J'aime pas l'école !

Être accepté à l’Académie, c’était déjà une sacrée première étape pour lui. S’il ne doutait pas de ses aptitudes physiques, il devait admettre être un peu moins emballé par la notion de cours, d’apprentissage et d’école dans son ensemble. Il allait devoir apprendre à être un shinigami et cela signifiait apprendre à combattre avec les armes qu’on leur donnait, à utiliser la magie pour parvenir à ses fins. Et connaître tout un tas de notion importante concernant le Seireitei, les devoirs et obligations de ceux qui s’engageaient dans cette grande armée. Autant de chose qui ne l’emballait pas des masses mais qu’il savait nécessaire pour parvenir aux objectifs qui étaient les siens.

Cette rentrée, elle était importante. Mais une inconnue demeurait pour lui : comment allait-il se comporter face à d’autres personnes qui se retrouvaient exactement dans la même situation que lui. Il savait que tous n’étaient pas issus du Rukongai et qu’il allait devoir côtoyer ceux qui se considéraient pour certains comme des élites. Pile le genre de personne qu’il ne pouvait pas blairer d’ordinaire.

Lui qui avait toujours imposé sa volonté à coup de lattes, il allait devoir se montrer un peu plus mesuré. M’enfin, il se connaissait et savait que sa patience n’était pas inépuisable. D’expérience, dans ce genre de « groupe », on percevait rapidement qui était leader, qui était suiveur, qui était une tête, etc. L’objectif du jour serait donc de savoir qui était qui afin de mieux cerner cette fameuse classe qu’il allait devoir intégrer.

Pour cela, il s’était mis un peu en retrait, laissant son regard passé d’un visage à un autre, s’arrêtant sur certains afin de les détailler longuement. Il pensait avoir l’air neutre. Mais il se trompait lourdement. Faut dire qu’un colosse de deux mètre vingt, le visage fermé, qui vous observait sans broncher, les bras croisées, ça donnait pas envie de le connaître. Il ne savait pas vraiment l’effet que ça faisait, n’ayant pas souvent été de l’autre côté de la barrière. Et d’adresser pour lui-même :

- Et bah putain… J’sens que j’vais bien me faire chier pendant ces quatre prochaines années avec ces mollusques. Pas l’impression qu’il y en ait un qui sorte du lot. Putain d’sa mère.

Il ne le savait pas encore. Mais il se trompait lourdement.

Ils en avaient fait du chemin ensemble, hein ? Depuis les fins fonds du Rukongai où Mizuki et Kyōken s’étaient liés d’amitié, jusqu’à l’Académie des Shinigami où ils faisaient leur entrée… toute une vie partagée, et il escomptait bien que ça ne s’arrête pas en si bon chemin. Mais pour l’heure, ils ont décidé de se séparer un peu. La stratégie était simple : séparés, ils pourraient couvrir plus de terrain. Voir plus de lieux, rencontrer plus de « camarades ». Et lorsqu’ils mettraient leurs connaissances en commun, ils en sauraient donc deux fois plus sur la manière dont les choses tournaient ici.

Puis il fallait bien repérer rapidement où l’on pourrait trouver à becter, mais il comptait plus sur elle en la matière tout de même. Elle avait un réel don pour trouver les choses, pour ça c’était la meilleure clairement ! Tu lui dis « tiens je cherche ça », paf, en deux secondes elle a trouvé. C’est sans doute de la magie à ce niveau, enfin bref.

- Tu ne te fais pas trop remarquer, d’accord ? C’est un peu tôt pour s’attirer des ennuis...
- Mais noooon, non non non, t’inquiète pas, tout va très bien se passer !

- BAAAN... KAI !!!!!!!!!!

Son cri résonne sans doute beaucoup plus qu’il ne l’avait pensé, à peine entré dans l’auditoire. La salle de cours était grande, amplifiant donc d’autant sa voix. Pas l’air gêné pour autant, au contraire Kenshirō est hilare et commence à descendre l’allée de la salle de cours. Remarque une apprentie avec un énorme chignon, sans s’arrêter lui décoche un clin d’œil et son plus beau sourire de charmeur.

- Hé la choucroute… si ça te dit une saucisse...

Et se marre connement en continuant de descendre les marches, semblant se chercher une bonne place...

Le cri avait forcément attiré l'attention de celui qui cherchait à mieux analyser les branleurs avec qui il allait partager tant d'heures de cours. Bankai. Vraiment ? En dépit de l'absurdité de la prise de parole, Shinjiro ne pouvait s'empêcher de se marrer alors qu'à proximité, certains regardaient le nouveau venu en chuchotant. Dont deux qui s'étaient posés près de lui. Ca y est, voilà que les premiers commérages débutaient. Même de loin, on pouvait clairement percevoir que le bonhomme n'était pas du genre timide. Peut-être qu'il y avait là quelqu'un d'intéressant après tout.

