Mais où qu'il est ?

Pour son expédition dans l’autre monde, il faut à la Queen of Clubs quelques scientifiques. Elle a obtenu l’autorisation d’en embarquer quelques-uns à la condition de prévenir le King si jamais il se passait quelque chose d’anormal sur le terrain. Évidemment, si elle peut plus ou moins choisir qui elle veut, sa préférence va aux volontaires et son Five lui a justement indiqué l’un d’entre eux, susceptible de faire l’affaire. (Le « moins », c’est pour la Jack qu’elle va devoir se coltiner mais hé, c’est une fille il paraît alors hourra, elle en est ravie ! Bon à voir dans les faits parce que ça peut être quitte ou double, fille ou pas.)

Après s’être occupée d’aller secouer les Coins, pour l’aspect logistique, à présent, elle part en quête du participant manquant à son projet. Il faudra certainement le convaincre, plus ou moins facilement, mais d’abord : le trouver. Muzan a dit : « Manipulateur de cartes ». Alors naïvement, elle se farcit les labos, passe juste la tête dans l’entrebâillement des portes et cherche celui qui aurait des cartes en main. Ça fait beaucoup de labos, beaucoup de portes et de couloirs, pas mal de temps perdu à faire chou blanc. La lunatique commence à en avoir ras le bol. C’est une Queen, pourquoi elle se fait chier à chercher elle-même alors qu’elle aurait pu tout bonnement envoyer une convocation ? Bah elle n’y a pas pensé voilà tout. Ça fait trop peu de temps qu’elle est à ce poste, elle n’a pas le réflexe comme elle n’avait jamais commandé de groupe auparavant. Elle soupire et ne peut retenir un cri qui vient du fond du coeur.

- BORDEL MAIS Y A PAS D’JOUEUR DE CARTES DANS C'BOXON ?!

Elle est en plein couloir, et des têtes courroucées commencent à se montrer aux portes. Son raffut les dérange, mais lorsqu’ils se rendent compte que c’est elle et qu’en plus elle les fusille du regard, ils retournent bien vite à leurs petites affaires. Ils ne sont pas cons – c’est pour ça qu’ils sont là d’ailleurs – ils savent qu’il ne vaut mieux pas se mettre la Queen à dos ! En attendant, c’est elle qui se sent bien débile dans cette situation. Plus qu’à espérer qu’une âme charitable vienne la renseigner...

- Ouais, c'pas mal comme ça. Attends, faut quand même piger qu'au moment où j'appuie sur le bouton, c'te merde explose hein. Avoue que ça a de la gueule. T'y penserais toi, à ce coup de pute ? Bah non. T'y penserais pas !

Le débat durait depuis facilement dix minutes. Mais à dire vrai, le second scientifique avait abandonné la partie depuis facilement le départ, ce qui faisait que Mickael discutait réellement seul. Il montrait son nouveau "bébé" comme il l'appelait. Un jeu de carte qui lui permettait de tout faire péter. Sans utiliser ses pouvoirs. Une véritable évolution si on en croyait ses propres mots.

Seulement il emmerdait clairement tout le monde avec ça. Le Nine avait toutefois sa petite réputation et on évitait d'ordinaire de trop le contredire. Voyant le peu d'enthousiasme des autres, il rangea le paquet pour finalement faire apparaître dans sa main une nouvelle carte. Plus ancienne, elle n'avait rien de comparable avec les gadgets qui se trouvaient autour. Un 9 de carreau qui signifiait tout pour lui. Et qui était son propre symbole.

Alors qu'il était plongé dans ses pensées, la porte du labo s'ouvrit à la volée. Un de ses partenaires, essoufflé, venait de faire son apparition. Se redressant de son siège, "Diamond" s'approcha de lui mais avant qu'il ne prenne la parole, ce dernier l'interpella.

- On... On te demande, "Diamond". Et c'est pas n'importe qui. Queen of Clubs, rien que ça. Tu devrais aller voir.

Haussant un sourcil, Mickael se mit réfléchir rapidement. De mémoire, il n'avait emmerdé personne des Clubs. Il avait bien croisé récemment Muzan mais c'était resté plus ou moins cordial, ce dernier dégageant une froideur que le Nine n'appréciait pas le moins du monde. Du coup pourquoi le cherchait-on ? Faisant un petit signe de tête, il s'engagea dans le couloir pour voir s'il pouvait mettre la main sur cette personne, s'amusant toujours avec la carte.

