Fatigue mentale

Posé dans la salle de repos, Tetsu se maintenait la tête entre les mains, un carnet de note posé en face de lui, ouvert sur une page. La page en question était complétement griffonnée d'annotations, notamment sur les affaires les plus récentes auxquelles il avait participé. Il paraissait fatigué, réellement, et se questionnait toujours sur le dernier échange qu'il avait eu avec un haut responsable d'une autre division.

Autour de lui, personne. Non pas qu'il se soit isolé, seulement lorsqu'il était dans cet état, les autres l'évitaient généralement. Il n'était pas désagréable pour autant, seulement il avait tendance à parler tout seul, à griffonner et relire encore et encore ses notes afin d'essayer de comprendre. Cela agaçait les autres. Et si le Furihata en avait conscience, il devait admettre que cela ne le dérangeait pas. Il était mieux seul que mal accompagné et la confiance était majoritairement problématique chez lui.

- Je suis pourtant sûr d'avoir respecté le protocole. D'accord, la Capitaine a mon rapport. Mais qu'est-ce qu'elle va en faire en réalité ? Et puis l'autre là, il est capable de détourner la vérité. Il est le genre à faire ça, j'en suis sûr.

Relevant la tête, il tira vers lui son carnet, tournant une ou deux pages avant de s'arrêter et de relire le cas dont il parlait tout seul.

- Bien, regardons ça de nouveau. On sait jamais.
1/ Première étape : se présenter et annoncer ses intentions. Check !
2/ Seconde étape : donner les éléments de preuve. Check !
3/ Demander à voir le suspect pour contre-interrogatoire. Check !

Il listait de nouveau le processus qu'il s'imposait et n'avait omis aucun détail. Poussant un soupir de soulagement, il replongea sa tête dans ses bras, marmonnant :

- Je suis fatigué...

@Shiro Mayuri

Une bonne chose de faite, sa pile de dossiers du jour venait de se terminer. Enfin, bonne, le mot n'était pas exactement celui qui lui venait en tête en premier, bien qu'ils soient plutôt nombreux. Mais au moins, on devrait lui laisser un peu de répit pour le reste de la journée, à minima pour les prochaines heures. Ce qui lui permettait de faire assurément de faire une petite pause, voire même de se permettre une petite vadrouille dont elle avait le secret. Avec bon espoir de faire de nouvelles rencontres! Mais d'abord, petit passage en direction de la salle de repos où elle pourrait probablement échanger un peu avec quelques membres de la Division. Leur Capitaine était déjà suffisamment distante, il ne fallait pas qu'ils pensent que la Vice Capitaine suivait le même chemin.

Pourtant, alors qu'elle approchait des lieux, elle eut la surprise de voir plusieurs Shinigamis quitter la salle de repos sans demander leur reste. Pas au point de laisser penser qu'ils fuyaient un danger mais... presque en fait. Elle tendit l'oreille vers leurs murmures parvenant à distinguer quelques échanges rapides. Visiblement, le bien connu Furihata Tetsu se trouvait donc là-bas et ils préféraient l'éviter pour le moment. Pourquoi donc? Elle n'avait pas entendu la raison. Mais la curiosité la poussait à aller le vérifier d'elle-même. Après tout, combien de fois n'avait-elle pas vu ce nom sur ses dossiers sans pouvoir réellement y replacer un visage? Probablement l'avait-elle déjà croisé sans savoir qui il était. Mais là, l'occasion s'offrait de faire cette rencontre officiellement. Et au moins, elle connaitrait le visage contre qui elle pestait, enfermée dans son bureau...

