Aderezo de hielo

Le tournoi était terminé pour elle, mais bien d’autres combats étaient à venir. A bout de forces, l’Argentée rejoignit tant bien que mal les gradins où se trouvaient ceux de son clan pour s’y laisser choir. Elle ne prête pas grande attention aux combats en cours, ferme même les yeux lorsque les opposants ne sont pas connus afin de se concentrer, méditant pour accélérer son repos. Les affrontements ne l’intéressent pas, il n’y a que l’issue de ces derniers qui éveille son intérêt. Les derniers entrent en lice et provoquent chez elle une certaine nervosité. Son Primera, qu’elle est venue soutenir justement, et le Vagabond, qu’elle ne veut absolument pas voir blessé. Allez savoir pourquoi, mais c’est dans sa chair. Son corps entier meurt d’envie de s’interposer pour le protéger. Ridicule bien sûr puisqu’il n’en a pas besoin. Pas de doute qu’il soit fort, surtout s’il prend la peine de participer. Sa raison quant à elle se souvient que si elle est là, c’est pour porter El Emperador aux sommets. De son propre affrontement, elle n’a pas été à la hauteur, a fait une erreur stratégique qu’elle paie maintenant.

Alors quoi ? Qui soutenir ? Aucun Cámara n’a été capable de passer le premier tour, qu’adviendra-t-il si le dernier espoir perd à son tour ? Elle n’a plus qu’à attendre et voir. Voir qu’il abandonne, n’y rien comprendre, rester interdite. Il va falloir discuter de cela certainement. Son clan mériterait une petite réunion interne. Melchom semble furieux et c’est normal. Pour elle qui participe pour la première fois, ça ne l’inquiète pas vraiment, on n’attendait rien d’elle à la base, mais est ce la même pour les autres ?

Alors la seconde phase commence. Le forgeron abandonne. Quelle ironie. En d’autres circonstances peut-être qu’elle serait aller le voir, mais clairement elle sait qu’elle n’est pas la bienvenue alors tant pis pour lui. Puis c’est au tour du Vagabond de tirer sa révérence. Sa façon de faire est meilleure sans aucun doute. Il part et elle se lève alors. Complètement remise, elle libère ses ailes. Avec légèreté, elle prend son envol et quitte l’arène. Ici il n’y a plus rien à voir. Là-bas, il y a celui qu’elle a envie de revoir, même juste un peu avant qu’il ne retourne à ses voyages. Voler lui permet d’être plus rapide et de le rattraper. Doucement elle se pose devant lui. La pointe de sa lance de glace est plantée dans le sol et elle s’approche de lui. Il y a dans son regard quelque chose de doux. Il est évident qu’elle est contente de le revoir.

- Cimériès.

Souvent elle s’est demandé quand est ce qu’elle le reverrait et dans ce monde immense, les chances étaient bien faibles. Le hasard a joué en sa faveur, l’attente aura été moins longue que ce qu’elle imaginait. Qu’en sera-t-il de la prochaine fois ? Mais elle n’y pense pas encore. Ses prunelles d’argent aux reflets bleutés repèrent ses blessures. Un peu de temps et elles finiraient par se refermer d’elles-même, cependant, elle est capable d’accélérer le processus. Jamais encore elle n’a essayé sur quelqu’un d’autre qu’elle-même, mais il n’y a pas de raison pour que ça ne fonctionne pas.

- Vous permettez ?

Lentement elle approche ses doigts, frôle à peine les plaies et c’est suffisant pour que son pouvoir agisse. Contrairement à son toucher mortel, cette fois son gel agit comme un pansement. Le froid apaise la douleur et revigore les cellules. Elle a réussi. Satisfaite, elle sourit et lève ses prunelles vers son visage. La première fois non plus elle n’avait pas été hostile à son égard.

- Vous repartez déjà ?

La Grey aimerait qu’il reste, mais ne sait pas quoi dire pour cela. Peu sociable, trouver les mots en cet instant lui est difficile.

