Sans queue ni tête

Les cours à l’Académie ont à peine débuté, difficile de s’y retrouver entre tous ces bâtiments, ces couloirs et cet emploi du temps qui n’est pas identique à celui de son meilleur ami. Après avoir été pré-évalués, ils ont été séparés en groupes de niveaux pour certaines matières. Parlons du Kidō par exemple. Dès que les deux mecs en ont entendu parler ils ont commencé par sécher le premier cours en mode « oh non pas d’magie gnagnagna ! ». Pour la Blanche, ça n’a pas d’importance. Au contraire, plus elle peut mettre de corde à son arc et mieux ce sera, elle ne crache sur rien et prend ce qu’on lui donne. De toute façon comme elle doit fournir plus d’efforts que la moyenne, si elle peut tout tester, avec un peu de chance elle trouvera peut-être un truc dans lequel elle n’est pas trop mauvaise.

Le cours débute et le professeur explique que ça fonctionne grâce au Reiatsu et qu’il faut être très vigilant dans sa pratique. Bon jusque-là rien qu’elle n’ait pas déjà entendu, il le rabâche à chaque début de cours. Aujourd’hui, entraînement à la posture et apprentissage de l’incantation. Si la jeune femme s’en sort de justesse en imitant ses camarades autour d’elle, pour ce qui est de réciter le sort dont les paroles n’ont pas l’air d’avoir de sens à ses yeux, c’est une autre paire de manche. Alors elle fait un pas en direction de la petite à côté d’elle. Ce n’est pas la première fois qu’elle la voit, d’ailleurs, elle se souvient d’avoir vu le colosse lui parler à plusieurs reprises, mais jusqu’alors elle ne s’étaient jamais parlées ni même présentées.

- Heu… Hé ! Excuse-moi, il a dit quoi déjà ? C’est quoi l’incantation ?

Impossible de retenir cette incantation qui n’a ni queue ni tête. Manquerait plus qu’on lui demande d’apprendre des poèmes après...

Il y a bien une chose que je préfère largement aux cours soporifiques de l’Académie : la pratique. Pas seulement du fait que la plupart des bases me sont déjà acquises et que tout ceci n’est qu’un jeu d’enfant, mais plutôt que les exercices de ce genre me permettent d’évacuer. Rester assis le nez dans son carnet de notes devant un professeur des heures durant n’enchante absolument personne, soyons clairs. En revanche dès qu’il s’agit de s’affronter ou de s’entraîner sur des cibles l’attention globale monte d’un cran.

Aujourd’hui les leçons s’orientent autour de la compréhension du Reiatsu. Une banalité pour certains, un calvaire pour d’autres. Tous ne sont pas enclin à donner de leur énergie dans les arcanes du Kidō notamment. C’est de cette manière que les recruteurs font leurs propres diagnostics. Je n’ai pu m’empêcher de voir par exemple la défection flagrante du grand primate blanc Shinjiro dernièrement. A croire que ces choses le dépassaient totalement. Une faille qu’il me conviendra d’exploiter le jour où il me cherchera des poux.

Le cours de la façon suivante : nous nous retrouvons en ligne face à plusieurs cibles. Notre enseignant lui, se tient derrière et déambule entre les rangs afin de s’assurer de notre écoute mais également de nos postures. En effet, lancer des incantations puissantes peuvent facilement briser nos appuis, la base se doit donc d’être solide. Mère s’est montrée suffisamment exigeante sur le sujet, je n’ai par conséquent aucun mal à m’appliquer contrairement aux autres.

Mon attention ne dévie à aucun moment. Bras tendu, regard fixe, dos droit. J’entends l’instruction prononcée, et m’apprête à la reproduire de la plus parfaite des manières lorsqu’une silhouette qui n’est pas celle de notre mentor s’impose dans mon camp visuel annexe et m’interrompt aussitôt. Je pousse un soupir contrarié puis relâche ma prise. Une autre fille que je n’avais encore jamais remarquée me demande de faire le perroquet. Soit. Être douée, c’est aussi prendre le temps de venir en aide au plus démunis.

