A casual visit

Le fait d’obtenir un bon siège dans une division avait quand même quelques avantages, il ne pouvait pas le nier. Si de prime abord cela l’avait vraiment saoulé de ne pas être à la Onzième division pour pouvoir montrer à Shinjiro qu’il était le boss, il fallait reconnaître que l’Académie y envoyait déjà pas mal de monde, et qu’en conséquence c’était plus difficile de s’y faire une place. Pas que ça lui fasse peur, mais mieux valait un « tiens » que deux « tu l’auras ». Il n’était pas dupe bien sûr : sa bonne connaissance du Rukongai et le fait qu’il avait acquis le Bankai avant de sortir de l’Académie avaient assurément joué dans la décision de lui donner une si bonne place, dans une division où il recevrait ses ordres directement du conseil militaire.

Cela voulait tout dire à ses yeux – parce que ouais, il y avait pas mal réfléchi quand même – et signifiait qu’on ne l’estimait pas apte encore à diriger sur la durée. Si on lui collait un brassard ou un haori, ça ne s’enlevait pas d’un coup de baguette magique, c’était un réel investissement en gros. Certes, il sortait de l’Académie, et devraient encore y passer les examens pour les deux années à venir. Mais ça n’empêchait rien, il y en avait à qui on faisait sauter des années, et qui se retrouvaient plus haut gradés encore. Donc, on ne lui faisait pas pleinement confiance. Et… quelque part, ce n’était pas un mal à ses yeux. En vrai, il estimait de plus en plus avoir tiré le gros lot, une fois la déception passée. Il ne devait pas se coltiner de réunions reloues, pas de rendez-vous pompeux, et on ne le questionnait pas trop de ses choix vestimentaires (un Shihakushō à capuche – qu’il ne portait pas – et sans manche). Et surtout, pas de compte à rendre à un supérieur direct, ah !

Bon, tout n’était pas si rose dans les faits, et un genre il devrait bien se rendre compte qu’il ne pouvait pas juste faire tout ce qui lui plaisait, et qu’il y aurait des résultats à remettre. Mais pour l’heure, il profitait de cette liberté. Son statut lui donnait de bons avantages – une chambre privative au sein des quartiers de sa division et un grand bureau (qu’un supérieur viendrait lui subtiliser une fois nommé, mais en attendant…), une paie décente, s’accordait les missions qu’il souhaitait et déléguait le reste. Alors aujourd’hui, il avait une « mission » à faire en centre-ville. En tant qu’étudiant issu du Rukongai, il n’avait encore jamais vu les quartiers résidentiels du centre du Seireitei. Une petite journée dans le quartier commercial, afin de refaire certains stocks pour la division. De la petite intendance qu’il aurait pu déléguer bien sûr, mais là c’était le prétexte de déambuler un peu.

D’ailleurs une bonne odeur l’attire. Il n’a jamais été un grand fanatique de thé. Kyōken a même tendance à voir cela avec un peu de mépris d’habitude. Mais là… c’était fleuri, parfumé. Agréable en vrai ! Alors il s’approche de la boutique, regarde les différents produits et surtout, les prix.

- COMBIEN ??? Heu, attendez madame, j’ai une question… Pourquoi votre thé il coûte le prix d’une maison là ? Hein madame ? C’est pour faire de la potion magique ? Je pensais que c’était juste de l’herbe séchée, mais ça donne des super pouvoirs en vrai ? Parce que… moi on m’avait dit que juste on le trempait dans l’eau chaude, et puis l’eau on la boit, et puis c’est tout, alors du coup je comprends pas là… Est-ce qu’on peut payer en organe directement, du coup ?

La commerçante n’avait pas encore eu le temps d’en placer une bien sûr devant un tel flot, face à un Kenshirō réellement interloqué pour le coup.

Il était aisé de croire une chose au sujet des nobles. Que ces derniers avaient des serviteurs pour absolument tout. Des plus évidentes, comme l’entretien de la demeure, la nourriture, les courses, aux plus inhabituelles, ces dernières étant généralement de nature à répondre aux différentes lubies de leurs maîtres. Les Tomoe n’échappaient pas vraiment à ce stéréotype et Nozomi n’avait qu’à claquer des doigts, ou presque, pour obtenir ce qu’elle souhaitait.
Ainsi, elle pouvait ne se concentrer que sur ses deux rôles principaux. Capitaine et dirigeante du clan. C’était ce que tous lui rappelaient. La plupart de ceux travaillant pour elle le faisaient depuis bien longtemps, et ce même depuis plusieurs générations. Une routine bien entretenue donc.

Mais, peut-être en souvenir de ses années où les règles de la Noblesse lui semblaient un poids qu’elle ne voulait assumer, il arrivait à la jeune dirigeante de décider de faire certaines tâches par elle-même. La dernière, sa tentative de faire la cuisine avait failli causer un début d’incendie qui ne fut empêché que par l’intervention in extremis de son chef cuisinier. Depuis, elle est certainement l’une des seules nobles du Seireitei dont les serviteurs lui ont donné l’interdiction la plus stricte de tenter le moindre repas.
Ce qu’elle avait très mal vécu, même si sa volonté de ne pas réduire le manoir familial en centre était suffisamment importante pour qu’elle ne s’y risque plus.

Ce jour était celui d’une nouvelle décision de la sorte. Il lui avait suffi d’entendre une simple discussion au sujet de placard à remplir. Ni une, ni deux, sa décision fut prise. « A défaut de faire le repas, je peux au moins aller acheter le nécessaire. » Il ne lui fallut que quelques instants pour prendre le chemin des commerces du Seireitei, non sans être rattrapée par un serviteur afin de lui donner la liste des éléments à acheter, ainsi qu’une bourse afin de le faire, deux réflexions qu’elle ne s’était même pas posée sur l’instant. Ce n’était certes pas la première fois qu’elle allait acheter quelque chose, mais tellement concentrée dans son idée, elle en avait oublié l’évidence même.

