Bad Influence

Un dossier fut ressorti. Il n’était jamais loin, mais la responsable de la Justice avait espéré le garder à l’écart des projecteurs pendant quelques temps. Elle n’avait jamais caché son opinion sur la réhabilitation massive. Sans s’y opposer fermement, elle n’en avait pas les compétences, elle avait juré de surveiller les concernés. S’assurer qu’effectivement ils ne représentaient pas un danger pour le Seireitei. N’était-ce pas en parfaite adéquation avec ce qui lui était demandé ?
Un dossier fut ouvert. Sur la première page, une photo et un nom. Yane Yoru. De nombreux ajouts figuraient, notes comme annotations. Parmi elle, le grade actuel. Commandante en Chef du Kidōshū. De tous les anciens détenus, elle était sans nul doute le plus gradé. La façon même dont cela s’était fait était de nature à ouvrir des suspicions. Pourtant, la noble avait tendance à se dire qu’elle n’y était véritablement pour rien.
Le dossier fut parcouru. Nombreuses informations étaient présentes. Elle les connaissait déjà toutes. Ses frasques passées, jusqu’à la cause de son enfermement, comme ses compétences. Elle fut un véritable danger dont l’arrestation était entièrement justifiée, à n’en pas douter. Ceux ayant accepté sont retours avaient du penser que ces années à l’ombre l’auraient assagie. Il était maintenant évident que son apparent calme n’était pas dû à un changement de caractère, mais à un simple intérêt personnel. Ce qui faisait donc toujours d’elle un danger.
Attaché au premier, un autre dossier. Sur la première page de ce dernier, un autre nom y figurait. Hana Miwa.

La Capitaine de la Neuvième Division attendait.
Elle n’était pas dans son bureau. Ni même dans sa division. Une telle convocation pourrait transmettre un message non voulu. Celle qu’elle souhaitait voir en ce jour ne craignait normalement rien. Nulle enquête était ouverte à son sujet. Cette information, elle l’avait même donné au soldat en arrivant dans le domaine du Kidōshū. Autant ne pas envoyer les mauvais signaux.
La raison officielle était des plus simples. Un simple contact suite à son réveil d’un sommeil de six ans. Une simple mise au point, afin de s’assurer de son état, de ses capacités. Et cette tâche lui fut confiée. Rien de bien difficile donc.

En vérité, un autre point était à prendre en considération. Si les deux dossiers étaient ensemble, la raison était tout simplement l’amitié entre les deux femmes. Une façon d’en apprendre plus sur l’une. Le but n’était pas un interrogatoire. Ce dernier serait probablement immédiatement rapporté et pourrait éveiller des soupçons. Elle ne prendrait pas tel risque.
Elle tenterait de faire passer cela plus naturellement. Si cela s’avérait impossible, elle n’insisterait pas. Il n’y avait pas d’enquête, simplement une volonté de mieux la connaître. Une simple prévention. N’était-ce pas une façon de faire son travail ?

C'est sans appréhension qu'elle se dirigeait vers l'endroit où la capitaine l'attendait. On lui avait communiqué cette "invitation" avec les raisons d'une telle demande et c'était de manière naturelle qu'elle avait accepté de s'y rendre sans plus d'attente. Déjà parce que l'on ne refusait clairement une convocation d'un Capitaine - et moins encore de celle de la Neuvième division, la Justice - et aussi parce qu'elle était curieuse d'en savoir plus.

A son départ des quartiers de la Quatrième division, elle avait déjà subi une batterie de test afin de s'assurer que son corps et son esprit tiendraient le coup. Elle els avait passé avec brio mais comprenait que l'on puisse encore s'interroger la concernant. Son cas n'était pas si courant en réalité et elle avait remarqué que cela soulevait des questions. Mamoru de la Troisième division avait été aussi de ceux à venir la voir pour cela.

Son écusson de Troisième siège au bras, portant la tenue traditionnelle de sa division avec de petites touches de couleurs supplémentaires pour une légère personnalisation, elle ne portait aucun sabre à la ceinture. Si dans les autres divisions, l'on pouvait se questionner de ce manque d'armement, ici cela pouvait paraître plus logique. Sauf si l'on se souvenait qu'elle avait officié des années durant au sein de la Troisième division évidemment. Ses lunettes étaient simplement posées au dessus de son front. c'est ainsi qu'elle se présenta à la jeune femme qui officiait à la tête de la Justice du Gotei.