- Je euh… Crois que c’était ça. Je lui offre un sourire de façade et fais mine de ne pas être sûre de moi, avant de replacer mon bras index pointé vers l’avant et de formuler distinctement. Hadō 11 : Tsuzuri Raiden !

En un battement de cils l’éclair jaillit de mon doigt pour venir pulvériser la cible qui se brise sous l’impact. De nombreux éclats se retrouvent éjectés de toute part, alors que mon regard n’a pas quitté un seul instant celui de la jeune fille. J’essaye tant bien que mal de dissimuler une forme de dédain malvenu, et tourne le reste de mon corps dans sa direction histoire de m’assurer que cette fois la commande a bien été comprise.

- L’incantation permet une meilleure canalisation de ton esprit, sans quoi ton projectile pourrait bien partir n’importe où. Mais avec de la pratique, cela devient ma foi très accessoire.

Le ton se veut ici plus soutenu et discret, je n’aimerais pas que le professeur entende et comprenne qu’à mon humble niveau, j’ai déjà passé ce stade. Il faut bien donner une chance aux autres élèves de croire qu’ils sont potentiellement meilleurs. Nourrir l’espoir, c’est important.

L’élève la plus proche avait été choisie, sans se soucier de si elle était profondément concentrée ou pas. Au dojo, ils n’avaient pas ces cours axés sur le Reiatsu. Alors tout ça, c’était nouveau pour la jeune Shingen. On leur donnait des épées factices et on observait leur façon de s’en servir. Certains plus doués que d’autres allaient jusqu’à laisser libre cours à leur Aura. Mais toutes les explications qu’elle recevait maintenant, elle les devait à ses professeurs ou à ses camarades de classe. Pourtant, elle est attentive, essaie de faire du mieux qu’elle peut, mais tout ça, c’est trop d’un coup. Il paraît qu’avant, la formation à l’Académie durait six ans en présentiel. Maintenant, ça avait été condensé en quatre années, forcément pour des étudiants comme elle partant de rien, c’était encore plus difficile.

Meilleure que les péons qui sortent de leurs études sans même savoir libérer leur Shikai, elle n’est cependant pas prodige parmi les prodiges. Alors lorsque la jeune fille parvint à produire un éclair et toucher la cible sans même la regarder, Mizuki pétille d’admiration.

- Whouaaaa. Trop forte !

Elle frappe des mains sans les faire trop claquer afin de ne pas attirer l’attention du professeur, juste assez pour évacuer son enthousiasme. Vivement elle opine pour indiquer qu’elle a compris. Incanter pour canaliser, un incontournable pour une novice comme elle. Tellement qu’elle ne se doutait pas que ça pouvait être dispensable pour les meilleurs.

- T’en sais des choses ! Ça m’étonnerait que j’arrive à ce niveau. Mais ça ne coûte rien d’essayer ! Ah et j’m’appelle Mizuki. Merci !

Elle se place à peu près comme il faut face à sa cible, tend le doigt à son tour et tente l’incantation. Elle a beau se concentrer, rien ne se produit. Petite moue contrite sur les lèvres, elle jette un coup d’œil au professeur qui est assez loin d’elles.

- J’y arrive pas… Y a des sorts plus simples que d’autres ? Peut-être que si j’essaie autre chose...

Même si je me sais bien au-dessus de la majorité des autres élèves en matière d’exercice pratique, on ne m’avait jamais véritablement habitué aux compliments. Aussi je me retrouvais légèrement décontenancée lorsque la jeune femme se mit à exprimer tant d’admiration spontanée à mon encontre. Mon masque d’ordinaire impénétrable se fissura en une expression de gêne apparente.