Se redressant un peu, il attendait que le lascar continue sa descente. S'il n'entendait pas ce qu'il proférait, ça ne devait pas être très joli en constatant le visage outrée de la nana qu'il venait de dépasser. Les deux apprentis à côté de Shinjiro continuaient de blablater ce qui avait tendance à l'exaspérer. Se penchant vers eux, alors même que l'inconnu arrivait à portée de voix, il leur parla rapidement.

- Hey, Roméo et Juliette là. Vous voulez faire plaisir à tonton et vous cassez vite fait ? Genre... Maintenant ? Histoire de laisser la place ? Vous m'gavez !

Ils le regardaient, se demandant si c'était une plaisanterie. Seulement le regard qu'il leur adressait dissipa le malentendu. Surtout lorsqu'il se mit à hausser le ton.

- Jai dit... MAINTENANT !!!!

Ils se levaient fissa, pour filer comme l'éclair, manquant même de renverser le nouveau venu. Lui adressant un petit signe de main, il se leva complètement, tout sourire.

- Hey l'nouveau, si t'as envie, y'a d'la place là. Vue imprenable sur le public, tu vas kiffer.

Sur le papier, il avait raison. Puis ceux qui s'étaient posés précédemment ayant prit l'option de la fuite - on se demande pourquoi - il y avait effectivement le choix pour se poser et attendre. De toute façon, qu'est-ce qu'ils pouvaient faire d'autre en attendant ?

- Bankai hein ? J'avoue, ça m'a fait marrer. Bon les tarlouzes là-bas, elles se sont mis à gigoter comme des danseuses quand t'as beuglé mais bon, on peut pas plaire à tout le monde hein. Au fait, moi c'est Shinjiro.

Première présentation. Et première personne à qui le colosse s'adressait aujourd'hui. Enfin, de manière aimable s'entends. "On ne peut pas plaire à tout le monde". Une phrase que lui disait souvent Kamui. Un bon titre d'émission selon le colosse.

Tout en avançant, il se fait doubler par un petit couple apparemment pressé. Petit sourire en coin affiché comme Kyōken se retourne pour les regarder filer. Sans doute avaient-ils d’autres choses en tête que les cours, mais hé, c’était ça les premières lueurs de l’amour sans doute. Ou bien ça avait un rapport avec le grand balèze qui venait de leur gueuler un peu dessus ? Bah, la passion des débuts n’attendaient bien souvent que de menus prétextes, aussi « les deux » pouvait lui paraître une réponse raisonnable à sa question. D’ailleurs l’autre gars lui fait signe maintenant, lui suggérant de venir s’asseoir près de lui.

- Bah… une place chaude, hein ?

Marque une petite moue, en jetant un coup d’œil aux alentours. Il risquait de ne pas trouver mieux malheureusement, aussi finit-il par pousser un soupir en haussant les épaules. Il ne peut cependant tout à fait s’empêcher de commenter comme il vient s’y installer.

- C’est gentil ! Bon, dommage que la place soit chaude hein, j’ai jamais trop aimé ça… pas que ça peut pas rendre service hein, genre en hiver et tout quand on se les pèle, c’est confortable un peu. Mais c’est plus fort que moi, je peux pas m’empêcher de me dire « hé mais attends, si la place est si chaude, c’est p’t’être qu’il a pété l’autre ». C’est un peu dégueu… Mais je dois pas être le seul à penser ça hein ? Tout à fait banal comme raisonnement je suis sûr, juste de la logique quoi !

Et une bonne part d’imagination sans doute, mais il en fallait également. Qu’à cela ne tienne, il était installé en tout cas, tandis que Shinjiro lui racontait sa version des faits.

- Ah, c’est moi qui leur ai fait cet effet là ? Je pensais qu’ils étaient partis se trouver un coin sombre pour faire des galipettes moi… Enfin…
Moi, de là d’où je viens, on m’appelle Kyōken. Mais toi tu m’as l’air sympathique, alors tu peux m’appeler… Kyōken, aussi, ouais… C’est pas mal déjà ! C’est un cours de quoi au fait là ? Un truc où t’es doué ? Y a des astuces pour choper des bonnes notes ? J’vais pouvoir copier sur toi le temps de me mettre dans le bain ou bien… ?

Termine-t-il en essayant de voir s'il se trimballait des livres de cours, ou quoi que ce soit d'autre.

Putain mais il avait raison en vrai !!! Shinjiro ne s'était jusque là jamais posé la question du "pourquoi la place est si chaude", préférant juste poser son derche sans trop se prendre la tête pour de la merde. Mais à la lumière des infos apportées par ce type, tout semblait se remettre en place dans son esprit. Tout s'expliquait. Il eut un sourire en marmonnant simplement quelques mots.