Silencieusement, elle pénétra les lieux pour apercevoir le jeune homme, concentré sur un carnet posé devant lui. Une affaire semblait accaparer fortement son attention. Au point qu'il se mette à la résumer à haut voix, énumérant les étapes qu'il avait suivies et les doutes qui embrumaient son esprit. Pendant quelques secondes, elle observa le jeune homme sans rien dire, le jaugeant avant de finalement s'exprimer

En tout cas, elle avait raison, tu as vraiment l'air d'être quelqu'un de passionné. Même si tu as un don pour me donner la migraine... Je ne sais pas encore si tu m'impressionnes ou si tu m'ennuies à mourir je dois dire.

Peut-être un brin direct comme approche, mais elle avait du mal à faire autrement. N'était-ce pas ce qui faisait son charme? S'avançant en direction de Tetsu, dirigeant son regard vers son carnet, elle reprit la parole en souriant:

Furihata Tetsu si je ne m'abuse. Pardonne moi de m'introduire au milieu de tes réflexions, je suis Shiro Mayuri. Nous n'avons pas eu l'occasion de discuter ensemble jusqu'à présent. L'occasion était trop belle et je me suis dit que je pourrais peut-être t'apporter mon aide?

Il leva simplement le regard alors que la voix proche semblait s'adresser à lui. Il n'eut pas à réfléchir longtemps à l'identité de la personne. S'il ne lui avait jamais véritablement parlé, Tetsu tenait à connaître les responsables de sa division. Ne serait-ce que par respect. Un dixième siège devait se tenir informé de ce genre de chose après tout. Quant à ce qu'elle disait ?

- Oh, que ce soit l'un ou l'autre, cela n'a que peu d'importance en vérité. Seul le devoir prime.

Une réponse presque automatique. Il savait qu'il ennuyait bien des personnes avec son approche toute personnelle de leur mission. Mais ici, il était lui même en mode migraine, alors il ne pouvait pas en vouloir aux autres de ressentir la même chose en l'écoutant. Après il n'obligeait personne à le faire non plus.

Seulement une des choses que la Lieutenante venait de dire sortit un peu Tetsu de son brouillard. "Elle avait raison". Il n'avait aucun doute sur l'identité de ce "elle" : sa capitaine, forcément. Ses yeux s'étrécirent un peu alors qu'il jaugeait Shiro. Si Nozomi avait parlé de lui, ce n'était pas nécessairement une bonne chose le concernant. Il le savait. Sa Capitaine l'avait à l'oeil depuis un moment. Le trouvant quelque peu extrême dans son comportement. Mais la vérité, Tetsu la connaissait. Ou le pensait-il. Nozomi avait seulement peur que son Dixième siège découvre pour qui elle travaillait vraiment. Qu'il découvre qui elle pouvait couvrir. Et elle ? Faisait-elle partie du complot ?

- Il n'y a aucun mal. Asseyez-vous si vous le voulez, Vice Capitaine. Un second regard peut parfois être utile, il est vrai. Malheureusement je crains que pour ce dossier, il ne soit trop tard.

Il ramassait son carnet pour ne pas encombrer la table alors qu'il lui faisait signe de se poser. Il poussa un simple soupir, il paraissait effectivement fatigué de sa dernière mission. Mais il n'était pas fermé sur le principe d'en parler.

- J'ai remis à Tomoe-Taichō un rapport concernant ma dernière mission. Simple exercice de routine qui m'a amené à me rendre à la Troisième division. Cela s'est assez mal passé. Le capitaine de cette division n'ayant pas apprécié que nous puissions enquêter sur certains de leurs membres. Je savais les relations inter division parfois difficiles. Mais je ne pensais pas que l'animosité pouvait être si grande. J'ai été un peu étonné.

Mais s'apercevant que cela pouvait être interprété comme un aveu de faiblesse, il se reprit de suite :

- Selon l'alinéa 2, chapitre 3, il est du devoir d'un enquêteur de se présenter au responsable de la division concernée par une enquête de se présenter et de formuler les raisons de sa présence. Ce que j'ai fais. On ne peut me reprocher mon approche. Seulement le Capitaine Aizome n'a pas du tout comprit ma démarche. Du coup je me demande si j'aurai pu faire autrement pour calmer ces tensions.