- Je, euh… Merci. Mais tu sais, ce sont simplement les bases, il n’y a rien de très élaboré là-dedans…

A l’entendre il est assez évident que son erreur dans l’incantation d’un sort de Kidō aussi élémentaire n’est que la face visible d’un ensemble de lacunes qu’elle cherche probablement à combler. Le manque de confiance en soi est une tare que l’on a tôt fait d’éradiquer moyennant un apprentissage assidu et rigoureux. Je ne pouvais décemment pas lui lancer la pierre. Il a fallu bien des années avant que je m’en débarrasse. J’essaye donc d’aller en son sens.

- Vous… Tu peux m’appeler Daestra. Ravie de pouvoir t’aider, cela fait bien longtemps que ces choses ne me posent plus le moindre problème, tu sais. Même si je suis bien contente de participer aux cours, qui sont je l’avoue clairement moins ennuyeux que ceux de mon maître.

Je termine avec un petit gloussement enfantin. Il est vrai que les cours particuliers souffrent d’un manque cruel de souplesse. Dans la noblesse, il n’y a que peu de place pour le divertissement. Le poids des responsabilités passées, présentes et futures est parfois difficile à porter.

La jeune Mizuki retourne son attention l’air décidé vers la cible au loin et mime maladroitement ce que le reste des élèves autour peinent également à reproduire. Malgré une concentration flagrante et un regard acéré, au bout de longues secondes rien ne se produit. Elle revient vers moi l’air abattue. Le professeur étant encore occupé ailleurs, je tente de lui offrir mon aide une nouvelle fois. Accessoirement, cela me permettra peut-être de nouer quelques liens utiles et ne pas finir seule jusqu’à la fin de mes études avec le primate argenté comme unique relation.

- Hmm. Cette incantation est assez basique, pour être tout à fait franche. Je pense que le problème vient plus de la façon d’aborder la chose. La posture est bonne. La volonté présente aussi. Je me replace, genoux légèrement fléchis et index tendu vers les restes de ma cible. Tout en gardant le contact visuel avec la jeune femme j’accompagne mes explications en désignant plusieurs endroits clés à l’aide de ma main libre. Il est essentiel de visualiser son reiatsu comme euh… De l’eau, par exemple. Le but étant ici de la canaliser dans ta tête pour qu’elle gagne en vitesse et en puissance. Ensuite, l’incantation doit être annoncée comme si tu ouvrais une vanne. La puissance ainsi libérée doit dès lors être redirigée jusqu’à ton index sous forme d’énergie pure, sans s’éparpiller dans le reste du corps. D’où le fait d’avoir une position fixe et stable, afin de mieux répartir tes appuis. Et là…

Je sens encore une fois mon bras s’électriser, et la décharge qui jaillit pour mourir l’instant d’après sur les vestiges en bois roussi de la cible située quelques mètres au-devant. Je reprends une position plus détendue, bras écartés comme pour appuyer ma réussite. Un sourire amusé sur le visage.

Justement, les bases ne sont pas encore acquises pour la Blanche et lorsque l’on sait qu’elles ne le seront jamais pour certains dans cette matière, ça aide à relativiser. Soit on a du potentiel, soit on n’en a pas et quand on en a, ce n’est pas encore gagné non plus. Les autres élèves ne sont pas très performants non plus et ça rassure la Shingen. De toute évidence, il va certainement falloir plus d’un cours pour parvenir à quelque chose. Elle sourit à Daestra. Bien qu’elle ne soit pas très futée, elle comprend néanmoins que si la demoiselle a eu un maître avant même d’entrer à l’Académie, c’est qu’elle ne doit pas venir du Rukongai. Cela ne fait pas de différence pour elle, mais c’est toujours intéressant à noter parce qu’elle au moins doit savoir où sont les lieux, les choses essentielles. Alors si elle est littéralement perdue mais que la jeune fille est dans les parages, elle saura à qui demander de l’aide. En plus, elle a l’air bien parti pour s’être fait une nouvelle amie, de quoi espérer voir ces quelques années d’études être plus agréables.

