Un Garganta s’ouvre proche du sommet du Mont Fuji. Une silhouette rampant avec difficulté s’en extrait. Le passage entre les mondes se referme derrière elle. Le corps meurtri s’effondre totalement et s’enfonce dans la poudreuse. Même en été, la neige est toujours présente au sommet du mont. A cette haute altitude, il vaut mieux être bien couvert lorsque l’on craint le froid. Mais l’Arrancar n’est pas humaine, pour elle, c’est même une aubaine car c’est son élément, celui avec lequel elle est le plus en symbiose si l’on peut dire. Heureusement, l’oeil des vivants ordinaire ne peut pas la voir. Quant aux autres, encore faudrait-il qu’ils se trouvent ici, ce qui n’est pas le cas. S’il y a bien quelques installations en bordure du cratère, ces dernières sont trop loin de la position de l’Arrancar et l’on ne peut pas dire que l’endroit soit très fréquenté. Pas âme qui vive à des kilomètres. Asteria est donc seule, tranquille.

Enveloppée dans cette couche de neige, tout doucement elle se régénère, se repose, reprend des forces. La glace est son élément et pourtant, on jurerait la voir trembler. C’est tout simplement dû au fait que la rage l’habite et elle ressasse en boucle les derniers instants de cette bataille. Si près. Elle était si près de la mort, du néant, de l’anéantissement total. Cette pensée l’effraie et l’enrage tout à la foi. La Revenante sait combien la « vie » est fragile et ne tient qu’à un fil et que l’on a beau être un puissant Arrancar, il a nombre de dangers qui guettent dans l’univers. Une fois déjà elle a succombé à l’un d’eux. Et depuis son retour il y a six ans, elle se tenait tranquille, en sécurité entre les murs du Palais de l’Hybris. Est ce une coïncidence si, après avoir décidé d’être un peu plus active, elle s’est retrouvée en si mauvaise posture ? Elle a pris des risques et sous estimé l’adversaire. Étrangement, elle ne ressent pas de regrets à propos du fait de s’être investie. Cela lui a permis de rencontrer des personnes, de nouer quelques liens même superficiels. Et puis elle a surtout croisé le chemin d’un être hors du commun à ses yeux. Et malgré la douleur, malgré la colère, ses pensées virevoltent vers lui régulièrement.

Beaucoup de questions fusent alors dans son esprit. Si elle retournait dans le monde creux maintenant et qu’elle retournait à ses côtés, que penserait-il d’elle ? Lui qui n’aime pas les combats, désapprouverait certainement. Et puis son état lui ferait pitié. Pour rien au monde elle ne voudrait lire le mépris sur son visage. Il est hors de question qu’il la voie comme un être faible. Et même si c’est ce qu’elle est, alors il vaut mieux qu’elle ne se présente pas à lui tant qu’elle n’aura pas atteint un autre niveau de puissance.

Le regard d’argent se fixe sur les installations humaine qu’elle perçoit au loin. La Grue serre les dents et ses poings se referment sur la poudreuse qu’elle écrase entre ses doigts fins. Son regard et ses pensées sont emplies de haine.

"Tuer... Tuer... Je vais tous, les tuer !!!!"

Pour qui connaît l’Arrancar, cela ne lui ressemble pas du tout. Elle est complètement sortie de ses gonds. Toujours allongée dans la neige cependant, personne ne l’entend et elle n’a pas l’air si dangereuse. Pour l’instant. Le coeur qu’elle n’a plus crie vengeance, comme si son âme entière se reconnaissait dans cette douleur. Si elle n’avait pas l’esprit si embrumée par sa rage, elle pourrait y réfléchir et peut-être même supposer que dans son ancienne vie, celle d’humaine, elle a dû souffrir et c’est probablement ce même sentiment de vengeance qui l’a menée à se transformer en Hollow à la base. Comment et pourquoi elle avait réussi à trouver la paix, elle ne se souvient plus. Cela remonte à il y a trop longtemps, mais c’est probablement grâce à cette force qu’elle a survécu parmi les autres et évolué pour en arriver là où elle en est aujourd’hui. C’est comme si elle renouait avec sa nature primaire, accueillant en elle tous ces sentiments oubliés, s’ajoutant à ceux qui étaient venu rallumer le brasier qui sommeillait en elle.

Si elle n’avait été autant en colère, elle aurait pu verser une larme pour ce clone d’elle-même, perdu, sacrifié pour sa survie. Ce n’est qu’un clone, qu’une création comme une autre et qui a déjà été brisé dans d’autres combats plus anciens. Pourtant cette fois c’est différent. Il y a une symbolique qui l’a profondément marquée. Réellement, elle a cru que sa dernière heure était arrivée. Jamais, plus jamais elle ne veut vivre cela. Alors elle se souvient pourquoi elle a cherché à devenir plus forte lorsqu’elle n’était qu’un Hollow. Survivre et se renforcer pour ensuite leur faire payer.

« Ils vont payer pour ce qu’ils nous ont fait. »

La peur et la douleur ont disparu. Peu à peu, elle se sent ne faire qu’un avec la neige sur laquelle elle repose. L’impression ressentie est qu’elle fusionne avec les cristaux de glace. En réalité, se sont chacune de ses cellules qui se changent en un cristal aussi résistant que du diamant. Des pieds au moindre cheveu, en passant par ses ailes, elle devient semblable à l’un de ses clones. Deux nouvelles paires d’ailes poussent dans son dos aux plumes de glace aussi tranchantes qu’une lame de verre.

Tout doucement la Grue de Glace se relève. La détermination fuse dans son regard. C’est une nouvelle renaissance. Jamais elle ne s’était sentie aussi complète, transcendant sa nature grâce à cette ultime évolution. Tout à coup, un être fantomatique apparaît, lui tournant autour avant de s’immobiliser à ses côtés. Le fantôme de glace ressemble trait pour trait au clone sacrifié, prêt à se battre à ses côtés à nouveau. Une large zone octogonale délimitée par des lignes lumineuses est apparue au sol en même temps. Asteria devine que la réincarnation ne pourra pas se déplacer au-delà, mais c’est déjà très bien ainsi. Alors qu’elle esquisse un sourire satisfait, elle sent qu’un courant d’air glacial se déplace et qu’elle pourrait l’utiliser à son avantage...