Bon voyage

La matinée aura été productive. Mizuki a pu faire les emplettes qu’elle voulait à savoir l’achat d’un bikini, un kimono dans les tons rouge-orangé rappelant un beau couché de soleil, de nouveaux accessoires pour les cheveux et un sachet en tissus joliment brodé. En se baladant dans les rues, les deux amies ont pu goûter également à quelques spécialités de restauration rapide telles que les brochettes, ramens ou mochis. A présent, il était temps de passer à la seconde partie du programme : la plage ! Faire les boutiques et manger lui avait beaucoup plu bien sûr, surtout avec un telle compagnie. Elle avait pu se faire une idée de la mode actuelle, bien loin de ce qu’il se fait au Seireitei. Toutes ces couleurs vives… Elle n’y est clairement pas habituée. Et puis ces coupes bizarres… Bon elle a déjà vu un peu dans des catalogues ce genre de chose, mais pendant très longtemps son quotidien avait été les guenilles et les variantes de gris, taupe et délavé. Forcément elle ne pouvait qu’être contente.

Néanmoins, la suite est peut être ce qu’elle attendait le plus de cette journée. L’occasion de se poser et aussi de discuter un peu « entre filles ». Les autres sont censés les rejoindre plus tard, elle ne sait pas trop quand et bien qu’elle les apprécie, elle aimerait pouvoir profiter un peu de ce tête à tête avant leur arrivée. La plage est bondée à cette époque de l’année, mais ce n’est pas grave. Mizu entraîne son amie jusqu’à un coin dégagé et place leurs serviettes de plage côte à côte. Elle s’installe sur l’une d’elle et observe sa compagne. Elle cherche principalement les similitudes avec son meilleur ami, les détails qui n’ont pas été modifiés. Bien qu’elle sourit, elle a l’air un peu mélancolique. Là maintenant, elle aimerait pouvoir le serrer dans ses bras, mais si elle se trompe, si ce n’est pas lui, elle aura bien l’air con…

« On va être bien là, qu’est ce ‘t’en dit ? »

Ayant prévu le coup, elle a déjà enfilé son maillot de bain sous ses vêtements lorsqu’elle l’a acheté. Alors elle n’a plus qu’à se déshabiller. Elle fouille ensuite dans son sac et en sort un spray flambant neuf.

« Hum… Dis, tu veux bien m’donner un coup de main ? »

Yoru n’a pas pu dire s’il fallait protéger le Gigai du soleil ou pas. De toute façon, mettre de la crème c’est aussi jouer le jeu aux yeux des vivants. D’une pierre deux coups.

Kyōken se laissait totalement mener, pour le coup. En temps normal, il jouerait les durs et voudrait essayer plein de trucs, se lancer plein de défis, partir à la découverte du monde, voir même s’embrouiller très certainement – c’était un peu une spécialité. Ouais, complètement, s’attirer des emmerdes, et s’en sortir soit en baratinant, soit en se bagarrant. C’est qu’il était assez doué pour les deux, mais là il valait mieux éviter. « Mihane » s’était éclipsée, et Yoru s’était perdue dans sa lingerie. Mizuki et « Loona » avaient donc poursuivi leur journée ensemble, la première décidant plutôt franchement du programme.

Elles s’étaient donc installées sur une plage, et il découvrit pour la première fois un sentiment nouveau : de la pudeur, qui lui faisait garder un paréo le couvrant des chevilles jusque sous les bras. Léger et aux couleurs vives saumon et orangées, il permettait au moins de sauver un peu de sa dignité en camouflant le maillot dans lequel il était tout sauf à l’aise, et ce même si le modèle choisi était lui-même très pudique. Toutefois, il donne la réplique comme il faut lorsque Mizuki le questionne.

- Ah oui oui… on est bien là. Paisible. À la fraîche. Décontractées, tout ça.

Sauf qu’il n’avait pas l’air si décontracté que ça. Pas vraiment sur son terrain, déjà. Puis il avait les yeux qui se perdaient facilement là, il avait pas vraiment l’habitude de ce type de stimuli pour dire vrai.

- Je veux bien te donner un coup de ce que tu veux, mais, heu… je dois faire quoi avec ça ?

Il secoue le flacon opaque. Qu’est-ce que c’est que ce truc, hein ? Est-ce qu’il avait manqué une information capitale ? Il tente de lire. « Écran solaire ». Bon, ça a un lien avec le soleil, super, mais il voyait pas bien le rapport avec le tube métallique en vrai.

- J’imagine que ça se boit pas...

Ajoute-t-il plus bas...

