Perhaps perhaps perhaps

Le combat venait de se terminer. Enfin, depuis combien de temps, il sait pas trop. C’est qu’il a un peu déphasé après, s’est retrouvé sérieusement dans le coltar, tout ça tout ça. Enfin, dès le moment où il a été plus ou moins en état de se relever, paf, debout. Enfin, plus ou moins. Y a debout et debout quoi. Là clairement Kyōken n’est pas en bon état. Tout le monde le regarde de travers sur son passage. C’est qu’ils s’étaient bien mis minables avec Shinjiro, à sortir les Bankai et tout pour se mettre joyeusement sur la tronche. Les deux n’étaient pas du genre à se ménager. Un jour, y en a bien un qui finirait par claquer. Mais Kenshirō en tout cas s’accrochait. D’habitude il se perdait, donc s’il y en avait un pour passer l’arme à gauche… mais non, pas question, ça ferait trop plaisir à trop de gens.

Et cette fois-ci alors ? Boh, il est pas en état pour ressasser la fin du combat. Qui a gagné, qui a perdu… quand on est à moitié en train de claquer, ce n’est plus vraiment une question que l’on se pose naturellement. Là il est juste à moitié en train de se vider de son sang en tâchant de se rendre par ses propres moyens à la Quatrième Division. D’habitude, il s’en passe. Un peu de repos, quelques bandages… ça permet déjà de tanker pas mal de choses lorsqu’on est un Shinigami bien bâti. Mais là, ça sera difficile de faire l’impasse, tandis qu’il dépose les traces de ses mains ensanglantées sur les murs auprès desquels il passe, s’y aidant afin de ne pas s’écrouler… jusqu’à ce qu’il dérape et s’effondre, dos au mur.

- Ça va aller, ça va aller… Je vais juste… je vais juste m’asseoir là trois secondes… et réfléchir !

Les yeux à peine ouverts, en train de se vider de son sang, il allait certainement falloir plus de trois secondes en vérité...

De sortie pour diverses raisons, l’Immaculée est sur le chemin du retour vers la Huitième où elle a laissé son protégé entre de bonnes mains. Lorsqu’il est là-bas, elle ne s’inquiète pas, sachant que ses Shinigami ont tous reçu l’ordre officieux de garder un œil sur lui et d’agir s’il se trouvait en danger. Mais cela ne pouvait pas arriver. Pour cela, il faudrait que quelqu’un d’extérieur entre dans la division et déjà, là, c’était compliqué parce qu’elle faisait soigneusement filtrer les personnes autorisées aux visites. Aucune raison de se presser donc, bien qu’elle ne soit pas du genre à traîner pour rien non plus. Son air assuré se brise lorsqu’elle remarque ces traces de sang. Traces, qui se dirigent tout droit vers sa division. Alors elle ne marche plus, elle court jusqu’à trouver l’homme qui en est à l’origine.

Retroussant ses manches, elle tend aussitôt ses mains au-dessus de lui et se concentre. Une lueur verte émane d’elle et vient se propager jusqu’au corps du jeune homme. La Shugoshin ne s’attend pas à le guérir d’un claquement de doigts vu son état, mais l’urgence est de trouver la blessure la plus profonde afin d’en stopper l’hémorragie. Ceci fait, ensuite seulement elle pourra faire davantage.

- Vous m’entendez ? Je suis Shugoshin Akemi, Troisième siège de la Huitième division. Vous êtes entre de bonnes mains. Tout ira bien, je vous ai trouvé à temps. Ne bougez pas, je m’occupe de tout.

Sa voix est douce, rassurante. La jeune femme a l’habitude des blessés, même graves et rien ne pourrait la déstabiliser ou lui faire perdre son sang-froid. Garder la tête sur les épaules, il n’y a que comme cela que l’on peut sauver les vies et éviter les erreurs. Par chance, ils ne sont plus qu’à quelques pas de l’entrée de la Huitième et les Shinigami en poste gardant l’entrée se pressent vers eux lorsqu’ils la reconnaissent.

- Portez-le dans mon bureau. Doucement. À son ordre, ils s’exécutent aussitôt et elle les suit de très près. C’est elle qui leur ouvre la porte et d’un geste elle envoie valser tout ce qui se trouvait sur son bureau sans hésiter. Allez-y, posez le. Merci.