- Est ce dû au professeur ou bien à l’ambiance, le fait d’avoir d’autres élèves dans la classe, ne pas être toute seule...

Alors qu’elle regarde le professeur de nouveau, elle fait une petite moue. Un chien qui parle quand même ce n’est pas commun. C’est la première fois qu’elle en voit un. Forcément, elle s’interroge, mais pendant qu’elle réfléchit, Daestra lui fait de nouveau une petite démonstration avec davantage d’explications. Alors Mizuki s’applique, se positionne à nouveau et tente de visualiser son reiryoku comme un liquide parcourant son corps. Elle tend le doigt et ferme les yeux un instant pendant qu’elle se concentre. Elle visualise mentalement son doigt puis la cible au loin. Alors qu’elle termine l’incantation, son doit pétille, parcouru d’un très léger courant électrique. On a un mieux, mais on est encore loin du résultat escompté.

- J’pense avoir pigé, mais va falloir beaucoup d’entraînement...

Ce qui en soit ne la dérange pas et sera son lot quotidien. Peut-être qu’elle pourra essayer un autre sort au prochain cours, que c’est juste qu’elle a moins d’affinités avec celui-là. Elle verra bien en attendant, elle persévérera. Cela étant, elle n’a pas oublié les questions qu’elle se posait juste avant.

- Dis, le prof là… Pourquoi il a une tête de chien ? C’est normal ?

Définitivement cette Mizuki montre des signes clairs d’investissement mais doit souffrir d’un blocage inhabituel ou d’un manque de pratique assez flagrant. Je peux sans mal voir dans son regard l’étincelle qui devrait jaillir de son index, preuve s’il en est d’une volonté farouche d’accomplir son devoir.

Je me fais la réflexion que ce genre de cours n’est pas anodin pour tout le monde, qu’elle n’est vraisemblablement pas la seule dans cette situation. Un rapide coup d’œil en direction de mes camarades me le confirme, une poignée d’entre eux affichent une mine victorieuse là où les autres ont l’échine voutée sous le poids de l’échec.

- Hm… Il s’agit à mon sens d’un ensemble de facteurs qui peuvent verrouiller en quelque sorte votre mental. Je dois avouer que le cadre ne se prête pas véritablement à la sérénité.

J’observe suite aux remarques inhabituelle de Mizuki la silhouette imposante de notre professeur trop occupé à japper sur les maillons faibles pour nous prêter la moindre attention. Il est vrai que son apparence a de quoi perturber les plus isolés ou démunis d’entre nous. Cependant au plus profond de mon âme je nourrissais l’hypothèse que le clan auquel il appartient avait une renommée effective par-delà les murailles du Gotei. Force est de constater que ce n’est pas le cas, espérons simplement que le sobriquet qu’elle vient d’utiliser ne lui remonte pas aux oreilles. L’idée m’arrache un sourire.

- S’il t’entend, tu risques d’avoir de gros problèmes en plus de celui-là. Les Komamura sont un clan à part certes, mais très respecté. Je t’en ferais l’historique à l’occasion, si cela t’en dit.

Je reprends aussitôt ma position, prête à l’éventualité où son regard mauvais croiserait le nôtre. Je dois impérativement maintenir l’illusion qu’il m’est utile d’être ici, entourée de tous ces amateurs. Cela fait partie intégrante des qualificatifs et je n’aimerais pas que ma dissipation apparente soit mentionnée sur le compte rendu final. J’en paierais cher le prix, une fois rentrée à la maison.

Sans dévier la tête de la cible agonisante, je lance une idée dans l’esprit de mon interlocutrice. Appelons ça une perche.