Tout en respectant les lois du Seireitei. Il était inconcevable pour lui de faire autrement. Il rebondit du coup sur autre chose :

- Je suppose que c'est la Capitaine qui vous a parlé de mon côté "passionné" ?

De la méfiance était présente dans son regard.

Sa réponse semblait avoir amusé Mayuri. Si elle ne dérogeait pas vraiment aux règles d'étiquette en place au sein du Seiretei, elle était plutôt directe et remettait gentiment la Vice-Capitaine à sa place. Nombreux était-ceux qui ne se seraient pas permis une telle réponse face à un gradé, mais elle appréciait que les gens soient francs. Après tout, il aurait été indécent pour quelqu'un comme elle, qui laissait parfois échapper ses pensées librement, de ne pas tolérer que les autres puissent dire ce qu'ils pensaient. D'autant plus quand ladite phrase représentait leur personnalité, leur façon d'être sans le moindre doute.

Dans un sens, ce n'est pas vraiment faux, j'avoue. Mais il y a plusieurs façon de remplir son devoir tu ne penses pas? Plusieurs manière de "bien" le remplir je veux dire.

Le léger sourire sur son visage ne laissait aucun doute sur le fait qu'elle avait quelque chose en tête. Pas un sale coup, ce n'était pas son style. Simplement une vision différente de Tetsu et elle comptait bien profiter de cette rencontre pour la confronter à la sienne. Alors que ce dernier débarrassait quelque peu la table et l'invitait à venir s'asseoir près de lui pour discuter d'un cas, elle nota intérieurement ses derniers mots. Si elle comprenait bien, l'affaire pour laquelle il revoyait chaque élément avec un telle minutie depuis tout à l'heure était une affaire déjà clôturée... Passionné nous avions dit? Peut-être un brin maniaque.

S'asseyant non loin de lui, elle déclara simplement

Hé bien, cette affaire a dû drôlement mal se passer pour qu'elle te tracasse à ce point. Parle m'en toujours, nous verrons bien si j'ai un avis différent du tien.

Avec attention, elle écouta les explications de Tetsu, allant même jusqu'à noter quelques informations majeures sur son propre carnet. Ayant tendance à être facilement distraite - ou parfois ennuyée - elle préférait toujours avoir quelques notes lorsqu'elle participait à une discussion importante ou demandant une réflexion. Et cela prouvait à son interlocuteur qu'elle s'intéressait au sujet. Relisant les quelques mots qu'elle avait écrits, elle constata qu'il lui avait effectivement décrit toutes les démarches qu'il avait entreprises sans pour autant lui donner la raison de sa visite au sein de la Troisième. Probablement considérait-il que cela n'avait pas d'importance. Ce n'était pas son avis à elle.

Outre les tensions inter-divisions, les autres Divisions aiment rarement les visites de la nôtre. Ils ont l'impression que nous sommes là juste pour chercher la petite bête, pas pour améliorer les choses ou faire respecter la loi. Ce qui doit expliquer l'accueil que tu as reçu. J'ai d'ailleurs eu une discussion à ce sujet avec un ami de la Onzième il n'y a pas si longtemps. Je suis curieuse, peux-tu me dire quel était le motif de cette enquête? J'imagine que cela a pu jouer sur l'accueil que tu as reçu.

Quant à la dernière question, elle afficha un sourire amusé, penchant la tête sur le côté pour observer le comportement de son interlocuteur

Est-ce important l'origine de cette information? Laissant une courte pause, elle acquiesça finalement pour que Testu n'ait pas l'impression qu'elle cachait quelque chose Effectivement, c'est bien la Capitaine Tomoe. Cela remonte à un moment déjà. Elle avait répondu à une de mes questions visant à savoir sur qui je pouvais m'appuyer au sein de la Division. Et c'est ton nom qui a été cité. Prenant un sourire taquin, elle ajouta Vas-tu lancer une enquête contre moi pour savoir si je dis la vérité?