Alors qu’il rejoint les marches servant de gradins, il ressasse un peu. Est-ce une pointe de regret qu’il ressent ? Très légère, sans doute. Pourtant il sait qu’il a pris la bonne décision. La meilleure à n’en pas douter. Mais un soupçon d’orgueil d’un lointain passé lui souffle « et si tu avais gagné ? ». La vagabond n’en avait que faire au fond. Il ne lui importait aucunement d’occuper une place le mettant bien trop en vue, et donc en danger. Et comme il l’avait dit, pour cela, il en avait fait bien assez déjà. Bien sûr, il aurait des questions à poser à Borick, quant au fait qu’il n’avait sans doute pas donné son maximum. Du moins c’est ainsi que Cimériès l’avait interprété. Mais qu’à ce la ne tienne, cela lui avait offert une parfaite argumentation pour n’avoir pas à s’infliger un autre combat alors que de toute évidence il n’en raffolait pas.

La situation allait alors prendre une tournure aussi agréable qu’inattendue. Plusieurs visages connus, d’ores et déjà croisés, avaient combattus dans cette arène en ce jour. Sans doute le prendrait-on pour un couard d’avoir ainsi fui, et l’avis porté sur lui changerait peut-être d’autant. Mais l’une de ces personnalités paraissait ne pas lui en tenir rigueur, malgré qu’elle soit elle-même tombée au tour précédent. Une première rencontre qui avait débouché sur une discussion intéressante, bien que teintée d’une certaine méfiance. À présent, en ce lieu, il n’y avait plus aucun masque à préserver. Il ne risquait pas d’être attaqué devant tant de témoins, alors qu’il venait de sortir de l’arène. Forcément cela prêterait à des relations plus franches et honnêtes, s’il n’y avait rien d’autre à craindre.

- Asteria...

Souffle-t-il alors qu’elle approche, et d’un signe de tête lui donne l’autorisation de procéder, qu’importe ce qu’elle avait en tête. Elle l’avait protégé d’un Hollow sauvage après tout, s’il y avait bien quelqu’un à qui il avait envie d’accorder un peu de sa confiance malgré sa méfiance naturelle, c’était elle. Ses blessures finirent alors de se résorber, ne demeurant bientôt pour séquelles que celles laissées sur sa tenue.

- Pas encore, non. Si le loisir m’en est donné, j’aimerais tout de même savoir ce qu’il adviendra de moi après une pareille prestation. Si je dois devenir l’un des dix ou non, je préférerais l’apprendre ici avant de repartir dans ma quête.

Il l’inspecte du regard également, voyant que sa tenue n’était pas en meilleur état que la sienne, mais plus aucune blessure visible également. Pouvoir bien commode.

- N’est-ce pas pour cela que vous êtes restée vous aussi ? Ou bien supportez-vous quelqu’un ?

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La méfiance qui régnait entre eux à leur première rencontre a presque complètement disparu, voire totalement. Il se laisse faire, preuve d’une certaine confiance. Après tout, il serait mal avisé de l’attaquer devant tous ces gens présents. Bref, un progrès bienvenu dans leur façon d’être l’un envers l’autre. Et effectivement, il y a les résultats qui doivent être donnés à la fin. Sur le coup, elle n’y a pas pensé bien que cela fasse partie des raisons pour lesquelles elle est restée. Ils auraient pu être rapportés a posteriori, mais les avoir le plus tôt possible ce n’est pas plus mal. Doucement, elle opine d’un signe de tête.

- Vous en serez assurément. J’en suis convaincue. Vous avez gagné face à l’ancien Primera après tout.

Elle sourit légèrement. Entre tout ce qu’elle peut penser, ce qui est certain, c’est qu’elle ne lui en veut pas, ni pour cela, ni pour son abandon juste après. Étrangement, tout ce qui lui importe, c’est qu’il ait ce qu’il est venu chercher et qu’il aille bien.

- Je suis restée pour cela oui, pour voir l’issue de ce dernier affrontement et puis… Pour avoir l’occasion de vous saluer.

Son visage affiche un air gêné, timide qui ne lui est pas habituel. D’ordinaire, peu de chose a de l’importance et moins encore ont le don de l’affecter.

- J’ai été étonnée de vous voir ici. C’est la première fois que je participe pour ma part. À l’origine, je souhaitais aider Borick à conserver sa place, ou au moins que l’un de nous puisse la récupérer. Mais rien ne s’est déroulé comme je l’avais imaginé.