C’est mignon de le voir ainsi mal à l’aise. Mizuki sourit amusée. C’était bien son but d’en profiter pour le prendre à son propre jeu en le taquinant le plus possible. Le tenue déjà faisait son effet puisqu’il restait couvert. Cela dit, elle n’imaginait pas qu’il aurait été jusqu’à se choisir un maillot. Elle était impressionnée que son ami ait fait un tel effort. Après, s’il ne l’avait pas fait, ça aurait été suspect, donc il n’avait pas tellement le choix.

Maintenant il semble perdu avec le spray solaire en main et elle ne peut s’empêcher de pouffer de rire. Doucement, elle tapote son épaule de façon compatissante. Il n’a pas dû beaucoup se renseigner sur ce genre de détail. Normal, c’est plus le genre d’information qui intéresse les férus de plage. Et lui à part le combat et mâter les minettes, elle ne lui connaît pas beaucoup d’autres grandes passions.

« Attends, j’vais t’expliquer. Tu appuies sur le bouton là, de la crème sort, faut faire attention à ne pas viser les yeux hein. Et, bah, c’est comme un baume, faut l’étaler sur la peau quoi. Les bras, les jambes, le dos… Partout où la peau est à l’air. »

Les baumes et les onguents, ça il doit bien connaître le beau bagarreur. Elle lui sourit, s’assure qu’il a bien compris et jette un coup d’oeil sur la plage. Si elle pouvait trouver des gens qui se mettent de la crème elle aurait un bon exemple à lui montrer mais elle n’en trouve pas. Au lieu de cela elle arrête son regard sur la mer et ses vagues. C’est une vision apaisante, agréable.

« C’est beau hein ? Ça va toi, la journée correspond à ce que tu voulais ? En tout cas je suis contente de l’avoir passée avec toi. Et c’est pas fini ! »

Elle est vraiment heureuse. Voilà bien longtemps qu’elle n’avait pas eu l’occasion de juste prendre le temps de se poser à ses côtés et de ne rien faire que de profiter de sa présence. Elle ressent l’envie de lui prendre la main, le serrer dans ses bras aussi, mais sous cette fausse identité, ce serait un peu trop bizarre. Alors elle se retient. Finalement, c’est peut-être aussi l’occasion de discuter. Voyons, comment l’embarrasser…

« Alors tu disais tout à l’heure que t’as pas l’habitude d’être avec des filles pas vrai ? Et que ça te plairait de faire une sortie aux bains publics. Bah ouais, on pourra s’organiser ça si tu veux. Enfin, invite qui tu veux et puis t’auras qu’à me dire quand tu veux y aller tout ça. Perso, j’y vais toute seule en général. Mes copines sont dans d’autres divisions alors j’ai pas vraiment l’habitude de ce type de sortie non plus. »

Sa main caresse le sable et elle commence à observer les coquillages qui s’y trouvent.

Il la regarde, interrogatif. Faut appuyer sur un bouton, et pas s’en mettre dans les yeux. Déjà il s’imaginait hurlant qu’il était devenu aveugle dès le premier spray, et effectivement ça n’aurait pas été de première efficacité pour préserver sa couverture. En place, il écoute l’explication, et répète malgré lui, presque que pour lui-même, pensif :

- Partout où la peau est à l’air...

Ses yeux se figent un léger instant, comme perdus dans le vide. Avant de faire un inventaire rapide de tout ce que cela impliquait. Et à son visage, on peut deviner qu’il a l’air sans doute beaucoup plus heureux de la nouvelle que Loona aurait dû l’être normalement.

- Mais avec plai-sir ! Tu sais, si je peux rendre service moi… plaisir d’offrir, le coeur sur la main, tout ça. Tu te mets comment ? Sur le ventre, sur le dos ? Bon après faudra faire l’autre côté c’est sûr, on en aurait du mal à savoir par où commencer hein ?

C’est pas souvent qu’il avait une occasion pareille après tout. Normalement, Mizuki était du genre à lui coller des rateaux avec coup de coude dans les côtes s’il le fallait ; c’est ainsi qu’ils avaient grandi ensemble en tout cas. Alors qu’elle en vienne à lui demander aussi facilement de la badigeonner sur tout le corps… Le bikini de Mizuki le laissait forcément rêveur ! Il faudra vraiment qu’il remercie le Capitaine de la Douzième un jour, sa transformation fonctionnait mieux que prévu, même sa meilleure amie n’y voyait que du feu !

En attendant qu’elle se positionne pour mieux recevoir son « onguent », il commence à gentiment lui en appliquer sur le bras. C’est qu’il faut bien commencer par une zone un peu neutre et y aller progressivement

- Ca te fait pas trop bizarre de porter juste… « ça » ? C’est pas beaucoup de tissu quand même, non ? Enfin du coup ça fait beaucoup de peau « à l’air », on fait pas trop ça par chez nous d’habitude. Je savais pas que t’avais ce genre d’intérêt, t’as l’air vachement calée et tout.