Là encore il n'était pas tout à fait d'accord avec la Lieutenante. La notion de devoir étant bien souvent sujette à interprétation en fonction des personnalités. Mais il n'était pas ici pour parler de cela. A dire vrai, elle avait évidemment visé juste en mentionnant le fait que la mission se soit mal passée. Et c'était peu de le dire. Il avait toutefois avancé ses explications et en un sens, cela le soulageait de pouvoir en parler à une personne autre que lui-même.

Il sentait en partie sa tension se dissiper. Si elle ne disparaissait pas totalement, au moins était-elle moins pesante. Et c'était dans ces circonstances précises qu'il se souvenait des échanges avec d'autres membres de sa division. Souvent on lui avait reproché d'être trop impliqué dans ses missions, de lâcher du lest. Après tout, il n'était que dixième siège. Il n'avait jamais été d'accord avec ces arguments, estimant que le numéro du siège ne devait en rien être un facteur d'engagement. Sa mission primait, simple shinigami ou capitaine ne changeait rien.

Alors qu'elle lui demandait le motif de la mission, il releva les yeux vers elle. Réajustant ses lunettes qui tombaient sur son nez. Il n'hésita pas une seule seconde :

- Comme je le disais : simple mission de routine. Un témoin avait remonté une information à notre division au sujet d'une rixe qui aurait débuté entre deux shinigamis. Selon ce même témoin, le shinigami appartenant à la Troisième division aurait alors dégainé son Zanpakutō au cours dudit conflit. Contrevenant donc au règlement. Il n'y a eu aucun dépôt de plaintes mais il appartenait à notre division, comme à chaque fois dans ces cas-là, de mener une simple enquête de routine.

Ce qui, juste que là, entrait effectivement dans les prérogatives de leur division. La plupart du temps, ces enquêtes servaient surtout à sermonner les individus concernés et de leur faire un rappel à la loi. Qu'ils comprennent qu'il était à éviter de dégainer son sabre pour une simple dispute, l'alcool aidant, cela pouvait aisément dégénérer.

- Ainsi, mon partenaire s'est occupé de relever le témoignage du témoin et s'est rendu auprès de la supposée victime tandis que moi, je me suis présenté au capitaine de la Troisième division pour lui demander l'autorisation de rencontrer le suspect. Rien de plus, rien de moins. S'il est vrai que j'aurai pu me rendre directement auprès de la personne pour recueillir son propre témoignage, j'ai préféré jouer la carte de l'honnêteté et de la transparence. Afin d'éviter que l'on dise que la Neuvième passait outre la chaîne de commandement.

Il eut un sourire las. Avant de conclure.

- Un bel échec...

La confirmation arrivait enfin. Il n'en doutait pas une seule seconde mais l'entendre le rassurait sur ses propres observations. Toutefois la dernière remarque fit tiquer le dixième siège. S'il n'était pas proche de sa Capitaine, il la connaissait toutefois suffisamment pour être convaincu que jamais elle ne dirait cela de lui. Non pas qu'elle se méfiait, seulement il savait qu'il ne faisait pas toujours bonne impression. Pour preuve leur dernier échange au sujet de la Seconde division, même si la mission avait été une réussite. Pour preuve aussi le fait qu'il stagnait à la même place depuis plusieurs années maintenant.

- Oh non, jamais je ne ferai cela, Shiro-Fukutaishô. Et puis... De vous à moi, une enquête sert essentiellement à éclaircir les zones d'ombres. Je sais ici que ce n'est pas le genre de notre Capitaine de dire cela à mon suujet. Je suis donc persuadé que vous nuancez ses propos.

Il n'avait même pas l'ombre d'un doute. Mais il eut un sourire. Sincère.

