaines ! T’as vu tout ceux qui sont partis y a six ans ? Et puis mes potes j’peux pas leur dire de rester sagement sur le banc de touche, ce sont des fonceurs comme moi. Si on va pas au front on s’fait chier. »

Elle s’amuse de les imaginer obligés de rester au Seireitei pendant que les autres sont envoyés en mission importante. Ils deviendraient fous. Ils sont faits pour donner des coups, jouer les héros, pas les pots de fleur.

« Je rêve d’une mission où on serait tous ensemble. Ce serait tellement le pied. Et puis comme ça on veillerait les uns sur les autres ! J’sais qu’on ne se laissera jamais tomber. Les méchants n’ont qu’à bien se tenir ! »

Riant doucement, elle se sert un verre et en propose un à sa nouvelle amie. « Tiens. Et sinon toi, t’as pas de souci particulier ? » Parce que ce n’est pas tout de raconter sa vie, elle tient aussi à s’intéresser aux autres. Même si ses émotions l’ont déstabilisée ces dernières semaines, elle n’en est pas devenue égoïste loin de là.

« ça fait du bien de discuter. J’me sens déjà plus positive. Ça va aller. Pour te dire, en fait mon problème, c’est que j’suis tombée amoureuse. Et j’comprenais pas, j’coyais que j’étais malade. Même ma pote Naoko, elle n’a pas réussi à me guérir. Bon maintenant que j’ai compris, je gère ! »

A sa nouvelle amie, elle adresse un clin d’oeil. Cette histoire n’a pas été une mince affaire pour elle, mais passée la compréhension, elle a pu s’en sortir grâce à l’acceptation. Elle pouffe de rire dans son coin en se remémorant le savon que lui a passé l’esprit de son Zanpakutō lorsqu’ils ont eu cette discussion. Mais elle a grandi. Terminé la petite qui se laissait marcher dessus et obéissait aveuglément. Elle s’est rebellée et il en a pris pour son grade.

Quelle plaie n'empêche. Elle les connaissait si bien que Shinjiro ne voyait clairement rien à rajouter à ce qu'elle disait. Il est vrai que lui comme son pote ne pouvaient pas rester en place. Les missions les plus compliquées étaient désirées, recherchées, et rester sur la touche ne convenait à aucun d'eux.

Seulement maintenant qu'il était Vice Capitaine, le colosse savait que parfois il fallait se montrer patient. Ce qui était évidemment difficile pour lui dont ce n'était clairement pas la qualité première. Il s'y faisait comme il pouvait mais finalement, il n'était pas fait pour ça. Il se promettait néanmoins d'essayer plus tard de faire passer ce sentiment à son amie. Limite il se sentait coupable. Si elle ressentait ça, c'était sans doute en partie parce qu'ils ne faisaient pas autant gaffe qu'il le fallait.

Ainsi la mine compatissante qu'il affichait n'était clairement pas feinte. Et cela se voyait. Il eut même un léger rire alors qu'elle parlait de l'éventualité d'une mission commune.

- Je plains ceux qui vous aurez sur l'coin de la tronche. Sacrée équipe que vous avez là. Tout le monde n'a pas cette chance, de ce que j'ai pu voir. Ca m'étonne pas plus que ça d'ailleurs.

Les individualités et les égo étaient grands au sein des Shinigamis, surtout dans certains groupes. Les rêves des uns avaient tendance à écraser ceux des autres. Pas toujours par volonté.

- Mon seul souci, c'est ce physique hein. Il fait peur. Il perturbe. Et du coup les gens passent leur temps à juger. Généralement, c'pas un problème. Mais parfois, c'est pénible. Pas comme si j'avais choisi d'avoir cette carrure, tu te doutes bien.

Alors que Mizuki parlait de son "problème d'amour", Shinjiro eut une légère rougeur au visage. Il devinait allégrement qui était concerné et il n'avait pas envie d'en entendre plus. Non pas que cela l'intéresse peu seulement il ne voulait pas lui arracher une pareille confession en étant sous cette apparence. Il s'en voudrait à mort et préférait couper court à ce sujet.