- Tu sais, si… Si tu as vraiment des difficultés sur le court terme et que tu cherches un cadre plus adéquat je… Je pourrais éventuellement te proposer mon aide. Officieusement j’entends. Je ne prétends pas pouvoir remplacer notre professeur, mais j’ai malgré tout plusieurs années de pratique concernant les bases. Cela pourrait t’être utile.

Oserais-je enfin me sociabiliser ?

Alors qu’elle regarde autour d’elle afin de constater qu’effectivement il y a beaucoup de bruit dans ce cours qui peuvent être une gênante distraction, elle ne peut s’empêcher de penser également que ce n’est peut-être pas tant que cela un mal. Plus de calme permettrait de mieux se concentrer et d’augmenter le potentiel de réussite, mais en situation réelle, on ne peut pas dire à notre environnement ou à l’adversaire de faire le silence total. Alors soit, on s’habitue dès le début à ce genre de perturbation, soit on commence par maîtriser le phénomène puis on l’applique en situation moins propice. Les deux se valent certainement. Quant à quelle méthode est la plus efficace, ça, ça reste à voir. En-tout-cas pour aujourd’hui cela ne donnera rien de bon pour la Blanche.

- Plus de calme ça aiderait peut-être ouais.

Elle fait une petite moue en mettant la main sur la bouche comme si elle avait été prise en faute. Bah oui elle n’y avait pas pensé que ça pouvait être mal pris, c’est qu’elle parle sans trop réfléchir la jeune étudiante. Mais il n’y a pourtant là rien de méchant de sa part, juste une maladresse dont elle peut être assez coutumière. Vivement, elle opine, désireuse d’en savoir plus sur les Komamura à la prochaine occasion.

- Mais… Genre… Y a aussi des clans « chats » ou « lapins » ou… J’sais pas, autre ?

Parce que s’il y a un clan chien – loup, ce que vous voulez – il doit bien y en avoir pour d’autres animaux aussi n’est-ce pas ? Sinon, pourquoi eux pas d’autres ? Peut-être que leurs gênes se prêtent davantage à la forme humanoïde. Ah… Qui sait ? Elle aussi tente de donner au moins l’impression qu’elle n’est pas inactive dans l’exercice demandé. Position à peu près, main tendue et crépitements dans l’index. Mizuki dresse une oreille intéressée à la proposition qui lui est faite.

- Ah oui avec plaisir ! Mais on pourra peut-être essayer un autre sort ? Je suis tombée par hasard sur un qui a l’air sympa en faisant tomber le livre de cours. Accident habituel, elle ne s’en formalise pas et n’a pas l’air désolé. Je ne me souviens plus du nom, mais il permet de faire un genre de toile d’énergie utile pour immobiliser l’adversaire.

Et déjà elle imagine bien l’utilisation qu’elle pourrait en avoir si elle arrivait à le maîtriser celui-là. Ça plairait aux gars, elle en est certaine !

- Au fait, tu connais Shinjiro ? J’ai cru vous apercevoir ensemble l’autre jour ! C’est le nouveau pote de mon pote Kenshirō. Il a l’air sympa, je suis sûre qu’on va bien s’entendre. Hé, à nous quatre, on fera une super équipe !

Un peu trop enthousiaste la jeune fille.

On pourrait croire que ce type d’exercice n’est pas représentatif de ce que l’on pourrait avoir dans une situation réelle. Même si en cas d’affrontement majeur la cacophonie peut être en effet prédominante sur le reste. Cependant j’avais pu apprendre auprès de mon maître que le secret repose précisément sur la faculté de se couper de tout ce qui pourrait perturber notre concentration. A commencer par le bruit.

Dans l’usage du Kidō il est important de ritualiser l’attaque les premiers temps, afin de d’accompagner l’idée d’une attaque jusqu’à son accomplissement. Ainsi le voyage de l’esprit vers la main se fait en parallèle avec le flux d’énergie allouée. A force de pratique, cela devient un jeu d’enfant. Malheureusement ici, tous en manquaient cruellement.