C’est sûr, c’était pas sa spécialité à lui. Sans doute pas pour rien qu’on l’avait collé à la Cinquième Division. Dans le Rukongai, il était chez lui, mais il s’était jamais franchement intéressé au reste. Enfin, juste pour choper la moyenne dans les cours où il fallait quoi, mais ça parlait pas de crème solaire, enfin pas qu’il s’en souvienne.

- Après, oui, c’est sympa. Même si je suis pas sûre de m’habituder à porter… « ça ». Surtout devant plein de gens qu’on connaît pas. Par contre… un bain entre filles, alors ça c’est une idée que j’a-dore ! Je l’avais proposé à Yoru et tout, un bon bain entre filles, on se frotte le dos et on se passe la savonette, tout ça, tu vois bien, bah, ça renforce les liens je pense. Je crois que… je crois que je pourrais même, dans un moment comme celui-là, me permettre de me livrer sur mon existence et, qui sait, m’effondrer dans les bras d’une amie et la serrer très fort contre moi !

Les filles ça aime ça, la sensibilité, non ? C’est gagnant-gagnant cette affaire au fond !

Loona a l’air plus que ravie. Évidemment, de son point de vue ça doit être une sacrée aubaine. Et elle ne sera pas la seule à en profiter. Toutefois, ça n’a pas tout à fait la même saveur, ou le même effet que ce à quoi elle s’attendait. Certes elle a désormais ses mains qui la badigeonnent de crème. Mais elle ne peut s’empêcher de se dire que ce ne sont pas tout à fait celles de son meilleur ami. Et mine de rien, même si elle voit à travers son déguisement, elle voit une différence dans le fait d’être touchée par un gigai féminin ou par Kyoken en personne. Cela reste agréable malgré tout, et c’est certainement le meilleur cadeau qu’elle pouvait lui faire, mais une part d’elle est un peu déçue de ne pas passer ce moment avec le vrai lui. Il y aura d’autres occasions de passer du temps avec lui et elle a hâte que ces dernières arrivent. En attendant, c’est quand même lui qui est là et cette petite ombre sur le tableau ne gâchera pas son bonheur.

« Hum… ça va. J’me préoccupe pas vraiment de ce à quoi je peux ressembler alors si c’est la coutume de s’habiller comme ça pour profiter de la plage... »

Elle hausse les épaules et lui sourit.

« J’dirais pas que j’suis calée, mais la Présidente, elle parle beaucoup de bikini et de ce qu’on trouve ici, alors je me suis documentée pour avoir la chance de l’accompagner. »

Gentiment, elle lui tapote l’épaule.

« T’inquiète pas. On ne fera pas souvent des sorties comme ça. Un bain c’est encore moins de vêtements, mais y a moins de monde et puis que des filles surtout. J’comprends. Je te réconforterai, pas de soucis. »

Songeuse, elle plonge ses mains dans le sable et tout en profitant de la séance de pose de crème solaire, elle met de côté quelques coquillages qui lui semblent jolis et qu’elle compte bien ramener en souvenir.

En vrai… heureusement qu’il n’était pas composé tout à fait pareil que son corps d’origine. Ce Gigai féminin permettait aussi d’avoir une certaine distance posée. Et d’une certaine manière, se dire que ce n’était pas non plus la peau réelle de Mizuki qu’il touchait permettait de discuter naturellement. Enfin, naturellement. C’est vite dit, sans déconné, forcément ça causait de trucs dont il avait pas l’habitude et il devait pas toujours sonner super à l’aise. Mais au moins ça partait pas en propositions indécentes toutes les trente secondes, et il parvenait même à ne pas penser QUE à ça ! Prouesse.

- Elle est un peu bizarre quand même la directrice, nan ?

Tant qu’à parler d’elle, autant en profiter pour creuser un peu l’histoire.

- Elle est gentille et tout, elle m’a très bien accueilli, elle m’a même offert des chips ! Mais venir sur Terre pour acheter des sous-vêtements, c’est pas un peu bizarre quand même ? On en a bien des vêtements chez nous. Enfin, je veux dire… bon, on peut être coquettes et tout, je comprends, mais normalement on vient pas sur Terre pour faire le Konsō et tuer des Hollow et tout ? J’ai l’impression d’être un imposteur… heu… imposteuse j’veux dire, héhé. Impostrice ? Je suis pas sûre que ça se mette au féminin, c’est pour ça, hihi. Ca doit être parce que nous les filles on simule pas autant que les gars.

Un rire de nez, qu’il ne contient que trop mal. Comme un grincement narquois. En attendant ça a badigeonné la Mizuki de partout, devant, derrière, et contre toute attente il est plutôt passé rapidement sur les zones « critiques ». Même un gars comme lui pouvait trouver ça embarrassant, comme quoi… Un moment qui ne durerait plus si longtemps, mais dont ils pourraient néanmoins encore profiter quelques instants.