Et d’un signe de tête, elle les renvoie à leur poste. Seule, elle prend le temps d’analyser l’état de son patient. Sa main tiède se pose sur son front pour vérifier sa température. Ses yeux bleus l’inspectent, cherchent les déchirures dans le Shihakushō qui pourrait lui indiquer l’emplacement des entailles. Pas de jugement de la part de la demoiselle. Quoiqu’il ait pu se passer, ce n’est pas ce qui l’intéresse dans l’immédiat.

- Hé, salut...

Sa voix est un peu éteinte, bien qu’il tente d’y mettre plus de vie que ce qu’il lui en reste. Sa dextre s’élève pour lui caresser la joue du revers de l’index, lentement, d’un geste mal assuré mais non en moins pas hésitant pour un sou. Elle lui demandait s’il l’entendait, et cela n’était pas tout à fait certain compte-tenu de sa réaction. Bien que dans un état pitoyable, il sourit doucement avant de lui souffler.

- C’est donc à ça que ressemblent les anges ? C’est pas mon genre d’abandonner, mais je veux bien vous suivre tout de suite dans le monde d’après si ça veut dire me reposer dans vos bras !

Sa main retombe, tout comme ses paupières. Seul son sourire demeure. Le soin improvisé lui a sans doute fait du bien, bien qu’il ne s’en rende pas encore tout à fait compte. À mi-chemin de la conscience, il se fait soulever et forcément interprète à sa sauce.

- Je vooooole, mon ange, on s’envoooole !

N’a d’autre choix que de se faire emmener forcément, mais heureusement pour ceux qui le portent, il ne bronche plus et finit inconscient sur le bureau d’un troisième siège tout comme lui, pensant qu’il s’agit d’un ange qui bien sûr n’existent pas, il est supposé le savoir, étant Shinigami lui-même, mais hé, il n’était plus dans un état où son cheminement de pensée était légitime. Akemi aurait sans doute fort à faire, et mieux valait sans doute pour elle qu’il reste inconscient encore un peu, il serait ainsi plus facile à gérer.

Spoiler:

La caresse, déplacée pour la noble qu’elle est, la décontenance, mais elle reste professionnelle, focalisée sur l’objectif de le sauver. Il délire, la prend pour un ange et peut-être que cela aurait pu l’amuser, la faire sourire si elle n’était pas inquiète. Ce n’est pas la première fois non plus qu’un blessé soit dans ce genre d’état second et lui sorte des absurdités. L’Immaculée n’y prend pas garde plus que cela et de toute façon il est déjà retombé dans l’inconscience.

Alors qu’ils sont seuls, elle n’hésite plus, sort sa lame au clair, et murmure : Eclos Shūsui . Le katana ne change pas de forme contrairement à d’autres qui se transforment en tout et n’importe quoi. Son Zanpakutō n’a pas de garde et est richement décoré de dorures à la poignée. Elle plante ensuite sa lame dans le sol et s’approche du corps du jeune homme. Même s’il ne l’entend pas, elle lui parle. Peut-être qu’il se réveillera à ce moment là, peut-être que sa voix peut le guider vers la conscience et surtout, c’est ainsi que l’on doit procéder, dire ce que l’on fait.

- Je vais ouvrir votre Shihakushō pour inspecter vos blessures.

Elle s’exécute, écartant les pans du vêtement précautionneusement et avec assurance. Constatant l’ampleur des plaies, elle pose sa main sur chacune d’entre elles et sous ses doigts, un lotus bleu constitué uniquement d’eau se forme. Son énergie curative s’insinue à travers les entailles et les soigne, la cicatrisation s’accélérant à vue d’oeil. Elle profite largement qu’il soit calme pour faire ce qu’elle doit. Ses mains restent immaculées malgré le contact, lavées par l’eau purifiante.

Elle s’applique et ses yeux azur remontent vers le visage du Shinigami. Il a l’air paisible, bientôt il devrait ouvrir les yeux et elle espère qu’il ne s’agite pas trop. Plutôt mignon elle doit le reconnaître. Ce qui lui fait repenser à ce qu’il a dit sur elle. Aurait-il dit la même chose à n’importe qui d’autre ? Pas que cela ait de l’importance, mais cela aiderait à cerner le personnage.

Dans son état, forcément, les quelques mots qu’elle lui souffle ne saurait provoquer de plainte de sa part. Et comme elle ouvre sa tenue, il ne proteste pas plus, encore trop perdu dans les affres de l’inconscience. Heureusement pour elle donc, Kyōken reste inconscient durant tout le processus. Ses plaies se referment, mais de là où il est, il sait juste qu’il se sent bien, et qu’il n’a pas réellement l’envie que cela change. L’instant se prolonge alors, mais lorsqu’elle achève sa besogne, les yeux du brun se plissent. Ses lèvres remuent, sa langue claquant sur son palet. Comme lorsqu’on profitait avec plaisir d’un bon massage et que celui-ci s’achevait trop tôt à son goût !

