The Boyz

Ça faisait quelques temps que le Capitaine de la Cinquième Division n’avait plus trop fait parler de lui. Pas qu’il était absent ou qu’il en branlait pas une. Mais depuis la dernière réunion des Capitaines, Kenshirō avait plutôt intérêt à faire profil bas. Faire son taf, bien comme il faut. Mettre à jour la paperasse. S’entraîner aussi, parfaire ce qu’ils avaient mis au point, avec Shinjiro et Mizuki. Car la rencontre avec les Abominations et les Abyssaux avait véritablement changé la donne également. Un climat qui incitait plus au sérieux qu’aux délires héroïques auxquels ils étaient plus coutumier.

De plus, la Cinquième ne faisait clairement pas partie des Divisions citées par le Capitaine-Commandant comme particulièrement sur le qui-vive dans ces conflits à venir. Ils n’avaient rien à faire sur terre sur le principe, n’avaient pas à connaître les Arrancar ou les menaces venaient de ces mondes… tant que ça ne venait pas foutre la mouise dans le Rukongaï. Bon. C’était pas dingue du coup. Mais dans la vie, fallait pouvoir se créer des occasions, pas vrai ? Car plus il y pensait, et moins ça lui paraissait improbable qu’ils se retrouvent en première ligne finalement.

Ce qu’ils avaient vécu sur terre était peut-être juste une expérimentation. Un échantillonnage. Mais ces êtres avaient-ils pour autant la puissance nécessaire pour attaquer de front le Seireitei, défendu par l’ensemble de ses forces ? Pourtant, ce « Roi aux mille voix » avait bien parlé de venir visiter leur monde prochainement. Par quel endroit pourrait-il commencer sa visite alors ? Sa compilation frénétique des dossiers en attente n’avait pas été que pour faire bonne figure. Il s’agissait aussi de déceler la moindre petite allusion à quoi que ce soit qui puisse faire penser à ces créatures répugnantes.

Kyōken avait alors bien réfléchi et convoqué deux Sièges afin d’entamer le dialogue. L’un avait déjà suggéré quelques idées afin d’améliorer la logistique au sein de la Division et notamment leurs connaissances du Rukongai, en plus d’avoir participé à une mission qui s’était terminée de manière étrange et amère. Le second étant rattaché à un dojo était amené à passer un temps conséquent au sein des « bas districts ». Il ne savait pas encore par quel angle il allait aborder tout ça, ni jusqu’où ils pourraient aller. Cela dépendrait aussi de leur état d’esprit et ce qu’ils apporteraient eux-mêmes à la table.

On pourrait croire que Falthène s’était préparée à rencontrer son capitaine de division, après tout, c’était lui qui s'était pris de curiosité pour son entourage, mais lorsque la convocation lui était parvenu, il avait été pris de surprise. Pourquoi est-ce qu'il voulait le voir officiellement ? Est-ce que c’était lié à sa rencontre avec ses deux amis proches ? Probablement pas, la convocation semblait assez normale, enfin, aussi normale qu’une convocation pouvait l’être.

“Peut-être qu'il veut juste vérifier que tu n’as pas tué tes élèves. Tu sors de prison après tout.”

“C’est censé me rassurer ?”

L’être venant de parler était le Zanpakutō de Falthène, Mokkinbâdo. Avant de partir en direction des quartiers de sa division, le shinigami s’était accordé une heure de méditation pour mettre de l’ordre dans ses idées, et également se confier à sa partenaire de toujours. Il n’avait pas besoin de rentrer dans son monde interne pour sentir les émotions de sa hache et communiquer les siennes, mais pour parler dans les détails, il avait besoin de cette étape supplémentaire.

“Nan, mais c’est une raison plus plausible que te remonter les bretelles car tu as énervé un de ses potes.”

L’oiseau n’avait pas tort, enfin, elle n’avait d’oiseau que le titre, elle ressemblait plus à une gajin d’un pays chaud qu’à un majestueux volatile. Cela ne dérangeait pas particulièrement le shinigami, après tout, le contraste entre sa peau et ses cheveux blancs était assez fascinant, et lui-même avait une coloration capillaire d’étranger. Dans la soul society, tout ça faisait peu de sens après tout.

“Effectivement. Je pense que l’on ne sera fixé qu’en y allant, alors ne perdons guère plus de temps.”

En soit, le temps de trajet n’était pas un problème pour Falthène. Les aller-retours de son dojo au quartier de la Cinquième division ne lui prenait que quelques minutes, une dizaine dans le pire des cas. Il était assez rapide et pouvait se servir des courants d’airs pour éviter le gros de la circulation et des détours. Si bien qu’il perdait le plus de son temps à l’entrée du seireitei, le temps de valider son retour - foutu paperasse - avant de boucler le reste du chemin.

Devant la porte du bureau de son capitaine, Falthène tombe sur quelqu’un qu’il connaissait … Qu’il connaissait. Pas dans les détails, pas insuffisamment pour dire qu’il ne le connaissait pas vraiment. Son collègue et autre siège de sa division,Lee Bai-Long. Quelque part , qu’il soit là le rassurait, c’était donc pas une connerie individuel qui lui avait valu une convocation.