Honnête sur la raison de sa présence, elle ne voit pas d’intérêt à lui cacher quoi que ce soit. Il y a au moins là les faits et les intentions, quant au pourquoi, c’est plus compliqué et mériterait plus que quelques mots pour être expliqué. De toute évidence, il y a un fond d’histoire de clan, mais aussi quelque chose de personnel qui n’a rien à voir avec l’ambition ou la vanité personnelle. D’ailleurs, elle s’enorgueillit d’être différente des autres sur ce point.

Je suis au moins heureuse de ne pas vous avoir eu pour adversaire. Je ne souhaite pas vous faire du mal, pas même dans ce tournoi stupide. Hum… Peut-être me serai-je contenté de me défendre et cela n’aurait été plaisant pour personne.

Tournant la tête sur le côté, elle pose son regard sur ses ailes qu’elle plie et déplie, comme si elle les étudiait l’espace d’une seconde, pensive.

- J’ai eu envie de vous les montrer lors de notre première rencontre, mais… Vous auriez pris cela pour une menace. Je les aime bien, c’est agréable de voler. Je n’ai pas honte de mon apparence dans cette forme-là contrairement à d’autres. Enfin soit. Nous pouvons attendre ensemble alors.

Car c’est ainsi qu’elle interprète le fait que l’ex Primera ne libère jamais son pouvoir. A tort, ou à raison ?

- Il a abandonné… ainsi que moi-même l’instant d’après. Item, nous ignorons sur quels critères nous serons jugés.

Tempère-t-il simplement alors qu’elle évoque sa victoire contre la Primera, qu’il n’estimait pas si glorieuse que cela finalement. Bien sûr, il n’avait pas hésité à mettre ce point en avant durant son discours, mais il ne voyait là aucune prouesse en vérité. Borick avait abandonné, après n’avoir même pas libéré sa Resurrección. Rien de formidable, honnêtement, mais au moins avait-il cherché à se mettre le plus en valeur. D’adopter une attitude bien moins passive que ce dont il avait l’habitude. De prendre les devants, de dicter le rythme, d’user de stratégie même si trop basique sans doute. Mais il avait du mal à y voir autre chose qu’un échauffement, et ce malgré les blessures qu’ils avaient tous deux récoltés. D’autres avaient été en bien plus piteux état certainement…

La discussion capte rapidement son attention de nouveau, lui fait se poser de nouvelles questions. De la surprise sans doute qui doit se percevoir.

- Vous servez Borick ? Je ne vous aurais pas imaginé comme sa suivante. N’êtes-vous pas donc d’autant plus étonnée qu’il ait pu perdre face à quelqu’un comme moi ? L’ancienne Primera, contre un gibier du troupeau qui ne se destine pas au combat… Si nous nous étions affrontés, vous auriez peut-être eu de bonnes chances de me battre, et de servir votre but initial. Vous ne pensez pas ?

Savoir ce qu’elle en pense pourrait s’avérer d’une grande importance dans sa compréhension de ce qu’il s’était passé durant ce tournoi. Il devrait revoir Borick, et lui poser la question de vive voix. Mais si Asteria en était proche, peut-être apprendrait-il déjà certaines choses ici.

- Il aurait été dommage de ne faire que vous défendre, si cela voulait dire vous éloigner de votre objectif. Me préserver serait donc à vos yeux plus important que cette mission que vous aviez, de préserver la tête de l’Espada pour l’un d’entre vous deux ?

Cela aussi était particulièrement étonnant. Ce type de tournoi impliquait forcément une forte possibilité d’affronter des Arrancar déjà croisés par le passé. De se battre pour s’élever au-dessus de la masse.

- Vous ne devez pas avoir honte, en tout cas. Cette forme s’approche de ce que vous êtes réellement. Allie ce que vous êtes, et ce que vous étiez. Au final, vous êtes plus vous-même ainsi qu’avec votre pouvoir scellé dans votre Zanpakutō. Nous nous sommes élevés au-dessus de notre ancienne condition, mais la forme que nous avons alors adopté n’est que partielle. Ce n’est que lorsque vous le libérez que vous êtes réellement vous-même, n’en ayez jamais honte !

C’était un point important. Lors de leur première rencontre, ils avaient abordé le sujet de rechercher leurs origines. Elle semblait plutôt portée sur les humains, alors que lui se tournait vers les Arrancar antiques. Peut-être que cela participait à forger également leur opinion concernant la Resurrección ?