Ce fut ainsi que commença son périple. Ce qu’elle ignorait était la présence de deux employés qui lui suivaient, afin de s’assurer que tout se déroule correctement, mais également qu’ils ne manquent de rien à l’issue de la session shopping de leur maîtresse.
Suivant scrupuleusement la liste confiée, ses deux premiers arrêts se déroulèrent étrangement bien. Le troisième fut quelque peu plus problématique. Si de nombreuses familles enseignaient certainement la cérémonie du thé, ce ne fut jamais une chose l’ayant particulièrement intéressée. Cette méconnaissance complète du domaine était certainement la raison pour laquelle cela faisait maintenant une bonne dizaine de minutes qu’elle était arrêtée devant un étalage, ignorant complètement ce qu’elle devait prendre. Si elle savait qu’il en existait plusieurs variétés différentes, n’étant pas non plus totalement inéduquée, elle en avait grandement sous-estimé le nombre.

Cette rêverie fut brisée par un individu qui, pour le coup, manquait certainement d’éducation. Tournant la tête, elle put constater la source de ce désordre. Un Shinigami dont la place ne devait pas être ce lieu, mais des magasins bien plus abordables pour son niveau de finances. Ne pouvant à coup sûr comprendre cela, ni même les quelques subtilités du thé que même elle percevait, il faisait face à la pauvre responsable du commerce, incapable de placer la moindre explication.
Un léger soupir. Au moins, cela eu pour effet de lui faire reprendre entièrement ses esprits, son visage abandonnant tout air perdu pour reprendre l’expression que nombreux lui connaissaient, bien plus digne de la noble qu’elle était.

>> Si ce prix semble si déraisonnable, c’est que cet endroit n’est pas pour toi. Je te conseillerai de plutôt aller voir les magasins à quelques rues d’ici, ils seront à coup sûr bien plus à ta portée. Et ainsi ce lieu pourra retrouver le calme qu’il connaissait avant ton arrivée. Tout le monde y serait gagnant non ?

Son ton las démontrait l’ennui qu’elle avait à devoir gérer cette situation. En temps normal, elle aurait peut-être ignoré. Comme d’autres elle aurait changé de magasins le temps que l’ambiance devienne plus respirable. A coup sûr, cela aurait été la décision la plus sage, évitant de prendre le moindre risque d’engager la discussion avec cet individu.
Mais il fallait qu’elle en demande plus au sujet de quel thé acheter...

Une voix féminine. Il n’en faut pas plus pour lui faire dresser l’oreille, sourire aux lèvres. Sans doute une fan, non ? Il avait un charme si ravageur, d’autant plus dans son nouveau Shihakushō, forcément c’était une jeune femme en rut de voir un tel mâle s’offrir à son regard et qui ne pouvait dès lors pas résister de proposer de boire un verre, et plus si affinité. Lorsqu’il la voit, il est loin d’être déçu de plus. Un si joli minois, elle ne pouvait être que sympathique n’est-ce pas ? Retient un sifflement, mais ne peut empêcher son sourcil de s’arquer, indice de son appréciation, son jugement sur ce qui venait de s’offrir à son regard. Sourcil dont il vient d’ailleurs lisser les poils de l’index, avant de s’occuper de l’autre et d’enchaîner.

- Hé coquine ! Alors comme ça on se glisse dans mon dos pour me surprendre hein ? Bravo, félicitations, tu es très forte, et surtout franchement mignonne. Fraîche et bien formée ! C’est quoi ton petit nom propre ?

Le premier grand souci de Kenshirō, c’était qu’il ne sentait pas le danger. Le deuxième souci de Kenshirō c’était qu’il parlait trop et trop vite. Et la deuxième règle du Fight Club… ah, non, ça n’a rien à voir. Bref. Très jolie donc, mais elle avait l’air d’un peu s’embêter avec ses courses. C’est vrai que c’était pas marrant. Mais peut-être qu’ils pouvaient s’entraider ? L’idée est brillante et lui permettrait de prolonger un peu cette rencontre.

- Un peu plus loin ? Tu es bien bonne, enfin, dans le sens serviable je veux dire hein, attention, hopopo faudrait pas se méprendre, je ne suis pas un garçon facile ! Bon, si tu veux savoir ce que je pense… je dirais que pour que tout le monde y soit gagnant, il faut que nous passions tous une meilleure journée ! Et ton si doux visage gagnerait à y voir fleurir un sourire épanoui, tel une rose s’ouvrant, heu… dans un champ, bah, de roses, du coup. Attends, ça pousse dans les champs les roses ? Enfin, c’est pas grave, toi c’est dans un champ de rose, pour l’exemple, voilà. Ça te dirait que tu me montres où c’est, parce que, bah… je connais pas bien, je vais me perdre et tout, et si ça peut te rassurer tu peux même me tenir la main pour être sûre de pas me perdre ! Et on y va ensemble, et moi, je te fais passer une belle journée, et en rentrant chez toi tu souriras ! Allez… comme je suis un gars sympa… je veux même bien aller – et c’est bien parce que c’est toi – jusqu’à te raccompagner pour te peigner les cheveux ! Les filles ça aime bien ça hein, les papouilles dans les cheveux !

Tout fier comme s’il avait trouvé le passe-partout, le hack ultime, se frottant même l’index sous le nez. Allez, franchement, ça vendait du rêve là non ?

« Tu aurais juste pu passer ton chemin. Rester concentrée sur les thés à essayer de comprendre quelles étaient les différences et lequel il fallait acheter. Ou même juste sortir de la boutique et revenir plus tard. Voir te contenter d’envoyer quelqu’un plus tard. Après tout, ce n’était pas si important ça ? Tu n’aimes pas plus le thé que ça en plus.
Mais non Nozomi, fallait que tu interviennes. Il fallait que tu adresses la parole à… Comment dire… A cet individu. En vrai, tu l’avais un peu cherchée. Maintenant, il fallait que tu te sortes de là.
Franchement, tu en as eu de mauvaises idées, mais vouloir faire des courses aujourd’hui… Je pense que c’est l’une des pires. »

Tel était le discours que Nozomi se fit à elle-même alors que l’inconnu n’avait même pas fini de déblatérer sa tirade. Dès les premiers mots, le ton était donné. La suite était exactement dans le même esprit. Jamais elle n’aurait pu imaginer de telles paroles. Son éducation était telle que même dans ses pires craintes elle n’aurait pu effleurer ça.
Contrairement à l’imbécile, nombreuses étaient les personnes à comprendre la situation. Une Capitaine du Gotei 13, c’était généralement le genre d’individu à être connu de tous. Certains avaient les yeux écarquillés, main devant la bouche. D’autres restaient interdits. Il y en avait même un qui n’avait pas fait long feu et quitté les lieux avant que cela ne dégénère.