“Bonjour, Bai-Long. Tu es également demandé par le capitaine ?”

Peu d'officiers étaient aussi heureux de leur convocation que Bai-Long en ce jour. La promotion de son capitaine était tombée, malgré lui, au pire moment, et l'avait assailli de tâches inhabituelles qui l'avaient tenu quelque temps à l'écart des affaires de la division, au moment même où les siens étaient confrontés à une crise d'une rare ampleur. Ils avaient sû garder la tête hors de l'eau en ces heures chargées, et beaucoup d'officiers, le Lee le premier, avaient une tonne de résultats à présenter.

Désireux de ne plus être pris par surprise comme il l'avait été avec Mayuri, Bai-Long s'était assuré de travailler un peu moins au cours des derniers jours afin d'être plus présentable. La disparition des blessures héritées de son combat contre Metsudai contribuaient aussi certainement à cet effet. Il était après tout inadmissible qu'il apparaisse devant son chef dans le même état quasi-cadavérique qu'il avait présenté à la vice-capitaine de la 9ème.

Arrivant devant le bureau de Kenshiro, il fut surpris de s'y retrouver seul, lui qui s'attendait à une réunion générale des officiers. Curieux, il patienta quelques instants, et fut finalement rejoint par un autre supérieur hiérarchique qu'il connaissait depuis peu. Le 7ème siège semblait avoir été convoqué lui aussi, et s'étonnait presque qu'il en ait été de même pour le 10ème.

"Ouais, mais je m'attendais à une réunion générale des officiers, alors ça m'étonne qu'on soit deux."

Il toque trois fois, puis se positionne de sorte à pouvoir ouvrir la porte pour Falthène.

"Passe devant."

Bai-Long fait coulisser la cloison et s'engage dans la pièce à la suite du 7ème siège. Il attend que ce dernier se soit présenté pour en faire de même.

"10ème siège Lee Bai-Long, au rapport."

Quelques coups donnés à la porte, et ses gradés accueillis.

- Il est pas là, heu… machin ? Bon, c’est pas grave, les plus importants sont là, on va commencer…

Ça démarre d’un petit mytho. Question de leur donner de l’importance. Est-ce que c’est intelligent ? Pas forcément. Mais on pourra pas lui reprocher d’avoir une volonté de mettre en valeur ses Sièges convoqués, hein ?

- Je sais ce que vous vous dites ! « Pourquoi le patron il a rassemblé l’élite ? » et tout. Le top du top des vedettes de la Cinquième. C’est parce que c’est la merde, et qu’on a une mission tendue à mettre en place...

Kenshirō savait pas trop comment s’y prendre pour déléguer, et ça devait commencer à se sentir. Surtout qu’il avait pas non plus un plan propre en mode pas à pas, mais plus une vague idée du résultat qu’il cherchait à atteindre. Et c’était d’ailleurs le moment de l’aborder, en présentant la situation pas vraiment folichonne.

- Vous devez avoir entendu les rumeurs. Plusieurs divisions sont sur le coup après tout… Suite à une grosse baston sur terre, on a de quoi s’inquiéter. Des Arrancar… des humains apparemment rassemblés sous le nom d’Ultima Necat – franchement, on en sait pas bien plus que ça… – et surtout des créatures qui nous ont tous désignés pour ennemis : les Abyssaux. Ils ont des créatures avec eux, qu’on appelle les Abominations. Des saloperies bien moches, genre des Hollow, mais sans les masques.

Il marque une petite pause. Plus pour lui que pour eux, manière de réorganiser ses pensées, de se re-focus sur l’objectif.

- Le Conseil Militaire a demandé à ce qu’on leur transmette toute info qu’on aurait sur tout ça. Les Arrancar et les humains, on peut pas grand-chose, c’est pas notre secteur. Mais les Abyssaux… ils ont promis qu’ils viendraient nous voir dans nos mondes. Je les imagine mal débarquer direct dans le Seireitei. Vous commencez à voir où j’veux en venir hein ?

Ses lèvres s’étirent. Et ils devaient commencer aussi à comprendre pourquoi eux en particulier avaient été appelés.

- Bai-Long, tu voulais monter un réseau d’info dans le Rukongaï. Phalène, tu dois pouvoir étendre tes pattes dans des réseaux de connaissance autour de ton dojo. Va falloir qu’on se démerde… mais si y a la moindre créature cheloue qui se pointe, j’veux qu’on soit au courant en deux-deux !

Ils étaient censés être plus de deux ? Et bien, c’était la peine d’être anxieux pour rien, si c’étaient les deux seuls à s’être pointé, cela ferait ça de moins sur son dos. C’est l’heure de rencontrer leur capitaine.

“7ème siège Kiseichu Falthène, enchanté.”