- Ah. Euh. J'suis pas la plus calée sur ce point. J'vais même être franche, j'suis souvent mal à l'aise quand j'entends parler de ce genre de sentiments. Désolé.

En sommes : pitié dis rien de plus.

- Et c'est qui cette Naoko d'ailleurs ? T'as l'air d'avoir plein de potes toi. J'envie ce genre de tempérament. J'suis pas aussi douée. J'ai parfois l'impression de mentir à tout le monde.

Pour le coup, c'était assez vrai. Il espérait que Mizuki ne lui en voudrait pas si un jour elle l'apprenait. Perdre son amitié ou sa confiance serait susceptible de le briser. Et il y avait peu de chose qui pouvait l'atteindre ainsi.

Vrai qu’ensemble ils dépotaient. Mizuki sourit amusée. Les deux garçons étaient déjà Vices-Capitaines, qu’est ce que cela donnerait s’ils devenaient tous les trois Capitaines ? Ce titre n’est pas vraiment un objectif pour la Blanche, mais elle a en tête l’image au ralenti du trio portant le fameux haori, marchant d’un même pas avec grande classe.

« Ils vont tous nous redouter un jour ! Et pour les plus grosses missions ce sera nous qu’on enverra. Triple Bankai ! Tous aux abris ! » Dit-elle en éclatant de rire. « Et après on s’fait taper sur les doigts parce qu’on a tout cassé. On aura sauvé le monde, mais tout cassé aussi. » Et elle se marre toujours. Parce qu’ils sont ainsi et qu’on ne les refera pas.

Du reste, effectivement certains Shinigami sont plus solitaires, plus élitistes ou autre. Tant pis pour eux. Mizuki ne se préoccupe pas de ce genre de personne. S’ils ne veulent pas d’elle, il y a tout plein d’autres personnes avec qui discuter et mieux partager son temps. Comme cette gentille Mihane. La regardant de la tête aux pieds, la Blanche fait une petite moue.

« Y’en aura toujours pour ne juger que sur le physique. Sont bêtes. Mais je comprends que ça t’casse les pieds. Les gens voudraient qu’on soit féminines. Mais… J’saurais pas t’aider sur ce coup là. J’sais même pas ce que ça veut dire. »

Cheveux à peine coiffés, négligemment attachés, tout comme ses vêtements mis à la va-vite, Mizuki est loin d’être un exemple de coquetterie. Et elle en a rien à faire qui plus est. Même les tâches et les mauvaises odeurs ne l’inquiètent pas. Elle est quand même propre, mais se salir et suer ne lui fait pas peur.

« Peut-être essayer… Un joli foulard ou un ruban dans les cheveux ? » Son inspiration soudaine lui vient de son amie Daestra. S’il y en a une qui sait être mignonne, c’est bien elle ! Mizuki ne s’étend pas sur les questions amoureuses, comme elle l’a dit elle-même, elle gère.

« Naoko c’est une camarade de l’Académie. On est sorties la même année. Maintenant elle fait partie du Kidōshū. J’sais pas si j’ai plein d’amis, mais en tout cas j’me prends pas la tête et je crois que les gens apprécient. Et j’suis pas trop timide aussi, ça aide. T’es plutôt du genre réservée ? Pas à l’aise avec les autres ? Tu cuisines pourtant, ça doit attirer la sympathie ça non ? Shinjiro fait ça aussi, et mine de rien ça rassemble. Il est content à chaque fois ça fait plaisir à voir. Bon c’est pas du goût de tout le monde… Mais c’est pas grave. Il t’a fait goûter déjà ? Et les gars de chez vous ils y ont eu droit aussi ? Je serai curieuse de savoir ce qu’ils en pensent tiens... »

Il y avait un grand avantage à échanger avec son amie sous cette couverture. C'était de mieux comprendre ce que pouvait ressentir cette dernière, notamment de par son statut de femme. le colosse ne pensait pas ainsi d'ordinaire. Mais là, il y était obligé par mimétisme et il se surprenait à compatir. Il comprenait mieux certaines choses et s'il savait qu'il ne changerait pas nécessairement, il comptait bien s'en servir pour au moins corriger un peu le tir.