Alors, il remue, il grommelle. Elle peut le deviner et s’y préparer : il ne va sans doute pas tarder. Émerger réellement cette fois, et pas cette divagation momentanée. S’en souviendrait-il seulement ? Ses paupières encore lourdes s’entr’ouvrent sur ses yeux gris, qui peinent de toute évidence à s’accommoder à la luminosité. La dernière chose dont il se souvient, c’est d’un combat sans retenue, où il avait tout donné...

- Je suis mort, c’est ça ? Est-ce que je dois marcher vers la lumière ?

Ses jambes remuent alors, comme s’il tentait effectivement de marcher alors qu’il était pourtant allongé. Ce n’est pas très efficace.

- Ça expliquerait pourquoi j’ai si froid...

Ajoute-t-il en cherchant à se draper de ses propres bras pour se réchauffer. Réalise alors qu’il porte son Shihakushō, mais que celui-ci est grand ouvert. Tente d’ouvrir juste une paupière un peu plus, pour regarder autour de lui. Là, force est de constater qu’il n’est pas mort. Qu’il est sur une table. Et qu’il y a une jolie fille qu’il connaît même pas, alors qu’il est à moitié à poil.

- T’as essayé d’abuser de moi, c’est ça ? Profiter d’un blessé, hein ! Bon, c’est pas grave, aller… si t’es plus à l’aise comme ça, je peux faire semblant de retomber dans les vapes si tu veux. On peut jouer à la princesse qui réveille le prince d’un doux baiser si tu veux !

Referme alors les yeux en reposant sa tête sur la table, tendant les lèvres comme s’il n’avait aucun doute qu’elle saisirait directement l’occasion.

Repos :
2100 PV (full)

Ses blessures sont totalement guéries et c’est un soulagement. L’Immaculée ne doute pas de ses capacités, mais quand même, il n’y est pas passé loin. Quelques minutes de plus et ç’en était terminé de lui. Il semble d’ailleurs en être conscient si elle en croit ses premiers mots. Doucement, elle range Shūsui dans son écrin tandis qu’elle observe son patient émerger, remuer. Par expérience, elle sait qu’il ne faut pas brusquer quelqu’un qui revient à lui et qu’il vaut mieux le laisser-aller à son rythme. Durant ses longues années à la Quatrième, elle en a vu pas mal des blessés et toute sortes de réactions de leur part. Mais celles de ce genre-là sont celles qui la mettent le plus mal à l’aise. Et cela même s’il est mignon, peut-être plus justement pour cela d’ailleurs. De beaux yeux gris tels que les siens, c’est plutôt rare.

- Navrée. Je suis juste soigneuse, Shugoshin Akemi, troisième siège de la Huitième division. Je vous ai trouvé à deux doigts de mourir dans la rue et je vous ai sauvé la vie. Ici, vous êtes dans mon bureau. Vous n’avez rien à craindre.

L’observant, elle espère que cette fois, il retiendra son nom, enfin, qu’elle n’aura pas à se présenter une troisième fois. Bon, ce n’est pas très grave s’il ne se souvient pas d’elle une fois qu’il sera reparti. Après tout sans autre occasion de se revoir, on finit par oublier les gens.

- Allez-y doucement quand même pour vous relever. Oh et désolée pour ceci. Je suis plus efficace lorsque je peux directement agir sur les plaies. Avez-vous besoin d’une couverture ? Je dois en avoir une dans l’armoire.

Par anticipation, déjà, elle fait le tour pour aller la chercher et la lui apporter. Avec ce temps hivernal, elle comprend aisément qu’être à moitié déshabillé doit l’incommoder. Et même son eau guérisseuse ne doit pas aider. Certes, elle n’est pas glaciale loin de là, mais c’est connu, quand on sort de la douche et qu’il fait froid, on a juste envie de se sécher dans une serviette bien chaude. Heureusement qu’elle se répète en boucle de ne pas le brusquer sinon elle demanderait déjà ce qui a bien pu le mettre dans un tel état. En plus, on ne sait jamais si ça touche à la sécurité du Seireitei, il va être nécessaire qu’elle soit au courant pour s’occuper de la menace si cette dernière est toujours existante.