Le rouquin devait se souvenir de ce qu’il avait appris auprès de Mizuki. Et de la manière de s’exprimer, il semblerait bien qu’elle le connaisse peut-être même plus que lui-même ne se connaissait. C’était une manière bien informelle de s’articuler, mais pas bien loin de ce que l’ancien capitaine, enfin, l’ancien ancien capitaine, pouvait montrer. Il fallait croire que pour assumer une telle position, il fallait une certaine dose d'excentricité.

“Des quoi ? Je suis pas, depuis quand on doit s’inquiéter des humains, et d’abyssaux ? Nope, je suis paumé, vous pouvez m’en dire les grandes lignes ?”

Falthène passait la plupart de son temps au rukongai, il ne prêtait que peu attention aux rumeurs et autres extravagances lorsqu’il retournait au seireitei, et c’était apparemment une mauvaise habitude, parce qu’il en payait les frais. Apparemment, maintenant en plus des hollows, et d’arrancars, qui était déjà une nouveauté que Falthène n’a appris que récemment, il y avait des humains avec des pouvoirs spirituels et des créatures sans masque qui ont déclaré une guerre ouverte à toutes les dimensions, dont le seireitei ?

“Sacré bordel. Si je vous suis bien, vous pensez que ces abyssaux font entrer par le rukongai ? Cela se tient, c’est l’endroit le plus facile d’accès si l’on veut rentrer dans la soul society, et en théorie le moins surveillé.”

Voilà donc pourquoi il voulait voir ses officiers, la situation était bien particulière. Une chance donc que Bai-long soit là, effectivement c’est le meilleur moment pour lancer un réseau d’information solide dans le rukongai. La situation le demandait. Quant à Falthène, il pouvait aidé oui, de part sa présence prolongé au rukongai, ses racines, et son temps en prison qui lui ont donné quand même quelques contacts peu regardant, mais doué dans leur domaine.

“Cela doit être faisable. Mon nom n’est pas très connu, mais assez pour que je puisse rencontrer quelques personnes, et aider Bai-Long à instaurer son idée. D’un point de vue très personnel, je fais également un bon coursier, peut-être pas au niveau des plus rapides d’entre nous, mais je peux couvrir beaucoup de terrain. Si l’ennemi attaque le rukongai, je pourrais en quelques minutes ou moins faire l’aller retour au Seireitei.”

Bai-Long s’attendait surtout à apprendre des choses à son capitaine en entrant dans la pièce, mais il fut finalement accueilli par un torrent d’informations. Il avait entendu les rumeurs bien sûr, mais ses tâches dans le Rukongai l’avaient tellement occupé qu’il ne disposait en fins de comptes de rien de bien précis. Il recevait donc les informations de Kyoken avec un intérêt certain.

Les arrancars ne l’inquiétaient pas outre mesure, les humains à peine plus, bien que cette fédération soit hautement inhabituelle. Pour les uns comme pour les autres, il avait peu de raison de se sentir concerné en tant que membre de la cinquième. Cela changeait cependant du tout au tout lorsque l’on parlait des abyssaux. Qui pourrait donc avoir intérêt à s’en prendre aux habitants des trois mondes ainsi ? Qui oserait, surtout, déclarer ouvertement la guerre à l’hégémonique Gotei 13 ? Tout cela ne lui inspirait rien de bon, et il n’avait franchement pas besoin de cette nouveauté, mais il lui faudrait composer avec. Quoi qu’il en pense, cela ne changeait au final pas grand chose à sa mission et à ses objectifs, comme venaient de le faire remarquer ses supérieurs.

“Au sujet de ce réseau, je pense qu’on approche de la phase finale de sa mise en place. J’ai déjà obtenu un accord avec le Vice-capitaine Mamoru de la troisième pour recevoir des rapports du fin fond du Rukongai, que ses hommes fréquentent souvent. Je les informerai de cette menace aussi. Il serait dommage qu’ils soient pris par surprise.”

Ne restait donc qu’à pérenniser la présence de la cinquième dans les nombreux quartiers à problème, chose qui ne pourrait être faite qu’en obtenant un autre partenariat, celui-ci plus ardu.

“La dernière étape si on ne veut pas avoir à recruter la moitié de la Soul Society, c’est de faire appel à la deuxième division pour former des agents capables de s’infiltrer sur le long terme. Nos gars ont déjà l’expérience du Rukongai. Si certains, triés sur le volet, apprennent à intégrer des réseaux criminels ou rebelles et à transmettre discrètement leurs rapports aux dojos les plus proches, alors on pourra réserver la majorité de nos troupes à l’intervention rapide, au lieu de les faire patrouiller jour et nuit.”

Seulement voilà, la deuxième division était discrète et compliquée à contacter, encore plus pour Bai-Long qui, compte tenu de son passif, craignait de voir sa demande être accueillie avec dédain, voire avec suspicion. Et s’il était un sentiment qu’il ne voulait pas attirer de la part de la police militaire, c’était bien la suspicion.

“A ce sujet là, capitaine, j’apprécierais que vous touchiez quelques mots à nos furtifs collègues. Ils pourront toujours refuser la requête, mais pas l’ignorer, si tant est qu’elle vient de vous.”