La gentillesse de Mizuki était en tout cas toujours aussi impressionnante. A se demander comment elle faisait, surtout si on la comparait à lui ou à leur autre ami. Ils avaient beaucoup à apprendre d'elle, ce n'était pas peu de le dire. Il eut un sourire alors qu'elle parlait de foulard ou d'autres accessoires du genre. Si on le voyait dans cet accoutrement, il prendrait cher au sein de sa propre division. Certains connaissaient le projet du colosse. Et ils n'attendaient qu'une chose : le voir dans ses grandes œuvres.

- Boaf, on verra. J'fais de toute façon pas ça pour leur plaire à tous ces blaireaux.

Là, c'était un peu lui qui parlait. Il avait toujours eu cette philosophie de vie, déjà au Rukongai. La seule personne à l'époque pour qui il avait fais des efforts, c'était évidemment son paternel. Les autres n'avaient jamais comptés, quoi qu'ils pensent. Après tout, il se faisait tout seul. Et surmonterait les obstacles.

- Ouais. Shinjiro a déjà cuisiné pour nous. Mais pas souvent. Et ils ont tous adorés. Moi, j'préfère garder mes talents pour la communauté.

Celle des femmes. Il ne tiqua même pas lorsqu'elle avait mis en avant que parfois, sa cuisine pouvait décevoir. Du moins l'avait-il capté ainsi. Ses propres gars ne s'étaient jamais vraiment plaint. Mais une partie de son esprit semblait souligner que c'était peut-être par peur des représailles. Il allait devoir creuser ce point.

- Et ouais, j'suis clairement pas à l'aise. Mais j'travaille sur ça. Déjà, y'avait longtemps que j'avais pas eu une discussion si longue avec une autre. J'veux dire à part avec Shinjiro quoi. J'te remercie.

Le colosse sentait qu'il allait devoir botter en touche sous peu pour ne pas plonger trop profondément dans cette mascarade.

- D'ailleurs j'pense que j'vais pas tarder. C'est que j'ai encore des choses à faire. Mais j'aime bien ces p'tits moments. J'espère qu'on pourra s'revoir, t'en penses quoi ?

Tous adoré la cuisine de Shinjiro. Mizuki hausse un sourcil étonné. Il lui semble qu’il y ait un souci avec cette phrase tellement cela lui semble impossible. Mais après tout à la Onzième, ils sont assez bizarre alors peut être qu’à leur cantine on leur sert une bouillie pire que les plats crus pleins d’arêtes et de choses louches que le colosse peut avoir l’inventivité de cuisiner. Ou bien il s’agirait là tout simplement la crainte de se manger un pain en pleine tronche au premier commentaire qui ne lui reviendrait pas. Oui à la réflexion cette hypothèse lui semble plus que probable.

« Merci à toi, c’était cool de pouvoir parler à une fille et de se faire une nouvelle pote ! »

Cela lui a vraiment fait plaisir de discuter avec ce qu’elle croit être une fille. Naïve, elle n’a pas reconnu son pote, ou du moins, s’est complètement fourvoyée dans la théorie qu’elle s’est faite pour expliquer la ressemblance frappante. En fait, elle n’imagine pas qu’il ait pu être capable d’aller aussi loin pour intégrer l’association, et n’a aucune idée de l’intérêt qu’il y porte par ailleurs. Une prochaine fois peut-être suffira à lui permettre d’y voir plus clair et de percer à jour le déguisement. En attendant, c’est aussi bien ainsi.

« Carrément ouais ! De ouf ! J’passerai ici plus souvent, on pourra se croiser. »

La Blanche sourit avec une réelle joie et lui fait un coucou de la main en la regardant s’éloigner. Puis elle quitte à son tour son siège pour sortir. La pause a fait du bien, mais il est temps de retourner bosser ou s’entraîner.

« Mission, mission, mission ! Me voilà ! »