- Je ne pensais pas que je vous aurais autant marquée en tout cas. Au point que vous voudriez me montrer votre pouvoir pour le simple plaisir de le faire. Ou de me préserver lors d’un combat pour la gloire. À quoi dois-je cet égard ?

Il allait falloir qu’elle corrige certains détails. La Grue était loin de se voir comme la suivante d’un autre, même si c’est l’impression que cela peut donner. En d’autres circonstances, cette impression lui passerait sur la tête, mais là, elle tient à clarifier les choses. Que l’Alastor ne se fasse pas de mauvaise idée. Il soulève des points, pose des questions qui la laissent circonspecte. Pas certaine d’avoir la réponse à toutes d’une part, elle n’y a pas réfléchit de l’autre. Un fois n’est pas coutume, elle se laisse guider par son instinct et ça peut sembler assez illogique quand on y pense.

- Alors, non, déjà je ne suis pas la servante de Borick. Disons plutôt que je me sers de lui pour mes propres intérêts. Mais c’est un échec cuisant. Il n’y a plus lieu d’y penser à présent. En outre, je ne le connais pas vraiment. Nous ne nous sommes parlé qu’une fois il y a quelques jours.

Aucun des membres de La Cámara n’a réussi à gagner son duel. Deux ont lâchement abandonné d’ailleurs. Alors que penser de cela maintenant ? Elle n’en est pas certaine. Déçue, un peu. Mécontente, sans aucun doute. Mais ces émotions négatives sont vite oubliées lorsque ses prunelles d’argent se perdent dans les perles d’ambre du vagabond. Ses plans tombent à l’eau. Mais qu’à cela ne tienne, elle n’aura qu’à aviser avec ce que l’avenir lui réservera. Il est certain qu’il va falloir qu’elle devienne plus forte quoiqu’il en soit. Lorsqu’il relève son sens étonnant des priorités, elle devient perplexe.

- Dit ainsi, ça semble très étrange en effet. La tête de l’Espada n’est pas mon objectif personnel cependant. J’aurai seulement souhaité qu’elle soit occupée par un membre de mon clan ou bien quelqu’un qui m’inspire confiance.

«Comme toi...» aurait-elle pu dire. Mais elle garde cette précision pour elle-même, se contentant de le regarder intensément.

- C’est… Illogique. J’avoue ne pas comprendre moi-même. Je ne dis pas que vous ne méritez pas une telle considération, seulement que cela ne me ressemble pas. J’ai pourtant l’habitude de longuement réfléchir à propos de tout en amont.

L’Argentée ne cesse de le fixer, tentant d’analyser ce qu’elle ressent. C’est comme si une force magnétique l’attirait à lui. Jusqu’à maintenant elle n’en avait pas conscience. Pour autant, il ne semble pas que le savoir lui permette de s’y soustraire si facilement. Et peut-être aussi qu’elle n’en a juste pas envie. Devrait-elle se méfier ? S’inquiéter ? Si c’était lui qui était venu à sa rencontre, peut-être qu’elle pourrait vraiment se poser la question, mais là, il n’avait rien demandé à la base. Est ce qu’il trouve cela déplacé ? Menaçant même ? Par réflexe, elle a un mouvement de recul tandis que ses traits se tintent d’une certaine mélancolie.

- Je suis navrée, si mes mots ou ma présence vous importunent. Vous m’avez fait bonne impression oui, mais je ne suis pas certaine que cela justifie tout. Je me renseignerai.

Et en attendant, elle essaiera ne pas passer pour la bizarre de service.

Une nouvelle information qui vient piquer sa curiosité. D’autant plus lorsqu’il se dressait déjà quelques questions à l’adresse de Borick. Voilà que la jeune Arrancar – pour lui, ne l’étaient-ils pas tous ? – lui parlait de se servir de l’ancienne Primera pour ses propres intérêts. Qu’étaient-ils ? Si elle s’intéressait tant au monde des hommes, qu’avait-elle à chercher du côté de l’Espada ? La vérité est limpide : il ne la connaissait pas, en vérité. Ce n’était là que leur seconde rencontre après tout. Aussi lorsqu’elle mentionnait le fait qu’elle n’avait parlé qu’à une seule reprise à Borick, il y avait quelques jours seulement, il se disait que cette même phrase pourrait le concerner également. Y avait-il lieu de lui faire confiance, réellement, ou bien espérait-elle d’une manière ou d’une autre se servir de lui également ?