Il la fixe, lui offrant un sourire doux malgré son état. S’il va beaucoup mieux, il aura certainement besoin de repos et de bandages après cette épreuve, malgré les soins prodigués. Mais très clairement elle venait de le tirer d’un mauvais pas… auquel lui-même ne pense plus déjà. Bien sûr ses répliques sont toutes trouvées, assez naturelles, que Kenshirō lui décoche d’un clin d’œil et d’un sourire charmeur, malgré ses paupières lourdes et son manque d’énergie.

- T’es pas une soigneuse ; t’es mon ange. Tu l’as dit toi-même : sans toi, j’serais mort. Ma vie entre tes mains Akemi, tu te rends compte ?

En cherchant à se redresser assez que pour s’asseoir sur le bureau, il tente de saisir les mains de la blanche dans les siennes, loin de se douter leur différence de classe sociale. Non pas que ça l’aurait freiné de le savoir, il n’était vraiment pas regardant de ce genre de « détails », surtout pas après ses bravades auprès de la Capitaine de la Neuvième Division.

- Moi, on m’appelle Kyōken. Mais si tu veux tu peux m’appeler Kenshirō. Surtout si c’est murmuré à mon oreille… !

Et hop, un gros clin d’œil encore plus appuyé que le précédent. Il avait peut-être perdu beaucoup de sang, mais il n’avait pas perdu le Nord !

- Pas besoin de t’excuser, t’inquiète... *Ôte le haut totalement.* Tout ce que j’ai besoin pour me couvrir, c’est ta peau contre ma peau ! Laisse !

Tente-t-il de la convaincre alors qu’elle file la chercher, cette maudite couverture, le faisant maugréer quelque peu.

- Bon… t’es sûre hein ? Ma proposition tient toujours...

Ose-t-il insister encore une fois, la couverture en main, préférant pousser un peu sa tentative avant d’y avoir recours finalement.

Son attitude la déstabilise. L’Immaculée n’a pas l’habitude d’être ainsi le centre de telles attentions. Pour diverses raisons comme le fait qu’elle ne prête pas attention au regard des autres sur elle pour commencer. Et puis parce qu’elle a toujours été dans l’ombre d’une personne ou d’une autre. Enfant, elle était celle de sa sœur, la petite toujours malade au teint blafard et aux yeux cernés par la fatigue. Adolescente, dans le cercle de la noblesse, bien d’autres étoiles brillent plus intensément et il est aisé d’être éclipsé, surtout lorsque l’on ne cherche pas à se faire remarquer. En l’occurence, elle pense de nouveau à sa grande sœur, ou bien à la Tomoe par exemple. Ici, à la Huitième, c’est son poste de plus haut gradé qui tient les hommes à carreau. Ils savent qu’elle peut être sévère et ne tolérer aucun débordement. Peut-être aussi qu’une autre aura proche d’elle y est pour quelque chose. Mais voilà, ce n’est pas quelque chose qu’elle a déjà pu vivre et elle ne sait pas très bien comment elle est censée réagir.

- Un ange ? Hum. Merci. Y a pas d’quoi. C’est juste… Mon travail.

Mal à l’aise, ses joues s’empourprent. Depuis combien de temps n’a t’elle plus croisé quelqu’un qui considère la femme en elle et pas la militaire ? Trop pour qu’elle s’en souvienne. Et quelque part, elle apprécie. Même si ce ne sont que des paroles en l’air, impossible d’y rester totalement indifférente.

- Kenshirō, enchan… tée.

La belle déglutit en le voyant complètement retirer son haut et se demande aussitôt ce qu’il fabrique. N’a-t-il pas froid ? Ah. Couverture en main, elle s’approche lentement, l’air perplexe. Elle éclaterait presque de rire face à ses propres réflexions.

- Vous n’avez pas complètement tort. La chaleur humaine… J’en ai entendu parler. Mais… Je crois ? Que ce ne serait pas très… Convenable ? Enfin, je vois bien que l’idée n’a pas l’air de vous déranger, mais je ne voudrais pas que vous vous fassiez des idées. Et ! Il est hors de question que je me déshabille !

Sourire mi-amusé, mi-gêné sur le visage, elle n’a pas l’air de lui en vouloir. Ses phrases sont saccadées. Il est évident que la sociabilité ce n’est pas son truc. Et s’il l’a bien écoutée, il a certainement compris l’une des conséquences, en dehors de ses mains, elle n’a pas connu de contacts physiques prolongés. Il y a bien eu Shūsui, mais elle, c’est différent, elle n’est ni chaude, ni froide. En plus, ça n’a eu lieu qu’une fois et elle s’est évanouie peu après. Bref, une expérience pas vraiment à prendre en considération.