- Je vous présente mes respects, Tomoe-Taichō. Je suis Hana Miwa et je fais suite à votre demande de rencontre.

Elle s'était légèrement inclinée pour saluer la haute responsable et l'observait désormais avec attention. Derrière ce sourire timide, il se dégageait d'elle quelque chose de particulier, qui tranchait un peu avec les paroles "de soumission" affichée. Car ce regard, cette posture, dévoilaient une assurance sans faille. Ainsi qu'un respect évident pour la hiérarchie.

- Je vous prie de m'excuser mais je n'ai pas tout à fait compris les raisons de votre présence. Est-ce pour valider les rapports de la Quatrième division sur mon état de santé ?

Simple question innocente mais qui laissait la porte ouverte à plus.

Elle n’eut pas à attendre bien longtemps. C’était la raison pour laquelle elle avait insisté sur l’absence d’enquête. Beaucoup craindraient d’être directement convoqué par la Capitaine chargée de la Justice. Quand le but était une discussion, même si elle espérait tirer quelques informations de cette dernière, instaurer un climat adéquat était important.
Ainsi, elle préférait constater une certaine incompréhension plutôt qu’une inquiétude. La première possibilité était normale après tout et amenait généralement une curiosité. La seconde dressait d’entrée de jeu une barrière qu’il faudrait abaisser afin d’obtenir les informations.
Il s’agissait du genre de choses qu’elle avait appris avec le temps et dont il n’était pas évident de se défaire.

>> Il n’y a pas à s’excuser voyons. Surtout que je suppose que tu dois commencer à en avoir assez et avoir qu’une envie, passez à autre chose. Auquel cas, ce serait à moi de m’excuser.

Sortir d’un long coma, se remettre de ses blessures et reprendre ses fonctions. Une situation qui n’était pas si commune et qui forcément devait générer des doutes. Un doute sur les capacités, ou même l’état psychologique.
Il n’était pas évident de se remettre ainsi de telles blessures, de temps d’absence restée endormie. Nozomi était le genre à croire en l’entraînement, à la nécessité de maintenir son corps en état. Chose qui fut impossible pour son interlocutrice.
Pourtant, sa réintégration avait été validée.

>> Je n’ai cependant pas les compétences pour valider un état de santé. A partir du moment où les services du Capitaine Shunshō ont jugé que ce point ne poserait pas de soucis, je ne m’avancerai pas à prétendre en douter. Bien que je suppose qu’il y a eu insistance sur la prudence.

Être en état de servir dans les armées de la cour ne voulait pas dire être en pleine possession de ses capacités. Il était même possible que le transfert vers un corps moins axé sur les affrontements physiques puisse être en rapport avec ce fait.
Son corps ne pouvait être aussi alerte qu’avant sa blessure et trop forcer pourrait s’avérer dangereux. Elle n’avait aucun doute que la Capitaine de la Quatrième Division devait avoir accordé une importance toute particulière sur ce fait avant de la laisser sortir de l’hôpital.
Elle avait déjà eu l’occasion de directement constater cela par le passé.

>> Pour ma part, je m’interroge plus sur les conséquences autre que cela peut avoir. Si la force du corps à son importance, il est évident que l’esprit n’est nullement en reste, bien au contraire. Ne serait-ce que se réveiller et être témoin de tous les changements d’un coup plutôt que les vivre doit être une épreuve en soi.

Cette femme paraissait maîtresse d'elle même, cela se voyait à sa posture et à sa manière de parler. Miwa était une experte dans le langage non verbale. Il se dégageait de Nozomi une assurance qu'elle ne voyait pas souvent. Certes, elle était Capitaine et cela signifiait forcément beaucoup. Mais il y avait une différence entre s'en douter et le voir de ses yeux. C'était donc à cela que ressemblaient les mythiques Capitaines des Treize divisions ?