Car une chose était certaine. Tous s’attendaient à une réaction de la part de Nozomi et étaient persuadés que cela ne pourrait pas bien se passer. Cela aurait pu. Envisager de dégainer son Zanpakutō pour outrage et l’arrêter immédiatement. Réaction tentante, mais compliquée pour plusieurs raisons.
En premier lieu, un tel comportement n’était pas un crime. Si être un rustre sans éducation impliquait une arrestation par la Neuvième Division, l’intégralité de la Onzième serait certainement sous les verrous depuis bien longtemps.
Puis, peut-être le point le plus important, elle n’était pas armée. Habillée en civil, elle ne prenait pas la peine de porter Narukami quand la situation ne l’exigeait pas. Certes, elle disposait d’autres façons de se défendre, mais ni le Hakuda, ni le Kidō ne faisaient partie de ses spécialités.

Quelques pas en arrière afin de bien mettre une distance entre eux. L’expression la plus noble qui soit dans son regard, sur son visage, afin d’exprimer leur différence sociale. L’atmosphère devenait plus lourde sous l’effet du Reiatsu de la Capitaine.
Il avait commencé par lui demander, à sa façon, son nom ? Elle allait le lui donner.

>> Tomoe Nozomi, Capitaine de la Neuvième Division.

Son Shihakushō, bien que personnalisé, démontrait qu’en tant que membre du Gotei 13, il ne devait normalement normalement pas ignorer le respect de la hiérarchie. Ou du moins l’espérait-elle, le passé lui ayant déjà prouvé que tous ne le considéraient pas de la même façon.

>> Au moins, cela confirme que tu n’es pas à ta place ici. Ni même ailleurs dans le Seireitei. Ce genre d’attitude est une insulte à l’uniforme que tu portes. Enfin, je suppose que tu es de la Onzième Division… L’éducation est une denrée rare là-bas. Que des dégénérés qui n’auraient jamais du sortir du Rukongai...

La dernière phrase fut prononcée à demi-mot, franchissant à peine le seul de ses lèvres. Une simple réflexion à elle-même à l’origine. Mais, il fallait dire qu’elle collait bien à ce Don Juan de bas quartiers.

Un moment de flottement ? Ou juste de l’impatience à entendre sa réponse ? Parfois, on lui demandait si ses techniques de drague fonctionnaient parfois. Il ne manquait d’y répondre par un sourire en coin et un léger haussement d’épaules. Peut-être que oui peut-être que non, cherchait-il à faire penser. La vérité c’était que non, ça passait pas, surtout lorsqu’il donnait dans de telles envolées. Pourtant cela ne l’empêchait pas d’essayer. Un jour il s’était fait un pote qui lui avait dit « moi, quand je rentre dans une taverne, je demande direct si y a quelqu’un qui veut baiser. Si y en a une qui a la dalle comme moi, on sait jamais, sur un malentendu ça peut marcher ». Cela avait changé ses perspectives et pas pour le meilleur de toute évidence. Ou bien éprouvait-il un quelconque intérêt à se saboter ainsi ? Qui sait ?

Enfin, le « petit nom » tombait. Bon, il situait pas bien les clans nobles et tout. Il en connaissait juste quatre pour éviter de se mettre trop dans la merde, mais le reste… il n’y avait bien qu’entre eux qu’ils se gargarisaient assez de cela pour y accorder la moindre importance. Autant dire que ça, il s’en tamponnait pas mal, que ce ne fut que la réaction – franchement ridicule à ses yeux, fallait apprendre à se détendre les ovaires, merde quoi – qui lui mis un peu la puce à l’oreille. Shinjiro détestait par dessus tout les gens comme ça, il lui avait bien assez dit. Pour Kyōken qui se moquait un peu de se faire mépriser ou non, cela ne provoquerait qu’un roulement des yeux et un bref amusement. Après quoi il lui servirait ce qu’elle attendait sans doute, en bon comédien.

- Oh, oh, Capitaine Tomoe, je suis sincèrement désolé ! L’on m’avait vanté votre beauté sans pareil, telle une hirondelle, je suis désolé de n’avoir pas fait le rapprochement. En effet mon comportement est inacceptable, je me suis un peu laissé aller, au hasard d’un coup de foudre, pardonnez-moi je vous prie. Je viens de la Sixième Division Capitaine. Je m’appelle Mamorue, et je suis nouveau, alors… je ne connais pas encore bien les règles, mais je ferais attention, promis juré !

Se met dans un garde à vous pas tout à fait irréprochable, mais « ok tier », ça ne tournait pas à la parodie non plus.

- C’est aussi pour ça que je vous demandais – avec rustrerie à mon grand regret désormais – si vous accepteriez de m’accompagner, non pas pour vous manquer de respect mais bien pour m’aider à trouver mon chemin, j’aurais peur de m’y perdre. Bien sûr, il y avait là aussi une volonté de profiter de votre présence à mes côtés, mais j’en ai honte à présent, sachez-le. Vous n’allez rien dire à mes supérieurs, hein ? Je vais avoir de gros problèmes sinon...

Dans ta face Mamorue, c’est pas beau de mentir !

Il y avait une question que tous devaient se poser en cet instant précis. En tous cas, Nozomi se la posait sans aucun doute. Va-t-il se taire un jour ? Il aurait juste pu s’excuser et partir sans demander son reste. Mais non, à la place, il se lançait dans une nouvelle tirade dont il fallait extraire les informations utiles. Et assurément, elles n’étaient pas nombreuses. Un nom et une division. Et c’était à peu près tout.
Même la notion d’être nouveau n’était en rien une explication suffisante autre que pour démontrer la perte évidente de qualité des nouvelles recrues. Perte qu’il était, aux yeux de la noble, possible d’attribuer au fait que les recrutements au sein du Rukongai étaient certainement plus nombreux que jamais.