- J'y avais jamais pensé comme ça mais en vrai, t'as trop raison !

Il y réfléchirait à deux fois avant de prendre une place précédemment occupée maintenant. Faut dire que l'Argenté n'était pas l'homme le plus logique de la Soul Society et il l'assumait parfaitement. Son instinct était généralement bon mais il ne résonnait pas comme les autres. L'autre étudiant venait de le lui faire comprendre. Kyôken avait-il dit. Un nom que le Kiryû décidait d'enregistrer mentalement tant le lascar l'intriguait pour l'instant.

Véritable moulin à parole, il enchaînait les questions. Des questions que lui-même s'était déjà posé d'ailleurs et donc certaines n'avaient pas encore trouvés de réponse. Il haussa les épaules alors qu'il reportait brièvement son attention sur un groupe d'étudiants non loin d'eux. Il ne se souvenait pas avoir entendu le style de cours qu'ils allaient devoir se farcir et il hésitait à interroger d'autres personnes pour savoir.

- Copier sur moi ? Bah ouais carrément. Disons qu'on dirait pas comme ça mais j'suis une sorte de p'tit génie quoi. Enfin petit, t'as capté hein ! Par contre j'ai aucune foutue idée du cours qu'on va devoir se taper.

Il se mit à rire bruyamment. Qu'importe la leçon du jour, il s'adapterait de toute façon. Il était là pour ça et comptait bien faire en sorte de vite réussir. C'est qu'il avait ses objectifs notre lascar. Le nouveau venu semblait chercher un truc du regard mais ne sachant pas quoi, Shinjiro ne pouvait pas l'aider.

- Kyôken hein. Et tu viens d'où mon pote ? J'suis sûr que t'es pas de ceux qui sont nés avec une fourchette en bronze dans l'nez toi.

Il ignorait évidemment que l'expression était tout autre. Il adaptait comme il en avait l'habitude.

- Quel district ?

Autour de lui, les apprentis commençaient à bouger. Un professeur venait de débarquer, preuve que le cours ne tarderait plus maintenant. Une sorte d'excitation palpable se faisait sentir mais le colosse y était parfaitement imperméable, accaparé qu'il l'était par Kyôken.

- Un petit génie ? T’es sûr ? Généralement les grands balèzes… bon… enfin, on verra bien. Généralement je me démerde, je comprends vite y paraît.

Forcément il a l’air un peu dubitatif. Ne se voulant pas insultant en tout cas, mais juste le constat que c’était pas habituel les montagnes avec de l’intellect. Pas qu’ils devaient forcément tous être débiles. Juste que parfois on pouvait se demander si c’était pas un souci d’irrigation, et de pompe qui ne parviendrait pas à envoyer le jus si haut. Mais bon, y a pas de mal, Kenshirō loue bien plus les capacités martiales, l’épée (et un bon coup dans la gueule) vaudront toujours plus qu’une plume, pas vrai ?

- Moi j’viens du 6-3, t’as vu. 6-3 Est ! Puis c’était quand même bien la zone, alors avec ma petite copine – parce que ouais j’ai une petite copine t’as vu – on est remontés dans le 47, plus posés. Un petit dojo, tranquille, moins de racailles dans les cages d’escaliers et tout… C’était pas mal franchement !

Se la joue un peu caïd. S’il avait eu une capuche sur cette tenue d’étudiant, il l’aurait mise, mais ça manquait franchement, il faudrait qu’il y fasse quelque chose quand il pourrait s’offrir ses propres tenues.

- Toi aussi le quartier alors ? T’es fort en bagarre Shinjiro ? Parce que moi, tu sais, j’ai peut-être pas l’air comme ça… mais en bagarre, je suis un ouf hein ! Un ouf malade ! Si tu veux mon avis, si y a un autre gars balèze ici, c’est ouat !

Lui lance un petit coup d’œil en coin, pour voir la réaction. Bon, il se la jouait un peu beaucoup, et il était pas toujours comme ça. Enfin, pour le côté pile électrique peut-être un peu oui, mais le côté racaille c’était juste pour le show, et devrait rapidement s’estomper. Mais quand on parle du bled, on parle du bled quoi, c’est tout, faut avoir le flow qui va avec, c’est bien normal...

Le colosse ricanait en l'écoutant parler. Ce mec lui rappelait la famille, lui rappelait le quartier. Il se serait bien fondu dans la masse, c'était une certitude. En tout cas il y avait une chose évidente, c'est qu'il était naturel de parler avec lui. Shinjiro ne se forçait pas le moins du monde, n'avait pas à adapter son discours pour se faire comprendre - ce qu'il n'aurait de toute façon jamais fait hein - et commençait même à apprécier sa compagnie. Il parlait même plus que lui, ce qui l'amusait.