Concernant les faits, elle supposait bien évidemment. La prudence était de mise même si elle devait admettre avoir parfois ignorée les consignes de la Capitaine Shunsô. Non pas par esprit de contradiction mais la belle Hana avait constaté une perte significative de puissance depuis son éveil et elle n'appréciait que peu ce fait. Vouloir retrouver sa puissance d'antan pouvait donc paraître logique, évident même.

- En effet. Mon corps semble s'être bien remit même si je dois poursuivre aujourd'hui encore des exercices pour réapprendre à bouger comme je le faisais par le passé. Je pense avoir pratiquement récupéré toute ma motricité. Même si j'y ai perdu en force, forcément.

D'aucun aurait trouvé impudent de l'admettre, surtout face à une des Capitaines. Mais Nozomi représentait la Justice. Pour elle, il ne serait sans doute pas difficile d'avoir accès à son dossier médical et les informations qu'elle venait de dire y étaient consignées. Si elle voyait qu'elle mentait, la notion de confiance disparaitrait forcément.

Quant à la notion d'esprit, elle haussa simplement les épaules. Mamoru aussi avait soulevé ce point précis. Heureusement pour elle, si elle avait perdu en force physique, elle n'avait rien oublié de ses connaissances, ni ses souvenirs les plus anciens. Bien que certains événements de la guerre soient encore un peu flous.

- Je comprends. Il se trouve que Hinotori-Fukutaishô s'est lui aussi interrogé sur les mêmes sujets. Je suis flattée de voir à quel point les plus hauts gradés s'inquiètent pour moi. Pour être tout à fait franche, je ne saurai garantir que tout va bien à 100%. Il est vrai qu'il a été difficile d'appréhender l'ensemble de ces changements, d'appréhender les effets de ce coma sur mon environnement.

Mais finalement, le plus gros des pertes avait eu lieu avant son coma. Le traumatisme datait de cette période. Si elle n'oubliait pas, elle ne se laissait pas pour autant "bouffer" par ces événements. S'il y a une chose en laquelle elle croyait, c'était bien la toute puissance du Gotei.

- Mais j'estime que je m'en sors pas si mal pour le moment. Je n'ai rien perdu de mes acquis et mes valeurs n'ont pas changées. J'aspire à apporter mon aide au Gotei 13 et végéter plus longtemps au sein de la Quatrième division me semblait être une insulte envers mes camarades tombés au combat. Par ailleurs, j'ai la grande chance d'avoir intégrée le Kidōshū. La Commandante en chef est une ancienne camarade de l'Académie. Elle m'aide à avancer. A me structurer.

En réalité, n'était-ce pas plutôt l'inverse ? La jeune femme eut un sourire. La plus posée des deux, c'était clairement elle. Yoru était un peu fo-folle. Alors que sa Troisième siège avait clairement la tête sur les épaules.

- Je sais que je ne suis pas en mesure d'apporter beaucoup de garantie à ce sujet mais croyez-bien que je fais tout mon possible pour que ce coma ne soit pas une entrave à mes fonctions, Capitaine.

La réponse fut possiblement encore plus sincère qu’elle n’aurait pu le penser. Il était naturel de vouloir se présenter sous son meilleur jour, de ne pas vouloir admettre ses faiblesses. Parfois comme une façon de ses les cacher à soi-même. Ce fut pas le cas de la jeune femme. Les séquelles de son état, elle en était bien consciente, tout comme elle savait qu’il n’y aurait d’intérêt à faire comme si elles n’existaient pas.
Le tout était de faire en sorte que cela ne l’arrête pas. Et la suite de sa réponse semblait démontrer que cela serait bien le cas.

>> La volonté a son importance. Celle de surmonter les épreuves afin de servir en est un parfait exemple. Une volonté digne d’un soldat.

Quiconque connaissait la Capitaine saurait que ce genre de paroles avait un véritable sens pour elle. Même à son rang, elle se considérait avant tout comme une combattante au service du Seireitei, un soldat donc. Rester à végéter ne lui aurait pas convenu et, à peine capable de se tenir debout, elle aurait repris le chemin de l’entraînement afin de regagner cette force perdue.
Elle ne tolérait pas la faiblesse, encore moins la sienne que celle des autres. Ce simple échange suffisait donc à ce que son jugement premier concernant son interlocutrice fut positif. Il était certes trop tôt pour tirer des conclusions définitives, mais la première impression était bonne.
Ce qui n’était pas forcément toujours le cas avec la noble.