Là, plantée dans le couloir, il l'aperçut. Sa posture disait clairement "fais chier, je veux que ça bouge". Ce qui n'était pas de bon augure pour lui. Poussant un soupir, il réajusta son long manteau et se dirigea vers elle, sa carte fétiche disparaissant dans sa manche.

- Y'a une p'tite souris à lunette qui a déboulé pour me dire qu'on m'cherchait. Du coup me v'la. Comment puis-je aider la Queen of Clubs ?

Il fit une petite révérence, un peu exagérée, se redressant rapidement. Petit sourire aux lèvres. On ne sentait pas d'animosité de sa part, seulement de l'amusement. Première fois qu'il croisait cette reine. Autant faire bonne impression non ?

Sauf si ?

Après son éclat de voix, elle se calme un peu, cherchant à récupérer cette patience qui venait de prendre la poudre d’escampette. Réfléchissant, elle se fabrique un plan B, puis un plan C. Le premier c’est le fameux mail qu’elle se dit à chaque fois qu’elle devrait utiliser, mais elle n’aime pas cette absence de garantie de lecture. L’autre c’est Hanae. Envoyer la Vice-cheffe s’occuper du démarchage, ce serait pas si mal. Mais il s’agit de Son équipe et elle souhaite voir ses futurs membres elle-même afin de se faire son propre avis et pas juste se fier aux autres. Une voix masculine finit par s’élever non loin d’elle.

- Ah !

La rouquine se tourne complètement en direction de l’homme et hausse un sourcil étonnée face à la courbette effectuée. La fille des rues n’est clairement pas habituée à ce genre de chose. Ce n’est qu’une plaisanterie certainement, mais qui ne l’amuse pas vraiment. Sa tolérance envers l’attitude de l’autre sexe est très basse. Présentement, la révérence lui passe au dessus de la tête. Ne s’attardant pas sur ce détail donc, elle n’en fait pas mention, l’ignore puis croise les bras sur sa poitrine. La recherche ne l’a pas mise de très bonne humeur, mais elle peut faire l’effort pour rester cordiale. Après tout, cet homme n’y est pour rien. Pour le moment...

- En effet. Diamond c’est ça ? Tu m’as été recommandé et ta Jack a approuvé. J’ai une mission à te proposer.

Son regard balaye le couloir une fraction de seconde. Plutôt original comme endroit pour une entrevue. Enfin… Qu’est ce qu’elle en sait vraiment ? Elle n’a jamais travaillé dans des bureaux avant d’arriver à l’Ultima Necat alors peut-être que dans le monde des affaires c’est monnaie courante ?

- Si tu es disponible et disposé à en discuter, je peux t’exposer le projet. Ici ou ailleurs, comme tu préfères. Outre la mission, je souhaiterai également en savoir davantage sur toi.

Il hausse un sourcil. D'accord, Jack est l'une des plus gradées de son groupe. Il n'empêche qu'il n'appréciait que moyennement qu'elle puisse décider pour lui. Il respectait évidemment le talent de la jeune femme mais il ne l'estimait pas pour autant supérieur à lui. Enfin, il réglerait cela plus tard. Pour le moment, la curiosité prenait le pas sur son agacement.

- Yep, c'est bien moi. Une mission, dis-tu ? Vas-y, ça m'intéresse.

Mickael aimait que ça bouge. Ce pourquoi quelques uns de ses collègues s'étaient toujours demandés pourquoi il avait atterri ici. Certes, il était un petit génie dans son domaine mais tout de même. Sa nature ne collait pas à ce qu'on attendait d'eux en temps normal. Mais il n'était pas le seul de toute façon. Hanae était comme lui, de véritables piles électriques. S'il pouvait associer ses recherches à une mission avec de l'action, il ne se gênerait certainement pas.

Il se rendit alors compte qu'ils étaient toujours en plein milieu de nul part. La Queen méritait mieux que de rester debout dans un couloir. Il s'approcha donc d'elle, l'observant un peu plus. Sur sa gauche, une porte. Il l'ouvrit à la volée et jeta un oeil dedans. Trois personnes qui semblaient se reposer. Des canapées, une machine à café. La salle de pause quoi. Il fit signe à la jeune femme d'approcher.