Ceci dit, elle était assez surprise de la division de ce Mamorue. Comme évoqué, elle s’attendait réellement à ce qu’il soit de la Onzième tellement cela semblait évident, mais force était de constater que la Sixième avait grandement perdue en valeur depuis la disparition du Capitaine Kuchiki. En aucun cas ce dernier n’aurait toléré un tel comportement, et ça même les plus récentes recrues n’auraient pu l’ignorer.
Mais, à défaut d’être éduqué, il ne semblait réellement pas dangereux. Il présentait même des excuses, ce qu’en effet peu de membres de la division des imbéciles auraient fait. C’était presque lui donner un bon point.

Un long soupir, sa main placée sur son visage, elle comprenait qu’elle n’allait pas apprécier la suite. Bien entendu qu’elle avait envie de juste dire que ce n’était pas son problème et le laisser se débrouiller. Sauf qu’elle sentait les regards posés sur elle, apercevant certains visages du coin de l’œil. Maintenant qu’elle s’était avancée et avait engagé la conversation, elle était coincée. Tous semblaient compter sur elle pour que ce rustre ne quitte les lieux pour que le calme revienne.
Elle était noble et Capitaine, elle se devait de montrer l’exemple après. Et, rien que pour ça, elle sentait l’obligation de donner suite à cette demande. Et ce même si elle savait pertinemment qu’elle allait grandement regretter.

>> Bon… Je peux saluer l’effort. Même une absence complète d’étiquette n’est pas répréhensible, tu n’as donc rien à craindre vis-à-vis de tes supérieurs. J’espère simplement que tu vas retenir la leçon.

Mais ça, elle en doutait. Très fortement même. La probabilité que cette rencontre ne lui soit sortie de l’esprit dès le lendemain n’était nettement pas négligeable.

>> Je vais t’accompagner aux quartiers populaires, pas plus. Ces pauvres âmes n’espèrent que ça après tout.

Son regard balaya le magasin, croisant les visages ravis de cette nouvelle. Quel cruel fardeau qu’était celui de la Noblesse. Voulant abréger le plus possible la chose, elle sortit du magasin, s’assurant que ce Mamorue soit bien à la suivre.

>> Hmmm, tu dis que tu es nouveau ? Tu occupes un siège au sein de la Sixième ? Je m’attendais à un peu plus de respect de la tenue de la part de la division autrefois dirigée par le Capitaine Kuchiki…

La tenue dont elle parlait était au final aussi bien propre que figurée. S’il n’était pas rare que les Shinigami les plus hauts gradés ne personnalisent, cela était bien moins courant au sein du gros des troupes. Elle-même ne le tolérait que peu au sein des simples soldats de sa division après tout.
Et s’il était bien un minimum gradé… Et bien cela voulait vraiment dire que les choses se perdaient avec le temps en l’absence d’un dirigeant digne de ce nom.

Contre toute attente… elle accepte ? Bon, pas de bon cœur c’est évident, son interminable soupir en dit long. À vrai dire, il n’avait pas vraiment envisagé ce cas de figure. Compte-tenu de la réaction première, il avait surtout cherché à ce que cela ne lui attire pas trop d’ennuis. S’attendait donc à un blâme et un « déguerpissez maintenant ». Mais la technique de Mamoru avait trop bien marché. Mentir, c’était assez fort dans la meta, il fallait bien le reconnaître. Par contre l’estime de soi après… Jouer un peu la comédie, bon, ça va. Qui n’a jamais fait semblant d’être malade pour esquiver l’Académie ou le travail, hein ? Là, ça allait un peu trop loin pour lui, se faire passer pour qui il n’était pas et tout. Il avait vu ce qu’il avait voulu voir après tout, mais ne comptait pas aller beaucoup plus loin que cela.

Alors dans un premier temps il ne dit rien et se laisse guider. La compagnie était agréable à regarder après tout, Capitaine ou non, et il aurait tort de se précipiter. Mais rapidement elle en vient à parler de son identité, de sa division, de son supérieur et… à son tour de soupire.

- En vrai… je peux pas vous mentir plus longtemps, Capitaine. J’avais peur de m’attirer des ennuis, et… j’ai voulu pratiquer un subterfuge utilisé par un autre de mes Senpai. C’est le vrai Mamoru, le Vice-Capitaine de la Troisième Division, vous connaissez peut-être ? Il y a quelques jours, il s’est invité au sein d’une petite auberge, réputée être fréquentée par des gars de la Cinquième. Mes gars ! Et d’entrée de jeu, alors que personne était trop contre le fait qu’il vienne passer un peu de sa soirée avec nous, il s’est mis à mentir. Dire qu’il venait de la Sixième, et qu’il était nouveau, et donc il savait pas trop et connaissait pas trop les mœurs. Venant d’un Vice-Capitaine, c’est franchement pas beau comme méthode, puis il était supposé être un minimum renseigné sur les coutumes du Seireitei, non ?

Enfin voilà… lorsque j’ai vu que je m’étais attiré des ennuis en… ma foi, tombant sous votre charme inégalable ! je ne voulais pas risquer de perdre ma place. J’ai travaillé très dur pour ça… Alors… si vous le permettez j’aimerais reprendre les choses à zéro, et assumer les conséquences si vous estimez qu’il doit y en avoir ! Je suis pas un lâche, et la technique de Mamoru c’est vraiment une astuce de couard, j’aime pas ça, je me sens sale là… Je suis Kyōakusei Kenshirō, de la Cinquième Division. Et s’il est vrai que je suis nouveau, à peine sorti de l’Académie, j’ai eu la chance d’accéder immédiatement au Troisième Siège.

Il avait fait de gros efforts pour parler proprement, le plus possible. Si bien que cela lui faisait un peu mal au joue, d’avoir gommé ainsi ce qui pourrait nuire à son élocution.

- Lors d’une mission au Rukongai dernièrement, j’ai été assez lourdement blessé.

Il écarte un peu de son Shihakushō, laissant voir les bandages qui entouraient encore son torse. À bien y regarder, il portait encore quelques ecchymose sur les bras également.