Il lui parlait de son district et du fait qu'il ait bougé à un moment. Avec sa nana. Tiens, alors comme ça notre cher ami n'était pas célibataire ? C'était un fait assez notable en réalité tant cela n'était pas forcément courant. Certes, les aventures sans lendemain étaient monnaie courante, en tout cas pour le Kiryû, mais de là à se fixer avec la même fille sans papillonner à droite à ou gauche, c'était une notion qu'il avait du mal à saisir.

- Et tu l'as laissé où, ta nana ? Parce que t'es pas près d'retourner de suite au Rukongai quoi. T'as pas peur qu'elle s'emmerde et qu'elle aille voir ailleurs ? Putain, j'aurai tellement pas confiance moi.

Les mecs, c'étaient des loups. Nan même pas. Des putains de clébards. Il le savait car il en était un aussi. Pas de doute sur le sujet donc. Quant à son dojo, il avait eu de la chance de tomber sur un lopin de terre sympa. Lui, ça avait été une autre chanson. Après ce n'était pas non plus un concours de qui à la plus grosse hein. Enfin pas encore quoi.

- De ce que j'ai vu en tout cas, y'a quelques gonzesses qui sont pas si mal dans l'coin. Y'a moins de moyenner j'pense. Et sinon ouais, moi aussi j'suis d'un district qui pue la merde. On a pas mal bourlingué avec la famille. Jamais des trucs de oufs non plus hein. Mais on s'démerdait pour crécher chez l'habitant quoi. Système "D". J'dois dire qu'ici, c'est un palace comparé à la merde qu'on a connu, t'es pas d'accord ?

"Chez l'habitant". Une jolie formule pour dire un SQUATT. La notion de bagarre le fit sourire. Il ne doutait pas un instant que le type puisse se démerder convenablement. Pas parce qu'il le disait mais seulement parce qu'il était rare qu'un type du Rukongai débarque ici et se montre aussi confiant. Il devait savoir jouer des poings et ça, il devait admettre que ça l'intéressait. Tabasser des minets bien coiffé, y'avait rien de marrant à ça. Mais s'foutre sur la tronche avec un mec qui avait la même mentalité que lui, alors là c'était jackpot !

- Si j'suis fort ? J'ai écrasé plus de gueule que j'saurai en compter mon pote. Me battre, c'est aussi normal pour moi que de respirer. Et de toi à moi, j'espère vraiment que t'es fort. Parce que du coup, ça pourrait être sympa qu'on s'foute un peu sur la gueule. Histoire de savoir qui de toi et moi est l'meilleur. Parce que les autres là... M'ouais, j'suis pas emballé non plus.

Ils payaient pas de mine et Shinjiro se basait peut-être un peu trop sur le physique. Mais bon en même temps fallait se mettre à sa place : en quoi un type d'un mètre vingt pouvait-il représenter un danger pour lui ?

La question l’interpelle. Comment ça il l’avait mise où ? Il fouille ses poches.

- Attends… je l’avais mise juste là… pourquoi elle est pas au bout d’sa laisse là… ?

Continue de fouiller un peu, avant de se mettre à se marrer. De toute évidence le début du cours n’avait pas été évident pour tout le monde, mais la conversation plus intimiste lui était plus coutumière qu’un simple type qui débitait un cours devant une assemblée. Apparemment c’était pas une classe pratique en tout cas, ce qui forcément faisait grandement chuter son intérêt. Bientôt, il réaliserait l’intérêt des cours théoriques. De certains en tout cas. Mais pour le moment forcément, vu de là où il était issu, Kenshirō n’accordait encore d’importance qu’aux faits et aux actes.

- Nan, j’déconne, ahah. Elle est ici avec moi. Enfin, pas là avec moi, là tout de suite, sinon tu la verras, hein. Mais on est entré à l’Académie ensemble. On se fait confiance, tellement que c’est elle qui a la tâche de trouver où c’est qu’on mange. Si je lui confie la bouffe, c’est que j’ai parfaitement confiance en elle quand même, nan ?

Bon, il n’irait pas jusqu’à dire que la place de la femme était à la cuisine. Il n’était pas convaincu que ses talents dans le domaine soient particulièrement pointus. Du coup ça pouvait être mal interprété, mais pour lui cela voulait surtout dire qu’il avait assez confiance en elle pour trouver ce qui était le plus important. Bon par contre, elle était pas tout à fait au courant qu’elle était sa petite amie, mais bon, ça… bon… on verra bien plus tard !

- J’ai pas encore vu où on crèche, mais déjà si on me laisse foutre une petite couverture en-dessous des bureaux là, ça sera déjà mieux que partout où j’ai dormi jusque là. Y a pas de courant d’air même si c’est super grand ! Mais bon, c’est surtout le fait de pouvoir grailler sans avoir des crampes d’estomac d’avoir trop galopé pour s’enfuir avec la bouffe qu’on vient de piquer qui me branche. Clairement c’est un autre délire.