- Viens, on va s'poser là. Hey Vous trois là. Allez pioncer dans une autre salle, on a réservé pour l'heure. Discussion de la plus haute importance avec la Queen, alors ça dégage !

Ils se levèrent, jetant des regards noirs vers le Nine. Qui s'en moquait comme de l'an 40. Alors qu'il refermait la porte sur eux, il se dirigea vers la machine, sortit deux tasses et versa deux cafés noirs. Se posant sur le canapé proche, il posa les tasses sur la table et fit signe à la Quenn de se poser.

- Café ? J'le préfère noir, sans sucre. Mais si tu l'préfère autrement, y'a de quoi faire là-bas.

De nouveau, une carte apparut dans sa main, s'amusant avec elle pendant qu'il attendait que la demoiselle se pose. Il reprit néanmoins :

- T'as un avantage sur moi. Tu sais comment je m'appelle. Et si on rééquilibrait la balance ? D'ailleurs, tu veux savoir quoi sur moi ? Tu sais, j'suis un mec comme les autres hein. J'aime les cartes. J'aime les femmes. Et j'aime dézinguer ces putains de Hollows. Pour le reste, je taff sur des projets divers et j'suis l'un des cerveau qui planche sur les pilules de combats. Mais j'suppose que c'est pas pour ça que t'es là. Du coup c'est quoi ta proposition ?

Sa carte glissa sur la table, dévoilant le 9 de carreau. Son symbole.

La petite salle de pause lui fait penser à celle où Mitski l’a emmenée. Même taille, même agencement, ils ne se sont pas trop foulés ici pour la déco. Elle n’est pas coutumière de ce genre d’endroit. Même lorsqu’elle était Six, elle ne venait pas ici. Une femme d’action, le repos, les moments papotage, c’était pas son truc. Et maintenant qu’elle était Queen, ça commençait sérieusement à devenir le bordel sa vie à jouer les nounous, les psys et les réincarnations. Elle n’a pas signé pour ça clairement. Vivement qu’elle se barre de là et qu’on en revienne aux sources. Bon. Pour la mission c’est mal barré, l’objectif n’étant pas de se farcir du Hollow, mais qui sait, y en aura peut-être un ou deux à se mettre sous la dent avec un peu de chance.

Un regard lancé au café servi, elle prend une seconde avant de tendre la main et de saisir sa tasse. Noir, sucré ou au lait, quelle importance. Elle ne boit pas cela pour le goût, mais pour le coup de fouet que ça lui donne.

- Mon nom ? Parce que Diamond c’est ton vrai nom ? Hum… Tu n’as qu’à m’appeler Reina. Oui voilà c’est joli ça.

Oui elle vient de l’inventer. Oui c’est flagrant et oui elle s’en fou complet. Un mec comme les autres ça ne sonne pas vraiment comme un compliment à ses yeux mais bon, elle peut au moins lui laisser le bénéfice du doute. « J’aime les femmes. » Ou pas en fait. Elle s’installe à son tour, prête à faire des efforts pour ne pas préjuger. Ah ! Léger sourire en coin.

- Oui moi aussi j’aime dézinguer du Hollow.

Enfin un point commun. Cela lui rappelle cette belle époque où elle était chasseuse de Hollow autoproclamée. De bons souvenirs assurément, mais qui s’étaient mal fini d’où le fait qu’elle soit ici à présent. Et voilà ce qu’elle doit endurer à présent pour ne pas finir enfermée de nouveau entre quatre murs. Les pilules de combat ça lui parle, elle a testé une fois avant qu’on lui pose un implant.

- Bien. Je ne vais pas y aller par quatre chemins. Tu as certainement déjà entendu parler de la Grande Cataracte au Hueco Mundo ? Et bien je mène une expédition pour aller l’étudier. Ta Jack serait plus à même de te faire la liste de tous les points qui nous intéressent à ce sujet. En ce qui m concerne, c’est surtout le fait qu’elle puisse grandir et aspirer nos installations et mes hommes qui m’inquiète. J’veux m’assurer que mes agents ne risquent rien à moyen et long terme. Donc vous, vous faites vos trucs de scientifiques et moi j’aide à casser du Hollow si besoin. J’vous couvre en gros.

- C'est presque mon vrai nom ouais. En tout cas c'est comme ça qu'on m'appelle.