- Alors je m’accorde un peu de repos… Je voulais refaire les stocks pour ma division, comme je peux pas faire grand-chose de physique là. Et j’avais un peu trop la détente en tête certainement, j’agis un peu trop avant de réfléchir parfois… Enfin voilà, je regrette si j’ai nuis à votre journée – même si un bon brossage de cheveux ç’aurait été bon pour la détente, je suis sûr. C’était pas l’intention du tout, au contraire. C’est bizarre que vous appréciez pas de recevoir des compliments, mais p’t’être que vous en entendez trop justement ? Je dois reconnaître que parfois, c’est fatiguant d’être totalement canon, je coco...

Sourire en coin, petit coup d’œil vers elle. Sûr que s’il voulait tenter de détendre l’atmosphère, c’était peut-être sa dernière chance.

Repos :
810 PV
936 EP
937 ES

La question précédemment posée avait donc sa réponse. « Non, il ne se taisait jamais. » Un flot de paroles ininterrompu, bien que plus appliqué que précédemment, sortait de sa bouche. Racontant beaucoup de choses à l’utilité inversement proportionnelle. A peine écouté, il était difficile de véritablement retenir avec précision ce qui venait d’être prononcé. Quelques éléments retinrent un peu plus l’attention de Nozomi.
Un premier nom, mais pas celui du concerné, même s’il l’avait en effet utilisé initialement. La vrai Mamoru, comme il disait, était donc le Vice-Capitaine de la Troisième Division. Sans le connaître réellement, il était en place de quelques années et elle pouvait donc situer un peu de qui il s’agissait. En particulier de par son ascendance, témoignant en effet qu’il était forcément habitué aux coutumes du Seireitei. Quant à savoir si cette nouvelle histoire était vraie… Elle préférait ne pas se prononcer. Surtout quand cela ne présentait au final aucun intérêt à ses yeux.
Puis ce qui serait, à priori, la véritable identité du bavard. Bien entendu, il pouvait encore raconter de fausses histoires, s’apparenter à une autre division une nouvelle fois. C’était déjà un peu plus risqué d’annoncer un siège, ce qui incitait la Capitaine à le croire. Et pour qu’un tel individu soit Troisième Siège tout juste sorti de l’Académie… Et bien c’était dire à quel point le Gotei 13 était en mauvais état.

Et, à peine le temps de s’attarder sur ces points, elle avait déjà perdu le fil. Toute une partie de la conversation était absente de son esprit. Non pas qu’elle supposait manquer quelque chose de véritablement important. Cependant, cela ne l’empêcha pas de s’arrêter de marcher sur le coup, plissant un peu les yeux en observant ce Kenshirō.

>> On t’a déjà dit que tu parles trop ?

Question sortie de façon totalement naturelle. Le ton laissait montrer qu’il s’agissait d’une réelle interrogation. Elle était pourtant certaine de la réponse. Il était tout simplement impossible que, jusque là, personne ne lui ait jamais fait la remarque. Un tel flot ne pouvait être qu’exceptionnel, cela était forcément un trait marquant de sa personnalité. Rien qu’à l’Académie, plus d’un professeur devait lui avoir fait la remarque.

>> Il faut être concis, aller à l’essentiel. Je n’ai pas retenu la moitié de ce que tu as dit. Et non, je ne te demande pas de répéter !

En un sens, il y a une chose qu’il fallait bien lui reconnaître. Il avait réussi à quelque peu déstabiliser la Capitaine. Pas forcément comme il l’aurait souhaité. Mais, en temps normal, jamais elle ne se serait pris, la tête ne serait ce qu’avec lui. Donc de là à lui donner des conseils… Etait-ce une suite de sa volonté d’essayer autre chose ? Le fait d'elle-même de ne pas être totalement dans son élément ? Délaissée du poids de son haori et de son Zanpakutō, elle semblait presque redevenir celle qu’elle était avant les responsabilités, et ce même sans y penser.

>> Ah et, de quels compliments tu parles ? De tes premières paroles ? Rassure-moi… C’est une blague ? Sinon, tu as vraiment toute une éducation à refaire auprès des femmes !

« Non, mais arrête Nozomi, pourquoi tu t’enfonces à continuer la discussion ? Vous êtes arrivés aux magasins les plus populaires ! Tu n’as plus qu’à lui dire au revoir, le laisser sur place et ne plus jamais revoir sa tête ! Comme ça tu es tranquille. En plus, avec tout ça, tu as oublié tes courses dans le magasin. »

- Oh, souvent ! Ça égaie il paraît, c’est tout triste les gens qui parlent pas, au moins avec moi ça vit, ça respire, vous trouvez pas Capitaine ? Mizuki elle me dit toujours qu’il faut que je respire profondément et que je me calme un peu, sinon je vais m’attirer des problèmes. Oh, d’ailleurs, pendant que je vous tiens… ça vous dit qu’on s’entraîne à la bagarre ? En tout bien tout honneur vraiment, mais je trouve personne à mon niveau, et je fais comment pour progresser moi alors ?

Bon, c’était pas tout à fait vrai, vu que Shinjiro l’avoinait encore régulièrement. Kenshirō n’était sans doute pas le combattant incroyable qu’il s’estimait être. Compétent oui, mais très loin de la légende qu’il espère devenir. Et surtout, il y avait bien d’autres protagonistes qui cherchaient eux aussi à s’imposer comme LE héros de l’histoire. Faudrait bien qu’il leur prouve à tous qu’il n’y avait qu’une place au soleil, et que c’était la sienne, mais chaque chose en son temps du coup.

- Ah pardon, je parle trop encore, aller à l’essentiel, oui, d’accord. Vous, moi, bang bang bang dans un coin tranquille !

Peu pratiquant de la discrétion, cette dernière sortie provoqua quelques pivotements de visages dans leur direction. Esprits mal tournés qu’ils étaient, il était parfaitement innocent cette fois ! Quoi qu’il en soit, il ne prenait pas trop garde aux devantures qu’ils croisaient, se moquant un peu du thé à acheter là tout de suite. C’est que là il avait d’autres priorités à l’esprit.