>> Avoir trouvé une place où se refaire est une bonne chose. Et vu ton dossier, le Kidōshū semble en effet le bon endroit. Même si, et je suis désolée de dire ça d’une camarade, j’ai du mal à imaginer la Commandante en Chef Yane structurer quelqu’un. Bien au contraire…

Le sujet était venu naturellement. Et la réponse de la Capitaine était tout autant légitime. L’excentricité de la concernée n’était après tout un secret pour personne, elle aurait de toutes façons bien du mal à la cacher. Son passé n’était pas plus un mystère, encore moins pour quelqu’un comme Nozomi et sa position au sein du Gotei 13.
Une ancienne criminelle était quelqu’un pouvant naturellement attirer la méfiance, d’autant plus de la représentante de la Justice. D’autant plus lorsque cette dernière semblait avoir un intérêt tout particulier pour les explosions., cause même de son arrestations.

>> Non pas que je remette en doute sa légitimité, tel n’est pas mon rôle. Ce n’est pas non plus la première officier du Gotei 13 à avoir sa particularité.

La précédente génération était un exemple parfait de cela, l’ancien Capitaine de la Douzième Division étant possiblement l’apothéose de ce courant. Et tous avaient prouvé leur valeur. Mais cela n’empêchait pas tout risque. S’il était naturel d’avoir à coeur son intérêt personnel, tous s’étaient montré loyaux à ceux du Seireitei lorsque cela s’était avéré nécessaire. Chose que Nozomi ne pouvait garantir au sujet de la concernée.

Digne d'un soldat. Elle appréciait ces mots, se reconnaissait dedans. Même si les doutes restaient en bordure de sa conscience. Elle avait parlé sans cacher ce qu'elle ressentait, ce qu'elle était. Trouvant inutile de mentir à la représentante de la Neuvième division. Visiblement, elle avait bien fait.

Lorsque la discussion dériva sur son amie, elle planta son regard dans celui de Nozomi. De ce qu'elle percevait, elles avaient déjà eu des sujets ensemble. Il faut dire que la Justice n'avait certainement pas oublié les conséquences des actes de l'actuelle Commandante en chef du Kidōshū. Sans doute que ses représentants n'avaient que peu appréciés de devoir la libérer si rapidement. Un millénaire qui s'était finalement terminé en moins d'un siècle, Miwa comprenait la réaction de la femme face à elle.

Et si Yoru était son amie, elle admettait qu'il y avait du vrai dans les propos de la Tomoe. Elle-même s'était disputée avec elle par le passé à ce sujet, son amie n'écoutant pas les recommandations qu'elle était pourtant venue chercher elle-même.

- Je ne peux pas vous donner tort sur le principe. Même si me concernant, son aide est la bienvenue.

Etait-ce là une des raisons qui avait poussé la jeune Capitaine à venir à elle. Possible. Mais Miwa préférait se dire que ce n'était là qu'une conséquence de leur discussion. Après tout, c'est elle qui avait amené le cas de Yane sur le tapis. Elle était toutefois une experte dans les analyses non verbales. Son regard s'accentuait.

- Je suppose qu'il est légitime que vous puissiez avoir un regard critique sur elle. Il faut dire qu'elle n'a pas été emprisonné sans raison, je le sais. Moi-même, je lui avais déconseillé à l'époque de poursuivre sur cette voie, sans penser une seule seconde qu'elle puisse tenter son expérience sans un support.

C'était sans doute cela qu'elle regrettait. Ses propres talents en Kidō aurait peut-être pu sauver des vies ce jour là. Mais son amie avait fait ça dans son coin, connaissant la désapprobation de son alliée à ce sujet.

- Vous gardez à l'oeil chaque ancien prisonnier, n'est-ce pas ? Si elle a pu devenir Commandante en chef, je présume que cela signifie qu'elle s'est quelque peu apaisée. Vous la connaissez bien, Tomoe Taichō ?

Il y avait un passif entre elle ? Là était la véritable question.