Reina ? Il n'y croyait pas un mot non plus mais en vérité, il s'en foutait un peu. L'organisation donnait à ses membres des noms de code, ce n'était sans doute pas pour leur permettre de balancer leur véritable identité à tout bout de champ si ? En vérité, lui se moquait qu'on sache qui il était. Il ne le cachait pas d'habitude. Mais là, la force de l'habitude avait pris le dessus. Tant pis.

Il l'observait alors qu'elle s'adressait à lui. Quelque chose le dérangeait chez elle. En temps normal, il lui aurait sorti le grand jeu. De l'alcool, des mots doux, une petite danse pour montrer comme il savait bien se déhancher, afin qu'elle sache qu'il n'était pas le premier mec venu quoi. Mais elle ? Y'avait comme un p'tit quelque chose, une alerte dans son crâne, qui l'obligeait à réfléchir un peu plus. Puis elle était une Queen. Et ça, il devait respecter.

- La Grande Cataracte ? Bah ouais forcément. C'est un truc qui branche certains cerveaux de mon équipe donc oui, on peut dire que j'en ai entendu parler.

Et pas qu'un peu en vérité. Ce phénomène particulier intriguait. Lui s'en fichait un peu à dire vrai, n'étant pas spécialiste des événements surnaturels, mais on l'avait assez bassiné avec ça pour qu'il prête l'oreille à ce qu'elle disait.

- Ah, j'vois. En gros le but, c'est d'essayer de piger c'te merde et de s'assurer que ca soit pas un danger pour nos tronches. J'suis pas spécialiste de ce genre d'événements mais j'avoue que le voir de mes yeux, ça m'branche bien. Puis si Jack est intéressé, alors forcément j'vous suis.

Encore que l'idée de casser du Hollow lui plaisait sans doute plus que de rester la tête dans le sable à étudier les variations d'énergie. Mais ça, il le gardait pour lui. Il se voyait déjà bien partir en escapade solo, histoire de vérifier une ou deux légendes qu'il avait entendu sur cet endroit. Puis si ces cons de Hollow déboulaient sur terre, y'avait aucune raison qu'il ne fasse pas pareil merde.

- Et ta grande mission là, elle doit commencer quand ? Histoire que j'me prépare comme il faut. Et surtout, on part à combien ?

Là, c'était déjà des questions plus précises, plus utiles aussi. Puis voir la Queen en action, cela l'intéressait. La curiosité était sans doute l'un des éléments moteur chez les scientifiques.

- N'empêche que j'suis curieux d'voir comment les loustics là bas vont réagir. J'suis pas sûr qu'ils considèrent pas une telle équipe comme une invasion nan ? Z'avez intérêt à assurer pour couvrir nos fesses hein, j'ai pas envie de revenir ici entre quatre planches.

Pas moyen d’avoir mieux que « Diamond » de la part du Nine. Et ce n’est pas grave, pas important à ses yeux. Ça l’a juste amusée sur le coup de se choisir un genre de pseudo improvisé. Plus tard, peut-être s’ils arrivent à bien s’entendre, elle pourra lui glisser son vrai nom, mais ce n’est pas indispensable. Même s’ils bossent ensemble, sur ce projet-là, il sera surtout sous la direction d’Hanae. D’ailleurs, heureusement, il semble plutôt intéressé. Et enfin des questions concrètes sont posées. Se réchauffant les doigts autour de sa tasse, elle ne se fait pas prier pour répondre comme elle le peut.

- Je compte partir dans un peu moins de deux semaines. Je voudrais que ce soit le plus tôt possible, mais j’ai conscience que vous devez avoir besoin d’un certain délai pour vous organiser, préparer votre matériel, prévenir vos familles peut-être même, que sais-je… Nous partons à quatre, cinq tout au plus, mais le quatrième ne devrait pas rester longtemps. En théorie, juste le temps qu’il faut pour s’installer, lui faire voir le désert et le renvoyer.

Le cinquième était une possibilité, mais pas statué encore vraiment à cet instant. Comme pour chaque membre de l’équipe qu’elle était en train de monter, elle devait voir si elle trouvait un volontaire ou pas. Hanae avait parlé de la jeune Kimiko, et même si Recca avait pu être plutôt contre au début, elle se disait à présent « pourquoi pas », bref en se donnant le temps de la réflexion son idée prenait forme peu à peu. Ne pas dépasser les cinq par contre reste un bon objectif. Une limite au-delà de laquelle effectivement, ça pourrait être vu comme une menace de la part des habitants du Hueco Mundo.