- Cela dit… vous êtes injustes, ils étaient très bien mes compliments ! Pourquoi vous avez pas aimé ? Moi j’en ai pas trop reçu d’éducation, c’est pas ma faute, on m’a pas dit. Bon parfois j’énerve un peu les gens, mais je pense que c’est parce qu’ils sont jaloux. Et c’est normal quoi : je suis beau gosse, puis balèze, et en plus j’ai de la répartie. Puis de la finesse d’esprit et… oui, non, je suis pas riche par contre, mais ça peut encore s’arranger ça… Genre, je pourrais épouser une riche héritière… vous en connaîtriez pas une à présenter des fois ? Dans le plus grand des respects je vous aurais bien demandé la permission de vous faire la cour mais j’ai comme l’impression que vous n’avez pas trop l’intention de succomber à mon charme.

Et là, immédiatement, il se mord les joues. Il sait que s’il pousse la réflexion jusqu’au bout en lui disant qu’à son avis elle préférait les femmes et que c’était la seule raison possible pour qu’il ne l’intéresse pas, ça serait pousser un peu trop loin sa chance cette fois. Marcher sur le fil, et ne pas s’attirer trop d’ennuis… Mizuki allait pas lui pardonner s’il merdait trop, c’est sûr.

Cette situation était définitivement irréelle. Tomoe Nozomi, Capitaine de la Neuvième Division, à la tête d’une famille noble du Seireitei, qui semblait avoir du mal à se débarrasser d’un simple Shinigami. C’était plus ou moins la vision que devaient avoir les passants. En vérité, il était difficile de dire qu’elle n’avait ne serait-ce qu’essayé de véritablement s’en débarrasser. Ce qui, rien que ça, était difficile à croire.
Le simple fait qu’il était au final vraiment surprenant qu’il ne soit pas membre de la Onzième démontrait à quel point il ne s’agissait pas du genre d’individu aux côtés desquels elle avait l’habitude de se tenir. Et ce n’était pas non plus un Capitaine, ou autre rang similaire. Certes, il s’agissait, d’une façon totalement étrange, d’un Troisième Siège, mais un tel rang n’avait pas forcément de valeur en dehors de la division concernée.

Pire encore, cet individu était tellement à l’aise, même aux côtés d’un supérieur hiérarchique, qu’un peu plus et il était possible de croire qu’il s’adressait à un ami de longue. S’entraîner « à la bagarre » avec un Capitaine rencontré pour la première fois. Pire encore, voilà qu’il reprenait sa phrase, en écho à la réflexion sur son débit de paroles trop important, comme s’il s’adressait à une idiote.
En un sens, ce fut peut-être le déclencheur nécessaire. Ça et la suite en fait. De nouveau il fallait extraire l’essentiel de son discours, pouvant se résumer au final assez facilement à : il avait une haute estime de lui, il était évident qu’il manquait d’éducation, et…
Non, le dernier point elle préférait ne même pas y penser.

S’il était possible de la voir quelque peu perdue, possiblement dépassée par les événements, en quelques instants elle reprit contenance, reprenant une posture, une expression, rappelant qui elle était, quel était son rang.

>> Ce n’est pas car je ne porte pas le haori qu’il faut en oublier la différence de hiérarchie.

Sans être menaçant, son ton était bien plus impérieux que précédemment. Cet instant marquait réellement la fin de la détente qu’elle s’était accordée et voilà que de nouveau elle incarnait le rang qu’était le sien.

>> N’est-il pas bien présomptueux de sous-entendre qu’à peine sorti de l’Académie tu as le niveau d’un Capitaine ? Mais j’ai certainement été trop familière. J’ai en effet autre chose à faire que de répondre favorablement au premier Shinigami venu qui veut « s’entraîner à la bagarre », encore plus alors que je suis en repos.

Il était possible de se demander comment un gamin tout juste sorti de l’Académie avait pu arriver à un tel rang, mais elle-même avait à ses côtés une Vice-Capitaine ayant accédé presque immédiatement à ce grade. Le Gotei 13 était certes en train de se reconstruire, mais le niveau avait-il à ce point baissé ? Ou bien nombre de prodiges étaient soudainement sortis de l’ombre ?

>> Quant à ton autre demande… Je pense qu’il vaut mieux faire comme si je n’avais rien entendu. L’absence d’éducation n’excuse pas tout. Ou contraire même. Si tu en as conscience, pourquoi ne pas justement chercher à apprendre ? Je suis certaine que tu trouveras quelqu’un prêt à t’enseigner, possiblement dans ta division. Cela t’évitera nombre de situations dont l’issue pourrait être fâcheuse…

Il n’y avait plus qu’à espérer qu’il ne prenne pas cela comme une invitation...

- Bah… j’ai le Bankai quand même...

Rétorque-t-il sans trop réfléchir lorsqu’elle met en doute le fait qu’ils puissent être sur le même niveau. Pour lui, cela voulait tout dire. Le Bankai était une condition nécessaire afin de devenir Capitaine, il ne l’ignorait pas. Et le fait qu’il soit parvenu si rapidement à atteindre ce niveau témoignait bien de son talent inné, n’est-ce pas ? Le fait qu’il pouvait être possible de passer un siècle entier à parfaire son niveau une fois le Bankai atteint lui échappait sans doute encore, par contre. Un Bankai vaut bien un Bankai, hein ? Pour lui la seule différence qui le séparait vraiment d’un Capitaine, c’était le fait qu’on ne lui faisait pas encore trop confiance sur la gestion des tâches et les papelards et tout et tout. Pas d’offense, ça il peut comprendre. Mais pourquoi on l’aurait catapulté au plus haut siège de sa Division s’il n’avait pas ce potentiel qu’il prétendait avoir ? Forcément, d’autres voyaient en lui ce que lui-même espérait : une gemme rare qui ne tarderait pas à atteindre les sommets.

- Après je dis pas que je vais gagner hein ! Peut-être que oui, peut-être que non, on sait pas tant qu’on n’a pas essayé. Par contre profitez bien de votre repos bien sûr, ça peut attendre. On verra ça plus tard si il faut, bien sûr bien sûr, vous savez je suis quelqu’un de très occupé en plus, acheter du thé, tout ça, oui...

Il se grattouille les bandages. Ça aussi ça pouvait être une gêne, c’est sûr.

- Je vous laisse y réfléchir, et on se tient au jus ? Généralement les gens qui me rencontrent aiment bien qu’on se tape dessus après, c’est parce que j’dois leur être sympathique j’imagine !