Puis le petit regard d’intérêt lorsqu’il parle de sa propre force. Ça vaudrait le coup de se tester – de le tester – c’était certain. Bon faudrait mettre quelques trucs au clair forcément, parce qu’il faisait pas trop parler les poings, ça a toujours été les épées son truc. Mais bon, ça aussi on verrait plus tard. Parce que là.

- Ça vous intéresse pas ce que je raconte ?
- Hein ?
- Les deux, là au fond… ça vous intéresse pas ce que je raconte !?
- Heu… sisi...
- Si ? Alors je reprends pour les deux du fond...

Coup d’œil vers Shinjiro, alors qu’il lève la main et la fait trembler, manière de dire « bouh j’ai peur ». Pas sûr que ça les arrête longtemps, alors qu’un cours traitant des interventions sur terre se poursuit...

Il joignit son rire à celui du lascar face à lui. Vrai que si elle avait été là, il l'aurait vu. Quant au fait qu'il lui confie la bouffe, c'était effectivement une marque de confiance. Lui, il avait opté pour l'option "je suis le groupe". Ca fonctionnait pas trop mal pour le moment même si y'avait clairement aucune garantie de réussite. Il pouvait tout aussi bien se retrouver dehors sans avoir compris pourquoi.

- Grave. J'avoue, ça fait rêver votre relation là. Faudra que tu me présentes du coup. Moi aussi ça m'intéresse qu'elle sache où trouver d'la bouffe. Puis j'suis sur qu'on peut devenir pote elle et moi.

Il n'y avait évidemment aucune arrière pensée alors qu'il disait cela. Mais parfois on interprétait assez mal ce qu'il disait. Même quand il n'y avait rien de plus que ce qu'il disait. La difficulté de se faire comprendre par ses semblables. Le colosse ne faisait pas dans les sous entendus. Lorsqu'il avait un truc à balancer, il le faisait.

Alors qu'il lui parlait des avantages des lieux, notamment du fait de ne pas avoir à fuir après avoir choppé de la bouffe, Shinjiro ricanait. Il comprenait ce qu'il disait puisque lui aussi avait été dans la même situation bon nombre de fois. On ne s'y habituait jamais vraiment. Peut-être même que sans Kamui, il y serait encore. Il allait répondre lorsque la voix du professeur le coupa. Se trouvant un peu con - il n'avait même pas remarqué que le cours avait commencé - il laissait Kyôken répondre, un petit sourire sur les lèvres.

Prêtant l'oreille quelques secondes, il poussa un soupir. Que c'était chiant ça. Le professeur reprenait et pendant un court moment, le silence se fit. Mais Shinjiro avait du mal à rester en place. Il bougeait, soupirait. Il se pencha vers son voisin.

- Sérieux, ça m'emmerde. J'pige rien à son truc là. "Gnagnagna les pouvoirs sont restreints sur terre, gnagnagna équilibre de la balance". 'Tain, c'est trop chiant. Hey. Tu sais combien de temps ça dure, ce cours ?

Par réflexe, le regard du géant se portait vers les portes. Partir était quasiment exclu. Il était presque assuré d'être repéré...

- J'pensais pas que ce serait comme ça les cours. J'voyais ça en mode "on s'fout sur la gueule", on s'entraîne avec des épées toussa. Là, franchement, j'ai juste envie d'me pendre.

Il apprendrait à accepter ces cours. A écouter aussi. Mais pas aujourd'hui visiblement.

Kenshirō opine vaguement lorsqu’il parle de rencontrer sa copine. Ouais ouais on verra. Bon, s’ils doivent devenir potes ça arrivera forcément, mais s’il peut éviter de la présenter à tous les grands balèzes qui traînent et ce Jour-1 c’est pas plus mal non plus. Ça arrivera, oui, peut-être. Coup d’œil vers les portes. Elle allait manquer le cours du coup. Mais bon, il y avait d’autres salles, peut-être que comme lui elle était rentré quelque part au pif, et suivait donc actuellement un cours qu’elle devait peut-être pas suivre. De ce qu’il en savait, il y avait plusieurs classes, de différents niveaux et tout. Ou bien elle aussi elle était tombée sur une armoire à glaces qui lui faisait la discussion ? Argh, ça lui plaît pas trop cette idée. Autant dire qu’effectivement, l’enseignant n’avait pas tort : ça l’intéressait pas trop ce qu’il racontait.