- Nous verrons bien. C’est la raison pour laquelle je ne souhaite pas que l’on soit trop nombreux, mais comme on ne peut pas vraiment prévoir leur réaction, je ne veux pas non plus que nous soyons démunis s’ils le prennent mal. D’un autre côté, je me dis que ça pourrait aussi être dans leur intérêt que l’on étudie ce bazar. Encore faut-il qu’ils l’entendent de la même oreille.

Elle espère qu’ils savent ce qu’ils font les hauts gradés de la fondation avec leur pompe à Reishi. Des banquets en échange, c’est bien, mais combien de temps encore est ce que cela suffira comme monnaie d’échange ? La rouquine se méfie. On ne peut pas faire confiance aux Hollow.

- Bref. Ça ira pour toi ? J’t’oblige pas à annuler un rendez-vous galant j’espère ? Je m’en voudrais… Pas du tout bien sûr. Elle sourit amusée parce qu’elle s’imagine que c’est bien son genre, le genre de tous les hommes en fait. On va tous éviter de revenir entre quatre planches, hein. On est pas suicidaires. J’compte bien revenir ici.

Bon il n’y a pas grand monde qui l’attend, mais quand même au bout d’un moment, le sable blanc et la nuit interminable ça lasse. Ah si, il y a peut-être le roi des pièces éventuellement. Lui, elle aura envie de le revoir. Mais sinon niveau famille tout ça, elle n’a rien. Une situation personnelle parfaite aux yeux de l’organisation. Elle n’a pas de contrainte, pas d’impératif et rien à perdre. Et puis tout perdre ça lui est déjà arrivé, elle connaît, alors elle sait maintenant qu’il ne faut pas trop s’attacher aux choses.

- T’as de la famille un peu ? Des gens à qui dire au-revoir ?

Il l'écoutait, prenait note des informations données. Ne préférant pas rebondir sur le fait d'aller saluer des proches avant de quitter la Terre. Des proches, il n'en avait plus. Plus vraiment. Seule sa soeur restait et elle n'était finalement qu'une illusion, une projection de ses propres pensées. Réaliste à ses yeux mais invisible pour les autres. Pouvait-on donc dire qu'elle comptait dans ceux à prévenir ?

- Et puis c'est pas comme si j'allais te laisser partir sans te suivre, petit frère.

Comme par hasard, il pensait à elle et voilà qu'elle se trouvait à ses côtés. Il se focalisait néanmoins sur la fameuse Reina. Ou qu'importe son nom véritable. La Queen paraissait sûre de son fait et de son projet, ce qui en soit était plutôt rassurant. Combien de fous pensaient-ils bien faire en se rendant au Hueco Mundo sans se préparer un minimum ? Ce territoire leur était hostile, qu'importe les pactes qui liaient certains des leurs avec l'Ultima Necat. Mickael n'était pas idiot.

Une équipe réduite était en un sens une bonne idée. Même si cela réduisait drastiquement les possibilités de se défendre efficacement en cas d'attaque. A moins que la Queen ne soit réellement si sûre de sa force qu'elle pouvait à elle seule neutraliser l'ennemi ? Une possibilité qu'il n'excluait pas à dire vrai. Il n'avait jusque là jamais vu les grands patrons se battre, s'ils avaient un tel titre ce n'était sans doute pas pour satisfaire les égos. Mais bien parce qu'ils savaient se défendre.

- Bah. C'est aussi ça, le propre des expériences. On verra bien sur place et on s'adaptera de toute façon. Pas comme si on était sans défense aussi, après tout.

Un sourire mauvais. Qui disait clairement "venez me chercher, vous trouverez de quoi vous amuser". Le tempérament de Diamond ne collait pas vraiment à ce que l'on attendait d'un scientifique et il le savait. Bagarreur, il n'était pas contre l'idée de se frotter aux Arrancars. Rien que pour entendre le bruit qu'ils feraient en explosant. Chacun avait son propre son.

- C'est vrai que ça peut être amusant. Et tu sais comme j'aime les explosions en plus. Tu crois qu'ils te laisseront un peu de liberté ? Je l'aime bien cette nana en tout cas. Elle a de sacrées couilles. Enfin, tu m'as compris.

Sa soeur avait toujours aimé les explosions. C'était même devenu une obsession. Qu'avait dit le psy déjà ? Ah oui... Elle était la projection de ses propres envies, de ses propres fantasmes. En sommes, c'est lui et lui seul qui aimait voir les choses exploser.