- Et je vous en remercie.

Il ne connaissait pas Mayuri. Il ne savait donc pas si elle avait agi ainsi pour ne pas lui faire de la peine quant à ce que pensait réellement Nozomi de lui ou si elle avait simplement dit cela pour le tester. Mais dans le doute, il préférait penser à la première solution.

- Vous savez, je sais ce que l'on dit de moi au sein de la division. Trop appliqué, trop sérieux. Et tendance à la paranoïa. Mais comme le disait si bien mon propre père : "ce n'est pas parce que tout le monde a tort qu'ils ont forcément raison".

Calmement, assise non loin de lui, elle écouta les explications de Tetsu quant à l'origine de la mission. Ainsi, il avait souhaité confronter deux Shinigamis qui s'étaient affrontés après une soirée un peu trop arrosée. Rien d'exceptionnel en soi, cela se produisait régulièrement au sein de Seireitei. Mais il est vrai que si l'un d'eux avait sorti son Zanpakutō, la scène revêtait un caractère légèrement différent. Car il était fermement interdit d'user de son Zanpakutō entre Shinigamis, en dehors d'un entrainement bien évidemment. Mais cela valait-il vraiment le coup d'intervenir?

Si elle comprenait bien le point de vue de Tetsu, il semblait clair que, pour lui, chaque manquement au règlement nécessitait une action de la Neuvième, au minimum, voire peut-être même une sanction. Mais était-ce réellement le rôle du règlement? Pour elle, il existait pour définir un cadre permettant d'éviter que le Seireitei sombre dans un désordre permanent. Une sorte de protection implicite, qui faisait effet rien que par son existence. Il fallait évidemment faire des rappels à l'ordre dans le cas où certains l'oubliaient trop souvent. Mais sans faire de zèle car celui-ci nuisait bien souvent à leurs objectifs.

Je vois, je comprends ta démarche même si je ne suis certaine que j'aurais agi ainsi. Je ne suis pas sure qu'un Capitaine ait le temps de gérer ce genre de demandes, ils sont généralement très occupés. Comment a-t-il réagi? Mal si tu dis que ce fut un échec. Donc j'imagine que c'est ce qu'il t'a répondu? Et peux tu me dire ce que tu lui as dit exactement? Cela m'aidera peut-être à te conseiller pour la prochaine fois.

Quant à l'autre partie de leurs échanges, Mayuri ne put camoufler de l'amusement devant les paroles de Tetsu. Il n'avait visiblement aucune confiance dans l'image que lui portait la Capitaine. Avaient-ils déjà eu l'occasion de discuter ensemble? Probablement. Sauf s'il faisait simplement preuve de paranoïa, difficile à dire. Ou peut-être avait-il conscience qu'il dépassait parfois les bornes. Mais ce n'était pas certain vu la teneur de ses dernières paroles. Ainsi, elle répondit simplement avec le sourire

Et j'imagine que les gens disent de moi que je ne sais pas suffisamment tenir ma langue. En tout cas, pas quand je devrais. Et contrairement à toi, je pense qu'il y a du vrai dans leurs propos! Si j'ai quelque chose à dire, je le dis, que cela plaise ou non. Au moins, les relations sont plus simples ainsi.

Marquant une légère pause pour observer la réaction de Tetsu, elle poursuivit

Tu n'es pas obligé de me croire mais je maintiens que ce sont les paroles de la Capitaine. Par contre, elle ne m'a effectivement pas fait que ce seul commentaire, mais l'avis était plutôt positif. Mais j'aime me faire mes propres avis sur les gens. Les rumeurs sont ce qu'elles sont. Regarde la Onzième, la majorité des gens les considère comme des combattants sans cervelle. Et pourtant, pour avoir un ami chez eux, je sais que ce n'est pas le cas.