Elle reste un peu hésitante alors sur ce qu’elle doit faire. Quoiqu’il en soit, le bureau n’est pas grand et elle n’est qu’à un pas de lui. S’il lui assure qu’elle ne « risque » rien, elle pourrait bien tenter l’expérience, mais sinon, elle se contentera de lui frictionner les bras et le dos au travers de la couverture. Ses doux yeux bleus glissent sur son torse avant de remonter vers son visage. En tant que soigneuse, elle en a vu passer des corps et ils sont assez souvent musclés comme on peut l’attendre des Shinigami aux capacités les plus physiques. Mais lui fait partie des plus plaisants à l’œil.

- Je ne dirais pas que vous ressemblez à un ange, mais vous n’avez rien à envier à personne. Vous ne devez pas laisser les demoiselles indifférentes, n’est ce pas ? Je ne peux pas croire que vous soyez célibataire.

La Shugoshin ne maîtrise pas vraiment l’art de tenir sa langue quand il le faut. De plus, il y a une sorte de candeur chez elle qui fait qu’elle peut avoir des mots ou une attitude que l’on n'attendrait pas chez une femme normale et encore moins chez une noble. Parfois, elle est tout l’inverse, méfiante et cassante au possible. Question de timing ou de chance certainement. Sa logique est un peu étrange et maintenant qu’elle prend le temps d’y réfléchir, elle se rend compte qu’elle en sait trop peu sur lui. Après tout, elle n’est pas moche, pas méchante, pas insupportable non plus et pourtant, elle est seule.

Bon, apparemment c’est mort. Si insister ne lui fait pas peur, il sait aussi qu’un « pas question que je me déshabille » ne peut jamais bien se terminer. Il vient déjà de se prendre une déculottée, il n’a pas trop envie de se faire envoyer en cour martiale à peine remis sur pieds, faut pas trop déconner non plus. Kenshirô se pose négligemment la couverture sur une épaule, pas trop frileux de toute évidence, plus pour se libérer les mains qu’autre chose. Et pourtant elle venait de lui foutre un coup de clim’, fallait avouer. Il pivote sur son bassin afin de s’asseoir sur le bord du bureau, coupant déjà un peu de la distance qui les sépare. Un sourcil qui se rehausse, à la voir ainsi rougir malgré son refus ferme.

- J’peux clairement pas tenir le rôle de l’angelot, mais j’suis plutôt pas mal comme démon, j’suis d’accord ! Et encore, j’t’ai pas montré mon déhanché endiablé.

Il se marre, se gratte un peu la tempe. Est-ce une manière d’indiquer qu’il réfléchit, ou bien une gêne légitime ?

- Célibataire, pas célibataire… bon, c’est plus compliqué que ça hein, mais bon, hé, ahah, comme on dit, heu… bah… non, j’ai pas d’expression toute faite là…
Enfin, tout ça pour dire… Oui, je suis célibataire, et libre comme l’air. Mais bon, y a p’t’être une option. Encore que bon, non, j’arrête pas de me prendre des râteaux… Ouais, donc, libre de libre, de ouf, c’est bizarre que j’sois célibataire j’suis d’accord, et toi ? Parce que t’es trop mignonne, tu dois avoir une file d’attente longue comme le bras sur ton carnet d’bal ma belle ! Ou bien tu t’la joues « j’suis pas une fille facile » jusqu’à ce qu’ils décampent tous ? Ahah, t’es bien l’genre ouais !

S’il se permet un jugement, cela reste au moins bon enfant, disant cela sur un nouveau rire plutôt détendu, comme si ça le dérangeait pas le moins du monde, et que ce n’était pas un défaut qu’il venait de pointer. C’est qu’il connaissait bien ce challenge, ou plutôt ce « mur » qu’une femme pouvait poser. Lui, plus qu’aucun autre, se destinait à ne pas renoncer pour si peu !

Bien qu’il s’approche de façon subtile, elle ne se laisse pas impressionner. Cet homme est différent de ceux qu’elle a pu observer. Alors elle regarde, écoute, l’étudie presque. Akemi n’est pas assez coutumière des émotions et réactions humaines pour percevoir qu’il utilise l’humour et la dérision pour masquer une gêne. D’autant plus qu’elle a à peine le temps de s’attarder dessus puisqu’il enchaîne avec des propos décousus. Pour peu, elle aurait l’impression de se voir dans un miroir. La réponse de son célibat ne semble pas si évidente que cela puisqu’il lui faut un peu de temps pour parvenir à oui en passant par un non. Une option. Se prendre des râteaux. Elle ne comprend pas ce qu’il raconte. Sa façon de parler est bien différente de la sienne.