- T'inquiète pas pour moi va. Un rendez-vous, ça se décale. Pas comme si on pouvait dire non à Diamond hein. Mes jolies princesses attendront que j'revienne, elles devraient s'en sortir.

Lui aussi était amusé. La situation était même assez excitante, et il y avait clairement longtemps qu'il n'avait pas ressenti cela.

- Et nop. Pas de famille, pas de vrais proches. Notre boulot permet pas vraiment d'avoir ce genre de relation, tu dois bien le savoir ça ? J'avais bien une soeur mais elle est morte depuis un bail alors ça compte pas vraiment. T'as pu l'voir, j'suis pas du genre à m'attacher aux autres. On prends ce qu'on peut, on passe du bon temps. Et on passe à autre chose. Jusqu'à ce que la mort nous sépare quoi.

Et le voilà qu'il se bidonnait. La dernière phrase, n'était-ce pas ce qu'on disait lors d'un mariage ?

- Et toi, y'a des proches ? Un mec, quelque chose dans l'genre ?

Doucement, elle opine. S’adapter, elle sait faire et effectivement, ils ne sont pas de simples larbins sans défense. Normalement, ils devraient s’en sortir d’une façon ou d’une autre. Il y a toujours un risque à faire des expériences, que ce soit dans le travail ou même dans la vie. Ils sont plus ou moins gros, plus ou moins dangereux, mais en somme, si on se contente de ne rien faire, on n’apprend pas et on court un autre risque, celui de passer à côté de belles découvertes.

La rouquine ne réagit pas à la mention des « jolies princesses » mais se demande toutefois si elle devrait en rire ou s’en énerver. Il lui donne raison, pour une fois elle a vu juste, mais elle laisse passer, choisissant de ne pas intervenir à ce niveau. Tant que ça ne la concerne pas, elle ne se mêle plus de rien. Elle en a déjà trop payé le prix par le passé. Et puis ce serait ridicule de glisser sur cette pente contraire alors qu’elle s’est elle-même amusée à évoquer le sujet.

- Parfait. Se contente-t-elle de répondre.

Pas de proche, pas de relation sérieuse, soit disant à cause de l’organisation. A-t-il raison ? Elle ne sait pas vraiment. Ce n’est pas comme si elle avait essayé. Il y a bien son Two qui est capable d’avoir une vie à l’extérieur, suivre ses cours, rentrer à la maison. Est ce une exception ? À chaque fois qu’elle essaie d’avoir des informations personnelles sur les membres de l’Ultima Necat, soit on ne lui réponds pas, soit on lui répond ce genre de chose qui se résume à « je n’ai personne ». C’est triste quand on y pense. Et elle ? Orias. C’est à lui qu’elle pense lorsqu’il lui retourne la question. Pourtant pas son mec non, pas très proche non plus. Ils sont juste liés par un étrange secret, une coïncidence étonnante. Est-ce que ça compte ?

- Pas vraiment. Il y a peut-être une personne que j’aurai hâte de revoir, mais c’est juste un ami. Enfin… Une connaissance récente. Bref. Non.

Voilà, pourquoi elle en a parlé ? Ça ne le regarde pas. Mais bon, ce n’est pas grand-chose, pas de quoi en faire tout un plat. Limite, ça fait pitié de se dire qu’elle a tellement personne que celui qu’elle considère comme étant le plus proche d’elle n’est même pas vraiment un ami. Enfin pour elle si, mais ce n’est peut-être pas réciproque. Ça lui ferait mal à son égo si elle en avait quelque chose à faire de la pitié, ce qui n’est pas le cas. Ça lui est égal ce que l’on peut penser d’elle. Si elle porte ce masque, c’est juste pour qu’on lui foute la paix, pas par peur d’être jugée.

- Dis-moi, prendre ce que tu peux, de façon éphémère, ça te suffit ? Tu te vois vivre comme ça longtemps ? Bon, on a pas une très grande espérance de vie dans l’métier mais bon...

Il n’y a pas de jugement dans sa voix. Ça aurait pu, mais à cet instant la question est réelle. Recca semble pensive, cherchant quelle sens donner à tout cela. Agir et se sacrifier pour le bien de l’humanité, est ce que ça en vaut vraiment la peine ?