Alors je ne leur prête plus aucune attention, exception faite de ma camarade qui m‘interpelle encore au sujet du professeur. Une curieuse question, s’il en est.

- Et bien, euh… A vrai dire, je n’en ai pas la moindre idée. Je n’ai pas souvenir d’en avoir croisé d’autre portant cette… Singularité.

Ma connaissance des clans se limitait principalement à ceux de la noblesse, sans surprise. Mais à l’instar de Mizuki j’imagine que dans ce monde ou dans un autre il devait bien y en avoir d’autres comme les Komamura. Après tout, la nature est pleine de surprises. Nouvelle suggestion. Je sors de ma brève torpeur.

- Un sort d’immobilisation ? Voyons, peut-être celui-ci ?

Je prends une nouvelle fois position, souffle longuement avant d’incanter à voix haute la formule. Le Bakudō #12, Fushibi. L’instant d’après jaillit de ma paume tendue une toile d’araignée spirituelle de taille convenable et de couleur orangée qui fuse dans la direction de la cible malmenée. A son contact cette dernière s’électrise soudainement. Je jette une œillade amusée à ma comparse, qui m’assomme aussitôt d’une énième question. Pas étonnant qu’avec un tel sens de la concentration, elle ne soit pas en mesure finaliser ses rituels. Je soupire à la mention de Shinjiro.

- Lui, comment ne pas le connaître, on ne fait que l’entendre ! Je reconnais ses qualités, mais j’ai encore bien du mal à le cerner. De là à dire que nous ferions une belle équipe, je n’irais pas si vite en besogne. Seul le temps nous le dira, j’imagine.

Au fond de moi je me dis que son idéalisme est une chose sur laquelle je pourrais me raccrocher. C’est bien la première fois de ma vie que j’envisage l’idée de me faire des amis, il serait bien malavisé de partir avec des critères de sélection.

Pas d’autres clans animaux, c’est un peu décevant, ça aurait été tellement amusant. Sans hésitation, si un jour, on parle d’une nouvelle espèce à découvrir, elle voudra en être !

- Dommage.

Voilà tout ce qu’elle trouve à en dire. Sa nouvelle amie fait la démonstration d’un nouveau sort et Mizuki observe avec intérêt. Elle opine vivement. Ce genre-là pourrait lui être très utile. Bon, il ne ressemble pas tout à fait à la description qu’elle a pu lire dans le manuel, mais si ça fait la même chose c’est ok ! Par contre, si elles se mettent à lancer des sorts qui ne correspondent pas à l’exercice demandé, elles risquent de se faire rouspéter par le Komamura. Alors la Blanche vérifie qu’il est bien occupé avec d’autres élèves plus en difficulté qu’elle. Le risque est trop grand, elle n’a pas tellement envie de se faire prendre dès les premiers cours. Du bavardage bon, ce n’est pas trop grave, ça se perd dans le brouhaha ambiant, mais ça… Elles auront tout le temps de s’y essayer de leur côté durant leur temps libre.

- Ah pas mal ! Ouais ça peut être utile.

Elle éclate de rire à sa remarque.

- C’est vrai qu’il est assez bruyant.

Et elle aussi d’ailleurs si elle en croit les regards noirs qu’on lui lance. Penaude, elle plaque ses mains sur sa bouche d’un air désolée. Et comme le professeur se met à regarder vers elles, tout de suite elle fait semblant de prendre la pause. Cela ne sera pas suffisant pour le duper, il va falloir qu’elle reprenne l’exercice plus sérieusement. Mais ce n’est pas grave, cela ne l’ennuie pas au contraire, elle aime persévérer et puis aujourd’hui elle se sera fait une nouvelle amie. Voilà un bon bilan pour cette journée. Pour finir, elle chuchote alors :

- Hum bon on va s’y remettre. Contente de t’avoir rencontrée en tout cas, et merci pour l’aide !