Et manifestement c’est pas le seul. Shinjiro proteste à son tour, lui pose même une question à laquelle il ne répond qu’à un haussement d’épaules et une tête secoue. En entrant ici il ne savait même pas quelle était la nature du cours, alors sa durée et tout… Pas bien renseigné c’est certain, il abordait ce premier jour du cursus en touriste complet. Cela changerait à l’avenir – bien qu’il ne serait jamais un rat de bibliothèque, mais au moins chercherait-il à prouver ses talents – mais pour l’heure, autant dire qu’on était bien dans l’ambiance « mains dans les poches ».

- J’voyais ça différemment aussi. Un peu comme au dojo, mais en plus balèze. On nous a même pas encore appris à nous servir de nos nouveaux katanas qu’on doit déjà savoir ce qu’on fera quand on ira… ‘tain, je sais même pas où il veut qu’on aille sans déconner !

« La Terre », concept encore un peu lointain. C’est que de là d’où il venait, on parlait pas trop trop de ça. Le cours d’aujourd’hui, il en aurait eu bien besoin, en vrai. Mais il faut parfois un peu de temps aux fortes têtes pour admettre d’avoir besoin de quoi que ce soit provenant de quelqu’un d’autre. Mais pour l’heure…

- Viens… tiens toi le bide, comme si t’avais mangé du poisson pas frais !J’ai un plan.

Kenshirō se lève en urgence, entraînant Shinjiro par le bras. Enfin, fallait qu’il accepte de réellement jouer le jeu du coup, parce que s’il avait décidé de ne pas bouger ça ne serait pas gagné cette affaire. Bien sûr il ne fallait qu’un instant pour que la voix du prof les interpelle à nouveau.

- Mon ami se sent pas bien m’sieur, faut qu’on sorte ! Il m’a dit « si je sors pas prendre l’air tout de suite, juré je repeints l’auditoire ». Je sais pas si c’est la gerbe ou la chiasse, mais vous voyez bien qu’il a mal au ventre de ouf là, ça urge !

Coup d’œil vers Shinijro. Le moment de vérité. Il pourrait le laisser dans la merde ou marcher dans son enroule, et de cela dépendrait sans doute beaucoup de leur relation future. La confiance ça se construit après tout !

Il n'hésita pas bine longtemps. Puisqu'il se faisait chier, si son nouveau pote avait une idée, autant la suivre jusqu'au bout. C'est ainsi qu'il se laissait entraîner, se tenant le ventre et grimaçant comme s'il allait perdre un organe. Il écoutait Kyôken et attendait le moment propice pour jouer le jeu. Ah, c'était enfin à lui.

- AAAAAAAHHHHHHHH !!!!! J'ai trooooooop maaaaaaaaaaal. Putain j'ai comme des envies de dégueuler ! Ca va être une boucherie, j'le sens.

Les regards s'étaient évidemment tournés vers eux. Accaparé par son propre spectacle, le colosse ne voyait donc pas le jugement sur les visages et les rictus de certains qui comprenaient le jeu des deux nouveaux. Et si le professeur n'était pas totalement naïf - après tout cela tombait COMME PAR HASARD sur les deux qu'il avait déjà repris précédemment - il ne pouvait pas prendre le risque que ce soit vrai.

D'un geste de la main, il les autorisa à sortir. Se traînant comme il pouvait - l'Argenté était vraiment dans le rôle de sa vie - il poussait des gémissements étranges. Tandis que Kyôken continuait de l'aider à avancer. Cela fait, alors que les portes se refermaient derrière eux, le colosse jeta simplement un regard derrière et enfin se redressa complètement. Un large sourire sur la tronche.

- Alors toi, t'es un putain de génie mon pote.

Il n'avait aucun remord à sortir de là. Bien entendu, il évoluerait lui aussi sur ce sujet avec le temps, comprenant que même le plus insignifiant des cours pouvait comporter des informations importantes. Mais aujourd'hui, il avait l'impression d'être simplement le roi du monde. Une permission exceptionnelle venait de leur être accordée mais elle était limité dans le temps. Et maintenant ?

- Tu veux faire un truc en particulier ? C'est tellement grand dans l'coin, j'sais jamais si j'suis sur la bonne route perso.

Déjà il avançait, veillant à ce que son compagnon suive. Il ne le savait pas encore mais il était en train de tisser une relation qui l'aiderait à avancer au cours des années qui suivraient. Une amitié qui le pousserait à faire mieux. En attendant, une question le taraudait. Le genre de question à la con à dire vrai mais la curiosité était grande chez lui.

- Dis-moi, pourquoi t'as intégré cette Académie toi ? Me dis pas que c'est que pour la bouffe hein. Tu m'as dit que tu étais pas mal là où t'étais avant. Alors du coup, j'me demande quoi.