Tetsu devait admettre que de retranscrire mot à mot l'ensemble de l'entretien l'agaçait passablement. Il avait déjà eu du mal à garder son calme face aux irrévérences du capitaine Aizome, il était donc à bout de force. Mais le respect des grades primait et une demande de la Lieutenante devait être suivie de faits. Par ailleurs, il n'était pas plus étonné que cela d'apprendre qu'elle même aurait agi différemment. En réalité, la plupart trouvait que les règles n'étaient là que pour encadrer, qu'il ne fallait pas les prendre au pied de la lettre. Mais pour Tetsu, c'était différent. Le laxisme n'avait pas sa place au sein de la Neuvième et il avait tendance à croire qu'il était le seul à prendre les préceptes de la Justice au sérieux.

- Je ne désirais pas le déranger outre mesure. J'ai donc seulement demandé sa permission pour aller moi même au devant du shinigami concerné afin de l'interroger. J'estimais normal d'avoir l'autorisation du Capitaine avant d'aller au devant de ses hommes, sans quoi on aurait aussi trouvé à y redire.

Sur ce point, il n'avait aucun doute. Il était même convaincu que cela aurait été pire. Si on reprochait à la Neuvième d'aller voir les shinigamis des autres divisions sans en informer les autorités compétentes de la dite division, alors il aurait eu de vrais problèmes.

- Seulement à peine avais-je formulé ma demande qu'immédiatement, le capitaine m'a accusé de vouloir générer des tensions entre nos divisions. Je vous assure que cela s'est passé ainsi. S'il m'avait renvoyé du bureau en me disant de gérer cela sans le déranger, j'aurai compris. Mais il s'est montré agressif dans ses propos, même si le ton était posé. Au fur et à mesure que j'essayais de lui expliquer la situation, il se renfermait sur lui. Avouant même à mi mot qu'il serait capable de couvrir un de ses hommes s'il estimait qu'il devait le faire. Je lui ai simplement demandé où trouver son homme, m'excusant pour la gêne occasionnée. Il n'a rien voulu savoir.

Aizome avait donné une très mauvaise impression à Tetsu, au point de générer le doute quant à ses capacités à agir en bon capitaine. Il en avait fais mention dans son rapport. Non seulement au cours de la discussion, le capitaine avait maintenu sa position, mais il avait aussi jamais cessé de tenter de rabaisser les compétences de la Neuvième division. Tetsu ne pouvait accepter cela.

- Le Capitaine a un regard très personnel sur l'utilité de notre division, jugeant que nous ne sommes qu'une gêne. Si à ses yeux, le seul moment où nous devons agir concerne un meurtre, alors c'est qu'il se fourvoie. Si on en arrivait là, cela signifierait que l'on a échoué dans notre mission. Le laxisme ne peut être toléré sous prétexte qu'un Capitaine n'apprécie pas la présence d'enquêteur au sein de sa division.

Il observait Mayuri. Peut-être finalement qu'elle partageait les opinions de Aizome ? Si tel était le cas, alors le poison du Seireitei avait touché les plus hautes instances. Un danger. Il comprenait en tout cas son raisonnement. S'il ne croyait toujours pas que Nozomi puisse se montrer bienveillante à son égard, au moins voyait-il en Mayuri une volonté de se faire un avis par elle même. Comme lui finalement.

- Là dessus au moins je vous rejoins. Il est important de se faire son propre avis, je suis aussi de cette école. Je ne saurai dire pour la Onzième mais je veux bien croire qu'ils ne sont pas de simples soldats sans cervelle. Même s'il arrive fréquemment qu'ils fassent l'objet de plaintes diverses, admettons le. Quant à l'affaire avec la Troisième division, je suis impatient de savoir comment vous, vous auriez réagi dans cette situation.

Il avait été étonné d'apprendre que la Lieutenante avait un ami au sein de la Onzième. Il arrivait fréquemment que cette division apparaisse dans les rapports d'incidents. Ils arrivaient même souvent en tête des problèmes, même mineurs, qu'il fallait régler.