Il la sent troublée pourtant. Cela apparaît de manière assez évidente, par le fait qu’elle ne parvienne pas à mettre de mots sur ce qu’elle ressentait à son égard. Apparemment plus qu’elle ne le souhaiterait, à croire ce qu’elle en disait. Quoi qu’il en soit, Cimériès ne s’estimait ici toujours pas en danger. Même si elle espérait tirer profit de lui, cela voudrait donc dire qu’elle aurait plus à gagner à le préserver dans tous les cas.

- Vous ne m’importunez pas. Je cherche à vous comprendre, mais la tâche n’est pas aisée alors que vous même n’y parvenez pas. J’imagine que « vos buts » vous ayant poussé à vouloir vous servir de l’ancienne Primera sont une entreprise dont vous ne pouvez rien dire à quelqu’un qui ne mérite pas autant de considération.

Se permet-il de répondre sans détour, bien que sans aucune forme d’animosité. Juste un regard essayant de percer cette carapace, de creuser cette incompréhension.

- Vous sembliez passionnée par le monde du vivant. J’avoue avoir du mal à connecter les points entre cela et votre volonté d’épauler ceux de votre clan. C’est d’autant plus étonnant alors de considérer que l’endroit où vous avez préféré être après ces épreuves, c’est auprès de moi. Je n’ignore pas ce qui se dit et se pense de ceux de mon espèce. Quels sont donc les liens sur lesquels vous vous reposez alors que moi-même peine tant à les discerner ?

Un très léger sourire vient étirer les lèvres amusées de la mystérieuse Arrancar. Ses buts n’ont jamais été un secret pour personne. Du moins, ceux qui s’y intéressent, car il est vrai qu’elle n’a que peu l’occasion de se montrer sociable et d’entretenir une discussion avec quelqu’un. Même au sein de La Cámara, à cause de cette sorte de rivalité de grandeur et de pouvoir, il n’est pas aisé de trouver quelqu’un qui ne souhaite pas plus qu’échanger quelques mots sans arrière-pensée. Et cela, c’est ce qu’elle trouve chez le Vagabond et qui lui plaît finalement. Cela au moins elle pourra le lui expliquer.

- La paix. Mon but est de maintenir la paix dans le monde creux afin de pouvoir m’y promener sans craindre de devoir me battre à tout bout de champ. Las Manadas sont belliqueux. S’ils viennent à sentir qu’ils gagnent en puissance et en importance, alors ça compromettra le fragile équilibre de la paix entre nos clans. Avec mon clan, ce risque est moindre.

Un soupire s’échappe d’entre ses lèvres alors que son regard argenté aux reflets irisés se pose sur sa lance. Risquer sa vie n’est pas quelque chose qui lui plaise ou qui la fasse se sentir vivante. Au contraire, c’est le risque de trépasser et de voir son existence disparaître.

- Je suis plutôt pacifique. Je n’aime pas avoir recours à la force. Mais si c’est nécessaire...

Comme ce jour-là, lors du Tournoi, elle a bien été forcée de sortir les armes. Ce duel lui aura permis de mesurer son propre potentiel et de repérer ses failles. Pour sa propre survie, elle sait désormais ce sur quoi elle doit progresser. Car si elle ne peut éviter les affrontements éternellement, elle peut au moins se renforcer pour en ressortir vivante.

- Au moins, j’aurai appris quelques-unes de mes faiblesses aujourd’hui. Je n’ai plus qu’à y remédier.

Son regard perçant en revient à Cimériès tandis que sa poigne se resserre autour du manche de sa lance.

- Quant à vous, à la réflexion, ce n’est pas si compliqué. Vous êtes paisible. J’apprécie cette quiétude que je ressens en votre compagnie. Votre présence m’est agréable. Notre rencontre a été le fruit du hasard. Il n’y a nulle machination, nulle manipulation entre nous et j’apprécie. Trouvez-vous cela égoïste ?

La question est réelle. Pour celle qui n’a jamais eu d’ami, elle semble légitime. Est ce égoïste de désirer une compagnie amicale ou plus ? Peut-on dire qu’elle se sert de lui pour combler sa solitude si elle apprécie réellement sa présence ? Des détails, des nuances qui ont une grande importance et font pencher la balance d’un côté ou d’un autre.