Diamond eut un sourire alors qu'elle lui répondait, ne pouvant s'empêcher de penser que les femmes étaient sans doute les êtres les plus étranges qui soient. D'un "pas vraiment", elle enchaînait par un "oui y'a peut-être quelqu'un", pour finalement conclure par un sympathique "en fait non". Et tout ça dans la même phrase. Brillant. Et puis si ce n'était qu'un ami, pourquoi en parler en fait ? Il ne pouvait s'empêcher que ça serait intéresser de poser d'autres questions. Lui aussi avait des amis, forcément, mais il n'en parlait pas dans cet échange.

Mais il n'était pas là pour jouer, cette fois, sans quoi il n'aurait pas hésité à creuser. Elle était la Queen mais plus que ça, elle lui proposait une mission intéressante. Jouer le con et risquer de pas être prit aurait été la décision la plus débile qui soit.

La question suivante néanmoins eut le mérite de le faire réfléchir un peu plus. Sa soeur la lui avait posé par le passé, ce qui expliquait qu'elle l'observe elle aussi avec attention, une moue amusée sur le visage. Sacré fantôme qui n'en était pas un. Sa vie était quand même compliquée. Prendre sans penser au lendemain. Son mode de fonctionnement lui paraissait le meilleur car il l'empêchait de trop penser à la suite, à l'avenir. De là à dire que ça lui convenait réellement ? A creuser, là encore.

- J'dois dire que j'y ai pas réfléchi plus que ça. Même si forcément, je me suis déjà posé la question. Mais là comme ça, j'me vois pas faire autrement. Perso, et je juge pas ceux qui le font hein, mais j'me vois avec une femme fixe et des marmots qui courent partout quoi. Un p'tit travail bien rangé. C'est mignon mais moi, j'saurai pas quoi faire là. J'ai déjà du mal à m'occuper de moi parfois, alors penser aux autres et faire en sorte d'être présent ? Nan, trop peu pour moi. J'suis clairement pas fait pour ça.

Est-ce que cela signifiait qu'il ne changerait pas d'avis un jour ou l'autre ? Il ne pouvait le dire. Une fois encore, il ne se projetait pas vraiment dans le temps. On pouvait le dire immature. Egoïste. Mais finalement, l'égoïsme n'était-il pas de faire des gosses et de pas pouvoir gérer derrière ? Si c'était pour faire comme les autres juste pour qu'on dise qu'il était "normal", trop peu pour lui. Comme il aimait le dire, chacun sa merde.

- J'suis sans doute pas le mec le plus sérieux qui soit et j'en ai conscience. Mais j'irai pas donner de faux espoirs à quelqu'un juste pour faire comme tout le monde. Et puis de toi à moi, notre vie est assez dangereuse comme ça pour en plus placer sa famille dans le viseur de nos ennemis. Si on sait se défendre, c'est pas le cas de tous. C'est aussi pourquoi on a besoin de nous.

N'empêche qu'il y avait longtemps qu'il avait pas causé comme ça, à faire limite de l'introspection. Ce qui expliquait le sérieux qui était revenu sur son visage. Une carte était apparu dans sa main. Il l'observait, pensif. Avant de s'amuser à la faire tournoyer dans sa paume. Il reprit :

- Mais toi, tu crois ça possible ? Si moi j'suis une cause perdue, tant pis. Mais j'avoue que ça me déplairait pas de voir des potes d'ici pouvoir être heureux et penser à fonder une famille. Ca rendrait concret le fait qu'on fait pas tout ça pour rien, sans doute.

La catégorie « je vis au jour le jour et cela me convient très bien », correspond parfaitement à ce Diamond. Elle-même vivait ainsi jusqu’à il y a un peu plus de trois ans. Maintenant, elle se posait des questions. Se projeter, réfléchir à l’avenir, elle avait eu du temps pour cela d’où sa présence dans l’organisation. Mais elle avait alors que peu de choix possibles, peu de portes à ouvrir. Il lui semblait qu’à présent si elle le voulait cela pouvait changer, comme si de nouvelles portes lui étaient dorénavant accessibles.

Doucement, elle opine. Le point de vue se défend, après tout, elle a fait une croix sur ses anciens amis justement parce que ce qu’elle faisait à présent pourrait les mettre en péril et qu’elle préférait être seule que de risquer d’avoir leur mort sur la conscience.