Sans l'interrompre, la demoiselle avait laissé Tetsu expliquer en détails sa rencontre avec le Capitaine de la Troisième Division. Nagatsuki Aizome. Elle avait déjà entendu son nom être cité mais n'avait jamais eu l'opportunité de le rencontrer. Visiblement, le Capitaine n'était pas un homme facile. Rien d'étonnant à cela à vrai dire. Selon les rumeurs, les Shinigamis de la Troisième Division avaient une tendance à se considérer supérieurs aux autres. Parce qu'ils géraient les menaces les plus importantes, les hollow les plus dangereux. Alors pour eux, s'occuper de la Justice devait être une sous-tâche, bien loin de leurs préoccupations.

Comme s'il avait entendu ses pensées, Tetsu venait de s'exprimer sur la façon dont le Capitaine de la Troisième considérait la Neuvième Division. Et la jeune Shinigami ne put retenir un soupir, posant une main sur sa joue alors qu'elle inclinait la tête en signe de lassitude.

Qu'ils peuvent être ennuyeux ces gens à tous rabâcher la même rengaine. La Neuvième n'est composée que d'enquiquineurs faisant perdre leur temps aux gens. La Onzième n'est composée que de singes qui ne pensent qu'à taper. La Quatrième n'est composée que de lâches qui ne savent pas se battre. Cette quantité de rumeurs et de préjugés que l'on peut entendre en laissant trainer ses oreilles, c'est épuisant...

Semblant réfléchir un instant, elle tourna un regard bienveillant vers Tetsu pour reprendre rapidement

Je suis plutôt d'accord avec ce que tu viens de dire. Ce n'est pas parce que les gens ont des idées étroites qu'il doit en être de même pour la Neuvième Division. Donc pas de laxisme. Mais je pense qu'il ne faut pas confondre zèle et fanatisme. La Neuvième est là pour s'assurer que les lois soient respectées, oui. Et tu me sembles d'ailleurs les connaitre sur le bout des doigts. Et c'est pour ça que je pense qu'un expert a aussi d'autres devoirs: porter un jugement critique sur son domaine, et aider les gens à comprendre leur rôle.

La suite des commentaires de Tetsu quant à la Onzième Division rajouta un peu de légèreté à la discussion et Mayuri ne put retenir quelques rires devant ses dernières remarques. Effectivement, elle avait vu passer de nombreux dossiers au sujet de cette Division. Mais à y regarder de plus près, aucun n'avait jamais été réellement sérieux.

En effet, leurs noms apparaissent souvent je dois bien l'avouer. Mais je ne me souviens pas avoir déjà vu une plainte grave à leur encontre. Enfin, ce n'est pas le sujet ici. Comment j'aurais réagi dans ta situation? Difficile de savoir sans y être confronté.

Elle prit quelques seconde de silence pour jauger la situation et rassembler ses idées

Pour être honnête avec toi, je ne suis pas certaine que je serais passée par le Capitaine. Peut-être lui déposer un message pour l'en informer afin d'éviter, comme tu l'as dit, que cela ne nous soit reproché plus tard. Mais pas davantage afin justement qu'il n'ait pas l'impression d'être dérangé pour des broutilles. Attention, je ne dis pas que ce sont des broutilles, mais que c'est ainsi qu'il le voit. Et si je m'étais retrouvée face à lui... Hm... C'est compliqué comme situation j'avoue. Soit je lui aurais présenté les choses de façon positive, en lui disant qu'évidemment nous n'allions pas mener plus loin l'enquête, aucune raison de créer des tensions avec sa Division etc. Je n'aime pas la politique mais avec certains, je crois qu'il n'y pas pas le choix. Ou bien peut-être que ma langue m'aurait trahie et je lui aurais rappelé tout ce que fait notre Division, contrairement à ce qu'il pense. Et j'aurais peut-être fini dans la même situation que toi, qui sait.