Il se marre. Il doit avoir une autre idée sur la raison, très clairement, et ça l’amuse en plus !

- Non puis, en bagarre ou pas, j’adore apprendre moi, je demande que ça. Mais c’est juste que les autres y sont nuls, moi je préfère si c’est avec vous ! C’est vrai que je manque parfois de clââsse même si j’ai l’allure, mais c’est comme tout, c’est une question d’entraînement. Vous voulez bien m’apprendre alors ? Je me dis, comme on s’entend super bien et tout, c’est l’occasion quoi...

Ils devaient pas trouver un marchand de thé, déjà ?

>> Le Bankai ? Vraiment ?

Difficile de ne pas cacher la surprise à ses mots. Pendant un instant elle se remémora la discussion, afin d’être bien certaine de ses souvenirs. Elle n’en doutait pas, il lui avait bien annoncé à peine sortir de l’Académie. Et voilà que maintenant il affirmait avoir le Bankai ? Sur le coup, il était possible d’en douter, de supposer qu’une nouvelle fois il mentait. Il semblait en effet quelque peu improbable à ses yeux qu’un tout jeune Shinigami ait déjà réussi à maîtriser à ce point son Zanpakutō.
Mais, depuis qu’il avait décidé de lui révéler son identité, sans mensonge, elle avait tendance à vouloir croire en sa sincérité. Il était sans nul doute maladroit dans ses mots, avec une absence flagrante d’éducation, il ne semblait posséder que peu de malice. Et de nouveau elle repensait à son constat précédent, et le fait qu’elle puisse s’être trompée.
Si ce n’était pas le niveau du Gotei 13 qui avait diminué, mais celui des jeunes recrues qui avait augmenté ? La nouvelle politique de recrutement portait-elle véritablement ses fruits ? Pendant un instant, un court moment, elle se demanda si cette nouvelle génération n’allait tout simplement pas les remplacer. Et ce n’était guère pour la rassurer.

>> Je te crois, mais… En effet c’est une surprise. Je me demande combien de temps le Capitaine Hitsugaya avait mis pour obtenir le sien…

Bien que prononcée à haute voix, cette phrase était une réflexion pour elle-même. Un peu plus et elle aurait pu supposer qu’il était peut-être plus un prodige que l’ancien Capitaine, reconnu comme ayant atteint ce rang à un âge extrêmement jeune.
Cela lui rappelait également qu’elle-même ne maîtrisait le sien que depuis peu. Même en partant du principe qu’il venait de l’avoir, à leur échelle, que représentaient pas même cinq ans de différence ? Dire qu’ils avaient la maîtrise de l’ultime libération depuis aussi longtemps l’un que l’autre n’était donc pas véritablement exagéré.
L’air pensive quelques instants, elle fixa de nouveau le jeune membre de la Cinquième Division.

>> Si tel est le cas, d’accord. Pas maintenant donc, mais j’accepte de m’entraîner à l’occasion avec toi. Je suis curieuse de voir ce que vaut la nouvelle génération de Shinigami. Et puis, il serait malvenu pour moi de ne pas accéder à la volonté d’un jeune motivé d’apprendre encore plus, non ?

Si jamais on lui avait dit qu’elle aurait convenu d’organiser dans le futur un entraînement avec un tout jeune Shinigami d’une autre division que la sienne, elle ne l’aurait pas cru. Déjà qu’elle n’accédait que rarement à ce genre de requêtes avec ses propres hommes, il s’agissait là d’un cas des plus improbables.
Mais sa curiosité était réellement éveillée. Et, pendant un instant, elle en avait même presque oublié la raison de sa présence en ces lieux. Jusqu’à ce qu’elle redresse les yeux, constatant le décor autour d’elle.
Et le fait qu’elle ne reconnaissait pas grand-chose…

>> Par contre… Maintenant que nous sommes ici, je dois avouer ne pas savoir où exactement trouver du thé. Je ne suis pas vraiment habituée à ce quartier.

Et visiblement, celui n’était pas non plus habitué à elle, vu comment les passants la regardaient avec étonnement.

- Bah oui vraiment ! Ça se voit au premier coup d’œil que j’assure comme un ouf quand même, non ? Bon, ça fait pas super longtemps, c’était juste avant de sortir de l’Académie, mais je pense que du coup c’est pour ça qu’on m’a collé Troisième Siège alors que bon… la bagarre, ok, mais les responsabilités après… Je peux pas prendre ma place légitime de héros si je suis dans un bureau à remplir de la paperasse, ça me paraît évident quand même...

Voilà qui n’allait sans doute pas la rassurer sur son aptitude à parler beaucoup trop, au moins évitait-il de retomber totalement dans ses travers à base de familiarités. Bon, il fallait qu’il reste sur ses gardes, quand même, ça pouvait revenir à tout moment. Chasse le naturel qu’il revient en galopant, tout ça tout ça.

- Jamais entendu parler… Il est Capitaine de quelle division ? Il est fort ?

Et voilà une autre lacune, bien sûr. Il ne connaissait pas trop les noms des Capitaines, ni même qui était un homme ou une femme, ni à quoi ils ressemblaient. En gros pour lui, à moins d’en voir un haori sur le dos… ça ne serait pas évident, clairement. Ce qui avait été en partie la cause des « troubles » initiaux dans cette conversation d’ailleurs. Mais en tout cas les choses avançaient positivement malgré tout. Elle acceptait de s’entraîner avec lui ! C’était bien qu’elle avait un faible pour lui, sinon elle l’aurait envoyé paître, hein ? Nan mais c’était sûr, il savait bien qu’il pouvait pas la laisser indifférente, et lui de riposter d’un clin d’œil entendu.

- Parfait, j’ai trop hâte qu’on s’entraîne ensemble ! Par contre je vous préviens : si vous gagnez je dirais que j’ai fait exprès par galanterie hein ! Ah… j’aurais p’t’être pas dû le dire ça, non ?

Et de se marrer. Pas de la bêtise, il s’est vraiment amusé à en plaisanter, ce qu’il vient confirmer par les quelques mots qu’il ajoute.

- En vrai, c’est sûr vous allez me foutre ma fessée, mais je crois que ça va me plaire. Je me risquerais bien à vous proposer un gage si jamais je gagne, mais vous seriez capable de tout annuler du coup, avec la pression, tout ça. Juste pour le plaisir de l’apprentissage alors, on fait ça !