Au final, il avait respecté sa parole donnée, non ? Mizuki lui avait demandé de ne pas s’attirer d’ennuis, et l’on pouvait dire à son sens que c’était le cas. Au contraire même, il s’était fait un copain là non ? Car en effet, Shinjiro avait joué le coup à merveille. Peut-être sommeillait en lui un grand comédien qui ne demandait qu’à se révéler ? Et si certains avaient pu sembler dubitatifs, Kyōken n’y avait pris garde. Pour lui une seule chose demeurait : ils étaient sortis du cours comme ils l’avaient désiré ! En passant la porte, il lui souffle tout de même tout bas :

- Ça va mec ? Si t’es vraiment malade, tu me vomis pas dessus ok ?

Il faisait des bruits dont il ne se doutait pas qu’un être humain en fut capable, alors il fallait au moins qu’il pose la question pour s’assurer de pas dégueulasser ses fringues dès les premières heures de cours. Parce que là alors, il ne pourrait plus trop faire le mariole devant la Blanche en lui prétendant que tout s’était déroulé à merveille. Mais sitôt la porte passée, la changement d’attitude de son comparse le rassura. Il avait même plutôt l’air d’attaque, ce qui provoqua un sourire et hochement de tête chez Kenshirō.

- M’en parle pas, moi j’y connais rien du tout. On peut se promener un peu, voir si on croise Mizuki que j’vous présente. Mais bon, j’ai aucune idée d’où elle est… au pire on s’balade et on voit ce qu’on trouve. J’ai la dalle de ouf ! J’en suis pas encore à fouiller les poubelles, mais si on trouve un petit truc à graille je dis pas non.

Autant s’éloigner de la salle de cours dans tous les cas. Là il suffirait que n’importe qui ouvre la porte pour qu’ils se fassent repérer instantanément. L’occasion de faire plus ample connaissance sans devoir se faire chier à parler tout bas, aussi.

- Bah, le Rukongai quand on se démerde, on finit par pouvoir trouver des coins sympa, mais ça reste la zone faut se l’avouer. Avec ma nana on s’est installé dans un dojo alors bon, c’est quand même pas mal de corvées pour justifier les entraînements et tout, on fait pas ce qu’on veut non plus. Alors je sais qu’ici c’est pas la foire hein, qu’on va recevoir des ordres aussi et tout… Mais ça va me rendre encore plus balèze, et si je veux rester le meilleur je peux pas me reposer sur mes lauriers. Puis bon, paraît qu’un Shinigami ça gagne pas mal, et le Seireitei c’quand même un niveau de vie au dessus. Mizuki m’suit depuis qu’on était encore gamins, pour m’avoir supporté tout c’temps, j’lui dois bien ça, de lui offrir une meilleure vie et tout. Donc ouais… meilleur niveau de vie, et l’occasion de briller contre des ennemis qu’en valent le coup… J’suis une lame affûtée mon pote, j’dois servir si j’veux pas m’émousser ! J’ai bien dit « m’émousser » hein, pas « me mousser », on n’est pas encore assez intimes pour ça, haha ! Et toi pourquoi t’es là ? Tu t’es dit en arrivant « enfin des portes à ma taille, j’veux vivre là » ? Héhé !

En référence aux portes gigantesques fermant l'accès au Seireitei. Shinjiro saurait apprécier, se disait-il.

Il était pas peu fier d'avoir réussi son coup, même au point de convaincre son nouvel ami alors que l'idée venait de lui. Décidément, Kamui avait raison. S'il ne parvenait pas à devenir shinigami, son destin était tout tracé. Quoi qu'il en soit, voilà qu'ils commençaient leur petit périple. Il es vrai que la faim commençait à se faire ressentir. Il eut un sourire en entendant parler des poubelles. Pour le colosse, cela ne serait clairement pas la première fois que ça lui arrivait, même s'il ne comptait pas l'avouer devant Kyôken.

Après tout, poubelle ou non, de la nourriture restait de la nourriture et quand on avait faim, on ne faisait pas la fine bouche. Par ailleurs, il restait aussi attentif à ce qui se passait autour d'eux. Surtout si au cours de ce petit périple improvisé, ils rencontraient la fameuse Mizuki. La gonzesse de Kyôken. La chercheuse en cheffe de la bouffe.

- On va forcément trouver, c'est pas possible autrement. Au pire on choppe un péquenaud du coin et on lui demande de nous dire où trouver d'la bouffe. J'avoue que j'ai un peu les crocs moi aussi. Puis si on tombe sur Mizuki, bah banco ! On aura tout gagné.

Après, auraient-ils autant de chance en vérité ? C'est que le colosse n'était pas réellement réputé pour ça, bien au contraire même. Il avait plutôt tendance à subir les pires merdes juste parce qu'il se trouvait au moment endroit, au moment moment. Comme une question de principe quoi.