Penchant la tête sur le côté, elle termina avec une question simple, une idée semblant avoir germé dans sa tête

Peut-être faudrait-il que je me rende auprès de ce Capitaine pour en discuter avec lui après tout. Qu'en penses tu? Je pourrais peut-être ainsi faire les deux d'en coup. Comprendre ce qu'il n'a pas apprécié dans ta venue et lui rappeler quel est notre travail.

Dire que c'était la première fois qu'on le targuait à mi-mots d'être fanatique aurait été faux, évidemment. Il connaissait son penchant au zèle et savait que cela dérangeait la plupart des personnes qu'il croisait. Certes, il fallait faire preuve de souplesse et s'adapter à la situation. Et si Tetsu le comprenait, il avait évidemment du mal à se plier à ce commandement.

Si la loi existait, si des règles avaient été édictés, c'était précisément pour s'éviter des débordements. Faire l'impasse sous prétexte qu'il ne fallait pas être trop "pointilleux", c'était laisser une fenêtre ouverte sur le chaos. Et le chaos, c'était précisément ce qu'il combattait de toutes ses forces.

- Même avec la meilleure volonté du monde, un mur reste un mur.

Une comparaison qu'il estimait juste. Aizome s'était montré aussi ouvert qu'un mur. Fermé, il n'avait fais que tourner en ridicule sa propre fonction, cherchant alors à discréditer le rôle de Tetsu. Ridiculisant par la même le pauvre shinigali de sa propre division qui avait alors été appelé pour se retrouver pris entre deux feux. Une situation peu enviable, que l'enquêteur n'avait pas désiré.

Il entendait les arguments de Mayuri. Seulement il avait fais son possible pour désamorcer la situation. Mais cela avait été impossible. Ce n'était pas là qu'une question de politique. Après, si elle même s'en sortait mieux, grand bien lui fasse. Cela expliquait aussi sans doute la différence de grade. Il n'était sans doute pas assez mature pour faire autrement. A sa proposition toutefois, il se raidit. Pour lui, ceci était une des pires idées qui soit.

- Si je puis me permettre, Vice Capitaine, ce ne serait pas une bonne idée. Il prendrait certainement cela comme un nouvel affront. Pire, il pourrait croire que c'est une conspiration contre lui et se refermer plus encore. Croyez moi, je m'y connais en conspiration. Il n'y a pas plus dangereux qu'un capitaine qui se croirait au centre de notre attention.

Par ailleurs, il ne fallait pas oublier ce qu'il avait fais lui même. En rédigeant un rapport officiel comme le préconisait le règlement.

- Par ailleurs, il serait sans doute préférable d'en informer Tomoe-Taichō avant. Je lui ai remis un rapport mentionnant les circonstances de l'incident ainsi que des dysfonctionnements évidents qui ont été relevés au cours de l'enquête. Un tel rapport ne peut être ignoré par les plus hautes instances puisque j'y ai mentionné mes doutes concernant le Capitaine de la Troisième division. Comme le stipule l'alin...

Il se tut, un instant. Ne terminant pas sa phrase. Un sourire aux lèvres.

- Pardonnez moi. J'étais en train de retomber dans mes travers. Il n'est décidément pas si facile de mettre de côté ce que l'on est vraiment. Vous êtes évidemment libre de vos choix. Seulement, je pense sincèrement que se rendre auprès de lui serait une erreur. Qui pourrait avoir des retombées sur toute la division. Imaginez seulement qu'au cours de la discussion, une parole malheureuse vous échappe et qu'il le prenne mal ? Après, vous avez l'avantage de votre grade. Moi, je ne représente rien. Mais vous, c'est autre chose.

Il le savait. Les lieutenants et les capitaines étaient les seuls qui étaient pris au sérieux. Lui, il n'était que dixième sièges. Cela ne signifiait rien.