- Quoiqu’il en soit, certes, le monde des humains me rend curieuse, mais ce n’est là qu’une lubie. La renaissance m’a donné envie de découvrir le plus de choses possibles, d’étendre mes connaissances. Bien sûr certains sujets m’intriguent plus que d’autres, et les vivants sont l’un d’entre eux. J’imagine que je dois vous paraître complexe. Pourtant, mes actes ne sont guidés que par l’envie de paix et de savoir. Est-ce que cela répond un peu à vos questions ?

Mais elle le sait, pour un membre de La Cámara, elle est particulière. Et cela, certains ne le comprennent pas, lui collent une étiquette sans chercher à voir au-delà. C’est dommage, mais tant pis pour eux.

- J’espère avoir l’occasion de passer davantage de temps à vos côtés. Peut-être alors pourrais-je vous raconter mon histoire. Vous comprendriez certainement mieux ce qui m’a conduite jusque-là et qui je suis. J’aimerais apprendre à vous connaître davantage également.

La déclaration laissa un instant Cimériès circonspect. Libre d’un moment de réflexion. Ses interactions avec ses semblables étaient généralement et volontairement distantes. Il cherchait toujours à ne pas trop en dire pour ne pas malgré lui en lancer d’autres sur ses plates bandes. Voyait l’autre comme un sujet d’observation tout au plus, se trouvant si loin des préoccupations habituelles des autres de « sa race ». Oui, il n’estimait pas être tout à fait comme eux. Ceux qui avaient reçu le rituel de la Lune avait eu l’heur d’un présent inestimable, apte à changer la nature profonde des Hollow pour devenir un Arrancar se hissant au-delà de basses considérations.

Cependant en cette ère, il se devait de reconnaître que l’on trouvait bien plus d’Arrancar qu’en son temps, et qu’ils ne semblaient pas tous avoir pour désir la guerre et le chaos, de hiérarchiser un monde par le seul clivage de la puissance brute. Est-ce que cela expliquait qu’il n’y avait plus de Roi clair et indisputable ? Qu’un accord entre quatre meutes ait dû avoir lieu pour que ce monde puisse être en quelque sorte dirigé ? Est-ce qu’ils avaient réellement appris à réfléchir par assez pour qu’il y ait besoin de plus pour fédérer que la simple violence, que la frénésie rageuse d’un déferlement apte à rassembler par la peur ?

Car en effet, il voyait cela se dessiner. Autre que la peur, il voyait du respect – et à l’inverse, de l’irrespect envers ceux qui sont pourtant supposés régner. Un monde mouvant, où les intérêts personnels pouvaient rapidement changer au gré d’ententes multiples. Un monde qui n’était pas le sien, et sur lequel il ferait mieux de porter plus d’attention, de se laisser aller à plus de curiosité. Il recherchait l’intelligence du passé afin d’avoir une meilleure compréhension de leur univers et ainsi pouvoir percer les mystères futurs. Qu’y gagnerait-il s’il ne se contentait que de survoler le présent ?

- Bien que des différences claires demeurent, je perçois en effet des sujets sur lesquels nous pouvons nous rassembler, nous ressembler. Et si là est votre désir, je ne vois pas d’inconvénients à ce que notre discussion se prolonge, quitte à ce que nos pas se tracent de concert. Si nous ignorons encore où ils nous mèneront, vous savez au moins d’où les vôtres proviennent. Comptez-moi donc cette histoire, Asteria !

L’argentée acquiesce. Faire un bout de chemin ensemble était une bonne idée. Ainsi ils auraient l’occasion de s’aider mutuellement dans leurs recherches ainsi que l’opportunité d’en apprendre davantage l’un sur l’autre tel qu’elle venait de le dire. Tournant la tête vers l’arène, elle reste un bref instant silencieuse. D’où elle vient, comment en est-elle arrivée là. Voilà de bonnes questions. Il faudrait plus que quelques minutes pour tout raconter, mais elle peut au moins tenter de résumer en quelques phrases les grandes lignes.