Alors qu'il l'écoutait s'expliquer sur les raisons de leur présence, Shinjiro notait qu'effectivement, la relation qu'il avait noué avec cette femme était importante à ses yeux. Il comprenait la motivation de l'argent et d'élever son niveau de vie. Il ne la partageait pas pour autant mais devait admettre trouver plus agréable de posséder de quoi s'acheter ce qu'il voulait. Pour autant, ce n'était pas sa motivation première. Et c'était sur ce point qu'il rejoignait son nouvel allié. D'ailleurs il se marrait lui aussi alors qu'il l'entendait parler des portes massives séparant le Seireitei du Rukongai.

- En vrai, ça aurait pu être pour ça. Mais non. Pour moi, c'est un peu comme toi en vrai. Pouvoir me confronter à d'autres pointures du coin, ça m'permettra de devenir meilleur et de m'dépasser. En vrai, c'est une sorte de course contre moi-même. Déjà parce que j'ai pas souvent vu des mecs plus balèzes que moi. Mais surtout parce je sais que j'peux faire plus, tu vois.

Il savait que des cadors, dans le coin, il y en aurait forcément. D'ailleurs Kyôken paraissait entrer dans cette catégorie. Même s'il était un peu petit.

- Puis y'a aussi le paternel. Toi t'as Mizuki. Moi, j'aie Kamui. Il m'a pour ainsi dire élevé, tu vois. Lui ce qu'il veut, c'est que j'fasse le taff pour avoir une vie meilleure. Que j'devienne autre chose qu'un simple bagarreur de rue. Du coup me voilà. Et si j'suis dans le coin, c'est pas pour enfiler des merles quoi ! J'serai Capitaine. Place idéale pour pas qu'on vienne me péter les burnes. Et pour prouver aussi que j'suis le meilleur. Ouais, c'est ça qui me motive.

Alors... Enfiler des merles, pas sûr que ce soit la bonne expression. Mais le colosse adaptait toujours les vraies remarques avec celles de son cru. Pas loin, un étudiant passait avec deux autres personnes de son groupe. Le colosse les héla.

- Hey ! Vous savez où on peut trouver de quoi becter dans le coin ?

Un peu brusque. Mais la faim était là. Les indications tombèrent et c'est avec un grand sourire que Shinjiro lâcha ces quelques mots :

- Ah, j'sais où c'est. Suis-moi, on va pouvoir manger un truc. Tu sais quoi, faudra que j'te vois combattre un d'ces quatre. En vrai, ce serait énorme que toi et moi, on essaie de progresser ensemble. T'en penses quoi ? J'ai jamais vraiment eu un partenaire de combat, tu vois. Qui m'aide à avancer.

Faut dire qu'en dehors de Kamui et de la bande, les autres étaient quand même mauvais. Ils avançaient en direction de la bouffe en tout cas. Ils allaient pouvoir s'en foutre plein la panse.

Et les voilà tranquillement, dans les couloirs pendant les heures de cours à discutailler de leurs ambitions, de ce qui avait pu provoquer leur volonté à rejoindre l’Académie et le Seireitei. Devenir des combattants du Gotei 13, se battre pour la Soul Society. Sans doute d’autres avaient bien des idéaux, des convictions, mais visiblement ce n’était pas vraiment leur cas. Des causes égoïstes, rien de plus, mais du coup comme ils étaient dans le même esprit il n’y avait clairement pas de quoi être choqués. D’autres sans doute s’en émouvraient à leur place lorsqu’il serait temps de se confronter aux « je fais ça pour l’honneur de mon clan » ou autres conneries du style. Un jour sa légende dépasserait de loin la renommée de ces clans et familles qui ne faisaient que passer. Des figurants dans sa propre histoire…

- Ah ouais, Capitaine, rien que ça ? J’y avais encore pas trop pensé à ça, mais c’est vrai que ça peut être une étape quoi. Mais bon, déjà, on chope le Bankai et la prochaine fois que je le gueulerai dans une salle de cours, je peux te dire qu’ils auront une bonne formation en fuite rapide, genre « hors de mon chemin » tu vois ?

Il se marre. Les demandes de Shinjiro ne semblent pas trop trouver de réponse alors qu’il questionne à sa manière un peu brusque. Mais soudain, il semble avoir une illumination. Genre il se souvient d’un coup où est la bouffe. Sujet sur lequel il ne s’attarde pas plus que ça, comme ils s’y rendaient l’affaire semblait entendue. Par contre restait un point à éclaircir.

- Un téméraire, hein ? Kyōken te marave ta tronche quand tu veux mon pote, en tout bien tout honneur hein, pour la beauté du sport, tout ça !

À partir de là, les choses ne se passeraient jamais tout à fait comme il l’avait prévu...

Comme on a plusieurs Kenshirô/Shinjiro qui se lancent avec d’autres, j’pense qu’on peut en rester là pour celui-ci. On s’en relancera d’autres après la vague actuelle