Ne se risque pas à un « tope là » même si l’envie est forte. Par contre ce à quoi il s’attendait moins, c’est qu’elle se retrouve paumée une fois arrivée dans le quartier qu’elle lui avait pourtant elle-même indiqué au préalable.

- Vraiment ?

La regarde, incrédule. Avant de laisser un sourire fleurir sur son visage, comme il opine amusé.

- Attendez… vous êtes pas en train de me faire le coup de la panne au moins ?

Encore une fois, il semblait qu’elle avait peut-être parlé un peu trop vite et qu’elle s’engageait de nouveau dans une situation qu’elle risquait de regretter dans le futur. La curiosité l’avait fait accepter une chose qu’elle n’aurait certainement jamais et de nouveau le jeune Shinigami semblait comprendre les choses bien différemment de ce qui était initialement voulu. Elle pourrait se sortir de là en rétractant cette proposition. Ou même, sans formaliser la chose, simplement ne jamais réussir à trouver le temps. Qui serait surpris qu’une Capitaine n’ait pas de temps à accorder à un soldat fraîchement diplômé ?
Personne, à part le principal concerné. Dans sa tendance à beaucoup trop parler, et à ne comprendre que ce qu’il voulait, il serait même capable d’inventer des raisons. Peut-être même de dire qu’une Capitaine aurait peur de lui. Les paroles d’un individu comme lui n’avaient pas forcément suffisamment de poids, mais il s’agissait d’une peine qu’elle s’épargnerait bien.
Force était de constater qu’elle était donc bien coincée et que cet entraînement serait effectivement à organiser quand elle le pourrait.

>> Comme je l’ai dit, ce n’est guère un endroit où j’ai l’habitude.

La fierté en elle commença à se réveiller. Si elle avait fait preuve de bonne volonté jusque là, le fait qu’il ose douter de sa parole et qu’elle soit obligée de se répéter était peut-être un peu trop. Etait-ce si difficile à croire que quelqu’un comme elle ne soit pas du genre à errer dans les quartiers les plus populaires du Seireitei ? Déjà qu’elle n’était pas forcément du genre à aller régulièrement faire elle-même les achats, il y avait des limites à conserver.
Le monde présentait était déjà plus important, le nombre de boutiques également. Devrait-elle réellement être capable de savoir laquelle proposait du thé ?

>> Je me suis proposée à t’accompagner en ces quartiers, pas à te guider une fois sur place. Je suis certaine que ta capacité à discuter avec n’importe qui saura te permettre de trouver un guide mieux adapté que moi.

Pendant un instant, elle se demanda s’il s’agissait réellement d’une bonne idée de le complimenter de quelconque façon que ce soit. Le risque qu’il se fasse de nouveau des films n’était certainement pas des plus faibles. Elle aurait probablement mieux fait de s’abstenir, mais le mal était fait.
En échange, elle se garda bien d’alpaguer le premier passant venu, comme il l’eut envisagé à un moment. Demander à une pauvre ère de guider le Shinigami vers ce qu’il cherchait aurait été en soi des plus simple. Cela l’aurait simplement rendue responsable de la détresse d’un pauvre innocent, ce qui en soi n’était pas vraiment digne de quelqu’un comme elle.
Alors que, si elle le lâchait seul et qu’il choisissait sa propre victime, elle ne pourrait en rien être tenue responsable.

>> Je suppose donc que c’est ici que nos routes vont devoir se séparer pour l’heure, n’ayant rien à faire en ce lieu, bien au contraire.

A ce moment-là, elle fut à deux doigts de déraper, de lui demander s’il avait autre chose en tête à lui demander. Heureusement, elle se retint à temps de prononcer des mots qu’elle regretterait sans nul doute, n’ayant absolument aucune envie de savoir ce qu’il pouvait avoir en tête justement. Elle avait eu droit à un exemple en débutant la conversation, cela lui suffisait amplement.

>> Notre prochaine rencontre risque donc d’être lorsque j’aurai le temps pour cet entraînement je dirai.

Ah. Elle avait l’air un peu mal à l’aise là non ? Peut-être qu’il se faisait des idées. Ou peut-être qu’il avait poussé le bouchon un petit peu trop loin. Et pourtant il ne s’appelait même pas Maurice, alors… Enfin en principe il devrait bien pouvoir se démerder pour trouver du thé moins cher dans le coin. Il n’avait jamais douté pouvoir se démerder, même si cela aurait sans doute voulu dire perdre du temps à découvrir le coin plutôt qu’aller à l’essentiel. Oh, il aurait bien l’occasion au fil du temps de mieux appréhender les quartiers commerçants, maintenant qu’il avait l’occasion de recevoir une paie décente.

- Vous avez raison, je suis plutôt doué pour ça ! Y a pas à dire, c’est sans doute pour ça que vous êtes Capitaine aussi, vous avez l’œil pour dénicher les talents !

Gros clin d’œil. Ça devait l’impressionner un peu, ce bagou. C’est pour ça qu’elle avait dû lui dire qu’il parlait trop. Pas habituée, alors forcément devant un tel virtuose, c’était un peu difficile de tenir le coup. « Promis mon lys des champs, je serai doux » se retient-il de laisser échapper tout haut, s’en mordant même les joues pour être sûr de résister à l’envie. C’est qu’il ne faisait là que répondre à son propre cheminement de pensées, et ça pourrait achever de lui faire peur – peur de craquer complètement sur lui, normal.

Mais comme elle déclare la fin de l’entrevue et semble sur le point de filer à l’anglaise, son sourcil se hausse.

- Ah bon, comme ça ? On se fait pas la bise ? Bon bah, d’accord. Nous nous reverrons pour notre entraînement, ça va être trop bien, je vais le dire à tout le monde, c’est trop la classe ! Hé, Capitaine ! Je déteste vous voir partir, mais qu’est-ce que j’aime vous regarder vous en aller ! Hinhin !

Et ainsi, ces routes qui n’auraient jamais dû se croiser se séparèrent. « So long, darling... » souffle-t-il doucement, avant de se marrer à nouveau et d’aller chercher son foutu thé.