« Je dirais qu’il a eu un avant, et qu’il y a un après. Avant j’étais solitaire, il n’y avait pas de clans et il me suffisait d’éviter les autres pour me sentir en sécurité et tranquille. J’ai longtemps vécu cachée dans la forêt, puis vagabonde dans le désert. Changer de lieu a peut-être été mon erreur... »

Qui sait ? Puisqu’elle ne se souvient de rien de sa mort, elle ne s’épanche pas sur le sujet. Trouver des réponses serait un bonus, mais elle reste pragmatique. Chercher une aiguille dans une botte de foin prend du temps. Du temps perdu, bien que pour les êtres immortels qu’ils sont, cela est bien relatif. Mais il y a toujours de meilleures façon d’employer ce temps. Et c’est d’ailleurs ce qu’elle fait.

« De nos jours, la conjecture est différente. Je ne puis simplement me laisser porter. J’aurai pu rester indépendante lors de ma renaissance, mais j’ai estimé cela par trop risqué. Las Manadas sont trop belliqueux. La Escoria, pas assez évoluée. Vous… Fermés aux Arrancars de mon espèce. Par élimination, La Cámara m’a semblé le meilleur choix. Plus sûr, plus ouvert, plus civilisés, j’y ai trouvé la quiétude que je cherchais. »

L’Argentée tourne les yeux vers l’Arène où les combats sont désormais terminés et où leur sort a été scellé pour les prochaines semaines, mois peut-être. Jusqu’à ce qu’un nouveau tournoi soit décrété quoiqu’il en soit. Ses prunelles de glace se posent de nouveau sur l’Alastor et elle esquisse un léger sourire. On ne pourrait pas faire plus résumé. Mais certainement qu’elle aura une anecdote de temps en temps en passant dans des lieux connus. Il peut au moins toucher du bout du doigt ce que son parcours a pu être.

« C’est terminé. Vous avez du monde à voir avant de partir ? Je vais devoir passer au Palais, sonder l’ambiance et les conséquences que tout cela va engendrer. Je vous rejoindrais après. »

Étrangement, elle n’aime pas sa propre idée, l’obligeant à s’éloigner de lui à peine l’a-t-elle retrouvé. Mais c’est une nécessité.

« Vous pouvez m’accompagner si vous le souhaitez. »

Le Palais n’est pas tellement un endroit où il doit avoir envie de mettre les pieds. Néanmoins, elle aura glissé l’idée.

L’une des grandes difficultés dans une existence telle que la leur, c’était de savoir ce qui était fait pour durer et ce qui n’était qu’éphémère. Sans doute la raison pour laquelle Cimériès s’intéressait tant aux ruines, au moins pouvait-il estimer assez certain que des constructions ayant tenu plusieurs siècles ou millénaires déjà avaient un avantage net quant à la possibilité d’être toujours là dans une période de temps au moins aussi longue. Les relations quant à elle ne duraient jamais bien longtemps, avait-il l’impression. Une seule avait été assez durable à ses yeux pour avoir une véritable importance, et aujourd’hui il avait le sentiment que ce pourrait être un jour une rencontre de pareille envergure. L’avenir dirait bien sûr à quel point il s’était trompé, l’Érudit comprendrait alors assurément qu’il restait plus doué pour comprendre les pierres que les êtres.

L’Alastor avait alors accepté sa proposition. Ils avaient pris les nouvelles à l’Arène, apprenant le numéro qui serait le leur, ainsi que la finalité du tournoi. Cela l’arrangerait de rejoindre un moment les pitons de la Camará, lui offrant ainsi une occasion de croiser Borick, désireux d’échanger quelques mots avec lui. Ainsi, Asteria et lui avaient fait un bout de route ensemble. Il avait pu parler à l’ancien Primera. Puis trop préoccupé par ses ruines, il était reparti dans sa quête. Quelque part, Cimériès aurait aimé qu’elle lui propose de le suivre. Qu’elle cherche à rester à ses côtés. Qu’ainsi, une véritable relation durable se cimente. En place de cela, leurs aurevoirs furent des adieux, car jamais ils ne se reverraient. Combien de temps même faudrait-il avant qu’il apprenne qu’elle ait péri lors de combats sur les lieux de la Grande Cataracte ? Arpentant les souterrains creusés sous la surface, il ne savait même pas ce qui avait eu lieu là-bas.

Resterait donc à voir sa réaction le jour où il l’apprendrait. Au prochain tournoi, peut-être ? C’était là qu’ils s’étaient promis de se revoir. Et donc là qu’il espérerait entre-apercevoir son visage...

Conclusion, Asteria en plein reroll. Snif, so long partner !