- Tu as raison. Le monde a besoin de nous. Nos capacités impliquent de grandes responsabilités. Je comprends. Je ne m’attache pas beaucoup non plus pour diverses raisons, mais celle-ci fait partie des plus importantes. Cela dit, il m’arrive de penser qu’il me manque quelque chose depuis quelque temps. Avant, j’avais une alternative, comme toi, sauf que pour moi, c’était ma moto. Je ne l’ai plus, bon, c’est une longue histoire. Bref, j’en ai une nouvelle mais c’est pas pareil. Ça fait plaisir de faire une petite virée sur le coup, mais je n’arrive plus à m’en contenter.

Parce qu’elle a envie d’autre chose et qu’il est difficile d’étouffer ses envies. Bien sûr, quand on n’a pas le choix, c’est ainsi et on n'est juste pas heureux tant qu’on ne parvient pas à relativiser et à se satisfaire de ce que l’on possède. L’inconvénient lorsque l’on rencontre une personne avec qui on a envie d’être, c’est que cela fait naître des sentiments égoïstes. Pour les autres, c’est certainement plus facile, mais pour eux, bonne question, est ce possible ?

- Connor est encore tout jeune, il va encore à l’école. Ce serait tragique qu’il soit condamné déjà à son âge. Pour lui tout est nouveau, tout est excitant, mais il ne se rend pas compte de l’envers du décor. Je crois quand même que ça doit être possible. Imaginons, entre deux membres de l’orga… Bah on sait que l’autre peut se défendre et puis il connaîtrait les risques, y a pas de secret, on peut même compter l’un sur l’autre. Fonder une famille je ne sais pas, c’est d’un autre niveau. Peut être, en se disant qu’on est deux et pas tout seul à pouvoir veiller sur les petits...

Elle sourit doucement. Finalement, il ne lui est pas si antipathique. Comprendre pourquoi il est ainsi, ça aide à fermer les yeux sur ses loisirs. Après tout, il ne fait pas de fausses belles promesses comme certains. Pensive quelques instants, elle éclate soudainement de rire.

- Pardon je viens d’imaginer ta Jack avec ton King… Bon c’est pas tout mais il va peut-être falloir qu’on retourne bosser !

Il répondit au rire par le sien. Finalement, elle n'était pas aussi coincé que ça, la très chère Reina - ou qu'importe son véritable nom. Elle avait posé les questions de manière à ne pas le foutre mal à l'aise et surtout, il n'avait pas eu le droit aux propos habituels du "oui mais la famille c'est bien". Ce qui l'aurait passablement agacé. Il comprenait aussi qu'elle avait été comme lui, qu'elle pouvait facilement se mettre à sa place et rien que ça, c'était déjà énorme. Après tout, leur métier n'était pas si évident que cela et c'est clairement la mort qui les attendait au bout du chemin. Comme tout être vivant certes, mais plus tôt et plus douloureuse pour eux.

- J'comprends, pas de soucis. Les hobby, ça se discute pas.

Si elle avait eu sa moto, lui avait autre chose. Et perdre le plaisir de ses activités annexes était pour le moment inenvisageable. Mais il n'avait pas les responsabilités de la Queen après tout. Pas même celles de son Jack. Ainsi, il pouvait se permettre largement plus de choses qu'elles. Et c'était bien ainsi. Et en parlant de Jack, il essayait déjà de chasser l'image de son esprit.

- Yep, on va tranquillement retourner au taff. En tout cas, j'me tiendrai prêt le moment venu. Y'a moyen de s'éclater un peu là-bas, en dépit de la mission, du coup j'en suis. Merci d'avoir pensé à moi, c'est chouette.

Il se redressait enfin. C'est qu'elle n'avait pas tort sur le travail qui restait à accomplir. Lui même étant sur un projet assez chronophage, il s'évitait de trop longues distractions quand il se trouvait dans les locaux. Finalement, cette conversation avait été utile pour lui. Pour lui permettre de mieux comprendre les mentalités des dirigeants déjà. Et ce n'était pas tout. Il saluait déjà la jeune femme, se proposant au moins de la raccompagner jusqu'à la porte. Pas par galanterie, seulement parce que c'était sur son chemin. Et ça, la Queen s'en douterait certainement maintenant qu'elle avait un peu mieux percé le personnage.

Quant à la mission au Hueco Mundo ? Quelque chose lui disait qu'il allait s'éclater. Dans tous les sens du terme...