« Je… Ne comprends pas tout mais… Vous êtes célibataire, c’est un fait. Pour autant j’ai l’impression que ce n’est pas si simple. Qu’il y a une femme en particulier, je me trompe ? Elle vous plaît, mais elle, elle ne vous voit pas. »

Qu’importe le sens que l’on donne au terme « voir ». Pour la Shugoshin, c’est une sorte de sens figuré, de métaphore. Ce mot peut englober toutes les situations à lui seul. Cette femme pourrait, ne la le voir parce qu’elle l’évite, ou bien parce qu’un autre occupe ses pensées ou encore parce qu’elle ne le considère pas comme un homme. Pas qu’il ait l’air d’une femme, certainement pas, mais qu’elle le considère comme autre chose, ami, frère ou autre.

« Moi… Je suis célibataire. Je n’ai pas de liste d’attente contrairement à ce que vous pouvez penser. Ce genre de choses frivoles n’ont pas leur place dans mon quotidien. Les prétendants n’ont guère l’occasion de m’approcher. Je passe mon temps à étudier, travailler ou m’entraîner. Et puis ma situation est particulière. Mon maître… Je doute qu’il accepte que j’aie une telle distraction. »

Elle sourit doucement, comme si cela ne la dérangeait pas. De fait, elle se moque bien d’être célibataire car la seule personne auprès de qui elle souhaite être, c’est ce dernier. Tout ce qu’elle a perdu lorsque sa vie a basculé et qu’elle a été transférée à la Huitième division n’a plus eu autant d’importance lorsqu’elle s’est mise à apprécier sa nouvelle situation et cet homme qu’elle protègera au péril de sa vie.

- Ouais, en gros c’est ça ! Y a trop de gens qui m’aiment, et donc on dirait qu’elle me voie même pas. Un truc dans le genre.

Pourtant comme il semble y réfléchir, il paraît dubitatif. Peut-être simplement par le fait que ses propos n’avaient pas trop l’air de s’appliquer ou en tout cas de ne pouvoir être parfaitement cohérents. En quête de sens alors, il s’interroge. Quoi qu’il en soit, elle lui offrait une porte de sortie, un chemin de discussion se détournant de lui et donc qui l’arrangeait bien mieux.

- Hé mais attends ! C’est pas toi qui décide si y a une file d’attente ou pas ! Et si les prétendants ont pas l’occasion d’approcher, ça confirme bien qu’y en a, hein ? J’ai raison ? Trop mignonne la petite chatte, c’est sûr, doit y avoir du monde qui voudrait bien la poupouiller entre les deux oreilles, héhé !

Se permet l’audace de la patpat doucement sur la tête en riant. S’il n’avait pas encore récupéré toute son énergie après le rude combat qui l’avait mené jusqu’ici, il semblait du moins en avoir assez sous le pied pour tenir une répartie décente. Un peu palot encore, mais hé, pas de quoi le tracasser assez pour qu’il décide de lui-même de se cantonner au repos. Pas tout de suite en tout cas.

- Mais quand les petites chattes ont un maître, elles ne répondent plus aux autres appels, pas vrai ? Moi je suis plutôt clébard, je vais partout où y a moyen de grailler gratuit. J’vais pas poser plus de questions sur ta relation avec ce « maître », ça risquerait d’pas être approprié, mais je note l’info. En attendant...

Dans ce qui avait chuté du bureau plus tôt, il attrape une feuille de papier – sans trop se soucier de ce qu’il se trouve à son recto – et y note « Liste d’attente : - Kyōakusei "Kyōken" Kenshirō » avant de la lui glisser.

- Tiens, au cas où ! Tu pourras plus faire genre t’en n’as pas, héhé ! En attendant… merci pour l’coup d’main Akemi. À défaut d’t’avoir contre ma peau, j’vais aller m’ranger sous ma paillasse. Et qui sait, p’t’être que j’rêverai à tes mains douces ? Hin hin !

Sur ce ricanement, il lui adresse un clin d’œil appuyé, avant de tourner les talons. Elle avait toujours l’occasion de le retenir avant qu’il passe la porte, sinon il filerait en lui laissant tout ce bordel derrière !